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Transcription:

N 331 SENAT SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1982-1983. Annexe au procès-verbal de la séance du 19 mai 1983. RAPPORT FAIT au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi adopté par l'assemblée Nationale interdisant certains appareils de jeux. Par M. Guy PETIT, Sénateur. ( 1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; Pierre Cajous, Louis Virapoulle, Paul Girod, Félix Ciccolini, vice-présidents ; Charles Lederman, Roland du Luart, Pierre Salvi, Lionel Cherrier, secrétaires ; Alphonse Arzel, Germain Authié, Marc Bécam, Mme Geneviève Le Bellegou-Bégin, MM. Roger Boileau, Philippe de Bourgoing, Raymond Bouvier, Michel Charasse, François Collet, Charles de Cuttoli, Etienne Dailly, Michel Darras, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Eberhard, Edgar Faure, Jean Geoffroy, François Giacobbi, Michel Giraud, Jean-Marie Girault, Daniel Hoeffel, Jean Ooghe, Guy Petit, Hubert Peyou, Paul Pillet, Roger Romani, Marcel Rudloff, Pierre Schiele, Franck Sérusclat, Edgar Tailhades, Jacques Thyraud, Jean-Pierre Tizon. Voir les numéros : Assemblée nationale (7e législ.) : 1454, 1479 et in-8 352. Sénat : 305 ( 1982-1983). Jeux et paris. Jeux - Machines a sous - Saisies.

1 SOMMAIRE Pages I. L'INADAPTATION DE LA LÉGISLATION SUR LES MACHINES A SOUS FACE A LEUR PROLIFÉRATION ACTUELLE 5 A. Une prolifération inquiétante 5 B Une législation inadaptée et contradictoire 1 Une exploitation interdite 8 2 Mais taxée 10 II. LE PROJET DE LOI : UNE PROHIBITION ABSOLUE S'APPUYANT SUR UN DISPOSITIF RÉPRESSIF EFFICACE 12 A L'extension du champ de la prohibition 13 B Le renforcement des moyens de la répression 14 III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RÉSERVER L'EXPLOITATION DES MACHINES A SOUS AU PROFIT DES CASI NOS AUTORISÉS 16 TABLEAU COMPARATIF 21 ANNEXE : Résultats de la saison 1981-1982 pour les casinos 24

3 Mesdames, Messieurs, Entouré de pays qui, pour la plupart, autorisent l'exploitation des «machines à sous», la France n'a pu, malgré un régime légal d'interdiction, se défaire d'une forme d'exploitation clandestine de ces appareils. Deux raisons expliquent cette paralysie : une législation ancienne inadaptée et une répression judiciaire très faible. De critique, la situation devient aujourd'hui alarmante. Favorisés par une pseudo-légitimité fiscale, les appareils dits à parties multiples ont proliféré dans des proportions, voire des conditions d'exploitation particulièrement inquiétantes. Outre leur rôle incontestablement néfaste sur le plan social, la prolifération de ces jeux a, en effet, provoqué l' apparition du «Milieu» très attiré par le rendement de cette activité et qui essaie d'établir son emprise sur les lieux accueillant ce type d' appareils. Le problème a pris une ampleur telle aujourd'hui que la presse y a donné un large écho, contribuant ainsi à sensibiliser l'opinion publique sur la gravité de ce phénomène de société. Face à une situation aussi malsaine, la nécessité d' une réforme de la réglementation des «appareils à sous», qui résulte du décret-loi du 31 août 1937, ne peut être véritablement contestée. Tel est l' objet du présent projet de loi interdisant certains appareils de jeux, adopté à l'unanimité par l'assemblée nationale, au cours de sa séance du 6 mai dernier.

5 I. L'INADAPTATION DE LA LÉGISLATION SUR LES MACHINES À SOUS FACE Â LEUR PROLIFÉRATION ACTUELLE La prolifération des «machines à sous» met incontestablement aujourd'hui en lumière la nécessité de modifier une législation ancienne, mal adaptée pour lutter efficacement contre l' ampleur du phénomène. A. Une prolifération inquiétante Malgré le principe d' interdiction de leur exploitation, posé par le décret-loi du 31 août 1937, on assiste depuis quelques années à la mise en place, dans de nombreux établissements accessibles au public, d'appareils automatiques d' un type nouveau, qui, bien que conçus pour ne pas tomber, en tant que tels, sous le coup de l'incrimination pénale, n' en servent pas moins d' instrument à des pratiques de jeux d'argent. Dénommés par les professionnels appareils à parties multiples (A. P. M. ) ou plus communément appelés «machines à sous», ces appareils étaient au nombre d' environ 15 000 en décembre 1981 et de 35 000 en décembre 1982. La mise en place de 20 000 appareils supplémentaires au cours du premier trimestre 1983 porte à 55 000 le nombre d' appareils actuellement en service. Dans le même temps, la technique s'est perfectionnée. La vidéo s' est imposée dans le système dit des «pockers-vidéo» supplantant ainsi les «jack-pots» qui étaient encore les plus nombreux en juin 1982 ; les appareils se sont miniaturisés, de telle sorte qu' ils peuvent être soustraits au contrôle des services de police et des services fiscaux ; et de nouveaux jeux hybrides entre les appareils à parties multiples et les flippers ont fait leur apparition, notamment les «bingos électroniques» importés de Belgique.

6 Pour la plupart installés dans les débits de boissons, ces appareils sont d'un accès très aisé pour le public, et constituent principalement un attrait pour les jeunes ainsi que pour les personnes à revenus modestes. D' après les estimations du Ministère de l' Intérieur pour 1982, sur les 108 000 débits recevant des jeux automatiques de toute nature, plus d'une trentaine de mille accueillaient des appareils à parties multiples. Or, l'existence de ces jeux joue sur le plan social un rôle incontestablement néfaste, dans la mesure où ils sont pour leurs utilisateurs la cause de dépenses importantes face à une espérance de gain souvent illusoire. En revanche, ces «machines à sous» procurent à leurs propriétaires et exploitants de larges revenus, sur lesquels la fraude fiscale est considérable. Ce secteur d' activité aurait réalisé en 1982 un chiffre d' affaires estimé entre 9 et 10 milliards de francs en enjeux contre 25 milliards de francs pour les casinos et 3 milliards de francs pour les cercles en 1981. Quant au produit des jeux pour les propriétaires et les exploitants de machines, il est estimé à 4,2 milliards de francs pour 1982 (casinos : 720 millions de francs en 1981 et 725 millions de francs en 1982 ; cercles : 55 millions de francs en 1981), chaque machine procurant une recette mensuelle moyenne évaluée à 10 000 francs pour un investissement de 12 000 francs pour un «pocker-vidéo» ou de 18 000 francs pour un «jackpot» et des taxes annuelles de 7 400 francs maximum (5 000 francs de taxe fiscale et 2 400 francs de taxe locale) ( 1). C'est dire l'importance des recettes de ces nouveaux jeux d' argent qu' illustre le tableau ci-après. RECETTES DES PRINCIPAUX JEUX D'ARGENT EN FRANCE 1981 Types de jeux Chiffre d'affaires en francs I. Courses de chevaux - loto - loterie nationale 1» du C.A. réservé aux joueurs gagnants Prélèvements En francs En t> C.A. Parts des prélèvements revenant A la gestion Aux organisateurs Aux intermédiaires En francs En % C.A. A la collectivité En francs Courses de chevaux... 23 milliards 72,63 6,3 milliards 27,37 2,2 milliards 9,39 2,8 milliards 17,27 Loto national 7,2 milliards 54,7 3,3 milliards 45,4 1,2 milliards 16,9 2 milliards 28,5 Loterie nationale 656 millions 60 262 millions 40 197 millions 30 66 millions 10 (1) Un exploitant amortit sa machine en cinq mois. En 1* C.A.

7 II. Jeux dans les casinos et les cercles machines à sous Produit des jeux en francs Montant estimé des enjeux 1 des enjeux reversé aux joueurs En francs Prélèvements En lu du P.J. Aux communes En francs Part des prélèvements revenant A l'état En % En % En francs du P.J. du P.J. 1981 Casinos 720 millions 25 milliards De 89 à 99 % selon le jeu pratiqué 318 millions 44 72 millions 10 246 millions 34 1981 Cercles 55 millions 3 milliards de 95 à 99 % selon le jeu pratiqué 31 millions 56 29,5 millions 53 1,5 million 3 1982 A.P.M. dans les lieux publics (Pratique actuelle) 4,2 milliards environ 9 à 10 milliards environ De 50% à 70 % selon les exploitants Au titre des taxes indirectes 200 millions environ Impôt sur B.I.C. : chiffre inconnu 5 environ (taxe sur les spectacles) 30 à 40 millions I (taxe annuelle d'état) 160 millions environ 4 Impôt sur B.I.C. chiffre inconnu Or, ce marché est exclusivement alimenté par l' importation (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Pays-Bas, Autriche, Japon et Italie). Seules quelques petites usines françaises fabriquent «les bâtis» des appareils et en assemblent les différents éléments, ce qui entraîne une forte sortie de devises. C'est ainsi qu'on estime à environ 500 millions de francs le déficit de la balance commerciale dans ce secteur en 1982, ce qui représente un peu moins du double des prélèvements fiscaux opérés sur ces appareils (275 millions sur 600 millions de francs escomptés par le Ministère du Budget). C'est pourquoi, très attiré par le rendement de cette activité, le «Milieu» essaie d' établir son emprise sur les lieux accueillant ces machines à sous, en ayant recours à la menace ou à la violence. Dès lors, la nécessité de «mettre définitivement un terme à de telles pratiques» impose une réforme de la législation en vigueur peu encline à enrayer un tel phénomène.

_ 8 B. Une législation inadaptée et contradictoire 1 Une exploitation interdite... La réglementation actuelle, applicable aux machines à sous, résulte du décret-loi du 31 août 1937 qui interdit l'installation sur la voie et dans les lieux publics, notamment dans le débits de boissons, de «tous appareils distributeurs d' argent, de jetons de consommation et, d' une manière générale, de tous appareils dont le fonctionnement repose sur l' adresse ou le hasard et qui sont destinés à procurer un gain ou une consommation moyennant enjeu». Il ressort de ces dispositions que les éléments constitutifs de l'infraction sont au nombre de quatre : L' installation de l' appareil : ce seul fait est poursuivable sans qu'il soit nécessaire de démontrer qu' il fonctionnait au moment de l' intervention des services de police ; Son principe de fonctionnement : il doit fonctionner moyennant enjeu et reposer sur l'adresse ou le hasard ; Sa finalité : il doit distribuer de l' argent, des jetons de consommation, ou être destiné, d' une manière générale, à procurer un gain ou une consommation ; Et, le caractère public du lieu de son implantation. En droit, ne sont donc pas punissables, en application de ce texte, les jeux pratiqués au moyen de ces appareils lorsqu' il n'y a ni enjeu, ni gain en argent ou en consommation, mais seulement en parties gratuites non remboursables. Tel est le cas des «flippers». Le but de ce texte était donc bien de prohiber l'exploitation des «machines à sous» dans les lieux publics. Or, les tribunaux en ont donné une interprétation très restrictive. Pour que l' appareil soit considéré comme tombant sous le coup de la prohibition du décret-loi du 31 août 1937, la Cour de Cassation a, en effet, estimé que la matérialité des gains issus du jeu doit être prouvée et ne peut se présumer et que l'obtention de parties gratuites ne saurait être interprétée comme un enjeu et doit s' analyser «comme un simple avantage en nature consistant en une distraction prolongée.» (Cass. Crim. 26 janvier 1965, 6 février 1969 et 19 novembre 1980).

9 Ainsi, la jurisprudence, abandonnant la thèse de la machine à sous délictueuse «par nature», n'a admis la démonstration de l'exploitation frauduleuse des appareils en cause qu' une fois prouvée l'existence d' une convention de jeu entre l' exploitant et l' utilisateur portant sur le remboursement de parties gratuites, et, pratiquement, du flagrant délit. Preuve, il est vrai, singulièrement difficile à apporter, sauf surveillance quasi-permanente par les services de police ou de gendarmerie. Or, le remboursement de fait de certaines parties gratuites, qui peuvent atteindre, dans certains cas, plusieurs centaines, pourrait seul expliquer l'engouement pour ce jeu. Dès lors, cette interprétation est utilisée par certains établissements pour contourner l' interdiction d' installer «des machines à sous». Autrement dit, en s' employant à en dissimuler le véritable caractère et en les présentant comme de simples jeux d' amusement n'apportant aucun gain direct et immédiat, les propriétaires et exploitants sont parvenus à faire en sorte que ces appareils ne puissent tomber de par leur seule installation sous le coup de l'incrimination prévue par le décret-loi de 1937. A cela s' ajoute l' impossibilité légale, avant toute infraction, de saisir l' appareil aux fins d' expertise pour essayer de démontrer une fraude éventuelle dans le fonctionnement. Par ailleurs, les sanctions encourues par les contrevenants à cette interdiction sont, suivant que l'installation des appareils présente un caractère d'habitude, de continuité et de permanence ou est, au contraire, occasionnelle ou temporaire : Soit celles de l' article 410 du Code pénal relatif au délit de tenue illicite d' une maison de jeu (emprisonnement de deux à six mois et amende de 360 à 30 000 francs) ; Soit celles de l'article R 30-5 du même code, réprimant l'établissement ou la tenue de jeux de loterie ou de hasard sur la voie publique ou dans les lieux publics (amende contraventionnelle de 150 à 300 francs). L'intérêt de la délimitation des champs respectifs du délit et de la contravention tient notamment aux conséquences qui en découlent sur le plan de la nature des poursuites engagées. D' une part, la nécessité d' apporter la preuve du caractère habituel de la tenue d'une maison de jeux de hasard restreint sérieusement la possibilité de sanctions correctionnelles.

10 D' autre part, en réservant la confiscation obligatoire aux seuls appareils installés sur les voies publiques, l'article R 32 du Code pénal enlève toute efficacité à la contravention de l' article R 30-5 lorsque celle-ci peut être établie dans les débits de boissons. Tout ceci explique qu'en réalité peu d' affaires aboutissent, faute de preuve, illustrant ainsi un certain énervement de la répression pénale. 2 Mais taxée. Aux difficultés juridiques rencontrées pour assurer efficacement la mise en œuvre de l' action publique susceptible d' enrayer la prolifération des machines à sous, s'est ajouté le sentiment de quasi-impunité qui s'est développé à la suite de la taxation de ces machines par la loi de finances pour 1982. L'article 33 de la loi de finances n 81-1160 du 30 décembre 1981 a, en effet, institué une taxe annuelle d'état de 5 000 francs par appareil, sur les appareils automatiques installés dans les lieux publics «dont le fonctionnement repose uniquement sur le hasard et qui distribuent notamment des jetons d'amusement ou peuvent donner lieu à des parties gratuites multiples.» Suivant une instruction en date du 24 février 1982 publiée au Bulletin officiel de la direction générale des impôts sous le n 2.1.3.82, il a été précisé que sont notamment passibles de ce tarif, les appareils distributeurs de jetons pouvant procurer au joueur, par le seul fait du hasard, des gains en espèces ou en nature d'une valeur supérieure à sa mise de fonds, ce qui a permis à des professionnels peu scrupuleux de propager, auprès de nombreux débitants de boissons et responsables de jeux automatiques, la conviction que les prescriptions du décret-loi du 31 août 1937 interdisant l'exploitation publique des machines à sous se trouvaient, désormais, frappées de caducité. De fait, loin d'être dissuasive pour les exploitants, cette taxe les a au contraire encouragés dans la mesure où ces derniers y ont vu un premier pas vers la légalisation de leur activité. Cette pseudo-légitimitéfiscale ne saurait, il est vrai, être acceptée. Il est, en effet, constant en droit que la taxation ne légalise par l'activité taxée et que seule la loi pénale, qui peut créer l'infraction, peut la justifier.

11 Comme le souligne M. Houteer, dans son excellent rapport, d'une part, il n' y a pas nécessairement coïncidence entre la loi pénale, qui réprime certains faits délictueux, et la loi fiscale, qui soumet certaines activités à l'impôt, sans porter de jugement sur ces activités. La taxation des profits de la prostitution en serait la preuve. D' autre part, le fait de taxer ces appareils ne saurait, en droit, avoir pour effet de donner à la loi de finances une portée qu'elle n'a pas et de rendre licite la convention de jeux passée entre le cafetier et le joueur permettant notamment à ce dernier d' obtenir le remboursement occulte des jetons ou des parties gagnés. Mais, il n'en demeure pas moins que dès lors qu'une loi vise à interdire les «machines à sous», il paraît impossible de laisser subsister le principe d'une taxation. Les contradictions qui en résultent sont, en effet, mises à profit pour étendre des activités d'autant plus lucratives qu' elles se dissimulent derrière une façade de légalité.

12 II. LE PROJET DE LOI : UNE PROHIBITION ABSOLUE S'APPUYANT SUR UN DISPOSITIF RÉPRESSIF EFFICACE Le présent projet de loi, adopté sans modification par l'assemblée Nationale, a pour objet essentiel : D'une part, d' interdire les «machines à sous» sous toutes leurs formes et en particulier lorsqu'il s' agit d' appareils dits à parties multiples qui, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, ne tombaient pas sous le coup de l'incrimination prévue par le décret-loi du 3 1 août 1937 ; D' autre part, de réprimer plus sévèrement les infractions à cette interdiction. L' économie de ce texte repose, en effet, sur le principe que la seule existence d'une machine ou d'un appareil à parties multiples constitue un délit. A cet égard, il convient de rappeler que lors de l' examen du projet de loi portant diverses dispositions d' ordre économique et financier, déposé le 24 mars 1980, le Gouvernement d' alors, désireux de mettre un terme à l'impunité dont bénéficiaient de nombreux exploitants de machines à sous, avait envisagé d'abroger le décret-loi de 1937 et de le remplacer par des dispositions plus strictes. C' est ainsi que l' article 43 du projet prévoyait d' interdire «sur la voie publique et ses dépendances et dans les lieux publics et ouverts au public ainsi que dans les cercles et associations, l' exploitation ou l' installation de tous appareils dont le fonctionnement repose sur l' adresse ou le hasard et qui permettent de procurer un gain en espèces ou en nature, même sous forme de consommation ou de répétition de partie.» Mais, il n' a pu y être donné suite. Examinant alors en première lecture, la proposition de loi adoptée par l'assemblée Nationale, modifiant certaines dispositions relatives aux jeux de hasard (n 454 ; 1978-1979) le Sénat, au cours de sa séance du 29 mai 1980, avait introduit un article additionnel reprenant pour l'essentiel les dispositionsprécitées tout en excluant de l'interdiction les

13 appareils dejeux exposés ou installés dans les casinos autorisés, à condition qu'ils soient implantés dans leur enceinte de jeux. Là encore cette nouvelle tentative de modification des dipositions du décret-loi de 1937 n'a pas abouti, la proposition de loi redéposée à l'assemblée Nationale au début de la 7e législature sous le n 145, le 1 7 juillet 1981, n'ayant jamais été discutée. A. L'extension du champ de la prohibition L'article premier du projet de loi pose le principe d'une prohibition totale des «machines à sous». Il prévoit l'interdiction d'importer, de fabriquer, de détenir, de mettre à la disposition de tiers, d' installer et d'exploiter : D' une part, tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet, éventuellement par l' apparition de signes, de procurer moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de partie gratuite ; D' autre part, tous les appareils de jeux dont le fonctionnement repose sur l' adresse et dont les caractéristiques techniques font apparaître qu' il est possible de gagner plus de cinq parties gratuites par enjeu. Ainsi, seraient interdits en tous lieux, du fait de leur simple présence, tous les appareils à parties multiples ou «machines à sous» dont le fonctionnement repose sur le hasard, tandis que resteraient licites, à la condition qu' ils répondent aux critères prévus par ce texte, les jeux d' adresse manuels ou automatiques tels que «baby-foots» et «flippers» qui n'ont d'autre objet que de procurer un amusement ou une distraction à leurs utilisateurs. Le projet de loi diffère donc du dispositif du décret-loi du 31 août 1937 sur les deux principaux points suivants : 1 Alors qu' en application du texte actuel, l' installation de certains appareils de jeux est interdite sur la voie et dans les lieux publics, désormais tous les appareils, même détenus dans des lieux privés par des particuliers, tombent sous l'effet de la prohibition. De surcroît, leur simple présence suffit à constituer l' infraction. 2 Si l' interdiction d'installer des appareils de jeux s' applique comme précédemment à ceux qui permettent de procurer un gain en argent ou sous forme de consommation, elle s'étend en outre à ceux

14 qui permettent d' obtenir un profit quelconque, même sous forme de répétition de la partie. Toutefois, cette extension est apparue trop sévère dans la mesure où elle visait des appareils procurant un amusement sans susciter l' appât du gain. Aussi, est-il prévu une exception à cette interdiction pour les appareils de jeux d'adresse avec lesquels il est impossible de gagner plus de cinq parties gratuites par partie jouée. Par ailleurs, pour répondre à l' inquiétude exprimée par certains quant à la généralité de l'interdiction prévue par l'article premier, le Ministre de l' Intérieur a précisé que les jeux et loteries autorisés par des lois particulières restent licites. Ainsi, demeurent en vigueur les lois du 21 mai 1836 sur les loteries, du 15 juin 1907 réglementant les jeux dans les casinos, du 31 mai 1933 créant la Loterie Nationale, ainsi que le décret du 10 juillet 1975 relatif au loto. En effet, selon un principe juridique classique, les lois particulières dérogent aux lois générales même postérieures. Dans un souci de moralisation de la pratique des jeux de hasard et afin de rester fidèle au vote émis par le Sénat, en 1980, sur la prohibition de l'usage des «machines à sous», votre Commission a exprimé son accord avec l'esprit du projet de loi. Toutefois, elle a estimé opportun d' exclure de l'interdiction prévue par l' article premier, la fabrication des appareils destinés exclusivement à l'exportation. L'interdiction de la fabrication des appareils de jeux en France pourrait, en effet, avoir des conséquences néfastes sur l'activité de ce secteur. Tel est l' objet de l' amendement qu' elle vous demande d' accepter à l'article premier. B. Le renforcement des moyens de la répression Le dispositif répressif mis en place à l'article 2 du projet de loi comporte trois sortes de sanctions particulièrement rigoureuses et efficaces : 1 ) Les infractions à l'interdiction prévue par l'article premier constituent un délit. Les contrevenants seront punis des peines correc

15 tionnelles prévues à l'article 410 du Code pénal qui édicte d'une part des peines d' amende et d'emprisonnement, et qui permet d' autre part de prononcer l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de cinq à dix ans ainsi que la confiscation des objets employés ou destinés au service des jeux prohibés. 2 ) Les officiers de police judiciaire seront habilités à saisir, avant toute poursuite, les appareils considérés ainsi que tous documents s'y rapportant. Il appartiendra alors au propriétaire de faire la preuve que son bien ne tombe pas sous le coup de l'incrimination pénale. 3 ) Le juge pourra ordonner leur destruction. Votre commission approuve le principe de l' aggravation des sanctions répressives. Seul, en effet, un dispositif répressif précis et rigoureux permettra d'assainir la situation actuelle où l'exploitation «sauvage» des machines à sous semble largement contrôlée par les milieux liés au grand banditisme. Même si chacun est libre d'utiliser son argent comme il l'entend, il convient malgré tout de mieux protéger ceux qui cherchent dans le hasard un moyen facile d' enrichissement. Pour arriver à ce résultat, il faut incontestablement prévenir les fraudes ou les abus que pourraient commettre des individus douteux, apparentés aux escrocs. Aussi, votre commission a-t-elle estimé nécessaire de prévoir une nouvelle sanction dissuasive, qui permettrait de frapper indirectement l'exploitation frauduleuse des machines à sous. Tel est l'objet de l'amendement qu'elle vous propose d'adopter à l'article 2 et qui tend à donner au juge la possibilité de prononcer, en plus des peines principales d' amende et d'emprisonnement, la peine accessoire de fermeture du débit ou de l' établissement ayant accueilli ce genre d'appareil. Pour être véritablement efficace, la répression doit, en effet, menacer le tenancier qui n'est pas un «voyou» et qui, par conséquent, demeure très sensible à toute menace pesant sur son activité principale. Cette peine accessoire compléterait ainsi utilement les procédures administratives de fermeture des débits de boissons et des restaurants prévues par les articles L.62 et L.63 du Code des débits de boissons, en cas d' infraction aux lois et règlements relatifs à ces établissements ou en vue de préserver l'ordre, la santé ou la moralité publics. Enfin, l'article 3 du projet de loi tend à abroger les dispositions du décret-loi du 31 août 1937 qui deviennent sans objet du fait de leur double emploi avec les articles premier et 2. Une telle disposition ne peut dès lors qu'être approuvée.

16 III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RÉSERVER L'EXPLOITATION DES MACHINES A SOUS AU PROFIT DES CASINOS AUTORISÉS La France est le seul pays où «les machines à sous» ne sont pas admises dans les casinos autorisés. En effet, à l' heure actuelle, ces appareils sont exploités par les casinos en Allemagne, en Grande- Bretagne, au Kenya, à Las Vegas, à Macao, en Nouvelle-Calédonie, au Porto Rico, en Yougoslavie, en Côte d' Ivoire, en Espagne, dans la partie hollandaise de l' Ile de Saint-Martin et surtout dans la Principauté de Monaco où des machines à sous sont installées non seulement au casino de Monte-Carlo, mais encore dans de nombreux hôtels où ce genre de jeux draine une grosse partie de la clientèle des casinos français de la côte méditerranéenne. Peut-être cela explique-t-il la désaffectation des joueurs, notamment étrangers, vis-à-vis des casinos français et la situation difficile dans laquelle se trouvent la plupart de ces établissements. D' après les renseignements recueillis auprès de la commission supérieure des jeux, près de la moitié des sociétés exploitantes auraient perdu plus des troisquarts de leur capital, ce qui les auraient conduit à ne plus jouer aucun rôle effectif dans l' animation des stations et à diminuer au maximum le nombre de leurs employés. Or, il ne faut pas oublier que les casinos, nécessaires à la plupart des stations touristiques, sont sous la surveillance permanente du ministère de l' Intérieur et du ministère des Finances et que l'état et les communes prélèvent de très importantes redevances sur le produit des jeux (en moyenne entre 43 et 45 %). Il semble donc opportun d' adopter une mesure qui, tout en garantissant aux amateurs de ce jeu la régularité de celui-ci, apportera aux communes et à l'état un appoint non négligeable. En effet, réserver l'exploitation des appareils à sous aux seuls casinos autorisés présenterait de nombreux avantages.

7 Cette solution serait tout d' abord conforme à l'esprit de la réglementation sur les jeux, dans la mesure où, dérogeant à l'article 410 du code pénal, la loi du 15 juin 1907 n' a expressément autorisé la pratique des jeux de hasard que dans les casinos des stations balnéaires, thermales ou climatiques. Admettre de surcroît les machines à sous consisterait simplement à leur permettre de pratiquer un jeu supplémentaire, ce qui n'est pas une novation car l'introduction de jeux tels que le blackjack, le craps, la roulette américaine ou même la roulette française est intervenue postérieurement à la loi de 1907. Elle aurait également le mérite de circonscrire le problème à moins de 150 établissements de jeux et donc d'en faire un moindre mal, beaucoup plus aisément contrôlable. Par ailleurs, elle canaliserait en partie «les besoins» des joueurs actuellement adeptes des appareils à parties multiples, tout en assurant la régularité des jeux et la protection sociale des joueurs. Sans compter que cette solution constituerait le premier pas vers une certaine moralisation, dans la mesure où l'entrée dans l'enceinte des jeux, seul lieu où pourrait être installé ce genre d' appareils, est interdite aux mineurs de 21 ans. Cette solution aurait enfin des conséquences financières favorables, non seulement pour les trésoreries de ces établissements qui ne sont pas toujours florissantes les machines à sous réalisent environ 50 % du produit brut des jeux du casino Royal-Nouméa, seul établissement autorisé à les exploiter mais encore pour les collectivités locales et l'état. En effet, alors que jusqu' à présent ces appareils ne rapportent pratiquement rien et permettent de surcroît une fraude abusive, grâce au prélèvement progressif sur le produit brut des jeux, les recettes des machines, désormais contrôlées et vérifiées, s'inscriraient dans les tranches supérieures et rapporteraient certainement à l'état des sommes supérieures à celles résultant de la taxe introduite par la loi de finances pour 1982 dont on escomptait un rendement de 600 millions de francs et qui n'en a produit en fait que 275 millions. Quant aux villes-stations, leur prélèvement sera effectué en application du cahier des charges en cours de réalisation, ce qui, si l'on se réfère aux résultats obtenus à Nouméa, leur rapportera des ressources qui seront loin d'être négligeables (cf. tableau joint en annexe).

8 C'est pourquoi votre Commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel prévoyant que l'interdiction édictée par l' article premier n' est pas applicable aux casinos autorisés à condition que les appareils à sous soient implantés dans leur enceinte de jeux. Cet article additionnel n' est en fait que la reprise d'une disposition adoptée par le Sénat au cours de la séance du 29 mai 1980 autorisant l'usage des machines à sous au profit des casinos, par dérogation au principe général d' interdiction. Prévoyant par ailleurs d'appliquer le droit commun des prélèvements fiscaux opérés sur le produit brut des jeux des casinos (prélèvement progressif de l' État conformément aux dispositions de l' article 3 de la loi de finances rectificative n 79-1102 du 21 décembre 1979 modifiée par le décret n 81-476 du 8 mai 1981 et prélèvement proportionnel pour les communes conformément aux cahiers des charges en vigueur), il est apparu opportun de ne pas cumuler deux types de prélèvements sur ces appareils. Tel est l'objet de l'amendement tendant à insérer un article additionnel nouveau après l' article premier. Votre Commission s'est enfin interrogée sur la nécessité de prévoir un report de l'application de la loi dans le temps. Ne nécessitant pas de décret d' application, le projet de loi, de caractère pénal, s' appliquera immédiatement. Or, un délai serait indispensable pour permettre aux exploitants, soit de libérer tous les emplacements occupés dans les débits de boissons, soit de mettre en conformité avec les nouvelles dispositions légales certains appareils tels que ceux qui distribuent plus de cinq parties gratuites ou encore les transformer en jeux vidéo par un simple changement de leur programme, soit enfin de les exporter. Pour des raisons d'efficacité, ce délai serait également souhaitable pour les services de police. Cela leur permettrait, en effet, d' intervenir sur le plan répressif uniquement lorsque le public aura été largement informé et seulement contre des professionnels de mauvaise foi, qui ne pourront plus invoquer les «difficultés matérielles» pour justifier devant les tribunaux la possession illégale de machines à sous. L' ensemble de ces considérations milite donc en faveur de l' insertion d'un nouvel article additionnel après l' article 3 fixant un délai de

19 quatre mois à compter de la publication de la loi afin de permettre aux intéressés de se conformer aux dispositions qu' elle prévoit. Tel est l' objet de l'amendement que votre Commission des lois vous demande d' adopter. * * * Sous le bénéfice de ces observations et amendements, votre commission des lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

21 TABLEAU COMPARATIF Texte en vigueur Texte du projet de loi Texte adopté par l'assemblée nationale Propositions de la Commission (Décret-loi du 31 août 1937 prohibant l'installation dans les lieux publics de tous appareils distributeurs fonctionnant moyennant un enjeu et reposant sur l'adresse ou le hasard.) Art. 1 er. Est interdite sur la voie et dans les lieux publics et notamment dans les débits de boissons, l'installation de tous appareils distributeurs d'argent, de jetons de consommation et, d'une manière générale, de tous appareils dont le fonctionnement repose sur l'adresse ou le hasard et qui sont destinés à procurer un gain ou une consommation moyennant enjeu. Les infractions à l' interdiction qui précède seront punies, suivant le cas, des peines édictées par les articles 410 ou 475 ( 5), du code pénal. Les dispositions de l'article 463 du code pénal sont applicables. Article premier. Sont interdites l'importation, la fabrication, la détention, la mise à la disposition de tiers, l'installation et l'exploitation de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet, éventuellement par l' apparition de signes, de procurer moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de partie gratuite. Il en est de même des appareils de jeux dont le fonctionnement repose sur l'adresse et dont les caractéristiques techniques font apparaître qu' il est possible de gagner plus de cinq parties gratuites par enjeu. Article premier Sans modification. Article premier. Alinéa sans modifcation. Alinéa sans modification. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, la fabrication desdits appareils est admise lorsqu'ils sont destinés à l'exportation. Article additionnel (nouveau) après l'article premier. Sous condition de leur implantation dans l'enceinte des jeux, l'usage des appareils mentionnés à l'article précédent, notamment ceux qui sont communément

22 Texte en vigueur Texte du projet de loi Texte adopté par l'assemblée nationale Propositions de la Commission appelés machines à sous, est réservé aux casinos autorisés, dès lors qu'ils pratiquent au moins l'un desjeux admis par la loi. En conséquence, la fabrication et la détention des appareils visés à l'alinéa précédent, sont admises par dérogation à l'article premier, s'ils sont réservés exclusivement à leur exploitation dans un casino autorisé. Le prélèvement de l'état est opéré conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi definances rectificative n 79-1102 du 21 décembre 1979, et celui de la commune, en application du cahier des charges en cours d'exécution. L'assujettisse ment à ces prélèvements dispense du paiement des taxes prévues aux articles 564 septies, quatrième alinéa, et 1560 du Code général des impôts. (Code Pénal) Art. 410. Ceux qui auront tenu une maison de jeux de hasard, et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés, les banquiers de cette maison, tous ceux qui auront établi ou tenu des loteries non autorisées par la loi, tous administrateurs, préposés ou agents de ces établissements seront punis d' un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois au plus, et d' une amende de 960 F à 30 000 F. Les coupables pourront être de plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine, interdits, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, des droits mentionnés en l'article 42 du présent Code. Dans tous les cas, seront confisqués tous les fonds ou effet qui seront trouvés Art. 2. Les infractions aux dispositions de l'article premier cidessus seront punies des peines prévues à l'article 410 du Code pénal. Les officiers de police judiciaire pourront, avant toute poursuite saisir les appareils, ainsi que les documents s'y rapportant. Le juge pourra ordonner leur destruction. Art. 2. Sans modification. Art. 2. Alinéa sans modification. Alinéa sans modification. Le juge...... destruction et, le cas échéant, la fermeture de l'établissement.

23 Texte en vigueur Texte du projet de loi Texte adopté par l'assemblée nationale Propositions de la commission exposés au jeu ou mis à la loterie, les meubles, instruments, ustensiles, appareils employés ou destinés au service des jeux ou des loteries, les meubles et les effets mobiliers dont les lieux seront garnis ou décorés. Art. 3. Les dispositions du décret du 31 août 1937 prohibant l'installation dans les lieux publics de tous appareils distributeurs fonctionnant moyennant un enjeu et reposant sur l' adresse ou le hasard sont abrogées. Art. 3. Sans modification. Art. 3. Sans modification. Art. additionnel (nouveau) après l'article 3. Les intéressés disposeront d'un délai de quatre mois à compter de la date de publication de la présente loi pour se conformer aux dispositions de celle-ci.

24 ANNEXE RÉSULTATS DE LA SAISON 1981-1982 POUR LES CASINOS Produit brut des jeux Il s'est élevé à 725 669 581 en 1981-1982 contre 720 763 248 en 1980-1981 soit + 0,7 % Jeux Nombre Établissements Saisons V» Différence 1981-1982 1980-1981 1981-1982 1980-1981 - -1 Banque 13 r 18 11 222 663 15 969 787-4 747 124-30 Black-Jack 55 56 78 846 475 62 645 033 + 16 201 442 + 26 Boule 130 135 109 466 164 107 680 746 + 1 785 418 + 1,6 Chemin-de-fer 38 40 81 827 139 74 494 173 + 7 332 966 + 9,8 Craps 1 2 176 890 832 916-656 026-78,7 Roulette 54 57 388 423 520 408 872 371-20 448 851-5 Roulette américaine 14 12 22 501 036 18 017 513 + 4 483 523 + 24,8 23 1 I 5 20 578 469 477-448 899-95,6 30/40 10 11 33 306 754 31 781 232 + 1 525 522 + 4,8 Produit net des jeux : il s'est élevé à 412 831 000 en 1981-1982 contre 402 718 176 en 1980-1981, soit + 2,5 la Pourboires : il s'est élevé à 333 066 772 en 1981-1982 contre 302 867 126 en 1980-1981, soit + 10 % Casino Royal-Nouméa = 18 695 090,70 dont : Machines à sous 9 761 867,50 Roulette américaine 4 428 242,50 Punto y banco 2 943 325, Black jack 1 357 081,-- Boule 127 589,-- Stud poker 76 983,50 Imprimerie du Sénat