I. PREMIERE ETAPE : LA SITUATION RELEVE-T-ELLE DU DIP? 3 II. DEUXIEME ETAPE : A QUELLE CATEGORIE JURIDIQUE APPARTIENT LE PROBLEME DE DROIT POSE?

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Fiche à jour au 15 décembre 2006 FIICHE PEDAGOGIIQUE VIIRTUELLE Diplôme : Master 1 Matière : Droit international privé Web-tuteur : Jézabel JANNOT SEANCE N 1 - PROBLEMES ET METHODES DU DIIP : SCHEMA DE RAIISONNEMENT GENERAL SOMMAIIRE I. PREMIERE ETAPE : LA SITUATION RELEVE-T-ELLE DU DIP? 3 II. DEUXIEME ETAPE : A QUELLE CATEGORIE JURIDIQUE APPARTIENT LE PROBLEME DE DROIT POSE? 3 III. TROISIEME ETAPE : QUEL EST LE JUGE COMPETENT? 4 A. EXISTE-T-IL UNE NORME INTERNATIONALE APPLICABLE? 5 B. LES REGLES DE DROIT COMMUN 7 Date de création : année universitaire 2004/05

2 IV. QUATRIEME ETAPE : QUID DE LA LOI APPLICABLE? 7 A. EXISTE-T-IL UNE LOI D APPLICATION IMMEDIATE? 8 B. EXISTE-T-IL UNE CONVENTION INTERNATIONALE APPLICABLE? 8 C. APPLICATION DES REGLES DE CONFLIT DE DROIT COMMUN 9 V. DEFINITIONS UTILES 9

3 L objet du droit international privé est de déterminer, en présence d un litige comportant des éléments d extranéité, quelles solutions doivent lui être apportées. La méthode généralement utilisée en DIP français n est pas de donner directement la solution qui tranchera le litige au fond, mais de déterminer, par le truchement de règles de conflit de juridictions et de lois, quelle sera la juridiction compétente, puis la loi matérielle applicable : il s agit de la méthode bilatérale classique. Il existe cependant de nombreuses règles matérielles de DIP, des règles unilatérales, ainsi que des règles dites d application immédiate. De même, les règles de conflit de juridictions offrent directement la solution matérielle au problème de la détermination de la juridiction compétente. Cette fiche pédagogique a pour objectif d expliquer le schéma de raisonnement général qu il convient de suivre pour résoudre un cas pratique de DIP. I. Première étape : la situation relève-t-elle du DIP? Il convient de relever tous les éléments d extranéité du litige, tels que : le domicile, la nationalité, le lien de droit, le lieu du passage de l acte, le lieu de réalisation du fait... Autrement dit, il s agit d établir tous les points de contacts entre les différents ordres juridiques en présence. C est seulement en ayant relever ces éléments que l on peut déterminer si la situation soumise présente objectivement des éléments internationaux et que par conséquent les règles du DIP s appliquent. II. Deuxième étape : à quelle catégorie juridique appartient le problème de droit posé? Il s agit ici de réaliser une qualification préalable, qui consiste à déterminer le domaine exact du litige afin de le rattacher à l une des catégories juridiques de DIP, pour pouvoir ensuite choisir la règle de conflit applicable. Cette étape est nécessaire : en DIP, tout problème juridique suppose au préalable une qualification. Depuis l arrêt Caraslanis (1955), cette qualification s opère lege fori. Concrètement, cette opération s opère en deux temps : d abord, cerner, en droit interne, le problème de droit posé ; puis déterminer à quelle

4 catégorie juridique de DIP il convient de le rattacher (statut personnel, statut réel, fond des actes, forme des actes, faits juridiques). Exemple : Mme Y vient vous consulter car elle voudrait mettre un terme à son mariage. En droit interne, il s agit d un problème de divorce. En DIP, cette question de droit doit être rattachée à la catégorie du statut personnel. III. Troisième étape : quel est le juge compétent? Cette étape consiste à résoudre un conflit de juridictions. Il appartient à chaque Etat de déterminer la compétence de ses juridictions : c est pourquoi les règles de conflit de juridictions sont traditionnellement dites unilatérales. Ainsi, si l on reprend notre exemple précédent, et que Mme Y, française, dont l époux réside en Italie, vous questionne sur le juge compétent, il conviendra d une part de vérifier la compétence du juge français selon ses propres règles de conflit ; et d autre part, d examiner l éventuelle compétence du juge italien selon les règles de conflit non plus françaises mais italiennes : en aucun cas la compétence des juridictions italiennes pourrait être fondée sur les règles françaises de conflit, et vice-versa. L affirmation selon laquelle les règles de conflit de juridictions sont unilatérales doit à ce stade être précisée : sont seules visées par cette affirmation les règles de conflit d origine interne. En revanche, celles d origine conventionnelle ou communautaire, procédant d une méthode d élaboration qui évince intrinsèquement l exigence du respect de la souveraineté des Etats, sont des règles bilatérales. Il en va ainsi, notamment, des règlements communautaires. Précisons par ailleurs que l expression «conflit de juridictions» est quelque peu trompeuse, en ce qu elle pourrait laisser croire que ne peut être recherchée sur le fondement des règles de conflit de juridictions que la compétence d une juridiction stricto sensu. En réalité, il faut retenir une acception large de cette notion, englobant, par exemple, la compétence d une autorité administrative, telle celle d un officier d état civil. Enfin, face à la question de savoir si le juge français est compétent, il convient de rappeler qu en application de l article 55 de la constitution, il faut d abord regarder si une norme internationale est applicable, et, dans la négative, se tourner vers les règles de conflit d origine interne rassemblées dans le nouveau code de procédure civile. Ce n est que subsidiairement, si ces dernières ne permettent de fonder la compétence du juge français, que pourront être alors invoqués les privilèges de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil. Cette hiérarchie doit impérativement être respectée.

5 Expliquons, pratiquement, cette hiérarchie : A. Existe-t-il une norme internationale applicable? Il faut toujours regarder s il existe une norme internationale qui serait susceptible de régler le conflit de juridiction considéré. A cet égard, vous serez fréquemment amenés à utiliser le règlement communautaire Bruxelles I (Règlement (CE) n 44 / 2001 du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 01/03/02. Ce règlement a remplacé la Convention de Bruxelles de 1968 dans tous les états membres de l union, à l exception du Danemark). Aussi paraît-il judicieux d examiner ici les conditions d application de cette norme. Conditions d application du règlement «Bruxelles I» Vous ne pouvez procéder à l application de ce règlement que si, au préalable, vous avez vérifié qu il était applicable : il s agit ici de la dissociation entre applicabilité et application. Les conditions d applicabilité de ce texte sont les suivantes : temporelle : il s agit de vérifier que votre question de droit est bien soumise, temporellement, au règlement Bruxelles I. Elle le sera si l action a été intentée ou sera intentée à une date postérieure à l entrée en vigueur de ce règlement, laquelle s est réalisée, conformément à l article 76, le 1 er mars 2002. Il ne faut donc pas vous arrêtez à la date des faits (erreur trop fréquente) de votre espèce, mais à celle où l action en justice est intentée. matérielle : il s agit de vérifier que votre litige est matériellement soumis à Bruxelles I. Ce règlement s applique à la matière civile et commerciale (article 1.1) mais votre litige doit encore ne pas figurer parmi les domaines expressément exclus, tel que, par exemple, l état et la capacité des personnes (article 1.2).Ainsi, s il s agit d un problème de divorce, Bruxelles I ne sera point applicable, l existence et la disparition du lien matrimonial touchant à l état des personnes. En revanche, les règlements Bruxelles II ou Bruxelles II bis sont susceptibles de régir votre litige. Notons que les conséquences pécuniaires du divorce, en revanche, sont matériellement soumises à Bruxelles I. et spatiale : (article 4) ceci signifie qu il faut que le défendeur soit domicilié sur le territoire d un Etat membre de l UE (et non pas que les deux parties le soient). La détermination du domicile varie selon qu il s agit d une personne morale ou physique : dans le premier cas, cette détermination se fera de manière autonome (cf. article 60) ; dans le

6 second cas est opéré un renvoi aux conceptions internes des Etats membres, ie la détermination se fera lege fori. Si dans votre espèce le défendeur n est point domicilié sur le territoire d un Etat membre, deux autres chefs de compétence peuvent encore déterminer Bruxelles I comme spatialement applicable (article 4.1) : soit que votre litige relève de l une des compétences exclusives telles que mentionnées à l article 22, soit encore qu il présente un cas de prorogation volontaire de compétence qui remplit les conditions de l article 23. Si l une des conditions fait défaut, Bruxelles I n est pas applicable, une autre norme internationale peut encore l être, à défaut il vous faut appliquer les règles de compétence internes. Si toutes les conditions d applicabilité sont réunies, le règlement s applique, selon un ordre hiérarchisé, allant des dispositions les plus spéciales au plus générales. Application hiérarchisée de Bruxelles I : Il vous faut d abord vérifier si votre espèce relève des compétences exclusives (art. 22). Dans l affirmative, il vous faut exclusivement appliquer les dispositions de cet article. Dans la négative, et seulement dans la négative, vous passez au «niveau hiérarchique» suivant : Présence d une partie protégée? assuré ( art. 8 à 14), consommateur (art. 15 à 17) ou travailleur (art. 18 à 21).Dans l affirmative, il vous faut exclusivement appliquer les dispositions de ces articles. Dans la négative, vous passez au «niveau hiérarchique» suivant : Les parties ont-elles prévu une prorogation de compétence (art 23 et 24)? Dans l affirmative, et si les conditions exigées par l article 23 sont remplies, il vous faut appliquer exclusivement les solutions prévues par ces articles. (Attention : si vous êtes en présence d une prorogation volontaire de compétence, mais qui cependant ne répondrait pas aux exigences de l article 23, vous devez alors, comme le dispose l article 4.1 du règlement, vérifier sa validité au regard cette fois des règles de conflit de droit interne). Dans la négative (ie absence de prorogation de compétence), vous passez au «niveau hiérarchique» suivant : Dès lors que votre espèce n est retenue par aucun des niveaux hiérarchiques précédents, vous devez vous référer aux compétences générales prévues par l article 2 (ie compétence de la juridiction du domicile du défendeur). Ensuite, l application de l article 5 peut vous être opportune, en ce que ce dernier ouvre des options de compétence dans certaines matières spéciales (responsabilité délictuelle, contractuelle) qui permettent d agir devant les juridictions d un Etat membre autre que celui sur le territoire duquel est domicilié le défendeur (ce qui suppose donc que vous ayez déterminé la juridiction compétente sur le fondement de l article 2 avant d examiner les options ouvertes par l article 5 : autrement dit vous ne pouvez en aucun cas envisager directement l article 5, il vous faut

7 d abord appliquer l article 2, car on ne peut naturellement pas examiner des options sans savoir au préalable ce à quoi elles dérogent, préalable trop fréquemment éludé dans les copies). Enfin, l article 6 règle les hypothèses de litispendance et connexité. Attention : rappelons que dès lors que vous avez déclaré le règlement Bruxelles I comme étant applicable, son application vous permettra forcément de déterminer la compétence d un juge, français ou étranger. Le fait que Bruxelles I, applicable à votre espèce, ne vous permette pas de fonder la compétence du juge français alors que c est ce que vous auriez souhaité, ne vous autorise pas à fonder cette dernière sur les règles du ncpc ou du c.civ, ce qui reviendrait à éluder le règlement (hiérarchie des normes). B. Les règles de droit commun Il s agit ici d appliquer les règles de compétence ordinaire, car aucune norme internationale ne s est révélée applicable à votre espèce. On applique les règles de droit commun dès lors que la jurisprudence a posé le principe de l internationalisation des règles de compétence en droit interne (Civ. 19/10/1959 PELASSA ; Civ 1 ère 30/10/1962 SCHEFFEL G.A n 37). Pour autant, il faut bien avoir à l esprit que «internationaliser» n équivaut pas à «bilatéraliser», une erreur, là encore, rencontrée trop fréquemment dans les copies. Selon le principe specialia generalibus derogant, on applique d abord les règles de compétence spéciale (ex : en matière de divorce, article 1070 ncpc), puis celles générales (articles 42-43-46 ncpc). Si le juge français n est pas compétent en vertu des règles de droit commun posées par le NCPC, il peut encore l être au titre des articles 14 et 15 Code civil : règles de compétence, exorbitantes, du juge français. Ces privilèges sont subsidiaires, ce qui signifie qu un juge ne doit pas déjà être compétent sur le fondement d une norme internationale, ou, à défaut de norme internationale, que le juge français n est pas déjà compétent au titre des règles ordinaires). IV. Quatrième étape : quid de la loi applicable? Il s agit ici de résoudre le conflit de lois.

8 Ainsi, si un juge étranger a été saisi, il conviendra de le résoudre en appliquant ses propres règles de conflit de lois. Si le juge français est compétent, il appliquera au litige la loi matérielle désignée par les règles de conflit de lois du DIP français, (lesquelles, au demeurant, peuvent être les mêmes que celles du juge étranger si les deux sont liés par une même convention internationale), et pour ce faire il suivra la trame visée infra, qui diffère quelque peu de celle susvisée pour les conflits de juridictions. Quant à la question, qui doit être à ce stade soulevée, de savoir si le juge français doit ou non appliquer d office la règle de conflits de lois : elle est résolue par le jeu du critère de la nature des droits litigieux (jurisprudence Mutuelles du Mans). Ainsi, en présence de droits indisponibles, il sera dans l obligation d appliquer la règle de conflit de lois. En présence de droits disponibles, et dans l hypothèse du silence des parties, il n en a que la faculté. Notons que les parties, dans un contentieux disponible, peuvent par ailleurs conclure, fût-ce tacitement, un accord procédural. A. Existe-t-il une loi d application immédiate? Dans l affirmative, cette loi devra alors être directement appliquée, quand bien même la catégorie à laquelle vous avez rattaché votre question de droit imposerait l application d une loi étrangère : le conflit de lois est ainsi tout simplement éludé. A défaut, l on retrouve le même cheminement que susvisé : B. Existe-t-il une convention internationale applicable? (attention : ce ne sera en principe pas la même que pour résoudre les conflits de juridiction, ie vous ne sauriez invoquer décemment, à ce stade, Bruxelles I ou Bruxelles II). Si une convention internationale a vocation à régir votre espèce, il faut en premier lieu vérifier son applicabilité. A cet égard, outre les conditions d applicabilité classiques (temporelle, matérielle, spatiale), il faut encore vérifier préalablement les trois points suivants : les parties ont-elles ratifié la convention? les parties ont-elles fait des réserves? ont-elles formulé des dispositions transitoires? Si toutes les conditions d applicabilité sont réunies, il convient d appliquer les dispositions de cette convention afin de déterminer la loi

9 matérielle qui permettra de résoudre votre litige, encore que la convention elle-même puisse contenir des règles matérielles, c est-à-dire des règles qui vont permettre de trancher votre litige directement sur le fond. A défaut, l étape de raisonnement sera la suivante : C. Application des règles de conflit de droit commun en l absence de convention, il faut alors appliquer les règles de conflit de droit commun : chacune des catégories de DIP offre sa propre solution. Ainsi, si votre litige se rattache au statut des faits juridiques, la loi matérielle applicable sera la lex loci delicti, ou la lex loci damni en cas de délit complexe ; s il se rattache au statut personnel, la loi matérielle applicable sera en général la loi nationale ; s il se rattache au statut réel, ce sera la lex rei sitae etc. A ce stade, peut être soulevée l exception d ordre public, dont le jeu viendra évincer une loi étrangère normalement applicable dès lors que le résultat auquel son application aboutit heurte l ordre public français en matière internationale, lui substituant alors sur ce point l application de la loi française. V. Définitions utiles D. Règles de conflit : c est l ensemble des règles qui régissent les conflits de loi et les conflits de juridiction Règles de conflit de juridictions : ensemble des règles d un pays applicable pour déterminer la compétence internationale des tribunaux nationaux Règles de conflit de lois : ensemble des règles qui désignent la loi applicable par le juge pour résoudre matériellement le problème de DIP E. Règle matérielle : la règle matérielle est celle qui tranche le problème de droit soumis au fond et directement : les règles de compétence internationale des tribunaux français sont des règles matérielles en ce qu elles tranchent directement le conflit de juridictions. F. Elément de rattachement : c est l élément significatif indiqué pour chaque type de situation internationale par la règle de conflit de lois (catégorie de rattachement) étapes : qualification lege fori de la situation internationale (par exemple : problème de responsabilité civile délictuelle) => catégorie de rattachement = faits juridiques

10 => élément de rattachement : lieu de survenance du dommage) G. Règle bilatérale : c est une règle qui peut désigner pour compétente : soit la loi/juridiction du for, soit une loi/juridiction étrangère (les règles de conflit de lois sont généralement bilatérales ; les règles de conflit de juridictions d origine communautaire sont même «multilatérales» ) H. Règle unilatérale : c est une règle qui ne peut désigner compétente que la loi/juridiction du for ou déclarer celle(s)-ci incompétente (cf. règles de conflit de juridictions de droit commun ou «ordinaires») I. Règle d application immédiate : c est une règle matérielle dont l application est commandée par sa finalité ou son contenu, sans considération de la règle de conflit, qui s en trouve éludée. Les lois de police sont des règles d application immédiate. J. Loi de police : catégorie particulière de règles d application immédiate = règle de droit dont l observation sur le plan international est voulue par un Etat pour sauvegarder son organisation politique, sociale et économique (Francescakis). C est une règle de droit internationalement impérative. (Règles qui en raison de leur finalité ou contenu s appliquent à toutes les situations qui se développent en France quelque soit la loi compétente. /exemples : règles du régime matrimonial + règles protectrices du consommateur du salarié) K. Ordre public : Il existe 3 figures de l ordre public, à savoir : L ensemble des «principes de justice universelle considérés dans l opinion française comme doués de valeur internationale absolue» (= formule de l arrêt Lautour, Cass. civ., 25 mai 1948 = principes que d aucuns rangent sous la bannière suggestive du droit naturel). L OP assure également la protection des fondements politiques et sociaux de la civilisation française (ex : monogamie, laïcité) = la fonction de l OP est d assurer la cohésion de la société française en y imposant le respect effectif de certaines valeurs. Il en découle que l OP est aussi le moyen de garantir l effectivité de certaines politiques législatives de direction et de protection mises en œuvre sur le territoire français. Pour résumer, l OP est donc un ensemble de principes considérés à un moment donné dans un pays donné comme des principes fondamentaux du système juridique concerné. Le contenu de l OP dépend du moment où le juge statue : c est ce que l on appelle le principe d actualité de l ordre public, corollaire nécessaire de la relativité de l OP. L ordre public en matière internationale est plus restreint que l ordre public interne, dont il constitue en quelque sorte le «noyau dur». L. Exception d ordre public : correctif exceptionnel qui permet d écarter la loi (ou jugement) étrangère applicable normalement lorsque cette loi contient des dispositions dont l application est jugée inadmissible par l autorité du for.

M. Lex loci delicti : c est la loi du lieu où est survenu le délit => élément de rattachement de la catégorie «faits juridiques». N. Lex rei sitae : loi de la situation de la chose : certains biens sont régis nécessairement par la loi de l Etat où ils sont situés, mêmes s ils appartiennent à des étrangers (par exemple : les immeubles) => élément de rattachement de la catégorie statut réel. O. Locus regit actum : formule latine inventée par les post glossateurs, selon laquelle un acte juridique est soumis aux conditions de forme édictées par la législation en vigueur dans le pays où il a été conclu => élément de rattachement de la catégorie forme des actes juridiques. 11 P. Loi du domicile : c est l élément de rattachement qui permet la localisation de la personne, qui se fonde sur le lieu dans lequel la personne a son domicile ou son principal établissement. Q. Loi nationale : c est le second élément de rattachement permettant de localiser la personne et se rattache cette fois à la nationalité de celle-ci. R. Personnalisme : courant doctrinal qui estime que le droit est un phénomène national et que par conséquent la loi nationale d un individu est celle qui lui correspond le plus : elle doit le suivre là où il se trouve. S. Universalisme : courant doctrinal dont le chef de file est Savigny et qui estime que les règles de conflit de lois doivent être uniformes pour tous les pays. T. Territorialisme : ce courant préconise les rattachements territoriaux : lieu de situation des biens lieu de l acte domicile c est le système applicable aux Etats-Unis. U. Nationalisme (ou particularisme) : pour les tenants de ce courant, les règles de conflit de lois sont des règles nationales propres à chaque pays au même titre que les institutions de droit interne.

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