Pharma 2015 le nouveau modèle www.cepton.fr Mars 2009
Cepton Pharma 2015 : le nouveau modèle commercial se met en place Moins de nouveaux médicaments, conditions de remboursement plus dures, charte de la visite médicale, plans de gestion du risque, retraits de produits, déremboursements, déficit persistant de la Sécurité Sociale, renforcement du pouvoir des centrales d achat hospitalières... L industrie pharmaceutique, on le sent bien, doit changer de modèle commercial. Mais à y regarder de plus près, on se rend vite compte que la transformation a déjà bien commencé. Identifier les «signaux faibles» Les quatre grandes mutations en cours Première mutation : la promotion auprès des prescripteurs évolue Le modèle quantitatif de la Visite Médicale a vécu (la charte est passée par là). Le temps d une approche commerciale massive et indifférenciée est fini, et les laboratoires veulent maintenant être plus précis, plus pertinents, plus diversifiés dans leurs relations avec les professionnels de santé. Aujourd hui, les équipes marketing-ventes des laboratoires commencent à introduire des critères de segmentation basés sur l attitude et les besoins du prescripteur, et non plus seulement sur son potentiel de prescription. Pour s adapter à cette évolution, des méthodes sophistiquées de ciblage sont maintenant proposées par certaines sociétés d études, qui consistent à «clusteriser» les médecins en profils-types ayant telle ou telle attitude, ou étant susceptibles de réagir positivement à telle ou telle combinaison d actions promotionnelles. Certains proposent également d incorporer davantage la connaissance terrain des délégués dans les algorithmes de ciblage. Deuxième mutation : les centres de décision se déplacent La tendance n est pas nouvelle, et elle est lourde : l avenir est aux médicaments hospitaliers, très spécialisés, touchant des populations restreintes. Aujourd hui, c est donc à l hôpital que tout se joue : en 2008, les prescriptions hospitalières génèraient 22% des ventes du marché ville, et 82% de sa croissance 1! 3 Mars 2009 - pharmaceutiques
Cepton Ingénieur diplômé de l Ecole Polytechnique, Marc- Olivier Bévierre est titulaire d un Doctorat de Chimie Organique et d un MBA de l INSEAD. Il a passé 16 ans dans l industrie pharmaceutique, occupant successivement diverses fonctions internationales et opérationnelles, allant de la Recherche à la direction de BU, en passant par des fonctions marketing et terrain. De 2004 à 2008, Il a été Directeur de la Stratégie chez Janssen-Cilag, avant de rejoindre CEPTON, où il s occupe aujourd hui de l activité Santé. Courriel: mob@cepton.net au sein de circuits de décision complexes et variables d un centre à l autre (fig 1). La pharma se met à l heure du «Key Account Management (KAM)». Cette approche, qui prône une action commerciale globale par établissement, considère que chaque établissement doit être géré par un «Responsable grands comptes», dont la mission est de satisfaire l ensemble des besoins de son client : support scientifique, formation, soutien logistique, conditions commerciales, etc Source: CEPTON Strategies Dans ce nouveau contexte, ce n est plus seulement des prescripteurs qu il faut convaincre, mais tout un ensemble d acteurs (pharmacien hospitalier, chef de pôle, COMEDIMS, acheteur de centrale, médecin référent, biologiste, etc ). Ces «nouveaux clients» ont des besoins variés et souvent nouveaux pour les visiteurs médicaux, ils agissent Fig. 1 - les circuits de décision se structurent et se complexifient. Troisième mutation, les payeurs : de la confrontation à la collaboration C est une évidence: le rapport de force favorise de plus en plus le payeur. En France tout particulièrement, celui-ci demande aujourd hui des comptes: il veut un progrès thérapeutique important, il compare impitoyablement les candidats au remboursement avec le «standard of care». Plus encore: il se soucie désormais de la rentabilité économique des produits qu il décide de rembourser. Le temps viendra-t-il où, à l instar de nos voisins anglais, c est la Caisse Régionale d Assurance-Maladie (ou maintenant l ARS) qui décidera à la place du médecin quel produit doit être prescrit, au moins dans les affections courantes (hypertension, dépression, acidité gastrique par exemple)? Les contrats d objectifs pour les gros prescripteurs, inscrits dans la LFSS de 2009, se font aujourd hui sur la base du volontariat ; mais ne préfigurent-ils pas une prise de pouvoir prochaine des autorités sur la prescription? La «protocolisation 2» massive de 4 pharmaceutiques - Mars 2009
Quelques exemples de collaborations laboratoires / payeurs Programmes d accompagnement des patients : en France, 7 programmes d accompagnement ont déjà été validés, dans les domaines de l ostéoporose, l hypertension, la sclérose en plaques et le surpoids. Dans un cas, celui de Forsteo du laboratoire Lilly, le programme proposé par le laboratoire a été un élément important dans les négociations sur le prix de remboursement du médicament : «Cette procédure est donc sensiblement différente dans son esprit de celle suivie jusqu à présent pour les autres produits. Formellement le programme est considéré par les autorités sanitaires comme un élément indissociable du produit dans l analyse de son efficacité sanitaire. Il est un argument supplémentaire pour la mise sur le marché. Son modèle économique n est pas le même, puisqu il repose sur un supplément de prix accordé par le CEPS 3.» «Satisfait ou remboursé» : au Royaume-Uni en 2007, Janssen-Cilag a obtenu la prise en charge par la NHS d un anti-cancéreux, en échange d un engagement de remboursement du traitement par le laboratoire en cas d échec. Médecine personnalisée : cette stratégie, utilisée notamment par Roche, consiste à sélectionner en amont, grâce à des diagnostics élaborés, les patients qui ont le plus de chances de répondre positivement à un traitement donné. On limite ainsi les risques d échec, donc le coût moyen du traitement pour la collectivité. la médecine de ville est-elle en marche? Et, en tant que laboratoire, comment faire face à cette lame de fond? Pour l industrie pharmaceutique, c est une question de survie: il est temps de passer d une négociation binaire où la confrontation est de mise (plus je gagne, plus tu perds) à un mode plus collaboratif, où la création de valeur pour les deux parties est l objectif commun. Objectif ambitieux, mais les enjeux sont colossaux, de même que les gains potentiels pour les deux parties. Des expériences plutôt concluantes ont déjà été tentées dans d autres pays, ainsi que l illustre l encart ci-dessus. Ces expériences sont les premiers signes d une évolution de fond : d une négociation «à somme nulle» basée uniquement sur le prix, on passe maintenant à une négociation multifactorielle, dans laquelle le laboratoire négocie le remboursement, non plus d un médicament, mais d une prestation globale de santé (un médicament + des produits ou services associés) dans un domaine thérapeutique particulier. Quatrième mutation, les patients : de la méfiance au partenariat Côté patients, à l instar des autorités, la méfiance est encore largement dominante en France. Sans être aussi claires que l IGAS qui recommande officiellement de «consacrer le principe de l interdiction de contact direct ou indirect entre laboratoires pharmaceutiques et public 4», les associations de patients «L obligation de résultat» va devenir la norme perçoivent encore les programmes d accompagnement davantage comme de l ingérence que comme un véritable soutien à leur action. Cependant, le nouveau mode de relation entre laboratoires et autorités de santé évoqué précédemment, s il se concrétise, ne pourra pas les laisser indifférents : le patient a tout à gagner d un laboratoire plus «responsable», qui au lieu de se contenter de livrer le médicament, va plus loin en s obligeant à des résultats tangibles auprès de chaque patient pris individuellement. En particulier pour les traitements médicamenteux au long cours, quand on connaît l impact positif d une bonne observance sur le résultat, comment ne pas imaginer que les associations de patients ne se lancent pas un jour dans des collaborations à long terme avec ceux qui semblent les plus légitimes à les aider dans ce domaine, les laboratoires? Il est plus que probable que ces collaborations se développeront, grâce notamment à l influence des compagnies d assurance comme Mondial Assistance, qui apparaît aujourd hui comme un pionnier dans ce domaine. Trois pistes de réflexion pour s adapter aux mutations en cours Un atout de taille : l implantation territoriale. Aucune entité, dans ce monde complexe de la Santé comme dans beaucoup de secteurs industriels, ne peut se vanter d avoir une implantation territoriale aussi complète et étendue que l industrie pharmaceutique. 5 Mars 2009 - pharmaceutiques
Cepton Les laboratoires détiennent, grâce à leur présence commerciale (délégués médicaux) et scientifique (médecins région, ARC) établie depuis de nombreuses années, à la fois une connaissance intime du monde médical, et un levier d action extrêmement puissant. C est en mettant en place des organisations moins centralisées et faisant davantage appel à «l intelligence du terrain» qu ils trouveront les clés d une adaptation nécessaire de leur approche commerciale. Trois pistes de développement paraissent aujourd hui prometteuses. 1. Affiner les stratégies de ciblage et de communication Cette formidable connaissance terrain dont disposent les laboratoires est une ressource inestimable ; elle doit se retrouver davantage dans leurs systèmes d information, et servir de base à la réflexion marketing. Autrefois basés uniquement sur le potentiel et la préférence produit, les stratégies marketing doivent désormais intégrer d autres critères plus qualitatifs 5, provenant d informations issues du terrain et d autres interlocuteurs non-prescripteurs, et représentatifs de la complexité du réseau des acteurs du monde de la santé. Les messages, autrefois standardisés, doivent eux aussi évoluer vers plus de personnalisation (fig. 2). 2. Oublier le modèle traditionnel des Business Units Courante dans d autres industries, l approche «Grands Comptes» devient de plus en plus pertinente au fur et à mesure que les circuits de décision se complexifient. Le prescripteur n est plus le seul décideur, et une approche commerciale globale est nécessaire, au niveau de l établissement, voire au-delà. Le délégué de demain, moins spécialisé sur une aire thérapeutique, opérera sur une zone de prospection plus limitée, mais ses interlocuteurs seront plus nombreux et divers. Cette évolution vers une organisation plus décentralisée cadre bien avec celle du système de santé, qui voit la montée en puissance des futures ARS. Cependant, elle remet aussi radicalement en cause le modèle actuel des Business Units, et sa mise en œuvre pose des questions difficiles : faire bouger les périmètres, revoir les lignes managériales ; former enfin les futurs «Gestionnaires Grands Comptes», dont le profil et les compétences requises sont très différents de ceux des équipes commerciales traditionnelles «VM-DR». 3. Passer du médicament au «contrat thérapeutique» Le prix de vente (et, pour les hôpitaux, la remise commerciale) et le RCP ne peuvent plus rester les seules dimensions de négociation. Source: CEPTON Strategies Fig. 2 Un exemple de segmentation prescripteur / patient, qui permet de cibler les prescripteurs en fonction de leur environnement, tout en différenciant le message en fonction de l état du patient. Dans les aires thérapeutiques complexes comme l oncologie par exemple, il est indispensable d introduire une dimension patient pour bien positionner un produit par rapport à ses concurrents. 6 pharmaceutiques - Mars 2009
Fig. 3 - L implantation d un dispositif de resynchronisation cardiaque (RC), qui augmente considérablement la qualité de vie du patient, est déjà amortie à 74% au bout de 4 ans, grâce aux économies sur les frais d hospitalisation 6. Demain, la pharmacoéconomie sera une composante essentielle du discours commercial. Source: CEPTON Strategies On le voit déjà aujourd hui : un médicament ne se vendra plus tout seul, mais associé à une multitude de services (programmes d observance, disease management, phases IV, études médico-économiques post-amm, ) et de garanties (engagement de résultats, remboursement conditionné au suivi d un protocole, ). Le cas de Forsteo, cité plus haut, en est déjà un signe annonciateur. En définitive, c est d un véritable «contrat thérapeutique» sur plusieurs années, qu il s agit. La négociation de demain entre un laboratoire et les autorités sera probablement plus complexe, mais aussi plus riche et plus profitable pour les deux parties. A une condition toutefois : l existence d un climat de confiance. Restaurer un dialogue positif et constructif avec le public et les autorités de santé est probablement un des défis les plus importants qui attendent l industrie pharmaceutique dans les années qui viennent. L avenir Les besoins de santé, on le sait, iront sans cesse croissant, et d ailleurs à l heure actuelle il n est même pas imaginable d envisager qu ils puissent un jour diminuer. L avenir des industries de santé est donc plutôt réjouissant, et probablement pour longtemps encore, même si l avenir à court terme n incite pas à l optimisme. L industrie pharmaceutique ne meurt pas : elle se transforme, et son nouveau visage est déjà bien formé. De nombreux «signaux faibles», perceptibles aujourd hui, dessinent déjà ce que sera le modèle commercial de l industrie pharmaceutique de demain. Certains diront sûrement : plus de contraintes, moins de ressources, moins d emplois, moins d innovation, etc D autres y verront au contraire une opportunité de renouvellement pour un modèle aujourd hui vieillissant. Les négociations laboratoire-ceps deviennent multifactorielles A l heure des remises en question il est peut-être temps pour la pharma de se tourner davantage vers l extérieur. De nombreuses autres industries sont déjà passées par les mêmes bouleversements, et elles ont trouvé des solutions. Mieux contrôler ses coûts, apprendre à gérer des clients qui s organisent et durcissent leurs conditions, faire face à des réglementations de plus en plus contraignantes: tout cela n a rien de nouveau. Pourra-t-on encore longtemps ignorer des modes de travail et d organisation qui ont déjà largement fait leurs preuves ailleurs, sous prétexte que «la santé, c est différent»? Dans l histoire d une industrie, les mutations profondes qui conduisent à un changement complet de modèle économique ne sont pas fréquentes. Ce sont souvent des périodes difficiles à gérer car les repères disparaissent, et ce qui a fonctionné autrefois n est plus valable aujourd hui. Cependant, ces périodes sont aussi l occasion de redistribuer les cartes, et ce qui se passe aujourd hui dans notre environnement offre aux laboratoires des opportunités qui ne se représenteront pas souvent. n Marc-Olivier Bévierre (1) Sell-in Gers (2) L introduction de «référentiels de prescription», proposée par la HAS. (3) G. Duhamel, E. Grass et Aquilino Morelle, IGAS : «Encadrement des programmes d accompagnement des patients associé à un traitement médicamenteux, financé par les entreprises pharmaceutiques», décembre 2007. (4) Voir réf. précédente. (5) Attitude vis à vis de la nouveauté, pouvoir de décision, pouvoir d influence, préférence pour tel ou tel élément du mix marketing, appartenance à un réseau de soins, etc (6) Nutzen Durch Innovation, CEPTON Strategies, 2007. D après Banz, K. (2005) Cardiac Resynchronizaton Therapy in Heart Failure A model to assess the economic value of this new medical technology Value Health 8:128-39. 7 Mars 2009 - pharmaceutiques