La preuve de la collusion dans les marchés publics au sein de l Union européenne Jacques Tallineau Expert UGP du P3A



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Transcription:

L ACCORD La preuve de la collusion dans les marchés publics au sein de l Union européenne Jacques Tallineau Expert UGP du P3A

01 UN RISQUE RÉCURRENT DANS TOUS LES PAYS L ACCORD Exemple des collusions poursuivies par l autorité de la concurrence en France De 1991 à 2010, sanctions de 221 ententes dans les marchés publics impliquant plus de 750 entreprises distinctes Entre 2004 et 2008, moyenne de 13 affaires par an représentant 16 et 28 % des sanctions prononcées Un risque qui se retrouve dans toute l Union européenne Etude 2012/2013 demandée par l Office Anti-Fraude de l UE (OLAF) «Public Procurement: costs we pay for corruption» Sur 8 pays et 5 secteurs : 57 cas de «bid rigging» Dont Italie (12), Pologne (10) France (6), Espagne (5), Pays Bas (0)

02 DETECTION DE LA COLLUSION DANS LES ENTENTES SECRETES Ententes secrètes de répartition des A LA marchés MISE publics EN ŒUVRE à travers DE les mécanismes de soumission des offres qui permettent de désigner L ACCORD le futur attributaire du marché: Offres de couverture Soumission non conforme ou comportant des conditions inacceptables pour l acheteur public. Suppression d offres ou abstention de soumissionner Rotation de soumissions

03 LE PARCOURS DE L ENQUETEUR POUR RECHERCHER LA PREUVE L ACCORD En général le point de départ est celui d une plainte ou d une dénonciation. Etape 1: Analyse des facteurs de risques Analyse de l environnement concurrentiel pour le marché considéré appuyé par la revue historique des marchés similaires (en France sous la responsabilité de la DGCCRF) Les anomalies constatées à ce stade de l enquête ne constituent pas en soi des preuves irréfutables, mais plutôt des signaux d alerte (repris dans une note d indices des agents régionaux de la DGCCRF). Etape 2: Autorité de la Concurrence décide ou non de mesures d investigation avec l appui du juge judiciaire si besoin est (auditions, perquisitions, saisie de documents) pour accumuler d autres indices qu il y a eu une pratique concertée. Les enquêtes sont conduites par la DGCCRF

04 LA VALEUR DES INDICES DE COLLUSION Les indices ne sont pas des preuves A LA «irréfragables MISE EN ŒUVRE» car les entreprises DE peuvent expliquer l'existence de ces indices par autre L ACCORD chose qu'une pratique anti-concurrentielle (c est toutefois une forme de renversement de la charge de la preuve) Par exemple le parallélisme des offres entre plusieurs soumissionnaires ou l attribution d un marché répétitif au même opérateur leader sur ce marché ne sont pas des éléments suffisants à eux seuls pour démontrer la collusion entre les soumissionnaires car ces situations peuvent être dues à la nature du marché.

05 LA PREUVE SUFFISANTE POUR ETABLIR LA COLLUSION DEVANT L AUTORITE DE LA CONCURRENCE FRANCAISE L ACCORD «il est établi que des entreprises ont conclu une entente anti-concurrentielle dès lors que la preuve est rapportée, soit qu'elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être» Décision n 01-D-13 du 19 avril 2001

06 ECHANGE D INFORMATION ENTRE LES SOUMISSIONNAIRES POTENTIELS «tout échange d'information préalablement au dépôt des offres est anticoncurrentiel s'il est de nature à diminuer l'incertitude où toutes les L ACCORD entreprises doivent se trouver placées, relativement au comportement de leurs concurrentes. Cette incertitude est en effet la seule contrainte de nature à pousser des opérateurs concurrents à faire le maximum d'efforts en terme de qualité et de prix pour obtenir le marché. A l'inverse, toute limitation de cette incertitude affaiblit la concurrence entre les offreurs et pénalise l'acheteur public, obligé à payer un prix plus élevé que celui qui aurait résulté d'une concurrence non faussée» Décision n 08-D-33 du16 décembre 2008

07 ECHANGE D INFORMATION ENTRE LES SOUMISSIONNAIRES POTENTIELS «de simples échanges d informations A LA MISE portant EN sur ŒUVRE l existence DE de compétiteurs, leur nom, leur importance, leur disponibilité L ACCORD en personnel ou en matériel, leur intérêt ou leur absence d intérêt pour le marché considéré, ou les prix qu ils envisagent de proposer, altèrent également le libre jeu de la concurrence en limitant l indépendance des offres» Décision n 09-D-25 du 29 juillet 2009 Exemples : notes manuscrites sur les conditions des entreprises concurrentes, rendez-vous sur un agenda

08 CAS DE COORDINATION PLUS COMPLEXE DES SOUMISSIONNAIRES OFFRES DE COUVERTURE, ACCORDS DE REPARTITION DES MARCHES «A défaut de preuves directes d'une pratique anti-concurrentielle, L ACCORD la valeur probante d'un faisceau d'indices n'est pas exclue si, après recoupement, ils constituent un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes même si, pris isolément, ils n'auraient pas un caractère suffisamment probant» Décision n 07-D-36 du 7 novembre 2007

09. MEME APPROCHE DE LA PREUVE DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES SECRETES DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L UE «ces indices doivent être graves, précis et concordants L ACCORD» (CJCE, 28 mars 1984,aff. 29/83 et 30/83) «preuves qui fondent la ferme conviction» (TPI, 21 janvier 1999, aff. T- 185/96, T-189/96 et T-190/90) «ces indices seront considérés comme satisfaisants dès lors que la concertation constitue la seule explication plausible du comportement des entreprises» (CJCE, 7 janvier 2004, aff. C-204/00) )

10 FACILITER LA DETECTION ET LA PREVENTION DES RISQUES DE COLLUSION Mécanismes de coordination des autorités de la concurrence avec les autorités en charge de lutte contre la corruption L ACCORD Appui des autorités de la concurrence (ou des services d enquête) pour la conception de certains types d appels d offres Etudes préalables de l environnement concurrentiel avant la passation des marchés (en France, veille concurrentielle dans la commande publique en positionnant aux côtés des acheteurs publics des agents de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes au nombre de 150 sur tout le territoire national Formation spécifique à la détection des risques de collusion pour les agents publics en charge des marchés et publication de guides Encouragement à la mise en place par les entreprises de programmes de conformité (en lien avec les dispositifs de clémence)

L UGP vous remercie L ACCORD de votre attention Jacques.tallineau@p3a-algerie.org +213 (0) 660 40 58 02 www.p3a-algerie.org