Intervention de l Organisme Tunisien de Protection des Droits d Auteurs (OTPDA) sur «la gestion collective et l Internet» Séminaire sur «La Propriété Intellectuelle et l Internet» organisé par la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, le 24 avril 2007
Introduction : Internet constitue un réseau mondial d échange d information, cette information peut prendre la forme d une œuvre de l esprit. Les œuvres sont en effet de plus en plus téléchargées et distribuées sur Internet sans prendre compte le droit d auteur. Citant à titre d exemple les réseaux peer - to - peer (ou point à point) qui permettent l échange de fichiers contenant des chansons, films, livres, photos, logiciels, gratuitement... Le droit d auteur se trouve face à cette situation confronté aux problèmes nés de l environnement numérique qui permet la circulation des œuvres à travers le monde. Pour faire face à l exploitation illicite des œuvres artistiques, littéraires et scientifiques des mesures juridiques et techniques ont été mises en place sur le plan international, régional et au niveau de certains pays, pour parvenir à contrôler et gérer l exploitation des œuvres à l ère numérique. 1) Le cadre législatif : * En ce qui concerne la Tunisie, il est a signaler qu elle a adhéré particulièrement à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques de 1886 et ce le 5 décembre 1887, sachant que le traité de l OMPI de 1996 sur le droit d auteur (WCT) est considéré comme une adaptation de la protection prévue dans la 2
Convention de Berne à l évolution de la technologie comme dans le domaine d exploitation des œuvres littéraires et artistiques sur Internet. A ce propos, il y a lieu de préciser que les dispositions de la loi actuelle n 94-36 du 24 février 1994, relative à la propriété littéraire et artistique sont rédigées selon une formulation générale et large et revêtent une souplesse qui leur permet d englober les nouveaux modes d exploitation des œuvres via Internet en octroyant une protection aux œuvres quelqu en soient les modalités de leurs exploitation, d ailleurs, l article 2 de la loi n 94-36 du 24 février 1994 sus - indiquée prévoit que l auteur «possède un droit exclusif d exploiter son œuvre où d autoriser cette exploitation à autrui par tout moyen». * Sur le plan international, le traité de l OMPI sur le droit d auteur (WCT) et le traité de l OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT) connus sous l appellation «Traités Internet» conclus en 1996 et entrés en vigueur en 2002, constituent un atout important pour renforcer la protection internationale du droit d auteur et des droits voisins dans le domaine de la technologie numérique Ces traités ont répondus au développement gigantesque des technologies d information dans les secteurs de l enregistrement vocal, l image, le cinéma, la radiodiffusion et la télédiffusion Les dispositions des traités Internet visent à empêcher toute exploitation illégale des œuvres protégées des créateurs dans les réseaux numériques comme l Internet 3
Les deux traités stipulent que le droit de reproduction traditionnel continue de s appliquer dans l environnement numérique y compris en cas de stockage des œuvres sous forme numérique sur un support électronique, comme il garantissent le droit des titulaires de droit d utiliser des technologies de protection de leurs œuvres et d autoriser l utilisation de leurs œuvres en ligne. La Directive européenne sur l harmonisation de certains aspects du droit d auteur et des droits voisins dans la société de l information de 2001 a mentionné le droit de communication au public y compris le droit de mettre des œuvres protégées à la disposition du public sur demande via Internet. 2) La gestion collective dans l environnement numérique : La gestion collective des droits est l un des mécanismes de mise en application des textes juridiques visant à assurer une protection des œuvres exploitées via Internet. Il y a lieu de signaler que la Commission Européenne a publié le 12 octobre 2005 une recommandation relative à la gestion transfrontalière du droit d auteur et des droits voisins dans le domaine des services licites de musique en ligne. La C.E a pour objectif de réglementer le développement du marché en ligne légal en Europe en accordant des licences aux fournisseurs de services de musique en ligne situés en Europe. Elle vise également à garantir une gestion collective des droits sur la 4
musique en ligne flexible tant pour les titulaires de droits que les utilisateurs Européens. La gestion collective a pris une nouvelle tendance pour s adapter au développement des technologies numériques. Les œuvres littéraires, artistiques et scientifiques sont exploitées, téléchargées, diffusées et distribuées via Internet. L Internet possède en fait un potentiel énorme pour diffuser les œuvres au public ce qui rend l application du système de gestion collective plus compliquée. Plusieurs mécanismes ont été mises en place par des entités internationales et des organismes de gestion collective des droits afin de parvenir à contrôler l exploitation des œuvres, l identification des ayants droits, la perception et la répartition de la rémunération. 3) La gestion collective : expériences de certaines Sociétés : La gestion collective repose sur les droits exclusifs, la délivrance d autorisations, le contrôle des utilisations, la sanction des droits, la perception et la répartition de la rémunération entre les différents titulaires. Dans l environnement numérique, de nombreuses difficultés se posent pour mettre en œuvre la gestion collective et cerner les utilisateurs, les titulaires de droits, et les œuvres avec la puissance croissante de l Internet qui permet de stocker et de livrer en ligne des masses de matériels protégés. Plusieurs sociétés de gestion collective ainsi que la Confédération Internationale des Sociétés d Auteurs et Compositeurs (CISAC) ont 5
pris l initiative de mettre en place des systèmes de gestion numérique des droits. a) L Accord de Santiago de la CISAC : La Confédération Internationale des Sociétés d Auteurs et Compositeurs (CISAC) a placé au premier rang de ses préoccupations les sujets relatifs à l utilisation sur Internet des œuvres protégées en conciliant entre le droit d auteur en offrant sur le net une licence aux exploitants permettant d assurer une protection des œuvres et le droit des diffuseurs du web d atteindre légalement une audience mondiale. L Accord de Santiago a été adopté au Congrès de la CISAC de Santiago de Chili en 2000 par 5 sociétés membres de la CISAC, BMI (USA), BUMA (Pays Bas), GEMA (Allemagne) PRS (Royaume Uni) et SACEM (France). Le but consiste à simplifier l octroi des licences pour les œuvres diffusées sur l Internet. La CISAC anime ses sociétés membres à signer l Accord afin de mieux identifier les œuvres protégées à l échelle internationale, normalise les échanges de données entre sociétés membres et permettre une perception et une répartition efficace des redevances suite à l exploitation des œuvres via Internet. Le système d information commun (CIS) de la CISAC aide a relever le défi des techniques numériques et de l Internet. Il s agit de gérer les droits par les Sociétés membres en échangeant des informations sur les œuvres littéraires et artistiques et les titulaires de 6
droits, et en attribuant des identifiants à chaque œuvre et à chaque auteur. L OTPDA est en train de se préparer à se connecter au système CIS. b) L expérience française : De nombreuses organisations de gestion collective ont mis des systèmes de contrôle des utilisations des œuvres protégées, la perception et la répartition des redevances. Ces systèmes d information numérique dépendent de la mise au point de systèmes de numérotation et de codes uniques, insérés dans des supports, permettant l identification correcte des œuvres des titulaires des droits, des supports numériques eux mêmes en même temps que la fourniture d autres informations pertinentes. L efficacité de la gestion collective des œuvres sur le réseau web réside sur le fait de faciliter la négociation entre les utilisateurs et les ayants droit identifiés, le but des sociétés de gestion collective et de lutter contre l utilisation illicite des œuvres En observant l expérience française, les Sociétés de gestion collective se concertent vers la création de «guichet unique» pour la gestion collective des œuvres diffusées via le réseau web. Il s agit d une alliance de différentes organisations de gestion collective qui facilite la délivrance des autorisations aux exploitants pour utiliser le répertoire de plusieurs sociétés et obtenir des autorisations relatives à de multiples objets de droits. La SESAM a été créée en France en 1996 par 5 Sociétés de gestion collective (SACEM, SACD, SCAM, SDRM, et ADAGP) afin de 7
simplifier les procédures de délivrance d autorisations d exploitation numérique. La SESAM est en train d élaborer des accords types avec les représentants des sites web pour lutter contre la diffusion illicite des œuvres. L une des solutions proposées pour contrecarrer le problème du téléchargement illicite des fichiers accessibles gratuitement en ligne sont les plates formes Internet, c est un moyen de contrôle pour acquérir en ligne des copies licites des fichiers de musique, films, livres, photos, logiciels. c) Expérience de l OTPDA : L OTPDA procède en tant qu Organisme de gestion collective à s adapter aux nouvelles technologies et à renforcer les droits de ses membres par le contrôle de l utilisation des œuvres et la perception des redevances. L OTPDA a fixé les pourcentages des droits versés pour l exploitation des œuvres via Internet, pour la sonorisation générale et la pré - écoute sur les sites web. Les redevances sont payés par les fournisseurs de services de téléchargement des œuvres et les utilisateurs des œuvres pour la sonorisation générale ou la pré - écoute. L OTPDA est en train de se concerter avec les sociétés de fournisseurs d accès à l Internet et qui hébergent les sites web en vue de la mise en place des instruments de protection et d exploitation licite des œuvres. 8