MONSIEUR FRANÇOIS PASSAQUIN Maire de Morzine Hôtel de Ville Place de l'eglise 74 110 MORZINE Monsieur le Maire, Par lettre citée en référence, j'ai porté à votre connaissance les observations provisoires de la chambre régionale des comptes concernant la gestion de la commune de Morzine au cours des exercices 1989 à 1998. Certaines de ces observations ont également été adressées à votre prédécesseur, ainsi qu'à une personne nominativement mise en cause, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue par la loi. Après avoir pris acte de la réponse conjointe de MM. BAUD et RICHARD du 30 mars 2001, la chambre a arrêté ses observations sous leur forme définitive. Elles font l'objet du document cijoint. En application de l'article L.241-11 du code des juridictions financières, ces observations définitives devront être communiquées à votre assemblée délibérante, dès sa plus proche réunion. Elles devront donc faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de celle-ci et être jointes à la convocation adressée à chacun de ses membres. Le texte de ces observations devenant communicable dès cette réunion à toute personne qui en ferait la demande, conformément à l'article R.241-17 du même code, la chambre vous serait obligée de bien vouloir lui indiquer à quelle date ladite réunion aura eu lieu. En application de l'article R.241-23 du code des juridictions financières, une copie de ces observations est, en outre, communiquée au préfet et au trésorier-payeur général de Haute- Savoie. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Maire, l'expression de ma considération la plus distinguée. Le Doyen des Présidents de section exerçant par intérim les fonctions de Président de la Chambre
Raymond MELKA OBSERVATIONS DEFINITIVES COMMUNE DE MORZINE (Département de La Haute-Savoie) Exercices 1989 à 1998 La chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail, au contrôle des comptes 1989 à 1998 de la commune de Morzine et à l'examen de la gestion de la collectivité pour la même période, prolongé sur les exercices les plus récents en fonction des informations recueillies. L'entretien préalable prévu par l'article L.241-7 du code des juridictions financières a eu lieu le 30 novembre 2000 avec le maire, M. Claudius BAUD, et le 1er décembre 2000 avec M. Francis RICHARD, maire en fonctions de 1989 à 1995. Lors de sa séance du 12 décembre 2000, la chambre a formulé des observations provisoires qui ont été adressées le 2 février 2001 au maire ainsi que, pour celles les concernant, à M. Francis RICHARD, ancien maire, et à M. le Président de la société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine-Avoriaz. Après avoir examiné les réponses écrites, la chambre, lors de sa séance du 9 mai 2001, a arrêté les observations définitives reproduites ci-après. Celles-ci portent plus particulièrement sur les points suivants : - L'activité courante - La dette et l'investissement - Le rôle du groupe Pierre et Vacances. Située en Haute-Savoie dans la vallée de la Dranse, à mi-chemin entre le Mont-Blanc et le lac Léman, la commune de Morzine est une station de sports d'hiver, qui compte près de 3 000 habitants et peut en accueillir 37 000. Elle comprend quatre sites : Nyon (2 000 m) et Pleney (1 500 m), exploités par la SA du téléphérique du Pleney ; Super Morzine (1 100 m) et Avoriaz (1 800 m), exploités par la société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine-Avoriaz (SERMA) ; ces deux exploitants sont des sociétés privées. 1 - L'ACTIVITE COURANTE La commune et ses budgets annexes présentent des comptes financièrement équilibrés. Le produit de la fiscalité locale évolue de 31,6 MF en 1995 à 36,7 MF en 1999, sans augmentation
excessive des taux. Pour prendre l'exemple de la taxe professionnelle, qui représente 40 % du produit fiscal, son taux passe sur la même période de 11,48 % à 12,56 %. Les subventions représentent un quart des dépenses de fonctionnement ; la commune mise sur l'effet de levier du secteur associatif. La plus forte subvention, après les offices du tourisme, est versée au club des sports de glace (0,85 MF en 1998). Cependant, le compte rendu annuel remis par cette association est insuffisant : les tableaux financiers sont très sommaires, ils s'articulent mal suivant les trois activités (structure centrale, patinage artistique-danse, hockey) et ne permettent pas de rapprocher prévisions et réalisations. Aucun document ne présente l'activité de l'association, ses réalisations, la fréquentation, les résultats... La commune est en droit d'exiger, en contrepartie de la subvention importante qu'elle verse au club des sports de glace, un rapport annuel comptable et moral, complet et suffisamment détaillé pour lui permettre d'apprécier l'utilisation des aides financières versées et, le cas échéant, de conditionner et de moduler son aide future. Il serait souhaitable, à cet égard, qu'une convention définissant les objectifs poursuivis par le club des sports de glace avec le concours de la commune ainsi que les obligations respectives des parties soit établie. La Chambre prend acte qu'à l'avenir un compte rendu permettant d'apprécier l'utilisation des aides financières versées sera exigé des bénéficiaires de subventions. 2 - LA DETTE ET L'INVESTISSEMENT La tendance de l'encours de la dette est favorable : de 250 MF à la fin 1994, il passe à 205 MF au 31 décembre 1999. A cette dernière date, l'endettement représente 2,1 fois les recettes de fonctionnement, ce qui est acceptable. Les dépenses d'investissement sont restées modérées ; les principaux programmes réalisés au cours de la période précitée sont les suivants : Le compte de gestion du comptable fait apparaître au 31 décembre 1998 une dette totale de 191,2 MF pour le seul compte principal ; or l'état de la dette annexé au compte administratif ne
détaille à cette date que 180,2 MF d'emprunts. Selon l'ordonnateur, les causes des différences sont de trois sortes : les échéances variables empêchent de connaître le montant exact remboursé lors du mandatement ; des emprunts figurent à tort sur l'état de la dette, introduits en phase de mise au point ils ne pourraient plus ensuite être annulés ; d'autres, enfin, devraient y figurer mais le prêteur n'est pas un établissement financier. La Chambre souligne que des régularisations peuvent et doivent être opérées sur tous ces points ; le suivi de la dette constitue un principe de base d'une bonne gestion. 3 - LE ROLE DU GROUPE PIERRE ET VACANCES Le groupe Pierre et Vacances garde aujourd'hui quelques liens de partenariat avec la commune. Il possède en propre deux hôtels à Avoriaz ; une participation de près de 25 % dans la société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine-Avoriaz (SERMA), exploitant de Super Morzine et Avoriaz ; et une participation de 100 % dans la Société d'investissement Pierre et Vacances (SIPV), qui a reçu mandat d'exploiter quelques équipements collectifs. Dans le passé, le groupe fut un partenaire autrement plus présent. Il possédait, jusqu'en septembre 1997, la totalité de la SERMA qui détenait plus de 32 % de la SEM Pointe de Nyon, exploitant du massif de Nyon jusqu'à la fin de 1999, époque où la SEM a transféré ses activités à la SA du téléphérique du Pleney, société privée à laquelle le groupe est totalement étranger. Mais, surtout, le groupe a été le partenaire unique de la commune pour l'aménagement d'avoriaz : dès le début de l'opération, au début des années 60, la SICA, Société Immobilière de Construction d'avoriaz, filiale à 100 % du groupe, a été chargée par la commune d'aménager la station touristique ; en mai 1985 cette société a été absorbée par la SAMA (Société d'aménagement de Morzine Avoriaz), dont l'objet était le même et qui était également une filiale à 100 % du groupe. Chargée en juin 1993, conjointement avec la SERMA, de la dernière tranche d'aménagement, elle a disparu en 1995. 3-1 - L'AMÉNAGEMENT DE LA STATION D'AVORIAZ 3-1-1 - Première tranche Les conventions du 28 décembre 1962 et du 28 mai 1963 cédaient à la SICA des terrains d'une superficie de 82 ha, la société s'engageant à édifier sur ceux-ci une station touristique et à rétrocéder à la commune, à l'achèvement de l'opération, les équipements collectifs dont l'emprise était estimée à 22 ha. Le prix demandé, soit 5 centimes le m² hors équipements collectifs, tenait compte de la valeur objective du terrain, un simple alpage, et de l'absence d'accès, ainsi que de l'engagement de l'aménageur à créer, outre la station, l'intégralité de son infrastructure.
La surface constructible maximale était de 209 400 m², comme précisé par l'avenant du 25 septembre 1978. L'avenant du 14 juin 1993 a opéré la réception de cette première tranche d'aménagement et constaté la rétrocession gratuite à la commune des 22 ha d'équipements collectifs. 3-1-2 - Deuxième tranche Ce même avenant constatait au profit de l'aménageur (la SAMA et la SERMA conjointement) un reliquat de surface à construire de 12 240 m² qui, semble-t-il, résultait de la modification de la définition légale de la SHON 1 (article R.112.2 du code de l'urbanisme). La clause était ainsi rédigée : "la constructibilité résiduelle à la signature de la présente convention (telle qu'elle résulte de l'article R.112-2 du code de l'urbanisme et du rapport de M. MOUTHON géomètre), affectée à l'habitation aux hôtels et aux commerces, restant à réaliser par l'aménageur, sur les terrains dont il est propriétaire (...) est de 12 240 m² SHON". Cette allocation supplémentaire de surface constructible était conditionnée par la révision du POS et l'obtention de permis de construire. En contrepartie de cet avantage, l'aménageur devait réaliser un apport en capital de 15 MF à la SEM Pointe de Nyon, dans laquelle son groupe détenait déjà une participation. Cet apport participait à une restructuration d'envergure de la SEM dont le capital était augmenté de 43 MF. Outre les 15 MF apportés par le groupe Pierre et Vacances, la commune apportait 28 MF, dont 20 MF en nature, en transférant à la SEM la propriété d'installations jusque là simplement mises à disposition et 8 MF en numéraire, par abandon de créance. Ainsi les deux actionnaires de la SEM ont-ils contribué à l'augmentation du capital dans la proportion qu'ils détenaient déjà, préservant leurs droits (et responsabilités) respectifs dans cette société. Cette restructuration n'a eu d'autre d'effet que d'absorber les pertes passées (situation nette négative en 1993-1994 de 7,5 MF) et futures de la société (déficits depuis 1994-1995 jusqu'en 1998-1999 : 17 MF) ; ainsi, au moment de la cessation d'activité de la SEM (cf. observation 3.2.1), il ne restait qu'environ 18 MF sur les 43 MF d'apports. L'opération n'a fait par ailleurs l'objet d'aucune information, ni de la part de la SEM elle-même dont l'annexe des comptes annuels 1994-1995 est muette sur l'augmentation de capital de 43 MF, ni de la part de la commune, qui se borne à présenter dans son compte administratif 1994 sur une simple page le flux de 28 MF sans fournir aucun détail sur la consistance des apports et le motif de l'opération. Il aurait dû également être précisé que l'apport de 15 MF du groupe Pierre et Vacances à la SEM
était un apport en capital ; à ce titre, au moment de la cessation d'activité, il revient à l'apporteur sa part dans la situation nette, soit près de 6 MF. Or, il n'est spécifié, ni dans l'avenant du 14 juin 1993, ni dans un autre document que l'aide de 15 MF n'est pas à fonds perdus. L'aspect juridique de l'opération est non moins critiquable, l'avenant du 14 juin 1993, qui institue un échange entre un complément de constructibilité et un apport en capital dans une société où la commune est co-actionnaire, n'entre dans aucun schéma classique ; il n'y a pas transfert de propriété, le sol appartient toujours à l'aménageur et la nouvelle surface est virtuelle puisqu'elle ne résulterait que d'un changement de méthode de calcul. Or, bien que la commune ne se dépouille d'aucun bien, elle suscite de son partenaire un nouvel apport à la SEM. L'alternative suivante résume la transaction : soit la commune est étrangère au recalcul de la surface constructible, qui n'est qu'une question d'interprétation des textes, et alors elle n'a aucune contrepartie à exiger du groupe aménageur ; soit la commune a agi pour que soit régularisée la surface constructible attachée à la parcelle depuis longtemps cédée, et, dans ce cas, elle semble être sortie de son rôle. Par ailleurs, pour la mise en ouvre de l'apport de 15 MF, l'avenant du 14 juin 1993 avait prévu la création de la société SEM Fingest. Cette société écran, dont l'intervention n'aurait fait qu'opacifier l'opération, n'a cependant jamais vu le jour. En outre, le POS de la commune, approuvé le 22 novembre 1984 et modifié à six reprises, pour la dernière fois le 19 mai 1999, ne fait pas référence à la deuxième tranche d'aménagement d'avoriaz. Enfin, les dispositions de l'article L.2241-1 du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles le bilan des acquisitions et cessions opérées sur le territoire d'une commune de 2 000 habitants par celle-ci, ou par une personne publique ou privée agissant dans le cadre d'une convention avec cette commune, donne lieu chaque année à une délibération du conseil municipal et doit être annexé au compte administratif, ne sont pas appliquées, seule une liste des acquisitions et des aliénations foncières étant jointe à ce compte. Dans le cas de l'opération en cause, son caractère exceptionnel justifiait d'autant plus une information précise des élus et des habitants. 3-1-3 - La mise à disposition d'équipements collectifs La SIPV, filiale à 100 % du groupe Pierre et Vacances, est le seul partenaire de l'aménagement de la station d'avoriaz qui demeure aujourd'hui. La SIPV verse à la commune des redevances d'usage, sous la forme de remboursements d'annuités, pour des équipements mis à sa disposition par la collectivité, en application de conventions. Ainsi, une convention de mise à disposition d'équipements d'adduction d'eau court jusqu'en 2003 ; des conventions portant sur une station d'épuration et de filtration, expirant en
2010, ont également été passées, ainsi qu'une convention portant sur des aménagements paysagers, dont le terme est l'année 2003... La chambre s'étonne que des équipements susceptibles d'être exploités et de générer un revenu, à l'exemple des premiers cités, ne donnent pas lieu à une redevance d'exploitation, à l'instar des installations mises à la disposition d'un exploitant du domaine skiable communal. En revanche, pour les équipements improductifs, tel le dernier cité, l'accord conclu peut se justifier. 3-2 - L'EXPLOITATION DU DOMAINE SKIABLE 3-2-1 - La SEM Pointe de Nyon et la SA du téléphérique du Pleney La SEM Pointe de Nyon avait pour actionnaires la commune, à hauteur de 67,5 % du capital, et la SERMA, dont la participation était de 32,5 %. Cette société a présenté un déficit chronique, de telle sorte que sa situation nette était de 17,8 MF seulement en 1999 au moment de la cessation de son activité, malgré la restructuration de 1994 qui s'est traduite par 43 MF d'apports nouveaux. A la fin de 1999, il a été décidé de mettre fin à l'activité de cette société. Tous ses actifs ont été transférés à la SA du téléphérique du Pleney, société totalement privée, désormais exploitant des massifs du Pleney et de Nyon et sans lien de participation avec le groupe Pierre et Vacances. Le bilan de l'exploitation de la SEM de Nyon peut se résumer ainsi pour la commune : cette dernière a apporté à la société des capitaux pour un montant de 31,7 MF ; la vente des actifs de la SEM devrait rapporter à la collectivité 12 MF environ, correspondant à sa part dans la situation nette finale, si du moins la valeur du patrimoine n'est pas surestimée. La mauvaise gestion de la SEM Pointe de Nyon aura donc coûté à la commune près de 20 MF. 3-2-2 - La SERMA Cette société exploite les sites de Super Morzine et d'avoriaz depuis 1993 ; elle appartenait à 100 % au groupe Pierre et Vacances jusqu'en 1997 et à près de 25 % depuis. Sa majorité est détenue désormais par la Société Financière de Val d'isère (SOFIVAL). Outre les deux sites de Morzine, la SERMA exploite la station de Montriond. Son activité est florissante, son effectif est de 250 personnes, son chiffre d'affaires d'environ 140 MF et ses
derniers résultats courants avant impôt sont les suivants : En conclusion, le groupe Pierre et Vacances, après avoir été le partenaire exclusif de la municipalité pour l'aménagement d'avoriaz et avoir contrôlé l'exploitation du domaine skiable à 100 % sur deux sites et à 32 % sur un autre site, parmi les quatre sites que compte la station, s'est aujourd'hui très nettement démarqué de la commune. L'aménagement d'avoriaz achevé, il gère quelques équipements collectifs et ne contrôle plus l'exploitation du domaine skiable qu'à 25 % environ sur deux sites. 1 surface hors oeuvre nette