REJB 2001-26641 Texte intégral Cour du Québec (Chambre civile) CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT de Montréal 500-02-071589-985. DATE : 18 juin 2001



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REJB 2001-26641 Texte intégral Cour du Québec (Chambre civile) CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT de Montréal 500-02-071589-985 DATE : 18 juin 2001 EN PRÉSENCE DE : Paule Lafontaine, J.C.Q. Jean-Guy Bernier Partie requérante c. Le sous-ministre du Revenu du Québec Partie intimée Lafontaine J.C.Q.: 1 Le requérant se pourvoit à l'encontre du nouvel avis de cotisation émis par l'intimé le 2 mai 1997, pour l'année d'imposition 1994. 2 L'intimé, en vertu de la Loi sur les impôts 1, a ajouté à son revenu pour l'année 1994, le montant du remboursement de ses contributions politiques par son employeur, les considérant comme un avantage additionnel dont il aurait bénéficié dans le cadre de son emploi chez Poulin, Thériault Inc.. 3 Il y eut enquête commune avec le dossier de cette Cour portant le numéro 500-02-071588-987, qui concerne la compagnie Tecsult Inc. dont Poulin, Thériault Inc. est l'une des filiales. Pour les mêmes motifs, Tecsult Inc. s'est vue imposer, réclamer des droits payables, des intérêts et pénalités en vertu de certaines lois 2, pour les sommes qu'elle aurait remboursées à ses employés pour leurs contributions politiques effectuées au cours des années 1993 à 1996 et qu'elle aurait omis d'inclure dans le calcul de la rémunération totale versée à l'ensemble de ses employés à cette époque. 4 Il y a admission des parties quant au quantum en jeu et dépôt de consentement de pièces. Prétentions des Parties 5 Le requérant soumet qu'au cours de la période concernée (1994), son employeur encourageait tous les employés à effectuer des contributions politiques dans le but de maintenir le niveau d'activités de l'entreprise et d'obtenir de nouveaux contrats des différents paliers de gouvernement. Ces derniers étaient remboursés par l'employeur sur présentation des pièces justificatives. 6 N'ayant pas réclamé de crédit d'impôt pour ses contributions politiques, tel que permis en vertu de l'article 776 de la Loi sur les impôts, le requérant plaide que le remboursement de ses contributions ne devrait pas être ajouté à son revenu, ni considéré comme un avantage additionnel 1. L.R.Q., c. I-3 2. Loi sur les Normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1; Loi sur la Régie des rentes du Québec, L.R.Q., C. r-9; Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, L.R.Q., c. R-5 Page 1

tiré de son emploi pour l'année 1994. 7 Il prétend en effet que le remboursement ne constitue pas un avantage imposable étant donné qu'il n'en a personnellement retiré aucun bénéfice quel qu'il soit. Sa situation au sein de l'entreprise n'a nullement été modifiée, sa rémunération n'a pas changé, il n'a bénéficié d'aucune promotion et la nature de ses services est demeurée la même. Il ajoute que la dépense en était une d'affaires pour son employeur. 8 Selon le requérant, la cotisation est arbitraire, nulle et invalide, l'intimé n'ayant pas indiqué au nouvel avis de cotisation sur quelles dispositions il se fondait pour ajouter ces sommes à son revenu. 9 L'intimé, au contraire, prétend que le remboursement constitue un avantage conféré par son employeur et qu'en vertu de l'article 37 de la Loi sur les impôts, le requérant devait l'inclure dans le calcul de son revenu pour l'année 1994, l'ayant déboursé en raison de son emploi. 10 Quant aux intérêts réclamés, ils seraient calculés conformément aux articles 1037 de la Loi sur les impôts et 28 et 32 de la Loi sur le ministère du revenu 3. 11 Concernant les conclusions suivantes apparaissant aux procédures d'appel du requérant, savoir: D'ORDONNER au greffier de la Cour de rembourser au Requérant tous les frais versés lors de la production de sa requête en appel; et DE RENDRE toute autre ordonnance que cette Honorable Cour estime juste et équitable de rendre., elles seraient, selon l'intimé, #ultra vires# des pouvoirs de cette Cour en raison de l'article 93.1.21 de la Loi sur le ministère du revenu précité. La Preuve 12 Deux témoins ont été entendus en l'instance, Monsieur Guy Founier, président de la compagnie mère Tecsult Inc., et le requérant. 13 Monsieur Fournier explique que Tecsult Inc. oeuvre dans plusieurs domaines d'activités dont celui de l'ingénierie forestière, au Québec et ailleurs, et même au niveau international. Au cours des années 1993-1996, celle-ci encourageait ses employés à effectuer des contributions politiques dans le but #de maintenir sa position sur le marché#, de préserver ses contrats existants et de demeurer une candidate concurrentielle auprès des différents gouvernements pour l'octroi de nouveaux contrats. 14 Monsieur Fournier précise que sur l'ensemble des revenus annuels de l'entreprise (environ 70 millions $) (pièce R-1), 60 à 65% proviennent précisément de contrats obtenus des différents paliers de gouvernements tant fédéral, provincial que municipal. Il prétend également que c'est grâce aux contributions politiques des employés qu'elle peut ainsi maintenir cette position, ces contributions lui permettant en effet d'entretenir de bonnes relations avec les donneurs de contrats. 15 Il déclare que le remboursement n'a lieu que sur présentation des pièces justificatives de l'employé (pièces R-2), soit un chèque tiré par ce dernier ou un reçu émis à son nom par le parti auquel fut versée la contribution. Il ajoute que les employés sont libres d'en faire et que s'ils en font, cela ne change en rien leur statut ou leur charge de travail au sein de l'entreprise, ni ne leur procure quelqu'avantage que ce soit. 16 Monsieur Bernier, responsable des activités de l'entreprise en Afrique centrale, a effectué des contributions politiques en 1994, l'une au montant de 3 000$ au Parti québécois, et l'autre au 3. L.R.Q., c. M-31 Page 2

montant de 2 000$ au Parti libéral du Québec (pièces R-2). Il précise n'être militant ni de l'un ni de l'autre parti politique auquel il a fait une contribution en 1994. Il les a faites à la demande de ses supérieurs et il fut entièrement remboursé. Il n'a obtenu aucune promotion ni bénéficié d'aucune augmentation de salaire, seul le remboursement lui ayant été versé par son employeur. Décision 17 L'article 37 de la Loi sur les impôts sur laquelle se fonde principalement l'intimé prévoit: 37. Les montants qu'un particulier doit inclure dans le calcul de son revenu comprennent la valeur de la pension, du logement et des autres avantages que le particulier reçoit ou dont il bénéficie en raison ou à l'occasion de sa charge ou de son emploi ainsi que les allocations qu'il reçoit, y compris les montants qu'il reçoit et dont il n'a pas à justifier l'utilisation, pour frais personnels ou de subsistance ou pour toute autre fin. (Mes soulignements) 18 D'entrée en jeu, l'intimé admet que les montants remboursés par l'employeur pour les contributions politiques effectuées par ses employés, dont Monsieur Bernier, ne constituent pas des #allocations# au sens de cette disposition. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de se pencher plus avant sur les arguments du requérant à cet égard. 19 Reste à déterminer s'il s'agit #d'avantage imposable# devant être inclus dans le revenu de l'employé et compris dans la rémunération totale que l'entreprise a versée à l'ensemble de ses employés pour l'année d'imposition en cause (1994). 20 Selon le requérant, le remboursement de ses contributions politiques constituerait un #avantage imposable# en vertu de la loi, uniquement s'il en retirait quelque bénéfice personnel. Or tel n'est pas le cas. En effet, prétend-il, selon les témoignages entendus et non contredits, il ressort que les contributions ont eu lieu à la demande expresse de l'employeur, dans le seul et unique but de maintenir concurrentielle sa position au sein des autres entreprises oeuvrant dans les mêmes sphères d'activités, et également de lui permettre d'obtenir l'octroi de nouveaux contrats gouvernementaux. Dans ces circonstances, l'employeur est en fait le seul à bénéficier des contributions politiques versées par certains de ses employés. 21 Il importe de préciser que les employés, en leur qualité d'électeurs, peuvent, en vertu de la Loi électorale, verser une contribution. L'article 1 détermine en effet les qualités d'électeur: Possède la qualité d'électeur, toute personne qui: 1º a 18 ans accomplis; 2º est de citoyenneté canadienne; 3º est domiciliée au Québec depuis (...); 4º n'est pas en curatelle; 5º n'est pas privé, (...) de ses droits électoraux; (...). Seuls des individus rencontrant ces exigences ont cette qualité. Quant à l'article 87 de cette loi, il édicte: Seul un électeur peut verser une contribution, (Mon soulignement) et l'article 90 prévoit: Page 3

Toute contribution doit être versée par l'électeur lui-même et à même ses propres biens. (Mes soulignements) 22 Dans la cause de Burton 4, se référant à des décisions rendues entre autres par la Cour fédérale d'appel, mon collègue le juge A. Cloutier, écrit: Tel que le mentionnait le juge Archambault dans l'arrêt Dionne, le fait qu'une dépense soit remboursée à un employé n'est pas déterminant du caractère imposable du remboursement; ce qui est déterminant, c'est le fait que tel remboursement procure un avantage à l'employé. Et l'on conclura à l'existence d'un tel avantage, si le but du paiement et l'effet obtenu améliorent la situation économique de l'employé. (...) (Mes soulignements) 23 C'est en ce sens qu'avait conclu l'honorable juge Dickson de la Cour suprême du Canada, dans la cause Savage 5. De même, dans la cause Guay 6, le juge Décary de la Cour fédérale d'appel écrit: Pour déterminer si un remboursement constitue un avantage au sens de l'alinéa 6(1)a) (lire de la loi fédérale), il faut vérifier si la valeur nette du patrimoine du requérant s'est accrue à la suite du paiement ou si, plutôt, ce paiement a simplement replacé le contribuable dans la situation dans laquelle il se serait trouvé n'eût été des dépenses engagées en raison des exigences de l'emploi. (Mes soulignements) 24 Dans la cause Dionne 7, l'honorable juge Archambault affirme: Pour déterminer si un remboursement constitue un #avantage# visé par l'alinéa 6(1)a), je crois qu'il est nécessaire de s'interroger si le remboursement vise plutôt à réparer un préjudice subi par l'employé en raison de l'emploi. Si tel est le cas, on ne peut pas soutenir à bon droit qu'un employeur avantage un employé. En réparation d'un préjudice subi par un employé, l'employeur ne fait que le rétablir dans la situation où il se trouvait avant qu'il n'ait subi ce préjudice. Si on aborde la question de déterminer si un remboursement constitue un avantage sous cet angle, je crois qu'il devient plus facile de déterminer dans quelle mesure un remboursement doit être inclus dans le revenu d'un contribuable ou, inversement, exclu de son revenu. (Mes soulignements) 25 Un autre facteur est également pris en considération par les tribunaux lorsqu'ils ont eu à apprécier si le remboursement d'une dépense encourue par un employé constitue ou non un #avantage imposable#, savoir: l'employé a-t-il eu à l'encourir pour conserver son emploi au sein de l'entreprise pour laquelle il travaille? 8. 26 Dans l'affaire Ransom 9, le tribunal a aussi tenu compte du fait que c'est l'employeur qui en a réellement tiré un bénéfice plutôt que l'employé lui-même. 27 En l'instance, selon le requérant, il ressort clairement des témoignages de Messieurs Bernier et 4. Burton c. Sous-ministre du revenu du Québec, 1998 R.D.F.Q. 139 (N.B. il y eut désistement en appel le 29 mai 1998). 5. La Reine c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428 6. Guay c. La Reine, 97 D.T.C. 5267 (5270) 7. Dionne c. La Reine, 97 D.T.C. 268 (271) 8. La Reine c. Huffman, 90 D.T.C. 6405, Hoefele c. La Reine, [1995] 1 C.T.C. 2177 9. Ransom c. M.N.R., 67 D.T.C. 5235 Page 4

Fournier que rien dans sa situation personnelle ou économique auprès de son employeur n'a changé: il a conservé la même rémunération, qu'il fasse ou non une contribution politique et il n'a obtenu aucune promotion parce qu'il en a effectué une. 28 Même s'il ne s'est pas prévalu de la déduction fiscale permise en vertu de l'article 776 de la Loi sur les impôts, ce qu'il n'aurait d'ailleurs sans doute pas pu faire en raison du remboursement de la contribution par son employeur, on constate qu'il a permis à ce dernier, par son geste, de contourner la prohibition de la Loi électorale en lui permettant indirectement d'effectuer une contribution politique alors que la loi n'autorise qu'une personne physique ayant la qualité d'électeur à faire une telle contribution. 29 D'ailleurs, prétendre, comme le font l'employeur et le requérant, Monsieur Bernier, que ce n'est pas ce dernier qui a tiré un avantage ou un bénéfice personnel, économique ou financier aux fins de la Loi sur les impôts, n'équivaut-il pas à reconnaître clairement que ce n'est pas l'employé qui a effectué la contribution politique mais bien l'employeur, personne morale? 30 En vertu de la Loi électorale, loi d'ordre public faut-il le souligner, une contribution politique doit être un geste personnel de l'électeur qui la donne puisqu'elle doit être versée à même ses biens personnels (article 90). Il s'ensuit que le patrimoine de l'électeur est inévitablement diminué proportionnellement à cette partie de la contribution qu'il ne pourra déduire de son revenu annuel en vertu de l'article 776 de la Loi de l'impôt. Ceci étant, lorsqu'il y a réellement absence de diminution du patrimoine de l'employé, comme c'est le cas en l'instance, il faut certainement conclure que ce dernier a tiré un avantage économique en raison du remboursement intégral de cette contribution par son employeur. De plus, comme il l'a versée à la demande expresse de ce dernier, le #bénéfice# ainsi obtenu l'a été #en raison ou à l'occasion de sa charge ou de son emploi# au sens de l'article 37 de la loi. Par ses agissements, l'employé s'est enrichi puisque son patrimoine personnel a été entièrement compensé par le remboursement de son employeur, la requérante dans le présent dossier. 31 Rappelons qu'en vertu de l'article 34 de la Loi sur les impôts: Tout montant qu'un particulier reçoit d'une autre personne alors qu'il est un employé de cette dernière est présumé être reçu à titre de rémunération pour services rendus. Il en est de même de tout montant reçu en paiement d'une obligation découlant d'une entente qui est intervenue entre deux personnes, alors que l'une est l'employé de l'autre, immédiatement avant qu'elle ne le devienne ou immédiatement après qu'elle a cessé de l'être. (Mes soulignements) 32 Dans la cause Blanchard 10 citée par l'intimé, le juge Linden de la Cour fédérale d'appel, précise: (...) Parliament has added the phrase «in the course of» and «by virtue of», (...) in order to emphasize that only the smallest connection to the employment is required to trigger the operation of the section. (Mon soulignement) 33 En l'instance, même si le lien avec l'emploi semble très éloigné, il n'en demeure pas moins que c'est en raison de la demande spécifique de son employeur que Monsieur Bernier a versé les contributions avec entente, toutefois, que ce dernier le remboursera intégralement sur présentation des pièces justificatives. La relation directe avec l'emploi, aussi ténue soit-elle, existe certainement dans le cas sous étude d'autant plus que l'objectif clairement avoué de l'employeur visait le maintien de sa situation sur le marché et l'octroi d'éventuels contrats gouvernementaux dans le cadre de ses activités courantes. 34 Dans la cause Dunlap 11, le juge Sarchuk rappelle: 10. La Reine c. Blanchard, 95 D.T.C. 5479 (5480) Page 5

In The Queen v. Blanchard, the Court observed that «the scope contemplated by the phrase #benefits of any kind whatever# is plain and unambiguous: all types of benefits imaginable are to be included». (Mes soulignements) 35 Compte tenu de ce qui précède, le tribunal estime que ce principe doit recevoir pleine application en l'instance: le requérant se devait d'inclure dans la rémunération totale touché en 1994, tous les remboursements reçus de son employeur pour ses contributions politiques. 36 En regard des autres moyens d'appel soulevés relativement aux intérêts réclamés par l'intimé, le requérant n'a fait valoir aucun argument particulier qui justifierait d'intervenir et de les annuler. Pour ces Motifs, le Tribunal: 38 REJETTE l'appel; 39 MAINTIENT les cotisations fiscales émises le 5 juin 1997 concernant l'année d'imposition 1994 et portant le numéro QS159208C02; 40 LE TOUT avec dépens. Lafontaine J.C.Q. Me François Barette, pour la partie requérante Me Jocelyne Mailloux-Martin, Me Brigitte Landry, pour la partie intimée Date de mise à jour : 31 janvier 2008 Date de dépôt : 14 février 2002 11. Dunlap c. La Reine, 98 D.T.C. 2053 (2056) Page 6