Les droits humains s évaporent-ils aux frontières? Le contre-terrorisme et le droit pénal de l UE



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Transcription:

Résumé Les droits humains s évaporent-ils aux frontières? Le contre-terrorisme et le droit pénal de l UE Les droits humains sont souvent présentés comme une barrière potentielle à la protection effective contre des actes terroristes plutôt que comme un prérequis pour une sécurité authentique. Certains avancent que la menace terroriste justifie des limites ou des dérogations aux droits humains, et l on remet même en question l interdiction de la torture. L Union européenne a toujours clairement affirmé qu il ne peut y avoir de sécurité sans droits humains. Cependant, dans la pratique, l UE et ses États membres sont trop souvent disposés à garder le silence sur des atteintes à la protection des droits au sein de l Union ou à l extérieur de celle-ci. On considère généralement que les droits des personnes suspectées de terrorisme sont toujours protégés au sein de l Espace de liberté, de sécurité et de justice de l UE, et l on n accorde que peu d attention aux craintes exprimées que de graves atteintes aux droits humains risquent de se produire lorsque ces suspects sont envoyés dans des pays tiers. L analyse d Amnesty International vise à : 1) Souligner les graves déficiences des normes du droit pénal européen développées en réponse au terrorisme, en raison de problèmes de définition qui affectent la sécurité juridique, du secret qui entoure les listes noires de terroristes et de la manière dont on laisse les obligations de protection de droits humains s évaporer aux frontières. 2) Montrer que l efficacité de la coopération dans la lutte contre le terrorisme est mise en danger lorsque la confiance mutuelle en la qualité de la justice des Etats membres est sapée par les atteintes aux droits humains, de sorte que la sécurité est amoindrie par les infractions aux droits humains et non par leur protection. 3) Souligner que l UE peut combler le déficit en matière de droits humains dans sa stratégie antiterrorisme en créant son propre cadre juridique, avec des définitions du terrorisme suffisamment claires et précises pour garantir la sécurité juridique et pour éviter des abus dans l usage de listes noires de terroristes. Il est également nécessaire de se doter de normes claires et légalement contraignantes sur la façon dont les membres doivent se conformer à leurs obligations internationales de protection des droits humains, lorsqu ils poursuivent des terroristes à travers les frontières, que ce soit à l intérieur ou à l extérieur de l UE. La feuille de route de l Union européenne contre le terrorisme établie quelques semaines après le 11 septembre 2001 couvrait une large gamme de domaines susceptibles d avoir un impact sur le combat contre le terrorisme, depuis les initiatives concernant le droit pénal et la sécurité des transports aériens, jusqu aux relations avec des pays tiers et à la coopération. Le présent document examine les domaines de compétence et d action dans lesquels l UE porte une responsabilité directe lorsqu il faut garantir une protection adéquate des droits humains dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il propose des manières dont l UE peut s assurer que sa façon d aborder le combat contre le terrorisme intègre activement la nécessité de protéger les droits humains et l état de droit, rendant ainsi ses efforts antiterrorisme plus efficaces.

Amnesty International arrive à la conclusion que l UE n a pas jusqu ici traité correctement la grave question de la protection des droits fondamentaux dans ses politiques collectives et sa législation antiterrorisme. En étudiant la multitude des initiatives antiterrorisme au niveau de l UE sur le plan du droit pénal depuis le 11 septembre 2001, on voit clairement que l absence de garanties concrètes non seulement conduit à enfreindre les droits humains, mais également entraîne confusion et incertitude juridiques. Une coopération transfrontalière efficace pour combattre le terrorisme se fonde sur le principe de reconnaissance mutuelle, selon lequel une décision d une autorité judiciaire d un des États membres doit être considérée comme valide dans un autre. Ceci repose également sur la confiance mutuelle des États membres dans les systèmes judiciaires des autres et sur le partage des mêmes valeurs. En réalité, des pratiques et des cadres législatifs antiterrorisme contestables dans certains États membres compromettent ces valeurs communes et entravent ainsi la confiance mutuelle sur laquelle repose la coopération. Les procédures qui affectent les personnes suspectées de terrorisme sont souvent précisément celles où le risque de violations des droits humains ou d allégations de telles violations est le plus grand. Les erreurs judiciaires qui découlent de violations des droits humains dans des affaires de terrorisme non seulement font naître le risque potentiel de laisser en liberté les véritables auteurs d actes terroristes, mais elles ont aussi un impact significatif sur la confiance des citoyens dans l état de droit. Ceci peut également entraîner un sentiment d aliénation dans certains secteurs de la société qui se sentent injustement pris pour cible dans le combat contre le terrorisme. Ce n est pas seulement aux frontières internes de l UE qu Amnesty International estime que les droits humains sont oubliés. Lorsqu il s agit de coopération avec des pays tiers pour extrader ou expulser des individus suspectés de terrorisme, on attache trop peu d attention à des préoccupations crédibles selon lesquelles de graves atteintes aux droits humains risquent de se produire lorsque ces personnes sont transférées dans des pays tiers, ce qui rend l UE complice de ces atteintes. La tendance inquiétante qui affecte les méthodes par lesquelles les individus suspectés de terrorisme sont soustraits à la juridiction de l UE par l expulsion, la remise et même l enlèvement, souligne cette préoccupation. Principaux points de l analyse... 1. Définition du terrorisme Au cours des négociations pour la Décision cadre de 2001 sur la lutte contre le terrorisme, un certain nombre d États membres de l UE ainsi que des ONG, y compris Amnesty International, se sont dits préoccupés du fait que la définition contenue dans la proposition de la Commission n était pas suffisamment précise pour garantir la sécurité juridique, et que l ampleur du champs d application de la définition proposée risquait de menacer le droit à la liberté de réunion et celui de protestation légitime. En réponse, une déclaration a été adjointe à la Décision cadre, ainsi que des assurances dans son préambule, pour tenter de régler ce problème. Amnesty International considère ces ajouts comme ambigus, et indique qu ils ne remédient pas au caractère vague de la définition du terrorisme elle-même. Ceci est un motif particulier de préoccupation, du fait que cela constitue la base de nouvelles mesures telles que l adoption de listes de terroristes. Amnesty International demande à l UE de veiller à ce que les définitions du terrorisme soient suffisamment claires et précises pour garantir la sécurité juridique.

2. Listes noires de terroristes Les difficultés rencontrées pour identifier la nature du terrorisme deviennent plus aiguës lorsque des personnes ou organisations sont identifiées comme terroristes. Dans un climat où l identification comme terroriste a de graves implications pour la jouissance des droits fondamentaux, il est crucial que cette identification soit fondée sur des preuves claires susceptibles de pouvoir être contestées. Cependant, il n y a eu pratiquement aucun contrôle démocratique concernant l établissement de ces listes noires de terroristes, et il n existe pas de contrôle judiciaire concernant leur constitution, alors que les individus qui s y trouvent placés sont de fait privés de recours effectif pour contester leur inscription dans ces listes. Amnesty International demande à l UE de revoir la législation concernant l établissement de listes de terroristes pour faire en sorte qu il existe des procédures claires de révision judiciaire de l inscription de personnes ou de groupes dans ces listes. 3. Mandat d arrêt européen (MAE) Deux cas dans lesquels l extradition a été refusée entre États membres de l UE, juste avant l entrée en vigueur du MAE en 2004, montrent que le non-respect des droits humains peut porter atteinte à l efficacité de la coopération contre le terrorisme, même au sein de l Union, en faisant obstacle à l extradition. Au cœur de ces affaires se trouve la question de la recevabilité des preuves qui auraient été obtenues d un tiers par torture ou mauvais traitements, ce qui pourrait avoir pour conséquence un déni flagrant du droit à un procès équitable. Sans confiance mutuelle dans les garanties procédurales, le MAE risque de connaître des difficultés semblables. Amnesty International demande à la Commission européenne de contrôler soigneusement la mise en application du Mandat d arrêt européen, en relevant les cas qui posent question concernant d éventuelles infractions aux droits humains ou aux garanties de procédure, et en réglant les problèmes mis à jour par le biais de recommandations ou de législation. 4. Protection des droits des suspects et accusés dans les procédures pénales L UE a proposé des normes minimales dans son projet de Décision cadre sur certains droits des suspects et accusés en matière de procédure. Amnesty International considère que la portée et le niveau des normes minimales proposées sont insuffisants et est préoccupée par le fait que les négociations risquent de conduire à une nouvelle dilution de ces normes. Ceci concerne en particulier la possibilité d exclure les actes de terrorisme et de crime organisé du champ d application de la Décision cadre proposée. Cette proposition avait été promise à l origine comme un complément nécessaire au Mandat d arrêt européen, qui lui-même était présenté comme un instrument du combat contre le terrorisme, et il paraîtrait non seulement incohérent et illogique dans ce contexte, mais véritablement contestable, d exclure de son champ d application le type même de crimes qu il était supposé affronter. Amnesty International exhortera la Commission à retirer la Décision cadre proposée sur les garanties procédurales si les crimes de terrorisme doivent être exclus de son champ d application.

5. Recevabilité des preuves obtenues sous la torture Amnesty International est gravement préoccupée par l arrêt de la Cour d Appel d Angleterre et du Pays de Galles, en 2004, selon lequel des preuves obtenues sous la torture par des agents étrangers pourraient être recevables. Amnesty International appelle la Commission européenne à se saisir de la question des preuves obtenues sous la torture et autres mauvais traitements dans ses prochains livres blancs sur les preuves. 6. Extradition vers des pays tiers En 2003, l UE a conclu un accord d extradition avec les États-Unis, premier accord de ce genre sur la coopération judiciaire en matière criminelle avec un pays tiers. Amnesty International considère que cet accord laisse une marge d appréciation inacceptable sur la question de la peine capitale et celle d un procès équitable. Alors que l accord d extradition UE-EUA est le premier accord communautaire dans cette matière, d autres accords avec des pays tiers risquent d être négociés à l avenir, en particulier dans le contexte du combat contre le terrorisme. Par exemple, à la suite du récent sommet UE-Russie, la coopération dans le domaine du contre-terrorisme doit être accélérée entre l UE et la Fédération de Russie. Amnesty International recommande que tous les futurs accords avec des pays tiers fixent des paramètres clairs pour le respect des droits humains, qui soient conformes aux normes appliquées par l UE dans son propre Espace de liberté, de sécurité et de justice. 7. Extradition et asile Les règles concernant l asile et l extradition se recoupent lorsqu un demandeur d asile ou réfugié statutaire fait l objet d une demande d extradition par un pays tiers dans le cadre d une procédure pénale. La version finale du projet de directive sur les procédures d asile laisse ouverte la possibilité pour les États membres d accéder à la demande d extradition alors qu une demande d asile est encore en cours. Compte tenu de ses conséquences potentiellement étendues sur le principe de non refoulement, c est-à-dire l interdiction de renvoyer une personne vers un pays où elle risque de subir de graves violations des droits humains, l extradition ne devrait pas être exécutée tant qu une demande d asile est en cours d examen. La directive relative à la reconnaissance de la qualité de réfugié facilite pour les Etats membres la révocation ou l annulation du statut de réfugié lorsque il existe des motifs raisonnables de considérer [l intéressé(e)] comme un danger pour la sécurité de l État membre dans lequel il ou elle se trouve. Cette disposition est d autant plus inquiétante que, dans son application, elle peut conduire à affaiblir l interdiction absolue de non refoulement. Amnesty International pense que la révocation du statut de réfugié n est pas un moyen approprié de traiter des personnes pouvant être suspectées de terrorisme. S il existe des raisons de suspecter un demandeur d asile ou réfugié d avoir commis des crimes qui tombent sous le coup des clauses d exclusion de la Convention de Genève sur les réfugiés, les États devraient le poursuivre ou le remettre à un autre Etat en accord avec le droit international des droits humains. Amnesty International demande à l UE de veiller à ce que les Etats membres respectent le principe absolu de non refoulement en toutes circonstances.

8. Remise et enlèvement En dehors du cadre traditionnel de l extradition, il existe une tendance de plus en plus inquiétante, dans le contexte de la guerre contre le terrorisme, consistant à utiliser des méthodes pour transférer les suspects par-delà les frontières qui contournent les exigences des garanties procédurales et conduisent à de sérieuses atteintes aux droits humains. Ces pratiques comprennent la remise exceptionnelle, l expulsion assortie d assurances diplomatiques et l enlèvement illégal. Depuis le 11 septembre 2001, il est devenu courant de signaler dans le monde entier des remises exceptionnelles par lesquelles des gens sont transférés contre leur volonté par-delà les frontières sans garanties de procédure et souvent dans la clandestinité. Dans la plupart des cas signalés, à l exception de ceux survenus en Suède et cités dans ce rapport, les remises exceptionnelles ont été exécutées par les États-Unis, mais pas directement par des Etats membres de l UE. Il existe cependant d inquiétantes allégations selon lesquelles des Etats membres de l UE ont autorisé l utilisation de leur territoire comme points d atterrissage pour des avions utilisés pour ces remises, effectuées en traversant l espace aérien de l UE. Selon les médias et d autres sources, les aéroports de Francfort, Mayorque et Shannon sont connus comme escales pour des avions de la CIA, sans identification, exécutant des remises irrégulières. Les États membres qui autorisent l utilisation de leur territoire pour ces escales sont complices de graves atteintes aux droits humains. Amnesty International demande à l UE d établir des règles interdisant d autoriser l utilisation de l espace aérien ou des aéroports sur le territoire d un Etat membre de l UE pour le transfert de personnes dans des circonstances où il existe une menace sérieuse de violations supplémentaires de leurs droits humains en route ou une fois arrivées à destination. 9. Assurances diplomatiques La pratique qui consiste, dans les cas d extradition et d expulsion, à se reposer sur des assurances diplomatiques face au risque de torture ou autres mauvais traitements, a conduit à de graves abus. La mise en garde de tribunaux des Etats membres de l UE a parfois été écartée par le pouvoir exécutif gouvernemental, avec de graves conséquences pour les personnes concernées. Amnesty International demande aux Etats membres de l UE de veiller à ce que, s ils se basent sur les assurances diplomatiques des pays de destination lorsque des personnes sont transférées vers des pays tiers, ces dernières ne soient effectivement pas en danger de torture ou autres mauvais traitements.