- PRÉFACE - Nous tenons donc à adresser tous nos remerciements :



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Transcription:

- PRÉFACE - Le Document Cadre de Partenariat élaboré conjointement et signé en novembre 2005 par le Bénin et la France met, entre autres, un accent particulier sur l éducation, la formation, l enseignement supérieur, la recherche et la culture comme facteurs de développement mais également de promotion de la langue française. La langue française est ainsi et avant tout un outil de communication, d échange et de culture au service du développement économique et social comme à celui, légitime, du rayonnement culturel du Bénin sur la scène africaine et internationale. Mais l'usage de la langue française recouvre aussi un ensemble de valeurs partagées, d'objectifs nobles : un humanisme, pour reprendre le mot du Président Abdou Diouf, prononcé à l'occasion de la journée internationale 2007 de la Francophonie. Des valeurs qui rapprochent les peuples et les cultures autour d'un même idéal démocratique s'inscrivant parfaitement dans l'histoire du monde : écouter, partager, dans un souci de respect mutuel, et construire ensemble un monde plus juste et plus solidaire. La langue française jette un pont entre des partenaires dont les parcours sont différents mais qui revendiquent avec le même enthousiasme la " chose partagée " : le monde de la francophonie est un espace où chacun trouve sa place, et apporte sa pierre à l'édification de l' oeuvre commune. La réhabilitation de l'usage des langues nationales au Bénin, une exigence légitime, offre des perspectives nouvelles que les rédacteurs du présent rapport avaient depuis longtemps pressenties et ouvre des chemins qu'il sera utile d'arpenter. Les langues nationales, expression de la richesse culturelle du Bénin, sont les clés d' un enrichissement partagé, car le français est une langue vivante, une langue qui emprunte, et qui a toujours su se nourrir des cultures du monde. C'est l'ambition des auteurs de ce projet, de tous les amoureux de cette belle langue devenue patrimoine commun, que nous tenons à saluer ici et nous espérons que cette première réflexion commune ouvrira la voie à des actions concrètes. C est dire la satisfaction avec laquelle nous avons assisté récemment, sur la chaîne TV5 Monde, à la victoire éclatante du Bénin au concours francophone bien connu «Questions pour un Champion». Comme son compatriote Gabriel Yandjou, vainqueur de l édition 2002, Jean - Eudes Agbémavo vient à son tour de donner pour 2007 à son pays un motif de fierté : celui d une maîtrise avancée de la langue française et d un niveau élevé de culture générale qu ils disent tous les deux avoir conquis en fréquentant assidûment la riche bibliothèque du Centre Culturel Français de Cotonou. C est dire aussi l importance, au-delà même des compétitions de ce genre, d une réflexion partagée sur la situation, la place et le rôle de la langue française au Bénin, qui plus est dans ses rapports étroits avec les langues nationales. Nous tenons donc à adresser tous nos remerciements : - Aux Béninoises et Béninois, représentants de la société civile, des institutions publiques comme du secteur éducatif, du secteur privé et à tous les défenseurs des belles lettres, qui ont bien voulu donner le meilleur d'eux-mêmes ;

- Au Centre Culturel Français pour la qualité de son accueil pendant toute la période nécessaire à la discussion et l élaboration de ce rapport et pour l implication de son personnel en particulier Madame Marie CHAIGNEAU, Bibliothécaire ; - Au Lycée français Montaigne de Cotonou, en particulier à Mme Catherine CORBEL- DIENE, Professeur agrégée de Lettres modernes et Monsieur GERHART Pierre, Professeur certifié de philosophie qui ont enrichi l étude d une enquête sur le français au sein de l établissement et qui ont largement contribué à améliorer la rédaction du document ; Ces deux établissements, et ce n est pas une surprise, ont su se montrer à la hauteur de leur mission de promotion de la langue française et de la diversité culturelle à laquelle nos deux pays sont si attachés ; - Aux membres de l'association des Professeurs de Français du Bénin (APFB), sans les motivation et expérience desquels un tel travail aurait manqué de sens ; - A Flore Caruana, agrégée de lettres modernes, pour ses conseils éclairés, la pertinence de ses remarques et sa grande disponibilité ; - Au professeur Mohammadou Mérawa, conseiller technique au Ministère de l Enseignement Supérieur et de la Formation Professionnelle, pour sa grande motivation, sa technicité et son souci du travail bien fait ; - A Camille Ertaud-Pierrin, conseillère auprès du Secrétaire Général de la Commission Nationale Permanente de la Francophonie au Bénin, pour son enthousiasme, sa compétence et son engagement ; - A toutes celles et ceux qui, de près ou de loin, par une remarque, une phrase, un témoignage ont su nourrir ce travail d équipe sur la langue française, au moment historique où le nombre de locuteurs dans le monde franchit la barre des deux cent millions, preuve, si besoin en était, de son extrême vitalité. C est dire enfin combien le Gouvernement béninois et l Ambassade de France, en particulier le Service de Coopération et d Action Culturelle auquel a été confiée la coordination de cet important exercice, se félicitent d avoir eu cette occasion de remobiliser experts béninois et français autour d une réflexion partagée au service de la langue française dont la reconquête, à tous les niveaux, est plus que jamais une exigence au regard des défis que le Bénin doit relever, pour son développement comme pour affermir sa solidarité avec le monde francophone. Christian DAZIANO Ambassadeur de France Mariam ALADJI - BONI DIALLO Ministre des Affaires Etrangères

AVANT- PROPOS Lors de la réception qu il a offerte au Palais de l Elysée, le lundi 19 Mars 2007, dans le cadre de la célébration de la Journée Internationale de la Francophonie, le Président Jacques CHIRAC, Président de la République Française, nous a longuement et éloquemment entretenus de la destinée de la langue française... Belle langue, héritage d une longue histoire façonnée par et pour l humanité, véhicule de cultures et de civilisations, langue des Droits et des Libertés de l Homme et des Hommes, parlée sur les cinq continents dans près de 70 Etats par plus de 200 millions de locuteurs... Différents mais solidaires, les 68 Etats ou gouvernements membres ou observateurs de la Francophonie sont, au fond, représentatifs d une certaine vision de l ordre du monde. Un monde dont nous avons posé ensemble les fondements et qu il faut continuer à construire. Un monde où les singularités sont respectées, où chaque voix compte à l égal des autres. Un monde où triomphent partout des valeurs universelles : ces valeurs qui ont pour dénominateur commun le respect, ce sont la liberté, la démocratie, les droits de l homme. C est l égale dignité des cultures et des peuples. C est enfin, le développement durable, avec la volonté de vaincre la pauvreté et l exclusion, la conscience de l urgence écologique et le souci des générations qui nous succéderont. Bariba ou Fon, Yoruba ou Mina, Dendi ou Adja, le Français loin de nous exclure, nous unit et nous réunit autour de ces valeurs universelles qui fondent le développement. Nous n avons aucun complexe à parler et à défendre la langue française. Ils ont mal quelque part, les francophones, lorsque cette belle langue est écorchée, elle qui est si robuste et si fragile en même temps, langue des nuances dont on sait qu elles disent et font toujours l essentiel... Il l a si bien compris, ce jeune professeur de français d un de nos collèges de Kluékamey dans le département du Couffo, qui a initié le projet «PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE», financé sur fonds propres pendant trois années, afin de relever le niveau de connaissance de nos jeunes élèves... Depuis, ce projet, destiné désormais à couvrir tout le territoire national, est devenu l un des projets-phares de nos «Quinzaine de la Francophonie...» Et puis la réception dans le grand salon de l Elysée fut une merveille, tant en raison de la solennité des lieux que, notamment, de la diversité des personnes présentes à la cérémonie... Les échanges furent particulièrement fructueux et instructifs avec les élèves du Club Solidarité du Lycée Joliot-Curie de Dammarie-Lès-Lys invités également avec Madame le Proviseur, et qui doivent se rendre pendant les vacances de Pâques au Cameroun... La Francophonie supprimerait-elle les frontières...?

Nous écoutons à nouveau Jacques CHIRAC : Dans le grand tumulte du monde, la Francophonie est restée arrimée aux principes qui ont présidé à sa création. L ambition généreuse de Léopold Sédar Senghor, d Habib Bourguiba et d Hamani Diori, est aujourd hui une réalité vivante. Qui ne mesure combien cette ambition du dialogue des cultures au service de la paix était visionnaire? Et combien elle est, plus que jamais, d actualité? Le tumulte, c est aussi dans nos Etats, c est aussi dans le Bénin du «Changement» où le français, la France et la Francophonie doivent continuer d accompagner les visions, les efforts et les combats des hommes de bonne volonté afin que vive et triomphe la solidarité entre les Peuples... Bienvenue à ce Plan d Action pour la Promotion de la Langue Française au Service du Développement du Bénin! Adrien Ahanhanzo Glélé Représentant Personnel du Président de la République au Conseil Permanent de la Francophonie à Paris, Secrétaire Général de la Commission Nationale Permanente de la Francophonie, Correspondant National de l OIF.

INTRODUCTION GENERALE «Quartier Latin de l Afrique» disait Emmanuel Mounier en parlant du Dahomey. Il évoquait alors, à juste titre, l impact déterminant de la culture et de la langue françaises dans la formation des élites et la consolidation démocratique des Etats en Afrique sub-saharienne. Le Dahomey a non seulement conservé l usage de la langue française mais il a été jusqu à lui donner le statut de langue officielle. A cette époque, l enseignement, la communication, l information, la rédaction de documents officiels tout se faisait en français. Il existe cependant une hétérogénéité géographique quant à l appropriation de la langue français, et des différences notables de niveau entre les villes et les campagnes. Malgré les disparités entre la population scolarisée et celle encore analphabète, on assiste à une promotion accrue de la langue de Molière, jusqu en 1972. La période 1972-1990 est marquée par une volonté explicite de réduire l importance de la langue française en faveur d une intégration des langues nationales dans de nombreux domaines clefs de la vie politique et sociale du pays (éducation, administration ). Le français perd alors explicitement son statut de langue officielle. Ainsi, de 1975 à 1990, on constate un désinvestissement réel de l usage du français. Il semble néanmoins difficile de l écarter totalement de la vie politique et administrative du Bénin, tant son usage est ancré, notamment en raison du plurilinguisme du pays. Durant cette période, le français reste donc présent dans les principales institutions, bien que les générations présentes sur les bancs de l école aient continué à recevoir une éducation réduite pour ce qui concerne sa dimension francophone. Le renouveau démocratique des années 90 et, à sa suite, toutes les réformes institutionnelles reviennent à un système plus souple. La Constitution du 2 décembre 1990 rend au français son statut de langue officielle, tout en reconnaissant la légitimité comme la liberté d expression et d utilisation des langues nationales. La réflexion sur une intégration rationnelle de ces langues dans le secteur public prend alors un nouvel essor. Aujourd hui, ce modèle qui promeut la complémentarité de l usage des langues nourrit un nouveau débat. Le récent Forum National sur le secteur de l Education, qui s est tenu à Cotonou du 12 au 16 février 2007, en est la meilleure illustration. Il remet à l honneur une réflexion, d une part, sur la langue française comme outil partagé de développement et de communication, et d autre part, sur le rôle dans l enseignement des langues nationales, dont

chacun sait qu une bonne appropriation est un préalable indispensable à l apprentissage d autres langues. Au moment où le Président Boni YAYI et son gouvernement entendent légitimement faire du Bénin un pays émergent en donnant une nouvelle impulsion au développement social et économique, le débat linguistique pourrait paraître de peu d intérêt. Il n en est rien, bien au contraire. Par ailleurs, la puissance du Nigeria, pays voisin et anglophone, suggère de redéfinir les rapports d équilibre et de complémentarité entre les pôles linguistiques de la sous- région, sinon même au niveau continental. Mais, si le pays demeure francophone, on est en droit de s interroger sur la réalité de l emploi et de la maîtrise de la langue française. Celle-ci semble en effet souffrir d un appauvrissement progressif dans la qualité et la fréquence de son utilisation. C est pourquoi, lorsque le Ministère des Affaires Etrangères français nous a invités à nous pencher sur la question de «l enseignement français à l étranger», il nous a vite semblé à la fois judicieux et indispensable d inscrire cette problématique dans une dynamique plus large. C est ainsi que nous sommes arrivés, Béninois et Français, à la conclusion que la langue française devait être abordée dans sa relation avec le développement du Bénin comme avec les langues nationales. Pour ce faire, la prise en compte des données historiques, géographiques et linguistiques peut éclairer l évolution constatée, au fil des générations, de la place du français et constituer des expériences enrichissantes quant aux stratégies à adopter dans un plan d action. Nous avons cherché à mieux en appréhender les enjeux. Compte tenu de la diversité des profils des participants, de leurs expériences et des thèmes à traiter, cinq groupes de travail ont été constitués pour couvrir l essentiel du champ de réflexion. Il leur a été laissé une entière liberté d analyse lors de l élaboration du document, permettant ainsi de mettre au jour aussi bien des points communs que des divergences riches d enseignements. Il était entendu que chaque groupe devait faire un état des lieux de la langue française au Bénin dans son domaine de compétence, et proposer des axes de travail. Les cinq groupes ont été constitués au terme d une large concertation autour des thèmes : Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel - Enseignement supérieur et recherche - Culture et Médias - Monde de l entreprise et de l administration - Univers de la rue et des langues partenaires.

Les différents groupes rassemblaient des participants aux compétences diverses dans une réflexion partagée et riche, favorisant une forte synergie entre Béninois et Français issus pour l essentiel de la société civile, de l administration, du secteur privé et de l éducation. Enfin, pour élaborer un document qui prenne en compte les réalités du pays, les réflexions n ont pas seulement porté sur la langue française, mais ont également pris en compte l emploi des différentes langues nationales. Cette démarche est la préfiguration de futurs pôles de compétences, autre nouveau chantier que le Service de Coopération et d Action Culturelle de l Ambassade de France a ouvert cette année au Bénin. L objectif est de regrouper, de fédérer les meilleures compétences béninoises et françaises autour des thèmes majeurs du développement du pays. L analyse des contributions des cinq groupes de travail les a conduits à dresser une typologie des recommandations découlant des constats opérés. Ce plan d action est l un des matériaux de base pour l élaboration d un futur projet du Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP), orienté vers la promotion de la langue française au service du développement du Bénin, en partenariat avec les langues nationales. Il ne s agit donc pas d un document figé, mais d un ensemble de réflexions et propositions qui doivent pouvoir continuer à s enrichir du dialogue engagé sur une large base participative, impliquant Béninois et Français dans un exercice original à la mesure des défis à relever. William Benichou Conseiller de coopération et d action culturelle de l Ambassade de France