Réguler équitablement les émissions GES du fret maritime pour financer la lutte contre le changement climatique



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Transcription:

Réguler équitablement les émissions GES du fret maritime pour financer la lutte contre le changement climatique En bref. Il s agit de créer un mécanisme de marché sous la forme d une taxe sur les soutes maritimes ou d un marché de permis d émissions qui permettra à la fois de maîtriser la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur et de générer des revenus publics, additionnels et prévisibles pour les politiques de lutte contre le changement climatique, notamment dans les pays les plus vulnérables. Objectif 1. ll faut réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au fret maritime. Le transport maritime représente 2,6% des émissions mondiales de GES. A titre de comparaison, un seul bateau peut émettre plus en une année qu un ensemble de petits Etats-îles. Les émissions du secteur ont doublé entre 1990 et 2007, et les estimations prévoient qu elles doublent à nouveau d ici 2050. Celles-ci représenteront 1 Gt en 2020. En revanche, elles ne sont pas couvertes par les engagements pris par les pays industrialisés au titre du Protocole de Kyoto malgré un engagement dans la Convention à travailler avec l OMI sur la réduction des émissions du maritime. En 2011, des mesures d efficacité énergétique ont été adoptées par l OMI mais permettront de réduire les émissions d 1% seulement? Objectif 2. Il faut générer des nouvelles sources de financements pour le climat dès 2013. Il est aujourd hui reconnu que les besoins des pays en développement, et notamment des plus vulnérables, pour conduire des politiques de développement sobres en carbone et résilientes, se situent dans une fourchette comprise entre 100 et 300 milliards de dollars US par an à l horizon 2020. A Copenhague puis à Cancun, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards US$ par an d ici 2020, notamment pour abonder le Fonds Vert. Pourtant, alors que les financements précoces prennent fin cette année et que les besoins d adaptation ne cessent d augmenter, les pays n ont pris aucun engagement ferme pour 2013 et n ont pas encore mobilisé des sources prévisibles de financement. Pour arriver à l objectif de 100 milliards, le rapport AGF fin 2010 conclut qu un bouquet de mécanismes de financements innovants sera nécessaire, y compris un mécanisme de marché appliqué au transport maritime. En 2011, cette proposition est montée dans l agenda politique grâce à la présidence française du G20 qui a fait des financements climat une priorité. Le rapport du FMI et de la Banque Mondiale au G20 identifie une nouvelle fois la régulation du fret maritime comme une source de financement climat, et propose également des moyens de compenser son inévitable incidence économique sur les PMA. Objectif 3. Il faut respecter les responsabilités différenciées et l équité Les négociations dans le cadre de la CCNUCC et de l OMI sur les soutes ont jusqu ici achoppé sur la réconciliation des grands principes politiques qui guident les travaux respectifs de ces deux organisations. Un mécanisme avec une couverture globale est nécessaire pour l OMI, afin d éviter d évidents problèmes de compétitivité et respecter son principe fondateur d égalité de traitement entre les pays. Mais le coût de l instrument sera répercuté sur le prix des biens importés, pénalisant les économies les plus pauvres et dépendantes de biens essentiels importés. Il est donc essentiel que le principe de responsabilités communes mais différenciées, clé de voûte des négociations climat, soit également entièrement respecté. Une forme de compensation sera donc nécessaire pour concilier ces deux principes. 1

Le mécanisme en bref. Le mécanisme régulateur et générateur de financement peut prendre la forme d une taxe à l achat du kérosène ou d un marché d échange de permis d émissions de C02. Les deux instruments sont équivalents et peuvent donner le même signalprix au carbone et la même visibilité au secteur à plus long terme. Ils diffèrent surtout sur la méthode de mise en œuvre (cf. fiche technique annexe). Le mécanisme permettrait de réduire les émissions de C02 d au moins 33% par rapport aux prévisions pour 2020 et de 5 à 10% par rapport à leur niveau actuel. Plusieurs options sont envisageables pour la compensation. La proposition la plus défendue aujourd hui consiste à créer un mécanisme de redistribution. dans le cas d une taxe, reverserait aux pays en développement (PED) le montant de la taxe prélevée, afin de compenser l impact sur les prix des biens importés par voie maritime. dans le cas d un marché de permis, une partie des permis serait distribuée aux PMA (à titre compensatoire) 1 et ensuite mis aux enchères pour générer des financements. Dans les deux cas, le montant de la compensation pour chaque pays correspondrait très exactement à la part de la contribution du pays aux flux de transport maritime. Il pourrait être recalculé chaque année pour tenir compte de l évolution des flux. Un tel mécanisme de compensation financière permettrait ainsi d éviter toute incidence économique nette sur les pays en développement tout en garantissant une couverture globale. On estime qu environ un tiers des recettes totales serait reversé en compensation aux PED. Des financements pour le Fonds Vert! Une fois les PMA et l industrie compensés, un tel système pourrait générer en sus plus de 10 milliards USD/an 2 de financements nouveaux et additionnels pour lutter contre le changement climatique au sud. Ces recettes pourraient atteindre 35 milliards à l horizon 2030. Selon les estimations effectuées, l Union Européenne contribuerait à hauteur de 3 milliards de financements climat chaque année (28,5% des émissions du secteur et donc 28,5% des recettes issues du mécanisme). Le mécanisme générerait 10 milliards/an d'ici à 2020, 35 milliards/an d'ici à 2030 pour le Fonds Vert! Cela représente une contribution française de 650 millions US$ chaque année au Fonds Vert 1 proposition de CE DELFT 2011. 2 Hypothèse de départ : base d US$25 la tonne de CO2 Un financement innovant via la secteur maritime international : pourquoi et comment? 2

Un leadership français très apprécié en 2011. En 2011, la France a soutenu la création de ce mécanisme et a permis de faire progresser les négociations internationales. En tant que président du G20, Nicolas Sarkozy a fait des financements climat taxe sur les transactions financières et régulation du transport international notamment - une priorité politique. Grâce au leadership français, le G20 a été ponctué par la publication de deux rapports d envergure sur les sources de financements pour le climat et le développement. Les rapports de Bill Gates et du FMI proposent tous les deux un régime de taxation sur le fret maritime pour générer des financements pour le développement. La France a également montré l exemple dans le cadre des négociations à l OMI en appuyant la création d un mécanisme de marché qui serait compatible avec le principe du CBDR. Enfin, la Ministre de l Environnement a été mandatée par la présidence sud-africaine à Durban pour faciliter les négociations techniques des dernières heures de la négociation à ce sujet. Si les conclusions du G20, de la CCNUCC et de l OMI restent très faibles, elles permettent au moins de maintenir la question à l agenda de ces trois enceintes de négociations. Opportunités et objectifs politiques en 2012 pour la France. En 2012, la communauté internationale doit d une part, encourager l OMI à continuer ses travaux sur les mécanismes de marché jusqu à la prochaine Assemblée Générale prévue en 2013 et d autre part, s engager politiquement à ce que les recettes du mécanisme a) compensent l impact sur les économies les plus pauvres et b) abondent le Fonds Vert. La France doit continuer à faire preuve de leadership en Europe et au-delà, notamment : à l OMI, du 23 au 28 février : à l occasion de la 63 ème réunion du MEPC qui portera sur les mécanismes de marché, la France doit appuyer fermement la création d un mécanisme de marché au plus vite, en le liant fortement à la mobilisation de financements climat. en amont des prochaines réunions du G20, la France doit appuyer la présidence mexicaine pour que le G20 soutienne le mécanisme global et envoie un signal politique fort à l OMI, à la CCNUCC et à l Afrique. en amont de la prochaine conférence des ministres africains de l environnement sur le climat, la France doit envoyer un signal politique fort aux gouvernements africains et rappeler son engagement à adresser les impacts économiques du mécanisme. à la CCNUCC, dans le cadre du programme de travail et des ateliers prévus sur les financements, la France doit faciliter des négociations informelles pour s assurer du succès du programme et saisir l opportunité d obtenir une adhésion forte des pays africains en démontrant le faible impact économique et les moyens d adresser cet impact. au sein de l Union Européenne, pour obtenir l adhésion des Etats-membres et améliorer les conclusions de l ECOFIN, notamment en ce qui concerne l utilisation des revenus. Dans le cas du schéma régional, le Commission Européenne doit proposer des moyens concrets d éviter toute incidence économique nette sur les PMA et d affecter les recettes au Fonds Vert. 3

Q&A. Comment fonctionnerait ce mécanisme? Quelle forme pour l instrument de marché? Le mécanisme régulateur et générateur de financement peut prendre la forme d une taxe à l achat du kérosène ou d un marché d échange de permis d émissions de GES. Les deux instruments sont équivalents et peuvent donner le même signal-prix au carbone. Ils diffèrent surtout sur la méthode de mise en œuvre. une taxe sur l'achat des soutes: l'option de la taxe est privilégiée par les pays en développement. La fourchette (plafond/plancher) de la taxe serait fixée jusqu'à 2030 pour donner de la visibilité au secteur (un navire a une durée de vie de 25 à 30 ans) sur ses investissements. Dans ce cas, les navires paieraient chacun plusieurs fois par an pour l'achat des soutes. Ils verseraient l'argent sur un compte bancaire spécifique et enregistreraient aussi leur consommation. Les navires qui ne sont pas en règle serait interdit d'entrer au port. un marché ETS: c'est l'option privilégiée par la France et déclinée par le FMI et les Etats-Unis. ici encore, le prix du carbone serait fixé dans une fourchette anticipée. Mécanisme plus complexe et qui exigera longtemps pour sa mise en œuvre. Comment et pourquoi fixer le prix du carbone à 25 US$/tonne CO2? L industrie maritime demande à avoir une visibilité financière sur les vingt-trente prochaines années (la durée de vie d un bateau) pour adapter ses investissements. Le prix de la taxe ou du permis augmenterait dans une fourchette plafonnée, progressive et non-révisable avant 20 ans. La mise en place d un prix plafond et d un prix plancher sont des garanties : pour les investisseurs, qui sont encouragés à faire des investissements par le prix plancher, et assurés - grâce au coût plafonné des permis/de la taxe - qu ils préserveront leur compétitivité. Pour les contributeurs et les bénéficiaires du mécanisme financier, car la fourchette permet une vrai lisibilité qui offre la garantie de financement nécessaire à des politiques d atténuation et d adaptation de long terme. Les experts se sont basés sur un prix moyen de US$ 25 par tonne de CO2 à horizon 2020 pour estimer les revenus générés. Comment évaluer l impact sur les économies les plus pauvres? Un mécanisme global affectera en premier lieu les pays en développement dépendant de l'importation de denrées alimentaires ou autres biens de 1ère nécessité (petits Etats-îles en Développement par exemple), très isolés géographiquement (Chili), etc. On sait que 85% des navires sont enregistrés dans des PED. Les études d impact (OMI, Oxfam, FMI) estiment l incidence économique sur les biens importés à 0,2%-0,3% en 2020. Cette incidence variera d un pays et d un secteur à un autre mais reste très marginal dans tous les cas. Dans le cas du Bangladesh, l analyse estime l impact à 0,19%. Dans le cas de l Afrique du Sud, à 0,14%. L impact diffère d un secteur à l autre mais augmente pour les biens alimentaires notamment. Cet impact marginal peut néanmoins représenter un coût socioéconomique élevé lorsqu il affecte une population pauvre et fortement dépendante de biens essentiels importés par voie maritime. Comment compenser l impact? Depuis 2009, une proposition - le «rebate mechanism» - permet de concilier le CBDR avec l'application globale du mécanisme. Sur les recettes générées, une partie serait reversée aux PED pour neutraliser tout impact sur leur économie (incidence calculée en fonction de leur part d'importation). Dans l'idéal, les gouvernements recevraient une compensation strictement égale à leur part d'importation. Le mécanisme est neutre et la compensation a priori sans conditions. Les auteurs du mécanisme de compensation ont utilisé les données 2007 des Nations Unies sur le commerce maritime. Le montant de la compensation a été calculé séparément pour chaque pays et 4

correspond très exactement à la part d importation par voie maritime du pays. Il serait recalculé chaque année en fonction de l évolution des flux. A quoi servirait l argent de la compensation? Pour éviter que les pays n utilisent l argent de la compensation pour subventionner les soutes, il suffit d'inclure une clause interdisant toute distorsion de la concurrence. En outre, la nature internationale du secteur dissuaderait un gouvernement qui ne saurait à qui reverser les subventions. Idéalement, l argent de la compensation serait utilisé pour financer des progrès de sécurité alimentaire ou lisser les variations de prix sur les biens essentiels. Cela restera du ressort national mais on peut envisager un système d'incitation financière à la bonne utilisation des revenus compensatoires ou un fléchage de l'argent. A quoi servirait l argent pour le climat? Une fois la compensation reversée, les recettes sont "nettes" et représentent uniquement les contributions des consommateurs des pays développés. Elles transiteraient via le Fonds Vert et seraient réallouées aux pays les plus pauvres et vulnérables. Une partie de l'argent serait réservée à la R&D du secteur maritime. On peut imaginer la création d'un Fonds pour la Technologie Maritime. Qui fait quoi? Quelle que soit l option choisie, le mécanisme serait en gestion à l OMI mais sous l'égide politique de la CCNUCC qui se chargerait aussi de centraliser/redistribuer les recettes. L'OMI serait chargé de créer le mécanisme technique, de créer le registre, de suivre les 40 000 navires, de sanctionner les mauvais payeurs, etc. Pourquoi appuyer le mécanisme sur les importations plutôt que les exportations? Les études montrent que très souvent, la hausse de prix est répercutée sur le consommateur final. Il est donc plus juste de calculer la compensation nécessaire sur la hausse de prix imposée au consommateur final d un pays pauvre que sur le producteur exportateur. En outre, les PMA et PEID sont souvent très faiblement exportateurs mais fortement importateurs. Leur part dans les exportations mondiales ne permettrait donc pas de définir l impact sur leur économie. Une étude 3 à l OMI sur les marchés du pétrole non-raffiné, des produits manufacturés, du grain et du fer a montré que l impact sur les consommateurs finaux était dix fois plus élevés que pour les producteurs. Enfin la crise financière a démontré clairement que c est la demande et l offre qui influe sur les volumes de fret maritime puisque les volumes d importations se sont effondrés. Comment les recettes seraient-elles collectées? La collecte des financements pourrait facilement être centralisée au niveau international. Le Japon et l UICN ont chacun proposé une méthode simple : chaque bateau verserait sur un compte bancaire la taxe due, en fonction de leur achat de kérosène. En cas de déficit de paiement, le navire serait interdit d entrer au port. Cette proposition fait sens car le droit maritime international s applique plus souvent aux entités qu aux pays. En revanche, politiquement, une collecte centralisée est inacceptable aux yeux de certains pays notamment les Etats-Unis. Dans le cas d'une taxe, en dernier recours, il serait possible de créer une exception américaine: une sorte collecte "pré-payée" au niveau national et acheminée ensuite au Fonds international). 3 Etude de Vivid Economics http://www.imo.org/ourwork/environment/pollutionprevention/airpollution/documents/vivideconomicsimofinalreport.pdf http://www.imo.org/ourwork/environment/pollutionprevention/airpollution/documents/vivideconomicsimofinalslides_2.pdf 5