Analyse économique des amendements proposés à la Loi sur l'assurance-automobile concernant les coûts d'indemnisation reliés à la criminalité routière



Documents pareils
No Fault : Où se situe l intérêt collectif des Québécois?

Chapitre 2. Le contrat et les concepts de base de en assurance

Chronique Assurances et gestion des risques. sous la responsabilité de Gilles Bernier 1

SOCIÉTÉ DE L ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC BILAN ROUTIER

BILAN ROUTIER Société de l assurance automobile du Québec

Une assurance qui vous protège!

Analyse des activités de crédit de la compagnie de la Baie d'hudson. par Gino Lambert, chercheur à la Chaire

GRANDS EXCÈS DE VITESSE : DES SANCTIONS PLUS SÉVÈRES

police d assurance Québécois de tous les En cas de ou de dans un accident d automobile

La Régie des rentes du Québec

Les infractions au. Code criminel PERMIS DE CONDUIRE

Partir en toute. assurance PARTOUT DANS LE MONDE

Le Régime public d assurance automobile du Québec. Mémoire présenté à la Commission des transports et de l environnement

ÉLÉMENTS DE DONNÉES DU CERTIFICAT D'ASSURANCE-AUTOMOBILE

Commentaires du Barreau du Québec sur la modernisation des dispositions du Code criminel relatives aux moyens de transport Document de travail

BILAN ROUTIER UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE! 7 principales causes de collisions à Montréal. Portrait de la sécurité routière et de la circulation

RESPONSABILITÉ, SANCTION Introduction: Être responsable de ses actes ET ASSURANCE. Il existe deux types de responsabilité

ASSURANCE AUTOMOBILE PARCOUREZ IBC.CA TOUT SUR L ASSURANCE AUTOMOBILE

VOTRE RÉGIME COLLECTIF d assurance salaire de longue durée

Gestion des risques liés à la responsabilité Institut de la gestion financière Le 27 novembre 2012

OSGOODE HALL LAW SCHOOL Université York MÉMOIRE PRIVILÉGIÉ ET CONFIDENTIEL

2.2.5 LA SOCIÉTÉ DE L ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

VOTRE RÉGIME COLLECTIF d assurance salaire de longue durée

Université de Moncton. Les garanties d assurance-vie & invalidité. No du contrat : 12037

Tout connaître. sur l assurance. automobile

CONDUIRE UNE VOITURE EN ALBERTA

Chronique Assurances et gestion des risques. sous la responsabilité de Gilles Bernier 1

> Une garantie obligatoire

Conseil économique et social. Document établi par le Bureau central de statistique d Israël

Mémoire présenté. Comité de l Assemblée législative pour un régime d assurance automobile public abordable, équitable et accessible

Brochure cannabis 21/02/05 4:17 PM Page 1 cannabis au volant

La retraite. n est pas un privilège! Avant-propos. Qu est-ce que le RREGOP? En savoir plus sur le RREGOP pour mettre fin aux malentendus

Le gouvernement du Canada, à l instar de

Important. Obtenir un permis, c est sérieux!

L assurance est là pour protéger votre famille

Une famille, deux pensions

Avis légal. I 2 FISCALLIANCE 2011 L Incorporation des Courtiers Immobiliers du Québec

Alcool au volant : tous responsables? La question de la co-responsabilité sera enfin posée au Tribunal de Saint Nazaire

Dossier. documentaire. Scénario

Document d information n o 1 sur les pensions

Mémoire relatif au Règlement sur le dépannage et le remorquage des véhicules sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal

Notes techniques pour les règles de souscription de l assurance-automobile

Concours $ de prix en argent offerts par le Programme d assurance automobile et habitation CIBC (le «Concours»)

La responsabilitié civile... vous connaissez?

Community Legal Information Association of PEI, Inc. Prince Edward Island, Inc. Vivre à deux

Mémoire relatif au document de consultation - La sécurité routière au Québec : un défi collectif

PARENTS DE JEUNES CONDUCTEURS : soyez bien informés!

Les approches de réduction des méfaits trouvent un certain appui dans la population québécoise*

GESTION DE RISQUES Août 2007

L ORDONNANCE DU 2 FEVRIER Exposé des motifs

LES RESPONSABILITES DES AGENTS PUBLICS DE L ÉTAT. Formation AVS Janvier 2013

REER, CELI ou prêt hypothécaire : comment faire le bon choix?

Consultation du Conseil du patronat du Québec sur le Régime québécois de santé et de sécurité du travail

Article. Bien-être économique. par Cara Williams. Décembre 2010

Avis de consultation sur l indemnisation des consommateurs de produits et services financiers

LES ACCIDENTS DE TRAJET

DEVENIR TUTEUR DANS LE MEILLEUR INTÉRÊT DE L ENFANT

L assurance des deux-roues à moteur. Fédération française des sociétés d assurances DEP MARS 2003

Présentation. Présenté et distribué exclusivement par

CHARTE DU CORRESPONDANT MODELE TYPE


LE GRAND ÉCART L INÉGALITÉ DE LA REDISTRIBUTION DES BÉNÉFICES PROVENANT DU FRACTIONNEMENT DU REVENU

Bilan des réalisations 2014 à l égard des personnes handicapées

La recherche universitaire en sécurité routière

Memo BATL : la nouvelle loi sur la régularisation fiscale

LE 16 FÉVRIER 2015 Mémoire présenté au Conseil d experts sur les contributions d assurance automobile dans le cadre de la consultation publique

Le 15 décembre 2014 ADOPTION DE LA LOI FAVORISANT LA SANTÉ FINANCIÈRE ET LA SUIVEZ RETRAITESAI SUR. Numéro 14-22

UV DIRECT MODALITÉS DU COMPTE

Unité d enseignement

LA RESPONSABILITE CIVILE ET PENALE EN MATIERE DE SANTE AU TRAVAIL : BREF ETAT DES LIEUX

La rémunération des concepteurs. en théâtre au Québec. de 2004 à 2006

Formulaire d avenant du Québec F.A.Q. N o 34 Assurance de personnes

L Association des recycleurs de pièces d autos et de camions du Québec (ARPAC)

Étude auprès de la génération X. Le paiement virtuel et la gestion des finances personnelles

Responsabilité Civile et Pénale du chef d entreprise. Association Sécurité Routière en Entreprises de Maine et Loire.

Le présent bilan a été préparé par la Direction des études et des stratégies en sécurité routière de la Vice-présidence à la sécurité routière.

Table des matières. La responsabilité civile du fait des mineurs d âge 11 Chronique de jurisprudence ( )

L assurance est là pour protéger votre famille... Voici comment RBC Banque Royale peut vous aider

Étude des comportements de sécurité routière des propriétaires, exploitants et conducteurs des véhicules lourds au Québec

L indemnisation pour dommages matériels DÉLIT DE FUITE

Ma première assurance auto. Je suis en contrôle!

Plan Protection Plus Certificat d assurance - Assurance vie et invalidité

PROTECTION JURIDIQUE POUR INDEPENDANTS ET ENTREPRISES DÉFEND VOS DROITS

Dossier de presse. La non-assurance routière en France en 2013

LA RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE DE L INFIRMIER(E) Laurence VENCHIARUTTI, Infirmière Libérale, Expert infirmier, Nantes

Mise en contexte PAR CONSÉQUENT, IL EST CONVENU CE QUI SUIT : 1. Objet

V o ir la v ie e n Ble ue. Plan Hypothécaire. Un plan d assurance hypothécaire sécurisant pour votre prêt et votre marge de crédit...

Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, la Loi sur le régime de rentes du Québec et d autres dispositions législatives

Manuel des directives - Indemnisation des dommages corporels 1. CHAMP D'APPLICATION

C14 : L assurance automobile, 1 re partie Québec

C 14 : L assurance automobile, 1 re partie Québec Addenda de février 2008

LA DETTE PUBLIQUE DU QUÉBEC ET LE FARDEAU FISCAL DES PARTICULIERS

Le présent chapitre porte sur l endettement des

CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR SUR VOTRE ASSURANCE VIE

Foire aux questions. 1. Comment savoir quels ajustements s appliquent aux trois fonctions suivantes :

Les 12 points pour protéger son permis de conduire en 2012

TRIBUNAL DE POLICE ET SANCTIONS PENALES : PEINES PRINCIPALES, SUBSIDIAIRES & ACCESSOIRES

Rachat périodique d actions Libérez la valeur de votre entreprise MC

AZ A^kgZi Yj 8^idnZc

Transcription:

Analyse économique des amendements proposés à la Loi sur l'assurance-automobile concernant les coûts d'indemnisation reliés à la criminalité routière par Léo-Paul Lauzon, titulaire et Gino Lambert, chercheur à la Chaire 1998

Table des matières Liste des annexes II 1. Introduction et mise en situation 2. Méthodologie utilisée pour évaluer les coûts en indemnités versées et récupérées par la SAAQ Infractions au Code criminel Pauvres et assistés sociaux au Québec Gravité des dommages corporels Évaluation des indemnités versées aux criminels de la route Évaluation des indemnités versées aux victimes autres que les criminels de la route Résultats obtenus de l évaluation des coûts en indemnités versées et récupérées par la SAAQ 3. Autres Économies pour la SAAQ Réévaluation des données fournies par la SAAQ Prévention routière 4. Conclusion et remarques Bibliographie Annexes

Liste des annexes Annexe 1 Estimation générale par la SAAQ des coûts en indemnisation Annexe 2 Infractions au Code criminel selon l âge et le sexe Annexe 3 Proportion de pauvres habitant le Québec et étant des assistés sociaux Annexe 4 Répartition du taux de pauvreté selon l âge et le sexe Annexe 5 Répartition selon l âge et le sexe des coûts en indemnisation versés aux criminels de la route ainsi qu à leurs victimes Annexe 6 Établissement de la différence entre les données fournies par Statistique Canada et celles fournies par l étude sur la pauvreté en ce qui concerne les individus ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté Annexe 7 Distribution entre les tranches de revenus de la différence entre les données fournies par Statistique Canada et celles fournies par l étude sur la pauvreté en ce qui concerne les individus ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté Annexe 8 Répartition selon l âge, le sexe et la classe sociale du nombre de criminels de la route (CFA et autres dissociés) impliqués dans un accident de la route et ayant subi des dommages corporels Annexe 9 Répartition selon l âge, le sexe et la classe sociale du nombre de criminels de la route (CFA et autres dissociés) impliqués dans un accident de la route et n ayant subi aucun dommage corporel Annexe 10 Indemnités versées par catégorie Annexe 11 Coûts moyens des dommages corporels subis par les victimes de la route Annexe 12 Capacité de paiement et amortissement financier des coûts en indemnisation Annexe 13 Répartition selon le sexe et la classe sociale des indemnités versées et récupérées la SAAQ Annexe 14 Évaluation de l estimation effectuée par la SAAQ des coûts en indemnisation reliés à des condamnations pour CFA

1. introduction et mise en situation Depuis la fin des années 80, on assiste à un débat d intérêt public concernant la Loi sur l assurance automobile. D une part, les victimes de conducteurs reconnus coupables d une infraction au Code criminel canadien et, d autre part, le gouvernement du Québec. Le débat découle principalement de l apparente incompatibilité entre ladite loi et le Code criminel. Actuellement, la Loi sur l assurance automobile indemnise tous les accidentés de la route selon le système du " no-fault ", c est-à-dire, sans égard à la faute. Par conséquent, tous les accidentés de la route sont considérés comme des victimes aux yeux de la SAAQ et sont indemnisés selon une charte commune, peu importe les circonstances de l accident. À l opposé, le gouvernement du Québec, tente de décourager, par le Code de la sécurité-routière, la conduite avec facultés affaiblies, qui constitue 96 % de l ensemble des infractions au Code criminel, en imposant des sanctions sévères alliant la suspension du permis de conduire aux amendes et aux peines d emprisonnement. On retrouve, simultanément, des mesures qui combattent et qui encouragent un acte aussi répréhensible que la conduite avec facultés affaiblies. Mentionnons qu un individu qui commet un acte criminel autrement qu avec un véhicule routier, n est pas indemnisé pour les blessures qu il se serait lui-même causé lors de l événement. C est alors la Loi sur l indemnisation des victimes d actes criminels qui reçoit application. Cette loi prévoit également qu advenant le cas où un individu serait financièrement solvable, il pourrait être passible de poursuites civiles par ses victimes. Ce paradoxe hors du commun occasionne une injustice sociale aux yeux des accidentés victimes des criminels de la route : certaines d entre elles reçoivent même des prestations inférieures à celles versées aux criminels. À titre d exemple, un des cas vécus qui a soulevé le plus l indignation populaire est le cas Galipeau. Rappelons les faits : en 1988, une auto-patrouille à ses trousses, le caporal Patrice Galipeau a percuté, à une vitesse de 160Km/h, le véhicule dans lequel prenaient place quatre adolescents. Au cours des années qui ont suivi, la SAAQ a versé plus d argent à Patrice Galipeau (plus de 150 000$) qu à l ensemble des proches des quatre victimes décédées (8 000$ chacun). Afin de contrer cette injustice sociale, l avocat québécois Marc Bellemare, représentant de certaines victimes du travail et de la route depuis près de 20 ans, propose dans un mémoire trois amendements à la Loi sur l assurance automobile: prévoir l impossibilité pour un criminel de la route de recevoir des indemnités de la SAAQ pour ses propres blessures ; doter la SAAQ d un recours subrogatoire contre un criminel de la route qui aurait occasionné des dommages corporels à autrui et ce, jusqu à concurrence des indemnités versées par la SAAQ à ses victimes ; et finalement, rendre à la victime d un acte criminel commis avec une automobile les mêmes recours en responsabilité civile que ceux reconnus aux autres victimes d actes criminels contre l auteur du crime. Le but de cette étude est donc de déterminer, le plus justement possible à partir des données qui sont disponibles, l impact financier que pourrait avoir l adoption de telles mesures pour la SAAQ. Nous concluons que mise à part la troisième proposition qui ne la concerne pas directement, les mesures proposées par Me. Bellemare pourraient permettre à la SAAQ d économiser des sommes importantes en indemnités versées tant aux criminels de la route qu à leurs victimes. La première partie de l étude met en évidence la méthodologie ainsi que les hypothèses utilisées pour mener à terme une telle évaluation. Dans la deuxième partie, nous nous attarderons aux économies supplémentaires qui pourraient être réalisées par la SAAQ, en partie grâce à la prévention routière. Finalement, nous effectuerons une synthèse des résultats obtenus dans la conclusion. Tous les calculs sont présentés dans les annexes à la fin du présent document.

2. Méthodologie utilisée pour évaluer les coûts en indemnités versées et récupérées par la SAAQ ainsi que les résultats obtenus Pour chiffrer monétairement de telles propositions, il est de toute évidence nécessaire de procéder avant tout à une cueillette élaborée d informations. Les données que nous avons recueillies dans le cadre de l évaluation des mesures proposées par Me. Bellemare proviennent essentiellement de Statistique Canada, des rapports annuels et de documents internes de la SAAQ. Par conséquent, il s agit de données relativement neutres et objectives. En raison de l inexistence et de l inaccessibilité de certaines données, nous avons été dans l obligation de poser différentes hypothèses qui seront exposées et expliquées tout au long de ce chapitre. Afin de pouvoir évaluer les sommes qui pourraient être récupérées par la SAAQ par suite des mesures proposées, nous devions avant tout déterminer, à la lumière de nos informations, la capacité de payer de chacun des criminels de la route jugé et reconnu coupable. L importance de cette information découle du fait que l on doit savoir si les criminels de la route peuvent supporter financièrement les coûts en indemnités versées actuellement par la SAAQ pour les dommages corporels qu ils se sont infligés ainsi que ceux subis par leurs victimes. Dans la négative, la SAAQ devrait prendre en charge et assumer le paiement des indemnités aux victimes, ce qu elle fait déjà, car on ne peut déposséder un individu d un patrimoine inexistant. Infractions au Code criminel Afin d associer adéquatement les criminels de la route aux accidents avec dommages corporels qu ils ont occasionnés, nous avons dû dans un premier temps effectuer une distribution des infractions au Code criminel selon le sexe et l âge de chaque fautif. Les données sont présentées en annexe 2 et démontrent que les individus les plus susceptibles d enfreindre le Code de la sécurité-routière sont les hommes âgés entre 25 et 44 ans. Dans l ensemble, les femmes ne sont responsables que pour 8% des infractions enregistrées au Code de la sécurité-routière. Ces données serviront, dans une étape ultérieure, à la distribution des criminels de la route en fonction de leur âge et de leur sexe. Nous présumons ainsi que la répartition des infractions au Code criminel selon l âge et le sexe est semblable à la répartition du nombre de criminels de la route ayant causés des dommages corporels. Pauvres et assistés sociaux du Québec Pour connaître la capacité de payer de chacun des criminels de la route, il est essentiel d avoir préalablement déterminé le statut social de chacun, car un individu qui gagne une rémunération annuelle de 50 000$ pourra plus facilement assumer les coûts d indemnisation qu une personne rémunérée à 25 000$ pour la même période. À ce sujet, Statistique Canada fournit des données sur le revenu annuel de chaque canadien, selon le sexe et l âge. Par ailleurs, parmi ceux qui sont rémunérés en-dessous du seuil de pauvreté, il est nécessaire d établir une distinction entre les assistés sociaux qui sont à la charge du gouvernement et les personnes pauvres qui doivent s assumer. Ne possédant que le taux de pauvreté général selon l âge et le sexe, nous avons dû effectuer nous-mêmes la répartition entre les deux groupes de démunis. Les résultats obtenus pour le Québec présentés à l annexe 3 sont principalement une extrapolation de ceux obtenus à l échelle nationale. Selon ces résultats, 89% des Québécois âgés entre 18 et 65 ans vivant sous le seuil de la pauvreté seraient des assistés sociaux. Les individus âgés de moins de 18 ans

sont exclus du calcul étant donné qu ils ne peuvent recevoir de l assistance sociale en raison de leur jeune âge. Les personnes âgées de plus de 65 ans sont exclues du calcul en raison du remplacement de l assistance sociale par la pension de vieillesse. Les résultats obtenus en annexe 3 ont par la suite servi à diviser en deux catégories le taux total de pauvreté selon le sexe (annexe 4). Les personnes pauvres âgées de plus de 65 ans sont toutes considérées comme étant à la charge du gouvernement. Gravité des dommages corporels Toujours dans le but d associer les indemnisations versées aux victimes des criminels de la route, nous avons dû effectuer une répartition complète selon l âge, le sexe, ainsi que l importance des dommages corporels du nombre de criminels et de victimes de la route. La rémunération de chaque individu varie substantiellement selon le sexe et l âge, d où l importance d effectuer une telle répartition. À titre d exemple, les données fournies par Statistique Canada démontrent que, dans l ensemble, les individus âgés entre 45 et 54 ans sont ceux qui sont les mieux rémunérés parmi toute la population canadienne. La répartition selon l importance des dommages corporels est également d une importance capitale étant donné que les coûts en indemnisations qui y sont reliés varient selon la gravité des blessures infligées. Par exemple, un individu blessé gravement dans un accident de la route coûte en moyenne à la SAAQ un peu plus de 65 000$, tandis qu un autre qui ne subit que des blessures légères coûte en moyenne 6 436$. Dans un premier temps, nous avons distribué selon l âge, le sexe et la gravité des dommages corporels, les victimes et les criminels de la route. Les données sont regroupées sous forme de tableaux à l annexe 5 selon l état du criminel lors de l accident (avec ou sans facultés affaiblies). Dans un deuxième temps, à la lumière de ces informations, nous avons pu distribuer les criminels et les victimes de la route selon leur classe sociale (annexe 8). Cette distribution détaillée nous permettra ultérieurement de calculer les coûts en indemnités qui pourraient être récupérés par la SAAQ advenant le cas où le gouvernement décidait d adopter les mesures proposées par Me. Bellemare. Afin d attribuer adéquatement aux criminels de la route les indemnisations versées à leurs victimes par la SAAQ, nous avons été dans l obligation de distribuer, selon leur classe sociale, les criminels de la route qui n ont subi aucun dommage corporel lors des accidents routiers qu ils ont occasionnés (annexe 9). Contrairement à ceux qui se sont blessés lors des accidents routiers, ces derniers bénéficient d une plus grande capacité de paiement étant donné qu ils n ont pas à supporter financièrement leurs propres blessures. Par ailleurs, ils pourront débourser davantage pour les dommages corporels subis par leurs victimes. Évaluation des indemnités versées aux criminels de la route Connaissant le nombre de criminels de la route blessés légèrement ou gravement lors d un accident routier ainsi que le coût moyen associé à chacune de ces blessures (annexe 1), il nous a été possible d évaluer assez précisément les coûts totaux en indemnisation qui leur sont versés par la SAAQ. Par ailleurs, le calcul des indemnités qui pourraient être récupérées par la SAAQ suite à l adoption des mesures proposées s est effectué selon la classe sociale de chacun. Il est évident qu un individu gagnant un revenu annuel qui dépasse les 30 000$ sera mieux outillé pour faire face à ses obligations financières qu un assisté social. Selon Statistique Canada, le seuil de pauvreté d un individu peut varier entre 10 769$ (région rurale) et 15 819$ (région urbaine), dépendemment de la région dans laquelle il habite. Pour être des plus conservateurs et pour que les données soient compatibles entre elles, nous avons établi le seuil de pauvreté à 15 000$.

Comme le seuil de pauvreté est fixé en fonction des besoins essentiels, nous considérons qu un individu dont le revenu annuel dépasse cette somme peut dégager un surplus financier qui serait applicable au remboursement des indemnisations versées par la SAAQ. Étant donné que les classes sociales sont séparées par strates, nous utilisons leur moyenne pour calculer le surplus financier. À titre d exemple, pour la strate sociale variant entre 15 000$ et 19 999$, la moyenne utilisée serait de 17 500$ et le surplus financier serait de 2 500$ avant impôt. L établissement de cette moyenne s avère nécessaire car il nous est impossible de déterminer la justesse des revenus de chacun. La capacité de payer des criminels de la route dépend étroitement des surplus qu ils peuvent générer. Le calcul de ces surplus selon la classe sociale de chacun est présenté dans le premier tableau de l annexe 12. D après les données qui y sont incluses, on remarque une différence entre les différentes classes sociales. Un individu gagnant entre 15 000$ et 19 999$ annuellement pourrait dégager un surplus mensuel de seulement 135$, tandis qu un autre gagnant entre 30 000$ et 34 999$ dégagerait un surplus mensuel substantiel de 948$. Dans le calcul de la récupération des indemnités versées par la SAAQ, il nous parait essentiel de tenir également compte de ses conséquences sur les fonds publics. Plus précisément, un criminel de la route pourra rembourser les indemnités à la SAAQ seulement à partir des surplus financiers qu il pourra dégager. Un tel individu dont les revenus sont égaux ou en-dessous du seuil de pauvreté, ne pourra d aucune façon rembourser la SAAQ. Si malgré une situation financière précaire on exigeait un tel remboursement, certains ne pourraient subvenir à leurs besoins de base, obligeant ainsi le gouvernement à les prendre à sa charge. Du point de vue macro-économique, il ne serait d aucune utilité pour l État de récupérer d une main les sommes qu il devrait débourser de l autre main. Ainsi donc, les assistés sociaux qui se blessent en commettant un crime de la route continueraient d être à la charge de l aide sociale. Par ailleurs, les frais médicaux et les frais de réadaptation encourus seraient assumés par la SAAQ (25% de l ensemble des coûts en indemnités) étant donné que ce n est pas à l ensemble de la population à supporter ces frais mais plutôt à l ensemble des automobilistes. Quant à ceux qui ne sont pas des assistés sociaux, ils pourraient quand même recevoir des indemnités de la SAAQ advenant le cas où ils subiraient des dommages corporels lors d accidents routiers dont ils seraient responsables. Plus ou moins essentiel à la continuité de leurs activités, les préjudices subis sur le plan esthétique ne seraient pas indemnisés par la SAAQ (23% de l ensemble des coûts en indemnités). Les coûts de certaines indemnités versées aux victimes de la route (incluant les criminels) sont présentés à l annexe 9. Pour ce qui est des autres classes sociales, les criminels de la route doivent réintégrer le travail afin de pouvoir rembourser la SAAQ pour les indemnités qu ils ont reçues. Pour faciliter la réadaptation au travail de ceux qui ont été blessés plus gravement, la SAAQ pourrait dans l immédiat les indemniser pour, par la suite, se faire rembourser sur une période maximale de dix années. En ce qui concerne les blessés légers ne nécessitant pas l hospitalisation, aucune indemnité ne serait versée par la SAAQ. Les sommes mensuelles à rembourser par les criminels de la route sont détaillées dans le deuxième tableau de l annexe 11. Par exemple, un criminel de la route (CFA ou autres) qui serait indemnisé d une somme de 65 581$ par la SAAQ pour les blessures graves qu il se serait infligées lors d un accident routier devrait, lors de son rétablissement et de son retour au travail, rembourser la SAAQ à l aide de paiements mensuels échelonnés sur une période de dix années. Le remboursement varierait en fonction de sa capacité de paiement. Si cet individu gagne un revenu se situant entre 20 000$ et 24 999$, il ne pourrait verser mensuellement que 406$. Par ailleurs, en gagnant plus de 27 500$ annuellement, ce même individu pourrait rembourser entièrement la SAAQ, en raison de 120 paiements mensuels de 633$. Les données présentées dans la première partie de l annexe 13 sont calculées à partir de ces prémisses.

Évaluation des indemnités versées aux victimes autres que les criminels de la route Le manque de données relatives à chaque accident criminel ayant causé des dommages corporels nous a obligé à calculer un coût moyen pour l ensemble des indemnités appelées à être supportées financièrement par chacun des criminels de la route. Ces données sont présentées à l annexe 11. Il est évident que, pour connaître le coût exact assumé par chacun des criminel de la route, il aurait fallu procéder à une étude par cas. À titre d exemple, parmi les 1037 conducteurs avec facultés affaiblies impliqués dans un accident routier ayant causé des dommages corporels en 1993, certains ont peut-être blessé plus de trois personnes lors de leur accident, tandis que d autres n en ont blessé qu une seule. Dans l ensemble, les hypothèses que nous venons d utiliser pour calculer le remboursement des indemnités versées aux criminels de la route peuvent également s appliquer dans le calcul du remboursement des indemnités versées aux victimes de la route autres que les criminels. Par ailleurs, les sommes versées aux victimes qui pourront être récupérées par la SAAQ doivent être ajoutées aux indemnités qui ont été versées aux criminels eux même. Ayant déjà à supporter les coûts reliés aux blessures qu ils se sont infligées, les criminels de la route auront moins de surplus financiers à consacrer au remboursement des indemnités versées à leurs victimes. Par conséquent, les calculs concernant les victimes de la route autres que les criminels présentés à l annexe 13 tiennent compte de cet aspect. Par exemple, un criminel de la route qui peut générer un surplus financier mensuel après impôt de 677$ et qui est dans l obligation de rembourser mensuellement la SAAQ d une somme de 633$ pour une blessure grave subie lors de l accident, n aurait que 45$/mois (677$ - 633$) de disponible pour le remboursement des indemnités versées à ses victimes. De plus, nous avons retenu l hypothèse que les remboursements des indemnités à la SAAQ par les criminels de la route pourraient s échelonner sur une période maximale de 10 ans. Résultats obtenus de l évaluation des coûts en indemnités verseés et récupérées par la SAAQ Tous les calculs concernant les indemnités versées et récupérées par la SAAQ sont présentés à l annexe 13. En ce qui a trait aux indemnités versées aux criminels de la route, les résultats sont présentés dans les deux premières pages de l annexe selon le sexe de l individu et la gravité des blessures subies. À titre d exemple pour l interprétation des tableaux, les indemnités versées aux criminels masculin de la route qui seraient récupérées par la SAAQ se solderaient à près de 14 millions de dollars par année. En ce qui a trait aux indemnités versées aux victimes de la route autres que les criminels eux même, les économies qui pourraient être réalisées par la SAAQ sont présentées aux troisième et quatrième page de l annexe 13. Contrairement aux tableaux précédents, ceux-ci sont séparés selon l état du criminel lors de l accident (en état d ivresse ou non). Toutes les indemnités versées et récupérées par la SAAQ sont présentées sous forme de synthèse à la dernière page de l annexe 13. Or, selon nos calculs basés en partie sur les données internes fournies par la SAAQ, les indemnités totales qui pourraient être récupérées par cette dernière se chiffrent à 29,8 millions de dollarspar année. Les indemnités qu elle devra malgré tout continuer de verser aux criminels de la route ainsi qu à leurs victimes se soldent à plus de 7 millions de dollars. Par ailleurs, en raison des données manquantes, ces évaluations ne tiennent pas compte du patrimoine que possède chaque criminel de la route (maison, placements, voiture, etc.). Elles s appuient exclusivement sur la capacité de payer de chacun. En toute probabilité, si l on avait pu inclure le patrimoine de chacun dans nos calculs, les sommes que la SAAQ aurait pu récupérer auraient été supérieures.

Dans ce contexte, l opportunité d amender la Loi sur l assurance-automobile pour doter la SAAQ d un recours subrogatoire contre les criminels de la route nous apparaît indiscutable. Nous trouvons même curieux que la SAAQ ne se montre pas davantage intéressée à exercer un tel recours contre les criminels solvables. Voice ce que déclarait son président, M. Jean-Yves Gagnon lors des audiences tenues par la commission permanente des transports et de l environnement, à l Hôtel du parlement, le 15 octobre dernier (R-0381, CTE page 1) : " Mais l autre réponse que je dois vous donner, c est qu on sait très bien, par des études et des statistiques à l appui, que parmi les gens qui ont été condamnés pour conduite avec facultés affaiblies dans les dernières années, 83% de ces gens-là ne gagnaient pas plus de $30,000.00 par année et 41 % n avait aucun revenu. Alors, ca donne quoi de les poursuivre? Ils sont insolvables. Ça donne quoi d essayer de leur faire payer les indemnités qu on a payées aux victimes? Ils ne seront pas capables de les payer, de toute façon. Qu est ce que ça va donner comme résultats? C est que les victimes ne recevront rien. On n est pas plus avanés. " Sans reconnaître l authenticité de ces statistiques grossièrement sous-évaluées et sans fondements (Statistique Canada et la SAAQ n en possède aucune sur les revenus des criminels), nous pouvons comprendre que le fait que 41% des criminels n aient aucun revenu ne signifie pas qu ils n ont aucun bien et encore moins qu ils sont insolvables. Plusieurs personnes retraitées, par exemple, n ont aucun revenu et sont parfaitement solvables. D autre part, toujours selon monsieur Gagnon, 59% des criminels auraient un revenu et, 17% d entre eux gagneraient plus de 30 000$ par année. Ne serait-ce que pour cette dernière catégorie, l introduction du recours subrogatoire s impose. Dans l état actuel des finances gouvernementales, il nous apparaît inacceptable que les fonds publics (SAAQ) supportent entièrement les coûts d indemnisation attribuables à la conduite criminelle de conducteurs dont les revenus annuels dépassent 30 000$ par année, sans qu ils ne soient tenus de rembourser la note, dans la mesure de leurs moyens. Nous nous étonnons que cette mécanique n ait jamais été révisée par le gouvernement. Elle n est certainement pas étrange au fait que les coûts d indemnisation reliés à la conduite avec facultés affaiblies atteignent aujourd hui 194 millions de dollars par année. Plus étonnant encore est le fait que la SAAQ lève le nez sur les revenus considérables qu elle pourrait retirer en refilant la facture aux criminels solvables.

3. Autres Économies pour la SAAQ Dans le chapitre précédent, nous avons établi à 29,8 millions par année les économies en indemnités, versées aux criminels de la route et à leurs victimes, que la SAAQ pourrait réaliser si les propositions de Me. Bellemare étaient acceptées par le gouvernement. Malgré le fait que cette somme constitue déjà un montant très substantiel, nous croyons que les avantages économiques dont la SAAQ pourrait bénéficier sont encore plus importants. D une part, nous croyons que les données fournies par la SAAQ, en ce qui concerne l évaluation des coûts reliés à des condamnations pour conduite avec facultés affaiblies (CFA), sont sous-évalués. Les économies pour la SAAQ, découlant de la récupération des indemnités, devraient être majorées. De plus, la mise en oeuvre des propositions de Me. Bellemare constituerait un outil dissuasif de taille qui permettrait d abaisser substantiellement le nombre d accidents causés par des conducteurs en état d ivresse. Réévaluation des données fournies par la SAAQ Comme nous l avons mentionné dans le chapitre précédent, notre évaluation des économies en indemnisation que la SAAQ pourrait réaliser s appuie, à la base, sur l estimation qu elle a effectuée des coûts reliés à des condamnations pour CFA et autres motifs (annexe 1). Par ailleurs, certains indices nous révèlent que son estimation est sous-évaluée et que les économies en indemnisation qu elle pourrait réaliser seraient plus notable. Dans un article paru le 17 septembre 1996 dans le quotidien Le Soleil, Me. Bellemare rendait public un document interne de la SAAQ indiquant que les coûts en indemnisation reliés aux condamnations pour conduite avec les facultés affaiblies se chiffraient à près de 200 millions de dollars par année. Plus précisément, le document évalue ces coûts à 194,4 $ millions. Dans ses calculs, la SAAQ s est servie de l étude de Evans pour évaluer le pourcentage de victimes de la route (décès et blessés) attribuables à l alcool (47% des décès, 28% des blessés graves et 15% des blessés légers). Soulignons que l utilisation de cette étude par la SAAQ est tout à fait justifiée étant donné qu elle est reconnue à l échelle internationale pour la justesse de ses résultats. Dans un autre document interne fourni par la SAAQ, suite à la requête de Me. Bellemare, il est question d une autre évaluation des coûts en indemnisation reliés aux condamnations au criminel pour conduite avec les facultés affaiblies. Cette évaluation se chiffre à seulement 33,8 millions de dollars par année et découle de la compilation des fichiers de la SAAQ. Les dirigeants de la SAAQ attribuent cette énorme différence d une part, à l exclusion des coûts reliés aux 200 conducteurs avec les facultés affaiblies décédés lors de l accident ainsi que leurs victimes et, d autre part, à l exclusion des coûts d indemnisation reliés aux conducteurs avec facultés affaiblies, incluant leurs victimes, lorsque le conducteur fautif n est pas contrôlé pour l alcoolémie. Évidemment, un conducteur avec facultés affaiblies décédé ou non contrôlé pour l alcoolémie, ne peut être reconnu coupable par un tribunal, et ainsi assumer les coûts en indemnisation versés à lui-même ainsi qu à ses victimes. Une analyse plus approfondie de cette argumentation nous laisse perplexe vis-à-vis de la justification d une telle différence entre les deux évaluations, soit une différence de plus de 160 millions de dollars présentée à l annexe 13 (194,4M - 33,8M). En appliquant une valeur économique à leur argumentation, on réalise qu on est loin du compte. Les indemnisations versées aux 200 conducteurs décédés représentent une somme de 12,5 $ millions pour un total de près de 16 $ millions incluant celles versées à leurs victimes (annexe 13). Cela voudrait dire que les indemnités associées aux cas où le conducteur fautif ne serait pas contrôlé pour l alcoolémie s élèverait à plus de 144 millions de dollars

(160M - 16M)! Cela voudrait également dire que 74% (144M/194M) des indemnités versées pour facultés affaiblies découleraient d infractions criminelles qui seraient hors de contrôle des autorités policières! En extrapolant, cela pourrait signifier que trois conducteurs avec facultés affaiblies sur quatre ( 74%), impliqués dans un accident routier ayant occasionné des blessures corporelles, ne subiraient aucune réprimante légale (suspension du permis de conduire, amende, emprisonnement, etc.)! Les possibilités que de telles hypothèses soient fondées s avèrent plutôt faibles, sinon inexistantes. De plus, l un des facteurs qui ne semble pas avoir été pris en compte par la SAAQ pour expliquer la grande différence financière entre les deux estimations qu elle a réalisées, est le nombre d accidents routiers impliquant des conducteurs avec facultés affaiblies et des piétons. Les fichiers de la SAAQ sont compilés à partir des numéros d immatriculation et permis de conduire. Les piétons qui subissent des blessures corporelles ne feraient pas partie des statistiques compilées par la SAAQ, ce qui contribue davantage à fausser les données incluses dans leurs fichiers. En se basant sur l ensemble de notre argumentation, les données financières présentées dans la deuxième évaluation effectuée par la SAAQ sont, à notre avis, grandement sous-évaluées. Pour cette raison, notre évaluation (annexe 13) des indemnités versées aux criminels de la route ainsi qu à leurs victimes qui pourraient être récupérées par la SAAQ s avère des plus conservatrice. En fait, nous pourrions nous attendre à une récupération des indemnités nettement plus importante que celle que nous avons déterminée dans le chapitre précédent. Malheureusement, à cause du manque de données, nous ne pouvons, avec précision, présenter dans le cadre de cette étude, une majoration de notre évaluation initiale. Prévention routière Les impacts que peuvent avoir certaines mesures sur la prévention routière sont extrêmement difficiles à traduire financièrement. La difficulté est principalement attribuable au fait que pour pouvoir déterminer l impact financier d une quelconque mesure sur la prévention routière, il est nécessaire d isoler cette dernière, ce qui en pratique est extrêmement difficile à réaliser. Si en outre, plusieurs mesures sont implantées simultanément, cela réduit presque à néant les chances de pouvoir isoler l impact financier de l une d entre elles. À quoi pourrait-on associer la baisse du nombre de conducteurs avec facultés affaiblies enregistrée au cours des dernières années? À la sensibilisation publicitaire accrue? À l augmentation des amendes pour les fautifs? À la suspension échelonnée sur une plus longue période du permis de conduire? À la modification du Code criminel qui considère la conduite avec facultés affaiblies comme un acte criminel? Les études scientifiques qui tentent de mesurer financièrement les effets dissuasifs suite à l implantation de certaines mesures sont presque inexistantes. Malgré tout, à défaut d accepter une certaine marge d erreur, la SAAQ tente de mesurer l impact de l implantation de certaines mesures qui permettraient de réduire considérablement le nombre de victimes reliées à l alcool au volant. Par l adoption de la Loi N o 12 et par ses campagnes publicitaires, la SAAQ propose certaines mesures telles que la sensibilisation des jeunes en milieu scolaire, la promotion du conducteur désigné, la suspension immédiate du permis de conduire, la saisie du véhicule durant la sanction et, finalement le dispositif anti-démarrage pour les récidivistes. Selon la SAAQ, l ensemble de ces mesures devrait occasionner une réduction de l ordre de 20% du nombre de victimes reliés à l alcool au volant. Selon le même document, il est mentionné qu actuellement la SAAQ est au prise avec une clientèle fortement récalcitrante qui réagira surtout à des mesures législatives.

En supposant que la SAAQ puisse réduire de 20% le nombre de victimes reliées à l alcool au volant, simplement à l aide de ces mesures qui, de toute évidence, entraînent des sanctions modestes pour les conducteurs avec facultés affaiblies, l adoption des mesures proposées par Me. Bellemare devrait, selon toute vraisemblance, entraîner au minimum, une réduction équivalente du nombre de victimes. À cause de l impact financier majeur que pourrait entraîner l adoption d une telle résolution pour les conducteurs avec facultés affaiblies, une réduction de 20% demeure une prévision très conservatrice. Plus le conducteur à risque est fortuné, plus la perspective d être tenu de supporter financièrement les coûts d indemnisation aura une portée dissuasive. Financièrement parlant, la réduction anticipée de la criminalité routière se chiffrerait à environ 39 millions de dollars par année (194,4M x 20%) en économie pour la SAAQ. Si telle situation se réalisait, afin de déterminer les économies totales qui pourraient être réalisées par la SAAQ, il serait évidemment nécessaire de retrancher 20% à l estimation des indemnités qui pourraient être récupérées par la SAAQ qui a été calculée dans le chapitre précédent. Rappelons-nous que cette évaluation avait été effectuée en fonction du nombre réel de victimes de la route, sans tenir compte de l effet dissuasif des mesures de Me. Bellemare. Par conséquent, les économies totales que la SAAQ pourrait réaliser se solderaient à plus de 63 millions de dollars annuellement (39 M + 24 M). 4. Conclusion et remarques Le but de cette étude consistait à déterminer l impact financier que pourrait avoir l adoption des mesures proposées par Me. Bellemare pour la SAAQ. Principalement à l aide des données provenant de divers documents internes de l organisme ainsi que de Statistique Canada, nous avons pu fournir une évaluation financière des plus crédible. Comme nous l avons vu dans les chapitres précédents, grâce à ces mesures, la SAAQ pourrait réaliser de substantielles économies. D une part, par la réduction du nombre de victimes de la route reliées à l alcool au volant (effet dissuasif important) et, d autres part, en récupérant auprès des criminels de la route une partie des indemnités qui leur sont versées ainsi qu à leurs victimes. L adoption de telles mesures entraînerait des effets dissuasifs importants auprès des conducteurs québécois. Par conséquent, nous avons évalué à 20% la baisse du nombre de victimes de la route qui en découlerait, constituant ainsi une économie annuelle de plus de 39 millions de dollars pour la SAAQ. Les économies qui découleraient de la récupération d indemnités auprès des criminels de la route constituent également une somme substantielle. En tenant compte de la réduction du nombre de victimes de la route occasionnée par les effets dissuasifs des mesures proposées, cette somme s élève à plus de 24 millions de dollars par année. Ainsi, en demeurant très conservateur, les sommes totales d argent qui pourraient être récupérées par la SAAQ dépassent les 63 millions de $ annuellement. En terminant, nous croyons qu il serait économiquement profitable pour la SAAQ que le gouvernement accepte et implante les mesures proposées par Me. Bellemare. En plus de permettre à la SAAQ de récupérer des sommes importantes en indemnisations, cette modification à la Loi de l assurance automobile serait plus équitable envers les victimes innocentes qui subissent les conséquences physiques et psychologiques découlant de l incurie des conducteurs criminalisés.

Bibliographie Bellemare, Marc., " Le projet de loi 12 devrait toucher au portefeuille des chauffards ", La Presse, 01-10-96. Cadieux, Martin., " Le no-fault doit être revu ", Le Soleil, 15-01-97. Charette, Michel., " Saoul, criminel et intouchable ", Le Devoir, 18-09-96. Conseil national du bien-être social., " Revenus de bien-être social 1995 ", hiver 1996-1997. Conseil national du bien-être social., " Profil de la pauvreté 1995 ", printemps 1997, 100 pages. " L alcool cause la moitié des décès routiers ", Le Soleil, 17-09-96. Régie de l assurance automobile du Québec., "Priorités en promotion de la sécurité routière en fonction d une analyse sommaire des coûts et des bénéfices pour la RAAQ ", 11-06-87. Société de l assurance automobile du Québec., " Rapport d activités ", 1993 à 1996. Société de l assurance automobile du Québec., " Les infractions et les sanctions reliées à la conduite d un véhicule routier, 1990 à 1994 ", 1995, 102 pages. Société de l assurance automobile du Québec., " Estimation des coûts en indemnisation reliés aux condamnations au criminel autres que pour conduite avec les facultés affaiblies ", 15-11-96. Société de l assurance automobile du Québec., " Estimation des coûts en indemnisation reliés aux condamnations au criminel pour conduite avec les facultés affaiblies (CFA) ", 15-11-96. Société de l assurance automobile du Québec., " Table de travail alcool au volant ", Document interne, 20-11-95. Statistique Canada., " Répartition du revenu au Canada selon la taille du revenu ", Catalogue 13-207, 1995.