Allocution d ouverture de Monsieur Nizar Baraka Président du Conseil Economique, Social et Environnemental Séminaire sur «Une nouvelle perspective pour l égalité de genre au Maroc : quelle responsabilité pour les hommes?» 30/06/2015
Madame la Représentante ONU-Femmes et Présidente du Groupe thématique Genre, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil Economique Social et Environnemental, Chers membres du Conseil Economique Social et Environnemental, Chers invités, Honorable Assistance, Je souhaiterais tout d abord féliciter ONU Femmes, et Madame la Représentante, pour son travail de qualité sur la question de la femme, un travail accompli avec la société civile, les autorités, le Conseil et nous sommes heureux du nouvel angle de vue de la problématique du genre que nous traitons aujourd hui. Permettez-moi de vous souhaiter à tous la bienvenue au sein du Conseil Economique, Social et Environnemental, une institution constitutionnelle dont la première préoccupation est de contribuer à œuvrer pour bâtir ensemble le Maroc de demain, un Maroc au développement durable, inclusif et solidaire. Un Maroc qu on ne saurait imaginer que plus équitable et profitant pleinement de la contribution, à parts égales, de ses femmes et de ses hommes au progrès et à la prospérité. Et l égalité Hommes-Femmes est indispensable pour assurer développement économique et cohésion sociale. Or nombre des femmes de notre pays continuent à subir des situations de forte précarité : inégalités de revenu, sous-activité, chômage, vulnérabilité sur le plan de la santé, exposition aux violences domestiques et dans l espace public, difficulté d accès à la justice et aux droits... Ces formes d exclusion et Egalité des genres et responsabilités des hommes 30 juin 2015 Page 1
d agression des femmes ne sont pas sans contribuer fortement à une transmission intergénérationnelle de la pauvreté, impliquant pour leurs enfants des difficultés d accès à l éducation, aux soins et à la citoyenneté. La nouvelle Constitution du Royaume du Maroc, dès son préambule et plus précisément dans son article 19, a consacré l égalité des hommes-femmes et a constitué un pas de plus dans les réformes engagées sous l impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, pour renforcer les droits de la femme. Dans le sillage de ces dispositions, on citera notamment la création d une Autorité l'autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes formes de discriminations dont la mise en place est en cours. Malgré cela, notre société a encore beaucoup de progrès à faire et cela bien que les instruments législatifs et institutionnels soient en marche pour mieux lutter contre les discriminations à l égard des femmes, protéger leurs droits et leur permettre d évoluer dans la société au même titre que les hommes. Mesdames et Messieurs, Si le principe d égalité a besoin de lois, l existence de lois seule ne suffit pas à en garantir l effectivité. En dépit des progrès de ces dix dernières années, force est de constater que les mentalités, les habitudes comportementales, le sentiment d impunité s inscrivent en porte-à-faux avec les engagements de notre pays. La revendication d accès égal des femmes à l éducation et l information, à la santé, à la décision politique, aux activités économiques et aux ressources financières est parfois perçue, à tort, comme une menace. Le chemin est long avant que l égalité ne soit une ambition portée par toutes les forces vives de la nation, hommes et femmes. La lutte contre la reproduction intergénérationnelle des perceptions et des stéréotypes relatifs aux femmes apparait alors comme une nécessité. Egalité des genres et responsabilités des hommes 30 juin 2015 Page 2
Au-delà des avancées constitutionnelles et institutionnelles, et de la mise en place des lois, il s agit de disposer d une véritable vision, d une vision claire, des multiples dimensions que couvre l égalité des sexes, et d en assurer la concrétisation aux plans institutionnel, économique, social et culturel. Trois secteurs majeurs sont concernés directement : l éducation, la formation et l information. Pour sa part, le Conseil Economique, Social et Environnemental, et en tant qu instance consultative chargée d évaluer les politiques publiques, à travers une approche à la fois globale et intégrée et participative, a consacré deux études thématiques, dans le cadre d auto-saisines, à la protection des droits des femmes, la première intitulée «Concrétiser l égalité entre les femmes et les hommes, une responsabilité de tous» et la deuxième traitant de l égalité hommes-femmes sur le plan économique. Une troisième étude prévue dans notre plan d action 2015 traitera de l égalité dans la vie sociale et culturelle. En tant que Conseil, nous veillons au renforcement de l effectivité des droits humains et des lois. Notre Charte sociale, élaborée en 2012 et représentant un outil efficace pour le renforcement de l effectivité des droits de l Homme de nouvelle génération tels qu institués par la Constitution de 2011, met l accent, dans son volet traitant de l inclusion et des solidarités et ses principes sur la nondiscrimination et la promotion de l égalité hommes-femmes, sur la nécessité de combattre les stéréotypes à travers la mise en conformité de la législation et des réglementations et la mise en place de programmes d actions appropriés à la prévention de la violence et la lutte contre les discriminations à l encontre des femmes dans la société et sur les lieux de travail. La Charte Sociale insiste également sur la nécessité d établir des indicateurs sur la qualité des manuels scolaires et leur contribution à l éducation à la citoyenneté et à la lutte contre les stéréotypes discriminatoires. D autres indicateurs proposés concernent les mesures de lutte contre les stéréotypes Egalité des genres et responsabilités des hommes 30 juin 2015 Page 3
sexistes, racistes et discriminatoires dans les médias et les budgets consacrés à la prévention des stéréotypes contre les femmes. Plus généralement, l effectivité du principe d égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que nous l avons souligné dans nos travaux, nécessite une action volontariste, y compris législative, contre les préjugés et les stéréotypes discriminatoires, dégradants ou humiliants à l encontre des femmes. La Charte nationale sur l amélioration de l image de la femme dans les médias, adoptée en 2005, n a pas réussi à venir à bout d une représentation stéréotypée et insuffisante des femmes. Ces mécanismes, loin d être une fatalité, doivent être appréhendés par l école, la famille et les médias. En particulier, les programmes d éducation civique à l école, l enseignement et la formation professionnelle dans les entreprises et la fonction publique doivent inclure des programmes de prévention des messages discriminatoires, ou dégradants à l encontre des femmes. Dans ses rapports, notre Conseil apporte une série de recommandations destinées à améliorer, sur le plan institutionnel, l élimination et la prévention des discriminations ainsi que la promotion active de l égalité, je citerais en particulier : Mettre en cohérence le cadre réglementaire avec le principe de nondiscrimination à l égard des femmes Intégrer systématiquement aux lois et aux règlements des clauses d interdiction et, le cas échéant, des sanctions de discriminations à l égard des filles et des femmes ; Intégrer le principe de non-discrimination à l ensemble des processus de révision des dispositions réglementaires existantes ; Egalité des genres et responsabilités des hommes 30 juin 2015 Page 4
Adopter une loi garantissant aux femmes victimes de discrimination une protection juridictionnelle effective et efficace ; Définir avec clarté, proscrire et pénaliser toutes les formes de harcèlement et de violence à l égard des femmes, y compris la violence conjugale ; Adopter une loi-cadre contre toutes les formes de violence à l égard des femmes, y compris la violence conjugale et morale ; Et bien entendu, promouvoir, à travers les médias, une image plus valorisante de la femme, en relatant, par exemple, des modèles de réussite au féminin. De manière générale, nous avons besoin de programmes intégrés complétés par une mobilisation des médias, de campagnes de communications participant à un changement de comportements, afin d atteindre, au-delà de l individu, l ensemble de la société, et conduire à un changement permettant aux femmes d atteindre l égalité avec le soutien bienveillant des hommes. Il s agit d outiller les hommes avec l information et la formation nécessaires et les orienter à mieux comprendre le rôle central qu ils jouent dans la détermination des conditions de la femme, et son bien-être ; puisqu ils dominent, du moins dans l espace public, la prise de décision et le bénéfice des ressources dans des secteurs clés alors que ces décisions impactent aussi les femmes. D ailleurs, la nouvelle loi organique des finances offre cette opportunité d intégrer l approche genre de manière structurelle dans toutes les politiques publiques et nous nous en félicitions. En définitive, notre souhait est d aboutir à ce que les hommes portent la voix des femmes et protègent leurs droits dans l espace public autant que dans la sphère domestique et s acheminer vers une égalité de droits, de responsabilités et d opportunités, bénéfique à tous. Je vous remercie pour votre attention et nous souhaite à tous de fructueux débats. Egalité des genres et responsabilités des hommes 30 juin 2015 Page 5