INTRODUCTION LE CONCOURS DES RESPONSABILITES CONTRACTUELLE ET EXTRACONTRACTUELLE



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INTRODUCTION 1. - Un arrêt inattendu de la Cour de cassation, rendu le 29 septembre 2006, a ravivé les discussions entre partisans et adversaires du «concours des responsabilités». Le professeur Hubert Bocken a publié un commentaire brillant et fouillé de cet arrêt 1. Comme nous ne partageons pas totalement son point de vue sur ce point, nous avons choisi de revenir sur cette question dans ses Mélanges, pour lui faire part, avec la modestie qui convient, de notre opinion. Nous savons par avance que notre collègue ne nous en tiendra pas rigueur puisqu il cultive le goût de la discussion sans parti pris ni condescendance. Nous choisissons donc d entrer dans ce débat avec beaucoup de prudence pour lui dire tout le plaisir que nous avons retiré de nos rencontres et de nos trop rares discussions. LE CONCOURS DES RESPONSABILITES CONTRACTUELLE ET EXTRACONTRACTUELLE ULTIME TENTATIVE DE CONCILIATION Par Bernard Dubuisson Professeur ordinaire à l Université catholique de Louvain Professeur aux Facultés Universitaires Saint-Louis Dans les limites de cette étude, on se limitera à la question du concours proprement dite. La problématique de la coexistence des responsabilités ou de la tierce complicité ne seront pas abordées. Il s agit là d autres situations dans lesquelles peuvent se rencontrer les deux ordres de responsabilité, contractuelle et extracontractuelle. On n abordera pas non plus, si ce n est superficiellement, les questions particulières qui naissent lorsque l inexécution du contrat résulte de l intervention d un agent d exécution du débiteur principal. Résoudre correctement le problème du concours impose de franchir deux étapes que nous examinerons successivement. Il s agit, tout d abord, de fixer le périmètre du contrat (I). Il convient ensuite de régler la question du concours proprement dite (II). Nous terminerons en proposant une nouvelle piste de solution (III). I. La PHASE PRALABLE A LA SOLUTION DU CONFLIT : LA DETERMINATION DU PERIMETRE DU CONTRAT. 2. - La solution d une question de concours passe par une étape préalable qu il convient de ne pas négliger : il faut d abord s assurer que la responsabilité engagée par le cocontractant (ou son agent d exécution) est bien de nature contractuelle. Si tel n est pas le cas, il n est pas nécessaire d aller plus loin : la responsabilité n étant pas contractuelle, la question du choix ne se pose plus et il n y a aucun obstacle à intenter l action sur une base quasi délictuelle pour obtenir la réparation du dommage. La possibilité pour un contractant d agir sur le fondement du contrat contre son partenaire est subordonnée à trois conditions cumulatives : un contrat valide et pleinement en vigueur doit exister entre la victime et l auteur du fait dommageable (A). Le dommage doit résulter de l inexécution par le cocontractant ou son agent d exécution d une obligation découlant du contrat (B). Ce dommage doit avoir été subi par un cocontractant ou une personne pouvant être assimilée au cocontractant (C) 2. 1 H. BOCKEN, «Samenloop contractuele en buitencontractuele aansprakelijkheid : Verfijners, verdwijners en het arrest van het Hof van cassatie van 29 september 2006», N.j.W., 2007, pp. 722-731. 2 Sur ces questions voy. I. CLAEYS, Samenhangende overeenkomsten en aansprakelijkheid. De quasi-immuniteit van de uitvoeringsagent herbekeken, Anvers, Intersentia, 2003, p. 26 et s. ; B. DUBUISSON, Responsabilité contractuelle et responsabilité extracontractuelle, 2 volumes dans l ouvrage collectif Responsabilité. Traité théorique et pratique, dirigé par J.-L. FAGNART, Kluwer, vol. 1 er, 2003, p. 8 et s. 1 2

Cette première phase de vérification est plus délicate qu on ne le pense. Nous ne nous y attarderons pas outre mesure mais elle permet déjà de mettre en lumière certaines difficultés propres à la matière. A. Un contrat valide et pleinement en vigueur au moment où le fait générateur du dommage est accompli. 3. - La faute commise avant que le contrat n entre en vigueur ne saurait être qu extracontractuelle. En droit belge il n est pas contesté que la faute commise pendant les pourparlers préalables à la formation du contrat est de nature quasi-délictuelle (culpa in contrahendo). Il est cependant des situations où il est permis d hésiter sur l existence même d un contrat entre les parties en cause. Un contrat peut-il naître lorsqu une personne se met gratuitement au service d une autre pour réaliser une prestation déterminée (transport bénévole) 3? Peut-on tenir pour contractuelles les relations entre l usager d un service public et celui qui le fournit (distribution d eau ou d électricité)? Si les relations entre le distributeur d électricité et l usager sont de nature réglementaire, il n y a pas lieu d évoquer la question du concours. La Cour de cassation s est prononcée en ce sens dans un arrêt du 27 novembre 2006 sur lequel nous reviendrons plus loin 4. Dans cet arrêt, la Cour rejette en bloc l argumentation du demandeur qui était toute entière fondée sur l existence d un contrat entre les parties et sur la possibilité d invoquer la responsabilité aquilienne. D autres difficultés pratiques peuvent naître, liées à la difficulté de déterminer précisément le début de l exécution du contrat. On songe aux accidents survenus à un passager sur le quai d une gare avant sa prise en charge ou à un client dans la salle d attente d un médecin avant la consultation. L extension des limites temporelles du contrat est évidemment de nature à multiplier les hypothèses de concours des responsabilités 5. B. Le dommage doit résulter de la violation d un obligation découlant du contrat. 4. - Si la faute ou le fait illicite qui a été commis ne résulte pas de la violation d une obligation découlant du contrat, la responsabilité ne saurait être contractuelle et le problème du concours ne se pose pas. Un exemple simple suffit à illustrer cette condition. La responsabilité que le locataire engage à l égard du bailleur à l occasion d un banal accident de la route est, à l évidence, de nature quasi délictuelle, car le dommage subi par le bailleur ne résulte pas de la violation d une obligation découlant du contrat de bail. Les choses ne sont malheureusement pas toujours aussi simples. Des problèmes peuvent surgir lorsque le contrat est purement verbal (contrat passé avec l exploitant d un manège forain par exemple) ou lorsque les parties ont laissé dans l ombre certaines obligations qui pourraient en découler. Déterminer si la faute résulte d une obligation découlant du contrat relève alors de l interprétation de la volonté des parties, plus exactement de la volonté qu auraient eue les parties si elles avaient songé au problème. L art du juge confine ici à la divination. Il ne faut donc pas s étonner de certaines divergences. 5. La responsabilité de l agriculteur à l égard de l exploitant professionnel dont l activité consiste à mettre des machines à disposition pour l exécution d un travail déterminé en fournit une excellente illustration. Si des dégâts sont causés à la machine par des débris enfouis dans le terrain appartenant à l agriculteur, l entrepreneur professionnel peut-il fonder son action sur l article 1384, alinéa 1 er, du Code civil pour obtenir réparation des dommages? Cette question a alimenté une abondante jurisprudence surtout dans le nord du pays 6. On voit immédiatement tout le profit que l entrepreneur pourrait tirer de cette disposition qui institue une responsabilité objective du fait des choses à charge du gardien. Avant d envisager la question sous l angle du concours, il convient tout d abord de franchir l étape préalable en vue de déterminer si ce dommage résulte de la violation d une obligation découlant du contrat. En d autres termes, l agriculteur avait-il en vertu du contrat une obligation de mettre à disposition de l entrepreneur un terrain exempt de défaut, ou, à tout le moins, une obligation de prudence ou de diligence à cet égard? Dans la plupart des cas, les parties ne se sont pas exprimées sur la question. Une première possibilité serait de considérer, dans le silence des parties, que l obligation dont il est question n est pas de nature contractuelle. Dans ces conditions, l entrepreneur pourrait se fonder sur l article 1384, alinéa 1 er, pour obtenir réparation sans même évoquer la question du concours. Cette voie n a généralement pas été suivie, à juste titre. Le silence des parties ne suffit pas à conclure qu aucune obligation contractuelle n existe sur ce point. Une deuxième voie consiste à affirmer que le propriétaire du terrain a bien l obligation contractuelle de mettre à disposition du professionnel un terrain exempt de tout défaut. Il faut alors déterminer, sous l angle contractuel, si cette obligation est de moyen ou de résultat. Si elle n est que de moyen, l entrepreneur doit démontrer que l agriculteur connaissait ou devait connaître l état défectueux du terrain. Si elle est de résultat, le propriétaire serait présumé en faute et il ne pourrait se libérer que par une cause étrangère exonératoire. Dans le silence des parties, les tribunaux ont généralement opté pour une obligation de moyen. La responsabilité du propriétaire du terrain ne pourrait donc être engagée qu à condition de démontrer une faute dans son chef, faute qui ne sera établie que s il savait ou devait savoir que le champ comportait des débris ou des obstacles. Ayant franchi cette étape, la question du concours peut seulement se poser afin de savoir si l action de l entrepreneur peut être fondée sur l article 1384, alinéa 1 er. Cette question a généralement reçu une réponse négative en jurisprudence, au motif que la faute commise ne constituait pas un manquement au devoir général de prudence qui s impose à tous. Une seule décision parmi celles recensées accepte d envisager la question sous l angle l article 1384, alinéa 1 er, du Code civil 7. Cette seule illustration est typique des difficultés qui peuvent surgir dans la détermination du périmètre du contrat. Des difficultés similaires peuvent être constatées dans les contrats de 3 Voy. à ce sujet, P. WÉRY, «Les contrats de services gratuits», in Knelpunten. Dienstencontracten (éd. B. TILLEMAN et A. VERBEKE), 2006, pp. 68-69. 4 Cass., 27 novembre 2006, R.A.B.G., 2007, p. 1257, note L. PHANG, N.j.W., 2008, p. 28, note I.B. 5 Pour la question particulière des fautes commises dans la phase préliminaire à l exécution, voy. B. DUBUISSON, op. cit., vol. 1 er, 2003, pp. 11-12. 6 Voy. et comp. Gand, 25 novembre 1997, T.G.R., 1998, p. 108 ; Civ. Bruges, 21 mai 1999, R.W., 2000-2001, p. 204, note ; Gand, 16 novembre 1999, R.W., 2000-2001, p. 200, note ; Gand, 10 décembre 2002, N.j.W., 2003, p. 1227 ; Gand, 3 février 2005, R.G.D.C., 2007, p. 523 ; Civ. Courtrai, 3 janvier 2003, R.W., 2004-2005, p. 1110, note. 7 Civ. Bruges, 21 mai 1999, R.W., 2000-2001, p. 204, note. 3 4

service lorsque le professionnel doit effectuer un travail bien déterminé au domicile de son client et qu il cause des dommages à des biens qui lui appartiennent (voy. à cet égard infra). C. La victime qui a subi le dommage doit être le cocontractant. 6. - L inexécution d une obligation découlant du contrat peut causer des dommages aux tiers, indépendamment de ceux causés au contractant lui-même. Etant par hypothèse étranger au contrat, le tiers qui souhaite obtenir réparation de ce préjudice ne peut intenter qu une action quasi délictuelle. Il ne s agit pas d une situation de concours mais d une situation de coexistence. Le tiers, auquel le principe de la relativité des conventions interdit de se fonder directement sur la violation de l obligation découlant du contrat, devra démontrer que la faute contractuelle constitue à son égard et dans le même temps une faute aquilienne au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Savoir si une personne est tiers ou partie au contrat n est pas toujours aisé. Il suffit de songer à l agent d exécution du débiteur principal ou au titulaire d une action directe permettant à un créancier d agir, ommisso medio, contre le débiteur de son propre débiteur 8. Si l action exercée par l agent d exécution (en qualité de victime) ou le titulaire de l action directe est de nature contractuelle, ce qui semble être le cas, l action quasi délictuelle ne pourrait être autorisée que si les conditions du concours sont satisfaites. Ce n est que si ces trois conditions sont remplies qu il est permis d entrer de plain-pied dans la question du concours 9. II. LES SOLUTIONS DU CONCOURS DES RESPONSABILITES. 7. - La responsabilité étant, par hypothèse, de nature contractuelle il faut maintenant se demander si le créancier peut, selon sa préférence, opter pour l action ex delicto. Cette question sera abordée en deux temps. On présente d abord d un point de vue théorique les enjeux du problème et les différentes manières de le résoudre (A) puis on examine les solutions apportées par la jurisprudence de la Cour de cassation (B). 8 On rappellera par exemple que la Cour de cassation reconnaît au maître de l ouvrage le droit d agir en garantie des vices cachés contre le fournisseur des matériaux qui les a vendus à l entrepreneur : Cass., 18 mai 2006, R.W., 2007-2008, p. 147, concl. DUBRULLE, note N. CARETTE. 9 Selon certains, il faudrait encore poser en préalable que la faute est de nature quasi-délictuelle. Dans un souci pédagogique, Hubert Bocken, dans son article précité (p. 725, note 20), propose de représenter la problématique du concours sous la forme de deux cercles qui s entrecroisent, l un représentant la faute contractuelle et l autre la faute quasi-délictuelle. L intersection des deux cercles représente la faute qui remplit les deux caractéristiques. Si nous comprenons bien, il en déduit qu il faut préalablement à la question du concours, nécessairement démontrer d une part que la faute est de nature contractuelle et, d autre part, qu elle aussi de nature extracontractuelle. Selon nous, la réponse à cette dernière question anticipe déjà sur le problème du concours. La faute étant définie comme contractuelle, il s agit en effet de se demander s il est possible de qualifier autrement les mêmes faits. Or la représentation du problème sous la forme abstraite proposée n est correcte que si on classe dans les ensembles des faits différents. La détermination du périmètre du contrat permet donc de remplir les deux cercles extérieurs en séparant les fautes contractuelles et les fautes extracontractuelles. Elle suffit à franchir l étape préliminaire sans qu on ait à se demander si la faute commise est de nature quasi-délictuelle. Au milieu se situent les faits qui peuvent répondre en même temps aux deux qualifications. Cela suppose qu on soit déjà entré dans la question du concours. A. Les paramètres du conflit. 8. - Dépouillée de tous ses accessoires, la question du concours revient à se demander si un créancier victime de l inexécution d une obligation contractuelle peut s évader du contrat qui le lie au débiteur pour invoquer les règles de la responsabilité extracontractuelle, et, si oui, à quelles conditions 10. Il pourrait trouver intérêt à le faire pour des raisons diverses : soit parce que ce régime de responsabilité lui semble plus favorable, soit pour échapper à l application d une clause contractuelle qui se révèle désavantageuse, soit pour contourner la prescription de l action contractuelle ou encore pour orienter la solution d un éventuel conflit de lois Comment résoudre la question du choix entre la voie aquilienne et la voie contractuelle? Théoriquement, il existe trois solutions possibles. 1. Les règles de la responsabilité aquilienne priment le contrat. 9. - Selon une première approche, les règles de la responsabilité quasi-délictuelle fixeraient le niveau de protection sur lequel toute victime, contractante ou non contractante, pourrait compter. Il s agirait donc d un domaine réservé que même les cocontractants ne pourraient pas s approprier totalement. Admettre cette solution revient-elle à faire de ces règles des règles d ordre public? Pas tout à fait. Les clauses qui empiéteraient sur le domaine «réservé» ne seraient pas pour autant frappées de nullité absolue. Elles seraient valides et rien n empêcherait le cocontractant de s en prévaloir mais elles ne pourraient empêcher ce même cocontractant, si tel est sa préférence, de se fonder sur les règles de la responsabilité aquilienne. On conviendra cependant que ceci revient à enlever pratiquement toute portée à de telles clauses. Si cette première approche peut être difficilement soutenue en droit belge, c est que notre système de responsabilité civile ne hiérarchise pas les intérêts à protéger. Il comprend sous le terme dommage toute atteinte à un intérêt légitime quel qu il soit, y compris les intérêts purement économiques. Dans ces conditions, il devient difficile de justifier la primauté absolue des règles de la responsabilité quasi-délictuelle d autant que les deux ordres de responsabilité peuvent tendre à un but identique : la réparation du dommage subi. Sans être un spécialiste du droit comparé, nous avons l intuition que si le droit allemand ne connaît pas le problème du concours de responsabilité, c est précisément parce que ce droit cherche à définir les intérêts dignes de protection et tente de les hiérarchiser les uns par rapport aux autres 11. Or, au plus haut niveau de ces intérêts apparaît la protection de la personne (atteinte à l intégrité physique) et la protection des biens (atteinte à la propriété). Pour ces intérêts de première catégorie, le détour par le concours est inutile car l action délictuelle est toujours possible. 10 Nous éviterons ici, soigneusement les termes ambigus de «cumul des responsabilités». Comme l indiquait déjà H. De Page : «La célèbre question du cumul n est jamais qu une question d option, de choix entre deux voies, entre deux moyens de droit permettant l obtention d une seule indemnité, ( ) il ne peut jamais y avoir que concours entre elles, ouvrant au demandeur une option pour l exercice de son droit à la réparation (H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civile belge, t. 2, Bruxelles, Bruylant, 1964, p. 895). 11 Le droit allemand connait ainsi depuis 1902 des obligations délictuelles de sécurité. Ces obligations trouvent directement leur source dans le 823 du BGB. Voy. O. BERG, La protection des intérêts incorporels en droit de la réparation des dommages, Bruxelles/Paris, Bruylant/ L.G.D.J., 2006, p. 20, n 34. 5 6

2. Le contrat prime les règles de la responsabilité aquilienne. 10. - Une deuxième approche se situe à l opposé de la première. Elle vise à donner au contrat une primauté absolue sur les règles de la responsabilité délictuelle. Dès lors que le contrat exprime la volonté des parties contractantes, le contrat ne saurait être contourné par l action quasi délictuelle. L ouverture de l action ex delicto entre contractants entraînerait en effet un bouleversement des prévisions des parties et aboutirait à faire supporter à l un d eux des risques qu elle n a pas voulu supporter. Cette thèse a de nombreux partisans 12. Elle est certainement convaincante dans ses prémisses mais comporte le danger d un empiètement considérable de la responsabilité contractuelle sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle. Dans une telle conception, le domaine de la responsabilité délictuelle pourrait à loisir se restreindre au gré de la volonté des parties. Une telle solution pourrait certainement être acceptée si le domaine contractuel était un champ hermétiquement clos, limité à ce que les parties ont voulu et exprimé en contractant. Tel n est cependant pas le cas. Le problème vient, tout d abord, du fait que dans un système dominé par le consensualisme, la rencontre des volontés suffit à former le contrat, même si celles-ci n ont pas songé à préciser clairement les obligations qui en découlent. Dans le silence des parties, c est le juge qui est alors appelé à nourrir le contrat. Ensuite, les limites du contrat ne sont pas uniquement délimités par ce qui est exprimé par les parties. Les juges reçoivent des articles 1134, alinéa 3, et 1135 du Code civil, un pouvoir d intervention considérable 13. Selon l article 1135 en effet, «les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l équité, l usage ou la loi donnent à l obligation d après sa nature». Au titre de la fonction complétive de la bonne foi déduite de l article 1134, alinéa 3, les juges peuvent aussi dégager du contrat des obligations nouvelles qui n y sont pas formellement exprimées et qui traduisent plutôt de normes de bonne conduite entre contractants (devoir d information, de collaboration, obligation de respecter les règles de l art ). Il se peut même que ces normes de bon comportement débordent les relations entre les parties pour obliger l une d entre elle à veiller spécialement à la sécurité des tiers. Tout ceci contribue à faire du contrat le réceptacle d obligations de nature très diverse dont certaines ne font, somme toute, qu exprimer de manière plus précise la règle générale de prudence qui s impose à tous, quand elles ne se bornent pas à en rappeler l existence. S en tenir à la primauté absolue du contrat reviendrait dans ces conditions à restreindre exagérément le champ naturel de la responsabilité civile quasi délictuelle, ce qui ne va pas toujours dans le sens de la protection de la victime. 3. La recherche d un compromis. 11. - Il existe une troisième voie qui rassemble aussi ses partisans 14. Tout en reconnaissant la primauté du contrat et de l action contractuelle, celle-là viserait précisément à cantonner le 12 Voy. les références citées sous la note 27. 13 Voy. notamment H. BOCKEN, op. cit., p. 725. 14 Voy. les références citées sous la note 28. domaine du contrat à ce qui en constitue le noyau dur. Ce dernier pourrait être défini à l aide d une approche objective qui ne serait plus strictement dépendante de ce que les parties ont voulu ni de ce que le juge pense qu elles ont voulu. Il s agirait, en d autres termes, de déterminer à l aide de critères objectifs la partie inexpugnable du contrat, tout en autorisant l action délictuelle dans les hypothèses qui débordent le domaine ainsi réservé. Les critères permettant de déterminer le noyau dur du contrat tiendraient à la nature même de la faute et du dommage : l action délictuelle ne pourrait être exercée par le cocontractant quand la faute ou le dommage sont purement contractuels. Au-delà de ce noyau dur, c est-àdire quand la faute n est pas purement contractuelle et que le dommage ne l est pas non plus, l action quasi délictuelle resterait possible Toute la difficulté consiste bien entendu à donner un contenu précis à ces notions. Selon les partisans de cette solution, les «obligations purement contractuelles» sont celles qui trouvent uniquement leur origine et leur condition d existence dans le contrat 15. Il s agit des obligations qui concourent directement à la réalisation de l opération économique projetée 16. Ainsi, l acheteur d une marchandise ne pourrait-il invoquer les articles 1382 et suivants du Code civil pour sanctionner l inexécution par le vendeur de son obligation de fournir un bien conforme à ce qu il avait commandé. Cette obligation tend en effet à assurer l utilité ou l efficacité de l échange économique qui est au centre du contrat. La notion de «dommage purement contractuel» est plus difficile à cerner car on serait enclin à penser qu un dommage n a pas une nature spécifique selon qu il trouve sa source dans un contrat ou dans un délit. Dans une acception restrictive, les dommages purement contractuels seraient tous les dommages qui résultent de la perte ou de la privation de l avantage économique que le contractant devait normalement retirer de son exécution. Dans cette acception, les dommages et intérêts purement contractuels auraient pour objet essentiel de compenser l inexécution totale ou partielle, ou bien le retard de la prestation promise par le cocontractant ainsi que toutes ses conséquences nécessaires 17. Ainsi, le maître de l ouvrage ne pourrait-il poursuivre sur une base quasi-délictuelle la réparation des préjudices qui résultent pour lui de l effondrement du bâtiment afin d obtenir une indemnité supérieure à celle fixée par le contrat, mais il pourrait fort bien invoquer les 15 Sur cette notion, voy. J. VAN RYN, Responsabilité aquilienne et contrats en droit positif, Paris, Sirey, 1933, n s 196 à 212 ; du même auteur, «Le concours des responsabilités contractuelle et délictuelle», note sous Gand, 10 juillet 1954, R.C.J.B., 1957, p. 302, n 6 ; «Responsabilité aquilienne et contrats», J.T., 1975, p. 505 ; V. SIMONART, op. cit., R.C.J.B., 1999, p. 739. 16 Cass., 4 juin 1971, R.C.J.B., 1976, p. 12, note R.O. DALCQ et F. GLANSDORFF : «( ) il ressort des constatations de l arrêt que le droit dont la violation constitue le fondement de l action intentée, à savoir le droit à la fourniture de courant électrique, trouve uniquement son origine et ses conditions d existence dans le contrat conclu entre parties, et que le dommage subi n est dû qu au seul manquement de la demanderesse aux obligations résultant dudit contrat ( ) ; les conséquences de ladite violation sont, dès lors, entre parties contractantes, exclusivement régies par les principes qui règlent la responsabilité contractuelle» (nous soulignons). Voy. aussi J. VAN RYN, «Responsabilité aquilienne et contrats», J.T., 1975, pp. 505-506 ; J.-H. HERBOTS, «Quasi-delictuele aansprakelijkheid en overeenkomsten», T.P.R., 1980, p. 1078 ; J.-L. FAGNART et M. DENÈVE, «La responsabilité civile (1976-1984). Chronique de jurisprudence», J.T., 1985, p. 453. 17 Sur cette notion, voy. J. VAN RYN, op. cit., J.T., 1975, pp. 505-506 ; J. HERBOTS, op. cit., T.P.R., 1980, p. 1088 ; M. VAN QUICKENBORNE, op. cit., R.C.J.B., 1988, p. 344 et s. Certaines décisions se sont ralliées à cette interprétation. Voy. ainsi Bruxelles, 13 novembre 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1460, R.G.A.R., 1989, n 11485 ; Civ. Anvers, 21 septembre 1988, Entr. et dr., 1990, p. 48, obs. ; Liège, 19 janvier 1989, R.G.A.R., 1992, n 12065. 7 8

règles de la responsabilité quasi-délictuelle pour obtenir réparation des lésions corporelles qu il aurait subies à cette occasion 18. Le fait que les dommages ne soient survenus que parce que les parties étaient entrées en relations contractuelles ne suffirait donc pas à écarter les règles de la responsabilité aquilienne. B. La jurisprudence de la Cour de cassation. 12. - Nous ne pouvons, dans les limites de cette étude, retracer dans le détail l évolution et les révolutions de la jurisprudence de la Cour de cassation concernant le concours des responsabilités contractuelle et extracontractuelle. Des commentaires nombreux ont été consacrés à cette question 19. Le professeur Bocken s y est employé de manière minutieuse et excellente dans une étude récente 20. Notre collègue Patrick Wéry a, lui aussi, procédé récemment à une étude limpide à ce sujet 21. Nous y renvoyons le lecteur et nous nous limiterons à poser les jalons essentiels. L essentiel du débat doctrinal se focalise autour de la formule généralement utilisée par la Cour de cassation pour déterminer les conditions du concours, formule qui a été modifiée dans un arrêt rendu le 29 septembre 2006. 1. L arrêt du 13 février 1930 : le concours absolu. 13. - L arrêt du 13 février 1930 marque la première étape de la réflexion de la Cour de cassation sur la question du concours 22. Elle se fonde sur l idée que les deux actions en responsabilité, contractuelle et extracontractuelle, ont des objets a priori différents, 18 L exemple est emprunté à J. VAN RYN, op. cit., J.T., 1975, p. 505. 19 Voy. ainsi, depuis 1980, E. DIRIX et A. VAN OEVELEN, «Verbintenissenrecht», R.W., 1980-1981, col. 2454 et s. ; J.-H. HERBOTS, «Quasi-delictuele aansprakelijkheid en overeenkomsten», op. cit., T.P.R., 1980, p. 1055 et s. ; X. DIEUX, «Le contrat : instrument et objet de dirigisme?», in Les obligations contractuelles, Jeune Barreau de Bruxelles, 1984, p. 309 et s. ; H. COUSY, «Het verbod van samenloop tussen contractuele en extracontractuele aansprakelijkheid en zijn weerslag», T.P.R., 1984, p. 155 et s. ; M. DOUTRÈWE, obs. sous Liège, 24 mai 1983, J.L., 1984, p. 440 et s. ; A. VAN OEVELEN et E. DIRIX, «Kroniek van het verbintenissenrecht», R.W., 1985-1986, col. 96 et s. ; J.-L. FAGNART et M. DENÈVE, «La responsabilité civile (1976-1984). Chronique de jurisprudence», op. cit., J.T., 1985, p. 453 et s. ; E. DIRIX et A. VAN OEVELEN, «Kroniek van het verbintenissenrecht (1985-1992)», R.W., 1992-1993, p. 1226 et s. ; R. KRUITHOF, H. BOCKEN, F. DE LY et B. DE TEMMERMAN, «Overzicht van rechtspraak (1981-1992). Verbintenissen», T.P.R., 1994, p. 488 et s. ; H. VANDENBERGHE, M. VAN QUICKENBORNE et L. WYNANT, «Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1985-1993)», T.P.R., 1995, p. 1514 et s. ; J.-L. FAGNART, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1985-1995), Les Dossiers du Journal des tribunaux, n 11, Bruxelles, Larcier, 1997, pp. 13-17 ; V. SIMONART, «La quasi-immunité des organes de droit privé», note sous Cass., 7 novembre 1997, op. cit., R.C.J.B., 1999, p. 732 et s. ; P. WÉRY, «Les rapports entre responsabilité aquilienne et responsabilité contractuelle à la lumière de la jurisprudence récente», R.G.D.C., 1998, p. 82 et s. ; P. WÉRY, «Les rapports entre responsabilité aquilienne et contractuelle», C.U.P., Droit de la responsabilité (sous la direction de B. KOHL), vol. 107, Anthemis, 2008, pp. 10-29 ; H. VANDENBERGHE, M. VAN QUICKENBORNE, L. WYNANT et M. DEBAENE, «Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad», T.P.R., 2000, pp. 1935-1955 ; B. DUBUISSON, op. cit., vol. 2, 2003, p. 20 et s., I. CLAEYS, op. cit., 2003, p. 35 et s. W. VAN GERVEN et S. COVEMAEKER, Verbintenissenrecht, Louvain/Voorburg, Acco, 2006, p. 306 et s. ; M. et P. DE BAENE, «Co-existentie contract aansprakelijkheid», in Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer (O.B.O.), Kluwer, 2007. 20 H. BOCKEN, «Samenloop contractuele en buitencontractuele aansprakelijkheid, op.cit;, pp. 722-731. 21 P. WÉRY, «Les rapports entre responsabilité aquilienne et contractuelle», op.cit., pp. 10-29. 22 Cass., 13 février 1930, Pas., 1930, I, p. 115, J.T., 1930, p. 182. l obtention de la chose promise ou d un équivalent à la chose promise, dans le premier cas, la réparation d un dommage dans le second. Dès lors, il n y aurait pas d obstacle à ouvrir assez largement les portes de l action fondée sur le délit ou le quasi-délit : «En prescrivant la réparation par chacun de tout dommage causé à la personne d autrui ou à ses biens, l article 1382 du Code civil a édicté une règle dont l observation s impose, en principe, à tous et en toutes circonstances ; ( ) la règle ne cesse pas de trouver son application dès qu un contrat a été l occasion du dommage ; ( ) le fait de s engager, dans un contrat, à veiller tout spécialement aux biens ou à la personne d un contractant n enlève pas, par lui-même, toute action quasi-délictuelle à ce dernier, pour lui réserver seulement, en cas de dommage, l action née du contrat ; ( ) la coexistence de deux actions, nées de rapport de droit différents, se conçoit quand ces deux actions tendent à la même fin ; ( ) un contractant peut recourir à l action délictuelle quand il poursuit la réparation du dommage causé à son bien, comme il peut recourir à l action revendicatoire quand il réclame la restitution à celui qui la détient en vertu d un contrat». A première lecture, la Cour paraît suivre la première voie évoquée ci-dessus : la responsabilité quasi délictuelle ne s efface pas devant la responsabilité contractuelle parce qu elle a un objet ou une fonction propre. Ce qui frappe dans cet arrêt c est que la Cour paraît réserver naturellement à la responsabilité quasi délictuelle la protection des personnes et des biens. Le fait de s engager spécialement à veiller aux biens ou à la personne d un contractant n enlève pas, selon ses propres termes, «par le fait même», toute action quasi délictuelle à ce dernier. Par là, la Cour vise clairement les obligations de sécurité non pas pour leur refuser une nature contractuelle, mais pour laisser ouverte l action quasi délictuelle lorsque leur violation a causé un dommage au cocontractant. Implicitement, la Cour semble conférer à la responsabilité contractuelle une fonction spécifique différente de celle attribuée à la responsabilité aquilienne : la responsabilité contractuelle tendrait seulement à procurer au créancier ce qui a été promis ou un substitut de ce qui a été promis. Cette opinion, bien que défendable, paraît dépassée. L évolution du droit des contrats a en effet conduit à donner à la responsabilité contractuelle la même fonction indemnitaire que la responsabilité quasi délictuelle, sur la base de conditions elles-mêmes similaires. Cette dérive a été dénoncée par une doctrine éminente 23 mais elle paraît bien ancrée. Il est clair que si la responsabilité contractuelle a bien une fonction indemnitaire, l ouverture sans limite des portes du concours entraînerait un recouvrement considérable des deux ordres de responsabilités, ce qui prêterait à confusion. 2. L arrêt du 7 décembre 1973 : l interdiction du concours. 14. - Dans la célèbre affaire de l arrimeur, la Cour, a choisi une approche manifestement plus restrictive 24. Elle subordonne désormais le concours à deux conditions cumulatives : «la responsabilité quasi délictuelle du préposé ou de l agent d exécution, qui intervient pour exécuter une obligation contractuelle d une partie, ne peut être engagée que si la faute à lui imputée constitue la violation, non de l obligation contractuelle, mais d une obligation qui s impose à tous, et si cette faute a causé un autre dommage que celui résultant seulement de la mauvaise exécution du contrat». 23 Ph. REMY, «La responsabilité contractuelle : histoire d un faux concept», R.T.D.Civ., 1997, p. 332, n 12. 24 Cass., 7 décembre 1973, R.C.J.B., 1976, p. 15, note R.O. DALCQ et F. GLANSDORFF, Pas., 1974, I, p. 376, R.G.A.R., n 9317, obs. J.-L. FAGNART, Entr. et dr., 1975, p. 181, obs. A. LIMPENS-MEINERTZHAGEN, R.W., 1973-1974, col. 1597, note J.-H. HERBOTS. 9 10

L une des originalités de cet arrêt du 7 décembre 1973 est d avoir aligné la situation de l agent d exécution sur celle de la partie contractante au motif que cet agent n est pas un tiers au regard de l exécution du contrat, tant et si bien qu au regard du concours des responsabilité, ce qui vaut pour l un vaut aussi pour l autre. Nous n approfondirons pas ce problème ici. Dès l arrêt du 14 octobre 1985, la Cour énoncera la même règle dans les relations entre contractants directs : «la responsabilité d une partie contractante ne peut-être engagée, sur le plan extracontractuel, du chef d une faute commise lors de l exécution du contrat, que si la faute qui lui est imputée constitue un manquement non pas à une obligation contractuelle mais à l obligation générale de prudence et que si cette faute a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat» 25. 15. - Si l on en reste à la question du concours proprement dite, la Cour revient nettement sur sa jurisprudence antérieure puisqu elle subordonne désormais l action aquilienne à deux conditions. Il faut tout d abord que la faute constitue un manquement non pas à une obligation contractuelle mais à l obligation générale de prudence qui s impose à tous. Il faut ensuite que le dommage soit différent de celui qui résulte de l inexécution du contrat. C est évidemment l expression «non pas à une obligation contractuelle, mais à une obligation qui s impose à tous» qui retient tout d abord l attention. La deuxième condition relative au dommage est plus obscure car il est difficile de lui donner une portée spécifique : une faute purement contractuelle peut-elle en certaines occasions entraîner un dommage «différent de celui qui résulte de l inexécution du contrat» et inversement? Comme l observe à propos Hubert Bocken, on note une discordance entre certains arrêts de la Cour suprême, en ce qui concerne l énoncé de la deuxième condition relative au dommage. Il semble que la formule utilisée par la Cour dans son arrêt du 7 décembre 1973, «un autre dommage que celui résultant seulement de l inexécution du contrat» soit restée isolée et n ait plus été reprise ultérieurement 26. C est pourtant sur la base de ces termes que la doctrine commentant cet arrêt s est rapidement divisée en deux camps : les partisans de la prohibition du concours («verdwijners») d un côté 27, les partisans du concours limité («verfijners») 28, de l autre. 25 Cass., 14 octobre 1985, R.C.J.B., 1988, p. 341, note M. VAN QUICKENBORNE, Pas., 1986, I, p. 155. Voy. ensuite notamment Cass., 9 novembre 1987, Pas., 1988, I, p. 296 ; Cass., 28 septembre 1995, Bull., 1995, p. 856 ; Cass., 23 mai 1997, Pas., 1997, I, p. 583, R.W., 1998-1999, p. 681, note ; Cass., 26 avril 2002, R.G.A.R., 2002, n 13585. Voy. en jurisprudence notamment Liège, 18 novembre 1997, R.G.A.R., 1999, n 13094. 26 Pour une analyse détaillée des différentes formules utilisées par la Cour de cassation dans des arrêts ultérieurs, voy. H. BOCKEN, op. cit., pp. 727-728, n s 17 à 20. 27 Dans le sens du rejet du concours, c est-à-dire en faveur de la «verdwijningstheorie», voy. W.G., note sous Cass., 16 mai 1974, Pas., 1974, I, p. 967 et s., spéc. pp. 972-973 ; R. RASIR, «Cumul de la responsabilité contractuelle et aquilienne», J.T., 1976, pp. 164-165 ; RUTSAERT et A. MEEUS, «La responsabilité civile contractuelle du prestataire de services en droit privé», Bull. ass., 1977, p. 225 ; R.O. DALCQ, «Examen de jurisprudence», R.C.J.B., 1980, pp. 355-356 ; R. KRUITHOF, «Overzicht van rechtspraak», T.P.R., 1983, p. 610 ; M. VAN QUICKENBORNE, op. cit., R.C.J.B., 1988, pp. 344-345 ; E. DIRIX et A. VAN OEVELEN, op. cit., R.W., 1992-1993, p. 1226 ; A. VAN OEVELEN, «Actuele juriprudentiele en legislatieveontwikkelingen inzake de sancties bij niet-nakoming van contractuele verbintenissen», R.W., 1994-1995, pp. 799-800 ; H. BOCKEN, op. cit., N.j.W., 2007, p. 727. Pour un exposé complet des thèses en présence, voy. I. CLAEYS, Samenhangende overeenkomsten en aansprakelijkheid. De quasi-immuniteit van de uitvoeringsagent herbekeken, Anvers, Intersentia, 2003, pp. 59 et 154. 28 J. VAN RYN, «Responsabilité aquilienne et contrats», J.T., 1975, pp. 505-506 ; X. DIEUX, op. cit., in Les obligations contractuelles, Jeune Barreau de Bruxelles, 1984, pp. 310-311 ; X. DIEUX et D. WILLERMAIN; «La Il reste qu en formulant la première condition, la Cour paraît bien indiquer que si l obligation violée découle du contrat, il ne saurait être question d action quasi délictuelle. La responsabilité quasi délictuelle serait donc exclue, même si la faute contractuelle résulte aussi de la violation d une obligation qui s impose à tous. En d autres termes, la contractualisation, par les parties ou par le juge, d une norme générale de conduite sous la forme d une obligation de sécurité suffirait à repousser l action quasi-délictuelle. 3. L arrêt du 29 septembre 2006 : le concours limité. 16. - Dans cet arrêt, la Cour de cassation modifie de manière surprenante sa formule traditionnelle 29. «( ) Sa responsabilité quasi-délictuelle ne peut-être admise que si la faute qui lui est imputée constitue un manquement non seulement à l obligation contractuelle mais aussi au devoir général de prudence qui lui incombe et si cette faute a causé un dommage autre que celui qui est dû à la mauvaise exécution du contrat» 30. La lecture du rapport annuel de la Cour de cassation empêche d attribuer ce changement à une simple inadvertance : «En substituant les mots «non pas mais» par «non seulement mais aussi», la Cour de cassation énonce la condition relative à la faute de manière beaucoup moins sévère 31. Ce faisant, elle reconnaît implicitement que le simple constat de l existence d une obligation contractuelle ne suffit plus à écarter l action délictuelle. Par le fait même, elle reconnaît l existence d obligations mixtes dont la violation peut donner lieu soit à une action contractuelle soit à une action quasi-délictuelle selon le choix de celui qui l exerce, pour autant que la condition relative au dommage soit remplie. Toute la question est évidemment de savoir ce qu il convient d entendre par obligations mixtes ou hybrides 32. On peut y ranger, selon nous, les obligations de sécurité quant aux personnes et quant aux biens. Un lien peut être fait ici avec la situation de coexistence. L obligation mixte fait aussi partie de celles dont la violation permettrait à un tiers d agir conte un contractant lorsqu il a subi un dommage à la suite de la violation d un contrat. Le problème à résoudre est exactement le même puisqu il convient de démontrer que la faute contractuelle qui a été commise se double d une faute quasi délictuelle. 17. - Les observateurs attentifs n ont pas manqué de noter que la Cour n a modifié que la première condition, celle relative à la faute, et a laissé intacte celle relative au dommage. Plusieurs auteurs éminents considèrent que les deux conditions sont à présent formulées de manière contradictoire et qu à défaut de modifier la seconde condition, le changement de responsabilité civile du prestataire de services à l égard des tiers», in Les contrats de service, Jeune Barreau de Bruxelles, 1994, pp. 218-219, note 28 ; J.-H. HERBOTS, op. cit., T.P.R., 1980, p. 1083. 29 Cass., 29 septembre 2006, R.W., 2006-20007, p. 1717, note A. VAN OEVELEN, «De samenloop van contractuele en buitencontractuele aansprakelijkheid : een koerswijziging in de rechtspraak van het Hof van Cassatie», N.j.W., 2006, p. 946, note I. BOONE, «Samenloop contractuele en buitencontractuele aansprakelijkheid verfijnd», T.B.O., 20007, p. 66, note K. VANHOVE. Voy. aussi H. BOCKEN, «Samenloop contractuele en buitencontractuele aansprakelijkheid. Verfijners, verdwijners en het arrest van het Hof van cassatie van 29 september 2006», N.j.W., 2007, pp. 722-731. P. WÉRY, «Les rapports entre responsabilité aquilienne et contractuelle», C.U.P., Droit de la responsabilité, vol. 107, Anthemis, 2008, p. 27, n 17. 30 Pour un résumé des faits complet, voy. H. BOCKEN, op. cit., N.j.W., p. 723 ; P. WÉRY, op. cit., p. 26, n 17. 31 Rapport annuel 2006, pp. 48-49. 32 On trouvera des exemples de fautes mixtes, notamment chez J.-H. HERBOTS, op. cit., T.P.R., 1980, p. 1056. 11 12

formule sera dépourvu de toute conséquence pratique 33. Il s agirait d un coup dans l eau en quelque sorte. La conclusion nous paraît hâtive Tout dépend bien entendu de ce qu il convient d entendre par dommage purement contractuel. Si l on estime, comme les partisans de la «verdwijningstheorie», qu il faut entendre par dommage contractuel, tous les dommages qui sont en lien de causalité nécessaire avec la faute contractuelle, on enlève toute portée spécifique à la deuxième condition. Il ne s agit plus tant de définir le dommage mais de considérer assez artificiellement que tous les dommages qui sont la conséquence nécessaire, directe ou indirecte, de la faute contractuelle sont des dommages contractuels 34. La question relèverait donc moins de la définition du dommage que de la causalité. La faiblesse de la «verdwijningstheorie» réside précisément dans le fait qu elle n est jamais parvenue à donner une portée spécifique à cette deuxième condition. C est pourquoi ses partisans ne peuvent, en toute logique, que conclure à son inutilité et préconiser sa suppression 35. L objection disparaît cependant si l on parvient à donner à l expression «dommage qui ne résulte pas seulement de l inexécution du contrat» une signification propre. 18. - Comme les partisans de la «verfijningstheorie», nous pensons qu il faut entendre par dommage purement contractuel, la perte de l avantage économique attendu du contrat. Il s agit de se demander en effet quelle était l utilité économique que les parties ont recherché en concluant le contrat. La perte de cet avantage et de toutes ses répercussions économiques et financières ne peut donner lieu qu à une action contractuelle. Il ne s agit donc pas ici d opposer artificiellement dommages directs et dommages indirects. Comme la Cour de cassation l a indiqué dans son arrêt du 14 octobre 1985 36, un dommage ne perd pas sa nature contractuelle par le fait qu il serait une conséquence indirecte d une faute contractuelle. Encore faut-il aussi s entendre sur la notion de dommage indirect. Certains donnent à cette notion une portée trop extensive en y incluant tous les dommages qui sont la conséquence nécessaire de la faute contractuelle, c est-à-dire conformément à la théorie de l équivalence des conditions, tous les dommages dont cette faute est la condition sine qua non 37. Or, il faudrait, selon nous, limiter cette notion aux préjudices par répercussion qui est une suite du préjudice direct et qui se situe dans son prolongement, c est-à-dire les préjudices qui n auraient pu se concevoir indépendamment de la survenance du dommage direct ce dernier consistant dans la perte de l avantage attendu du contrat. On remarquera à cet égard que l arrêt de la Cour de cassation précité concernait les pertes économiques et financières résultant pour une boulangerie d une interruption fautive de la fourniture d électricité. Le dommage consistait dans la perte de la pâte, dans une perte de production et dans des frais de personnel supplémentaires. Il s agissait donc bien d un préjudice indirect dans le sens restrictif proposé ci-dessus. La solution peut donc être approuvée. Par contre, pour reprendre l exemple donné par Hubert Bocken dans son commentaire, la tache qui serait faite par un coiffeur sur la jupe de sa cliente alors qu il utilise un colorant différent de celui demandé n est pas, selon nous, un préjudice indirect 38. Ce dommage est bien en relation causale avec la faute contractuelle initiale qui consiste dans l utilisation d un mauvais colorant mais il s agit d un dommage qui se conçoit indépendamment du préjudice initial. Tout préjudice qui se situe dans un lien de causalité nécessaire avec le dommage ne constitue pas nécessairement un dommage par répercussion. Par contre, constituerait un préjudice par répercussion, les pertes économiques et financières que subirait la cliente, actrice de théâtre, qui, en suite de cette erreur, ne pourrait, par exemple se produire sur scène. Dans cette acception, le dommage purement contractuel ne concernerait que la perte de l avantage économique attendu du contrat ainsi que toutes les préjudices économiques et financiers qui en sont la suite nécessaire. 19. - Il faut reconnaître que la «verfijningstheorie» comporte, elle aussi, une faiblesse : une interprétation si restrictive de l objet du contrat paraît très difficilement conciliable avec l énoncé plutôt catégorique de la première condition relative à la faute, telle qu elle découlait, jusque là, de la jurisprudence de la Cour de cassation. Une telle définition du dommage purement contractuel ne pouvait manquer de rejaillir sur la définition de la faute purement contractuelle. Une modification de la formulation de la première condition devenait donc nécessaire. C est ce qu à fait la Cour dans son arrêt du 29 septembre 2006. La nouvelle formule traduit ce changement d orientation et, pour autant que l on adopte une interprétation restrictive de la notion de dommage contractuel dans le sens indiqué ci-dessus, ce changement n impliquait pas nécessairement de modifier aussi la formulation de la seconde. 20. - Contrairement à certains auteurs 39, nous ne pensons pas que l arrêt du 27 novembre 2006 rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation soit de nature à remettre en cause la portée de l arrêt du 29 septembre 2006 40. Le problème posé à la Cour concernait en effet une affaire opposant un distributeur d électricité et son client. La controverse liée à la qualification de cette relation est bien connue : certains la tiennent pour une relation contractuelle, d autre pensent qu elle est purement réglementaire 41. Le demandeur en cassation avait fondé l essentiel de son argumentation sur l interdiction du concours des responsabilités, car le juge du fond avait fait droit à l action quasi délictuelle. La question ne pouvait se poser en ces termes qu à condition de considérer préalablement que la relation entre l usager et son client est bien de nature contractuelle. Si, au contraire, elle est de type réglementaire, elle perd toute pertinence. C est ce qu observe la Cour dans cet arrêt. Elle se déclare en effet faveur de la qualification réglementaire, ce qui prive la question du concours de tout fondement. 33 H. BOCKEN, op. cit., N.j.W., pp. 724 et 730 et A. VAN OEVELEN dans leurs notes précitées. 34 En ce sens, R. KRUITHOF, op. cit., T.P.R., 1983, pp. 610-611 ; E. DIRIX et A. VAN OEVELEN, op. cit., R.W., 1980-1981, col. 2457. 35 H. BOCKEN l a bien compris, voy. note précitée, p. 730, n 24. 36 Cass., 14 octobre 1985, R.C.J.B., 1988, p. 341, note M. VAN QUICKENBORNE. 37 H. BOCKEN, op. cit., p. 729, n s 22 à 24 ; P. WÉRY, op. cit., p. 22, n 12. 38 H. BOCKEN, op. cit., p. 728, n 21. 39 Voy. P. WÉRY, op. cit., p. 28, n 18; H. BOCKEN, op. cit., p. 723, note 9. 40 Cass., 27 novembre 2006, R.A.B.G., 2007, p. 1257, note L. PHANG, N.j.W., 2008, p. 28, note I.B. 41 Pour un examen d ensemble de cette question, voy. P. VAN DER WIELEN, «Les relations entre services publics et usagers en droit belge», dans La protection de la partie faible dans les rapports contractuels, M. FONTAINE et J. GHESTIN (dir.), PARIS, L.G.D.J., 1996, pp. 269-344. 13 14

La Cour énonce : «L impossibilité de principe, pour les parties contractantes, d invoquer les règles de la responsabilité extracontractuelle dans le cadre de leur relation contractuelle, découle de l hypothèse que, sauf stipulation contraire, les parties au contrat ont voulu soumettre leur relation contractuelle et ses manquements aux seules règles de la responsabilité contractuelle». Pour la Cour, «cette hypothèse est dénuée de fondement, lorsque, comme c est le cas en l espèce, la relation juridique porte sur un service public et, en conséquence, est de nature réglementaire et non contractuelle et est régie par un règlement de droit public». On reconnaîtra que l entrée en matière est assez catégorique et fait penser à un retour à la prohibition pure et simple du concours, mais il faut noter que cet attendu n est nullement indispensable au soutien de la décision. Comme la Cour le précise elle-même, l hypothèse du concours est dénuée de fondement à partir du moment où la relation en cause n est pas de nature contractuelle. La question préalable étant résolue, celle du concours ne se posait plus. En outre, en posant en principe l impossibilité d invoquer les règles de la responsabilité extracontractuelle, la Cour n anticipe nullement sur les cas particuliers où l option pourrait être admise. Il serait hasardeux d y trouver l amorce d un revirement. Tout au plus pourraiton entrevoir une divergence d approche entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Compte tenu de la proximité temporelle, il est d ailleurs possible que la troisième chambre ait rendu son arrêt dans l ignorance de celui rendu par la première chambre. III. TENTATIVE DE CONCILIATION. 21. - Notre proposition consiste à considérer que l atteinte à l intégrité physique (sécurité des personnes) et l atteinte à d autres biens que celui qui fait l objet du contrat (sécurité des biens) autorisent l action quasi délictuelle entre parties contractantes, même si la protection de ceuxci a expressément ou implicitement été prise en charge par l un des contractants sous la forme d une obligation de sécurité. En définitive, suivant en cela l approche du droit allemand, la question dépendrait davantage de la nature des intérêt qu il convient de protéger plutôt que de la nature de la faute ou du dommage. La loi du 25 février 1991 sur la responsabilité du fait des produits défectueux héritée de la directive européenne du 1985 apporte de l eau à notre moulin. Une des originalités de ce texte européen tient en effet au fait qu il n y est nulle part question de concours des responsabilités. Les règles relatives à la responsabilité du fabricant s imposent d elles-mêmes sans qu il y ait lieu de trancher une question de concours. C est pourquoi certains commentateurs ont estimé que la directive était parvenue à transcender la distinction problématique entre responsabilité contractuelle et extracontractuelle. Cela n est pas exact. La loi ne transcende pas la distinction entre les deux ordres de responsabilité. Influencée sans doute par le droit allemand, elle tranche implicitement ce conflit en faveur des règles de la directive, en considérant que la sécurité des personnes et des autres biens que le produit défectueux lui-même ne ressortent pas du domaine naturel du contrat. La loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux tranche donc elle-même la question du concours dans le sens de l admission de l action quasidélictuelle, au départ d une analyse des intérêts qu elle entend protéger : la sécurité des personnes et des biens. Cette solution mériterait d être généralisée. A. La sécurité des personnes. 22. - Même les partisans de la «verdwijningtheorie» ne verront guère d objection à ce que les atteintes aux personnes puissent donner lieu à une action quasi délictuelle. Cette possibilité se déduit, en effet, déjà de la jurisprudence de la Cour de cassation mais par une voie quelque peu détournée. Depuis son arrêt du 26 octobre 1990, la Cour admet que le créancier opte pour la responsabilité aquilienne, lorsque le manquement à l obligation contractuelle est constitutif d infraction pénale 42. Elle considère que «la circonstance qu une infraction est commise lors de l exécution d un contrat ne fait, en principe, obstacle ni à l application de la loi pénale ni à celle des règles de la responsabilité civile résultant d une infraction» et ajoute que «le dommage causé par un fait légalement punissable ne peut être considéré comme un dommage de nature exclusivement contractuelle par le seul motif qu il a été causé ensuite de la mauvaise exécution de l obligation contractuelle de veiller à la sécurité de la victime». On notera en passant que la formulation de cette dernière phrase montre bien que la Cour dissocie les deux conditions et qu elle entend donner à chacune un sens spécifique. La Cour de cassation a ainsi ouvert une brèche importante dans l interdiction de l option, puisque dans la plupart des cas, une atteinte à la personne sera constitutive d infraction pénale (coups et blessures ou d homicide volontaires ou involontaires ). On notera cependant que le choix de l action délictuelle est autorisé avant même que les éléments de l infraction soient établis et démontrés. Certains auteurs s en sont émus au motif qu il aurait là une entorse à la présomption d innocence 43. L enjeu du débat ne se situe toutefois pas à ce niveau. Ce n est pas la culpabilité de l auteur qui importe, c est la qualification des faits. Il suffit apparemment que la faute soit susceptible de recevoir une qualification pénale pour que l action quasi délictuelle soit autorisée. Il est cependant permis de s interroger sur les raisons qui fondent une telle exception. Sans doute pourrait-on penser que dans le cas où la faute ayant entraîné un dommage est constitutive d infraction pénale, ni la faute ni le dommage ne seraient purement contractuels. Cette explication serait cependant artificielle et insuffisante. Lorsque l obligation contractuelle porte précisément sur la personne, comme l obligation de soins dans un contrat médical, il paraît difficile d affirmer, sans plus, que le manquement à l obligations de soins ne serait pas purement contractuel. Il existe une autre explication plus technique qui tient à la primauté de la procédure pénale sur le procès civil. L action quasi-délictuelle serait permise parce qu il serait contraire à l ordre public que l existence d un contrat entre l auteur du fait dommageable et la victime fasse échec à la compétence du juge répressif pour connaître de l action civile. Cette justification ne convaincra toutefois que les partisans de la primauté du procès pénal sur le procès civil. Cette raison purement procédurale en dissimule, selon nous, une autre, plus fondamentale 44. Nul ne niera que la sécurité des personnes constitue une valeur fondamentale de la société. 42 Cass., 26 octobre 1990, R.C.J.B., 1992, p. 497, note R.O. DALCQ, Pas., 1991, I, p. 216. 43 H. VANDENBERGHE, M. VAN QUICKENBORNE, L. WYNANT et M. DEBAENE, op. cit., T.P.R., 2000, p. 1942. 44 La multiplication des infractions pénales pour sanctionner tout type de comportement enlève à cette dérogation une part de sa légitimité. Voy. par exemple, Gand (13 ème ch.), 26 avril 1995, R.W., 1996-1997, p. 1299, où l infraction consistait dans le fait de ne pas avoir transmis le certificat de conformité lors de la livraison d une caravane. 15 16

C est précisément pour cette raison que le fait de porter involontairement ou volontairement atteinte à la personne est érigé en infraction. L atteinte à l intégrité physique ne saurait donc être confisquée par le contrat 45 B. La sécurité des biens autres que celui qui fait l objet du contrat. 23. - Comme la sécurité des personnes, la sécurité des biens autres que ceux qui font l objet du contrat constitue un intérêt qui mérite protection. Rien n empêche les parties contractantes de prévoir ni de modaliser cette obligation de sécurité dans leur contrat, mais ce seul fait ne peut conduire à barrer la route à une action quasi délictuelle lorsque des dommages sont causés à ces biens à la suite d une faute contractuelle 46. Cette solution est sans doute plus difficile à accepter. Le droit pénal apporte, il est vrai, un soutien moins affirmé ou moins complet à cette prétention. On notera cependant que les infractions qui sanctionnent l atteinte directe aux biens ne manquent pas. L article 519 du Code pénal punit, notamment, l incendie des propriétés ( ) immobilières d autrui qui aura été causé ( ) par des feux ou lumières portés ( ) sans précaution suffisante. Dans une telle hypothèse, l action ex delicto est déjà ouverte 47. Il serait curieux qu une solution identique ne puisse être soutenue lorsque des dommages ont été causés aux biens par imprudence ou négligence, pour le seul motif que le Code pénal ne sanctionne pas ce comportement. La sanction pénale n est somme toute qu un indice du caractère vital de l intérêt auquel il est porté atteinte. L article 11 de la loi du 25 février 1991 sur la responsabilité du fait des produits défectueux fournit un autre argument dans le même sens : si elle inclut dans son domaine d application tous les dommages causés à d autres biens que le produit défectueux, lui-même, elle en écarte, par contre, les dommages causés au produit défectueux car ceux-ci relèvent de la conformité ou de la garantie du produit, donc du noyau dur du contrat 48. Cette différence de traitement est particulièrement éclairante et, de surcroît, parfaitement légitime puisque la loi vise la sécurité et non l efficacité du produit. 24. - Il est vrai cependant que cette loi ne concerne que la mise en circulation d un produit défectueux et non l exécution d un service défectueux. Une frontière aussi nette n existe pas dans les contrats de service. Qu en est-il par exemple lorsqu un professionnel chargé 45 A cet égard, on ne peut manquer de souligner que l article 33 de la loi sur les pratiques du commerce, l information et la protection du consommateur répute abusives, dans les relations entre professionnels et consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de limiter ou d exonérer le vendeur de sa responsabilité en cas de dommages corporels. Il en va ainsi également de toute clause qui dérogerait à la loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux en vertu de l article de cette loi. 46 En ce sens, Liège (7 ème ch.), 18 novembre 1997, R.G.A.R., 1999, n 13904, dans le cas d une explosion survenue dans les tuyaux d alimentation d une habitation, contra Mons, 16 janvier 1997, R.D.C., 1997, p. 694, obs. J.-L. FAGNART, à propos de la démolition d une partie de bâtiment étrangère au contrat. 47 Un entrepreneur engage aussi sa responsabilité aquilienne, en qualité de commettant, lorsque ses ouvriers n ont pas utilisé avec discernement un chalumeau, provoquant ainsi un incendie dans l immeuble du maître de l ouvrage : pour la cour d appel de Mons, cette faute des préposés est constitutive d infraction, «dès lors que l article 519 du Code pénal punit, notamment, l incendie des propriétés ( ) immobilières d autrui qui aura été causé ( ) par des feux ou lumières portés ( ) sans précaution suffisante (Mons, 15 octobre 1997, R.G.A.R., 1999, n 13166). 48 Cette distinction peut évidemment se heurter à des difficultés pratiques lorsque le produit défectueux est un produit composite ou complexe. Peut-on considérer que le dommage causé par une pièce défectueuse à l ensemble complexe est un dommage causé à un autre bien que le produit défectueux lui-même? d effectuer une prestation de services cause un dommage à d autres biens que celui qui fait l objet de la prestation? On connaît l exemple classique du peintre qui repeint un plafond et qui, à la suite d une fausse manœuvre abîme le tapis de son client ou celui de l entrepreneur chargé d ensemencer un champ ou d abattre un mur et qui, par erreur, exécute le travail à un autre endroit ou sur un autre objet. On cite aussi souvent l exemple du plombier qui, en utilisant un chalumeau met le feu aux boiseries avoisinantes ou qui, dans un mouvement de recul, casse un miroir. La première difficulté consiste à déterminer exactement les contours de la mission du prestataire en vue de déterminer précisément l objet confié. Le garagiste s est-il vu confier toute la voiture ou seulement la pièces qui doit être réparée? Le plombier s est-il vu confier l ensemble de l habitation ou seulement la partie du bâtiment (la tuyauterie) qui fait l objet de son travail. Il s agit d une question d interprétation qui est, en soi, étrangère au concours. Il faut ensuite se demander si l entrepreneur a contractuellement l obligation de veiller à l intégrité des autres biens appartenant à son client? Il s agit, là aussi, d une question préalable au concours. Dans le silence des parties, une interprétation restrictive ou extensive de l objet du contrat est possible. Certains ne verront pas d inconvénient à déduire du contrat de service une obligation accessoire de sécurité quant aux autres biens appartenant au contractant. Ce n est qu à cette condition que la question du concours peut être posée. Dans ce cas, il faut encore vérifier si les deux conditions tenant à la faute et au dommage sont remplies. Il ne suffit pas, pour rejeter l action délictuelle, d affirmer que le dommage n a pu se produire qu en raison de l exécution du contrat. Or, on sait que depuis l arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2006, la constatation de la violation d une obligation contractuelle ne suffit plus à écarter ipso facto l action délictuelle. Il nous semble qu en tout état de cause, l obligation de sécurité dont nous parlons peut être considérée comme une obligation hybride dont l inexécution autorise le cocontractant à invoquer les règles de la responsabilité extracontractuelle. Il est certain que les taches qui ont été faites par le peintre négligent n ont pu se produire que parce que le professionnel avait été chargé de peindre le plafond et que l on voit mal un tiers entreprendre un tel travail sans en avoir été chargé. Mais ce ne sont pas tant les circonstances de fait dans lesquelles la faute a été commise que l intérêt que l action entend protéger qui importe. 25. - L action quasi-délictuelle ne devrait donc pas nécessairement être repoussée dans le cas où un peintre négligent abîme un tapis en repeignant le plafond. Qu en est-il de la condition relative au dommage dans ce cas d espèce? On notera que les taches qu il a faites n ont pas eu pour conséquence de priver le cocontractant du bénéfice du travail qui, pour le surplus, a sans doute été parfaitement exécuté (l avantage économique attendu du contrat a donc été obtenu : le mur est repeint). Il s agit certes d un préjudice qui découle d une faute contractuelle mais qui n empêche pas l action extracontractuelle, à moins que le contraire soit exprimé dans le contrat. La solution pourrait être différente dans le cas du champ qui a été ensemencé par erreur parce que dans une telle hypothèse, l avantage promis n a pas été obtenu. Pour obtenir cet avantage, il faudrait que l entrepreneur soit condamner à recommencer le travail une deuxième fois au bon endroit. Ce dommage est purement contractuel. Par contre si le terrain ensemencé par 17 18

erreur a lui-même subi un dommage, ce dommage là pourrait, selon nous, faire l objet d une action délictuelle. L action délictuelle sera, par ailleurs, certainement admise en vue de réparer les biens détruits suite à la propagation des flammes car cette faute est constitutive d infraction pénale. Elle devrait l être aussi lorsque le professionnel casse ou abîme par inadvertance un bien appartenant au propriétaire. La question de principe étant résolue, il faut reconnaître que l action quasi délictuelle ne présentera guère d intérêt pratique, tout au moins sous l angle des conditions de la responsabilité, sauf éventuellement pour le demandeur à se fonder sur une disposition instituant une responsabilité sans faute. de sécurité quant aux personnes ou quant aux biens. L atteinte à ces intérêts devrait autoriser l action délictuelle même entre contractants. En ce qui concerne l atteinte aux personnes, l action délictuelle est déjà très largement admise mais pour des motifs détournés qui tiennent à la primauté de la procédure pénale. La même solution est sans doute plus difficile à admettre s agissant de l atteinte aux biens, mais elle peut se justifier également. Elle ne ferait au fond que traduire la nécessité pour le droit de la responsabilité civile de protéger le droit de propriété. Même si elle n est pas exempte de difficultés, cette méthode devrait garantir une meilleure sécurité juridique. De manière générale, la proposition faite ici concernant la sécurité des biens ne vaudrait que sous réserve de convention contraire. Dans l état actuel des choses, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité restent en principe licites, même dans les contrats de consommation. Encore faut-il que la clause en question vise également la responsabilité extracontractuelle sans quoi le principe d interprétation stricte des clauses dérogatoires au droit commun pourrait conduire à conclure qu elle ne la couvre pas. On rappellera que les clauses exonératoires ne sont cependant pas admises dans le contexte de la loi sur la responsabilité civile du fait des produits défectueux (art. 10, 1 er, de la loi du 25 février 1991). CONCLUSION La jurisprudence de la Cour de cassation en matière concours peut être qualifiée de «cyclothymique». Le dernier rebondissement en date résulte de l arrêt du 29 septembre 2006. Qu on le veuille ou non, celui-ci peut difficilement s interpréter autrement que comme un pas en direction de la «verfijningstheorie» ou du concours limité. En tout état de cause, la Cour paraît désormais admettre plus largement qu auparavant l action quasi délictuelle entre parties contractantes. La doctrine se perd en conjectures sur la véritable portée de cet arrêt. A notre avis, la modification de la formulation de la première condition du concours ne peut manquer de rejaillir sur la portée de la seconde condition. Sans cela, cet nouvelle jurisprudence resterait lettre morte et le revirement ne serait que de façade. La seule manière de lui donner une réelle signification est de comprendre la notion de dommage purement contractuel dans un sens objectif comme la perte de l avantage économique attendu du contrat et toutes les pertes qui en sont le prolongement. La difficulté de cerner la portée de ce revirement conduit toutefois à s interroger sur l existence d autres pistes de solution. Le droit allemand et la loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux peuvent servir de sources d inspiration à cet égard. Il est frappant de constater en effet que ni le droit allemand ni la loi sur la responsabilité du fait des produits n abordent directement la problématique du concours des responsabilités, comme si la difficulté se résolvait d elle-même. Dans ce contexte, l admission de l action quasi délictuelle paraît dépendre d une analyse de l intérêt qu il convient de protéger plutôt que d un examen de la nature de la faute ou du dommage. Même si notre droit ne hiérarchise pas les intérêts qu il convient de protéger, cette méthode pourrait s avérer profitable. Il faut se demander en effet si l action quasi délictuelle ne devrait pas aussi être admise de manière générale en droit belge, lorsque le dommage résulte de la violation d une obligation 19 20