LE SUIVI D UN ALLERGIQUE APRES SON PASSAGE AU SAU COPACAMU 2009 Pr François BERTRAND
Le rôle de prévention secondaire fait partie de la tâche du parfait petit urgentiste..mais ce dernier est souvent pris par le temps Pour le patient allergique : 2 extrêmes : Envoyer tous les allergiques consulter un allergologue Relâcher sans aucune prévention secondaire des patients pour qui un 2e épisode serait mortel
On ne lâche pas un lapin le jour de l ouverture de la chasse!
La prévention : Pourquoi? Pour qui? Quand et comment?
LA PREVENTION PAR L URGENTISTE : POURQUOI? Parce que la maladie allergique est fréquente : 1 % des visites aux urgences, parmi lesquelles anaphylaxie dans 1 % des cas ANAPHYLAXIE = 1/1000010000 aux urgences (Gaeta TJ et Coll. Annals of Allergy Asthma and Immunology. 2007) Anaphylaxie sévère : incidence 10 à 20/150000 h, et mortelle dans 1 à 3/1million (P. Dewachter, Urgences Pratiques, 2007) 75% des patients ayant eu une réaction allergique systématique en auront une deuxième (F. Bonifazi, Allergy, 205)
LA PREVENTION PAR L URGENTISTE : POURQUOI? Parce que l allergique n est pas idéalement pris en charge pendant son passage aux urgences, et encore moins à sa sortie : Sous utilisation de l adrénaline pour le traitement en urgence de l anaphylaxie : 24 % seulement pour anaphylaxie alimentaire (S. Clark : curr opin Allergy clin Immunology, 2005) A la sortie des urgences : Dans le meilleur cas, un patient sur 2 seulement est suivi après son passage aux urgences pour une réaction anaphylactique (A.F. Brown, Journal Allergy Clin Immunology 2001) L adrénaline auto injectable est sous prescrite, pour seulement 16 % à 55 % des patients (S. Clark, 2004, T. Johnson, 2006) Les conseils de prévention ne sont délivrés qu à 11,7 % des patients (T. Johnson, 2006) ayant présenté une réaction anaphylactique aux venins d hyménoptères. Seulement 12 % des patients (S. Clark, 2004) ayant présenté une allergie alimentaire, et 39,2 % des patients (T. Johnson 2006) victimes d une allergie aux hyménoptères sont adressés en consultation à un allergologue
LA PREVENTION, POUR QUI? Pour tous les patients ayant présenté des manifestations générales au cours d un épisode anaphylactique 2 questions : Qu est ce que l anaphylaxie? Quels sont les différents stades?
QU EST CE QUE L ANAPHYLAXIE? Réaction allergique sévère à un quelconque stimulus, ayant un début brutal et une durée généralement inférieure à 24h, attaquant un ou plusieurs organes et produisant un ou plusieurs symptômes tel que flush, prurit, angio-œdème, stridor, wheezing, dyspnée, vomissement, diarrhée ou choc (Canadian Pediatric surveillance program, in K.Anne, CMAJ, 2003) Manifestations cliniques les plus graves des réactions d hypersensibilité immédiate, bien que l absence de bronchospasme ou d hypotension artérielle n en exclut pas le diagnostic (groupe de travail de l EAACI, in P. dewatcher, Urgences pratiques 2007)
Quelle gravité? Grades de sévérité clinique aux stades cliniques III et IV des réactions d hypersensibilité immédiate Grades de sévérité I II III IV Symptômes Signes cutanéomuqueux : érythème généralisé, urticaire localisée avec ou sans angiœdème Atteinte multiviscérale modérée : signes cutanéomuqueux + hypotension artérielle + tachycardie + toux + dyspnée + signes digestifs Atteinte mono-ouou multiviscérale sévère : collapsus cardiovasculaire, tachycardie ou bradycardie + troubles du rythme cardiaque + bronchospasme + signes digestifs Arrêt cardiaque
EN PRATIQUE UNE PREVENTION SECONDAIRE EST INDISPENSABLE POUR : Tous ceux qui ont reçu de l adrénaline aux urgences pour une manifestation allergique : dyspnée avec œdème de la luette, œdème de Quincke sans urticaire, choc anaphylactique, allergie aux venins d hyménoptères avec urticaire non localisé (A. Elrodt) Les 3 urgences allergiques graves que sont : L œdème laryngé L asthme aigu Le choc anaphylactique
Œdème de Quinck
EN PRATIQUE UNE PREVENTION SECONDAIRE EST INDISPENSABLE POUR : Mais aussi certains cas d espèce : Réaction cutanée spectaculaire réaction générale modérée chez : Sujets anxieux mais Exposition professionnelle répétée à l allergène isolée, Ou due à des allergènes à risque, en particulier alimentaire (arachides et fruits secs à coque, produits de la mer, lait, sésame), médicamenteux, ou venins d hyménoptères (S. Guez, La Revue de Méd. Int, 2006)
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? La prévention secondaire commence dès la fin de la prise en charge thérapeutique à l accueil : En confirmant le diagnostic d anaphylaxie si besoin par le dosage sanguin de l histaminémie (+/-) et de la tryptase (+++), MAIS APRÈS STABILISATION DU MALADE (+++) (Prévention du risque allergique péri-anesthésique. Recommandations 2001) En tentant d identifier l allergène : 3 principaux responsables : médicaments, aliments, piqûres d hyménoptères (P. Dewatcher, Urgences Pratiques, 2007)
Pour les aliments : Répartition des allergènes incriminés sur 163 observations (d après D. Monneret-Vautrin, Allerg immunol 2002) n % Fruits secs oléagineux 45 27,6 Groupe latex * 18 11 Œuf 14 8,6 Poisson 11 6,7 Crustacés 9 5,5 Lait 7 4,3 Sésame 7 4,3 Farine de blé-gluten 6 3,6 Légumineuses 6 3,6 Coquillages 5 3 Moutarde 3 1,8 Céleri 3 1,8 Additifs 3 1,8 15 autres 26 1,2 * Aliments du groupe latex : Avocat, kiwi, figue, banane
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? Pour les aliments : Ne pas oublier les boissons et les condiments dans la recherche d un allergène alimentaire! Recommander à l entourage de garder les restes du repas, boites et emballages (allergie aux additifs) (G. Kanny : le risque anaphylactique au quotidien Doc. Internet)
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? En dépistant certains facteurs aggravants : Bêtabloquants et IEC moindre efficacité de l adrénaline Aspirine eut révéler une allergie alimentaire Influence de l effort +++ : ANAPHYLAXIE D EFFORT
En ne laissant sortir le patient qu après un temps d observation suffisant : ATTENTION A LA REACTION ANAPHYLACTIQUE EN DEUX TEMPS (+++) Qui survient dans 19,4 % des cas Dans un délai moyen de 10h D autant plus tardive qu il s agit d un allergène alimentaire (A.K. Ellis, Ann Allergy Asthma Immunol 2007)
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? La prévention secondaire se poursuit à la sortie des urgences : Celle ci comporte : Une ordonnance de sortie obligatoirement Des mesures d accompagnement
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? L ordonnance de sortie : OBLIGATOIRE Suppression des bêtabloquants et des IEC du traitement habituel du patient (+++), car mauvaise réponse à l adrénaline ( K. Anne CAMJ 2003) Prescription d adrénaline auto-injectable : Anahelp (seringue à 1 mg) qui délivre 4 fois 0,25mg Anapen 0,3 mg (adulte) et 0,15 mg (enfant)
Seringues pré remplies d adrénaline à usage unique commercialisées en France Laboratoire Dose maximale délivrable Volume total (ml) Dose administrée en mg par volume en ml Voie administration selon AMM Présentation Conditionnement Conservation Stallergènes 1 mg 1 ml Anahelp Première dose (0,25 ml) directement injectable sans casser la 1ère ailette. L enlèvement des trois ailettes permet la délivrance de l ensemble des quatre doses de 0,25 ml (4 x 0,25 mg) S.C. et I.M. Seringue auto-injectable avec un piston à quatre positions Une seringue et un piston par boîte +2-8 C Allerbio Anapen 0,15 mg ou 0,3 mg 0,3 ml 0,15 mg/0,3 ml (enfant) 0,3 mg/0,3 ml (adulte) I.M. Seringue pré remplie dans un dispositif d auto-injection Prix en euros (TTC) 9,04 42,03 (boite de 1) 78,74 (boite de 2)
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? Les autres médicaments : Anti-histaminique oral 1 β2 2 mimétique inhalé Un corticoïde oral et/ou injectable (à la dose d 1mg/kg équivalent Prednisone). Toutefois, dans le cas particulier de l allergie alimentaire de l enfant, la présence d un corticoïde dans la trousse de secours n est pas recommandée ( A. Muraro, Allergy 2007) L ordonnance doit préciser l indication de chaque médicament pour allergiques aux venins d hyménoptères d après P. Dupont, Revue du Prat. 2002)
Modèle de trousse d urgence pour le patient En cas de piqûre de prendre 1 comprimé de (antihistaminique) En cas de réaction anormale, reprendre 1 comprimé de (antihistaminique) prendre un corticoïde (1mg/kg équivalent Prednisone) et contacter le médecin ou le centre 15. En cas de signes prémonitoires de choc anaphylactique (sueurs profuses, démangeaisons étendues, oppression respiratoire, serrement dans la poitrine, œdème de la gorge avec gêne pour parler, avaler ou respirer, malaise ), faire une injection d adrénaline face antérolatéale de la cuisse, laisser le patient allongé les jambes surélevées jusqu à l arrivée du médecin
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? Les mesures d accompagnement : S imposent faute d un accès rapide à une consultation d allergologie. Elles comportent : Une familiarisation avec le matériel choisi pour l auto-injection d adrénaline (kit de démonstration) Une remise de documents (G. Kanny : document de l institut UCB de l allergie)
LA PREVENTION DE L URGENTISTE : QUAND ET COMMENT? La prévention secondaire s achève chez l allergologue : Quand? Dans les plus brefs délais, et d autant plus vite qu il existe une incertitude sur l allergène responsable «Une consultation immuno-allergologique dans les plus brefs délais s impose, car la mémoire est courte» (G. Kanny) Mais attention : tests cutanés réalisables seulement au bout de 6 semaines (Recom. Prev. Risque allergique - 2001)
Dans quel but? L allergologue a : Toujours un rôle de diagnostic et de conseil Souvent un rôle thérapeutique Le rôle d affirmation diagnostique (G. Kanny) : ou de confirmation Dosage des IgE spécifiques (allergie alimentaire chez l enfant), non systématiques Tests cutanés : prick-tests (+++) : pas de contre indication, arrêt antihistaminique, corticoïdes, psychotropes, tranquillisants quelques jours avant. Tests d éviction ou de ré-introduction (ANAES 2001)
Le rôle de conseil : cf recommandation à la sortie des urgences, en plus détaillé
Le rôle thérapeutique : Education de l allergique +++ Supervisation de la trousse de secours Désensibilisation (+++)
Désensibilisation ou immunothérapie spécifique : Indication formelle chez tout patient allergique ayant eu une réaction anaphylactique de grade III ou IV à un antigène pour lequel existe un antisérum : En pratique : Allergies aux venins d hyménoptères (+++) (Graft D.F., 1983) Asthme allergique sévère en particulier aux acariens ou aux pollens (++) (Recom. SPLF 2007) Quelques cas particuliers d allergie alimentaire (+/-)
Désensibilisation ou immunothérapie spécifique : Contre indications : traitement par bêtabloquant, comorbidité maligne ou mauvaise adhérence, car immunopathologique,
ATTENTION!! C EST PARTI POUR 3 ANS MINIMUM.. VOIRE 5 ANS
Désensibilisation ou immunothérapie spécifique : Principe : neutraliser la libération par mastocytes des médiateurs de l allergie bloquant les IgE par un antisérum spécifique. En pratique : les en Méthode classique atteignant la dose d entretien en 12 semaines Méthode «rush» en 4 jours Méthode ultra rush en 4 à 6h (D. jacques, Rev. Med. Suisse, 2380) Allergie aux venins d hyménoptères
Désensibilisation ou immunothérapie spécifique : Et pour l avenir? W. Burks, Expert opin pharmacother 2008) Nouvelles thérapeutiques en cours d évaluation pour les allergies alimentaires : Traitements anti IgE spécifique Immunothérapie par protéïne mutante Médecine chinoise traditionnelle Immunisation DNA Séquences d immunostimulation liés à l allergène..
EN CONCLUSION J ESPERE QUE MES PROPOS NE VOUS ONT PAS DONNE DES BOUTONS!