3.La Mémoire de Vichy L'histoire, science humain qui cherche la connaissance de manière scientifique, mais en tenant aussi compte du contexte, se veut objective, tandis que la mémoire est subjective, partielle, basée sur le vécu et le ressenti. Ainsi, des faits, des souvenirs, et même des travaux historiques peuvent être réinterprétés par les mémoires individuelles ou collectives, en fonction des sensibilités de leur relation avec l'événement... Par exemple, depuis 1945, l'histoire du régime de Vichy, de la complicité de l'état français dans la déportation et la mise en œuvre du génocide en France, constituent un enjeu de mémoire récurrent. Mémoires individuelles, mémoire collective, mémoire officielle se sont entrechoquées, additionnées, opposées, annulées. La «longue période d'amnésie nationale» de 1945 à 1970 De 1945 à 1970 environ, la mémoire officielle a refoulé certains aspects de l'histoire des «années noires» de l'occupation allemande, comme la très grande adhésion des Français à Pétain, au régime qu'il mis en place à Vichy en juillet 1940, ou comme les Chantiers de jeunesse, structure créée par le gouvernement de Vichy pour embrigader les jeunes et les modeler aux valeurs de la Révolution nationale, ainsi que les lâchetés de la vie quotidienne de la population dont la majorité a cherché avant tout à traverser l'épreuve de l'occupation en assurant sa propre survie, par exemple en collaborant ou en restant neutre. En 1944, la mémoire officielle a entretenu et exagéré au fur et à mesure des commémorations le souvenir d'une résistance immédiate, de masse, et héroïque (notamment les gaullistes et communistes). Elle a de même longtemps refusé de reconnaître les responsabilités françaises ou en tout cas la complicité du gouvernement français, de l'administration française, de la police française, des magistrats français, des banquiers français, dans la mise en œuvre de la politique de marquage, d'exclusion et d'extermination des Juifs. Le peuple français pensait donc que la France était majoritairement résistante et que Pétain exerçait un double jeu pour essayer de sauver la France, car on ne lui parlait pas vraiment des aspects violents et répressifs du régime de Vichy. Pourquoi? Parce qu'il fallait ressouder l'unité nationale, reconstruire une identité française honorable afin de donner aux Alliés l'image d'une France résistante, respectable, légitime, digne et unie en bloc derrière De Gaulle. De plus, il fallait mettre un terme aux séquelles de la guerre et de l'occupation allemande et créer les conditions de reconstruire rapidement la France sur le plan politique, administratif et économique. C'est pourquoi les faits réels du régime de Vichy furent mis entre parenthèse, et que cette période fut qualifié «d'autorité de fait». La collaboration fut considérée comme un épisode grave impliquant certes le châtiment des traîtres, mais finalement minoritaire, et qu'il fallait vite oublier. Le général De Gaulle, chef de la France libre, devenu chef du Gouvernement provisoire, a contribué à imposer cette vision résistancialiste et héroïque, qui impliquait donc qu'on enterre Vichy : - Le 9 août 1944, une ordonnance publiée à Alger a comme effacé l'épisode de Vichy, car il y expliquait que la République en tant que forme de gouvernement n'a jamais cessé d'exister en France et que tous les actes constitutionnels, législatifs et réglementaires mis en place sous Vichy sont considérés comme nuls. - - Le 25 août 1944, à l'hôtel de Ville de Paris, avant de réinstaller le gouvernement de la République dans la capitale : «Paris! Paris outragé! Paris martyrisé! Mais Paris libéré! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France toute entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle». D'autre part, Robert Aron propose une thèse dès les années 1950 sur la mémoire de Vichy : Thèse du moindre mal, d'un «Vichy bouclier» qui aurait permis de protéger les Français, de leur éviter le pire, et qui aurait constitué à sa façon une autre résistance, venant compléter celle de De Gaulle à Londres. Les nostalgiques de Vichy se raccrochent encore aujourd'hui à cette thèse, tandis que la plupart des historiens la réfute. De plus, le peuple français, inconsciemment ou non, préférait sûrement se rassurer avec cette image positive de la France plutôt que d'accepter la réalité de ce passé difficile et douloureux... cela montre la subjectivité de la mémoire, basée sur le ressenti. C'était une période «d'amnésie nationale» d'un «passé qui ne passe pas» (Henri ROUSSO Le syndrome de Vichy). Le réveil de la mémoire à partir des années 1970 En 1969, Pompidou, qui n'a pas participé à la Résistance, devient président et abandonne la tradition résistancialiste instaurée par De Gaulle, et les mythes héroïques et patriotiques d'une résistance de masse. En 1973, La France de Vichy de l'historien américain Robert Paxton paraît et constitue le premier ouvrage de référence sur l'histoire de Vichy, qui fit scandale et provoqua de nombreux débats. Paxton s'appuie sur des archives allemandes saisies à la fin de la guerre par les autorités américaines et prend en compte les travaux de l'historien allemand Eberhard Jackel sur la politique hitlérienne à l'égard de la France vaincue : La France dans
l'europe de Hitler. Il souligne les responsabilités du régime du Vichy en montrant qu'il est à l'origine de la collaboration avec l'allemagne d'hitler, c'était une collaboration active. Le gourvernement de Vichy a pris part à la déportation comme le montre la Rafle du Vel d'hiv du 16 juillet 1942, sans pratiquer le moindre double jeu et sans faciliter la tâche des Alliés. Il explique que la collaboration et la Révolution nationale sont les deux faits inséparables d'une politique qui s'inscrit dans la logique de l'acceptation de l'armistice de juin 1940. Le film Le Chagrin et la Pitié a lui aussi, malgré la censure dont il a fait l'objet, contribué à dépasser le résistancialisme. Achevé en 1969, ce film germano-suisse réalisé par Marcel Ophuls est une chronique de la vie quotidienne à Clermont-Ferrand sous l'occupation qui montre l'image d'une France majoritairement lâche et égoïste, contrairement à l'image exagérée de résistance de masse que l'on donnait avant. Cependant, peu projeté au cinéma, le grand public y a peu accés à sa sortie. La reconnaissance progressive de l'etat français dans les années 80 sous Mitterrand En 1980, un sondage efféctué par le journal Le Monde indiquait que 66% des français ne condamnaient pas Pétain et son régime. Cependant, les affaires judiciaires concernant Bousquet-Leguay-Papon ont amené les dirigeants français à reconnaître progressivement la responsabilité du régime du maréchal Pétain, la responsabilité de l'état français dans la mise en œuvre de la «solution finale» en France. Sous le septennat de François Mitterrand, la tombe du maréchal Pétain a été fleurie chaque 11 novembre pendant plusieurs années consécutives entre 1984 et 1992. Cette pratique a cessé en 1993 après des protestations, notamment de la part de la communauté juive. Mitterrand, après avoir longtemps refusé de reconnaître officiellement cette responsabilité, fut contraint de céder : - En 1993, date anniversaire de la rafle du Vél' d'hiv' à Paris en 1942, la «Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites» fut instaurée, mais en précisant toutefois qu'elles avaient été commises «sous l'autorité de fait dite "gouvernement de l'état français ( 1940-1944 )"». - En 1994, Mitterand a inauguré mais sans prendre la parole, un monument à la mémoire des victimes de la rafle du Vél' d'hiv' sur lequel on peut lire : «La République française en hommage aux victimes des persécutions racistes et antisémites et des crimes contre l'humanité commis avec la complicité du gouvernement de Vichy dit "gouvernement de l'état français ( 1940-1944 )". N'oublions jamais». - De plus, à la fin de sa vie, il a tenté de rendre crédible l'image positive de son ami René BOUSQUET, inculpé de crime contre l'humanité. Cette affaire fit scandale. Mitterand n'a finalement pas su ou pas voulu, sous pretexte de préserver la cohésion nationale et la paix civile, prononcer reellement les mots que beaucoup de gens attendaient et qui auraient pu constitué une reconnaissance officielle des crimes de Vichy. La reconnaissance officielle et solennelle de 1995 à nos jours La déclaration du 16 juillet 1995 de Jacques Chirac, peu de temps après son election à la présidence, lors du 53eme anniversaire de la rafle du vel' d'hiv, a rompu avec l'attitude ambigue de Mitterrand : il a prononcé les paroles attendues que l'ancien président avait toujours refusé de prononcer, et qui constituaient enfin une reconnaissance officielle et solennelle des crimes de l'état français : «Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'état français. La France, patrie des Lumières, patrie des Droits de l'homme, terre d'accueil, terre d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable.» Jospin avait succédé a Mitterrand à la tête du PS, et lorsqu'il fut candidat aux elections présidentielles en 1995, il pris de recul par rapport aux positions de Mitterrand à l'égard de Vichy et de ses liens amicaux avec Bousquet. Ensuite premier ministre de cohabitation en 1997, il s'exprima lors du 55éme anniversaire du Vel' d'hiv' sur le même registre que Chirac precedement. Cette même année, pour répondre à Séguin qui dénonçait l' «esprit d'autoflagellation» du gouvernement, Jospin affirma qu'il était necessaire de faire «l'effort de recherche sur notre passé.» Le 11 novembre 1998, pour le 80eme anniversaire de l'armistice de 1918, ni Chirac ni Jospin n'ont fait fleurir la tombe de Pétain, ils se mirent d'accord pour honorés seulement les trois personnalités «ayant mérité de la patrie» : Poincaré, Clémenceau et Foch. En 1997, lors du dépôt du fichier juif au crypte du Mémorial du martyr juif inconnu, Chirac reconnaît une fois de plus tous les crimes de Vichy et explique qu'il faut regarder l'histoire en face pour avancer et que cela ne se reproduise plus jamais. En 2000, Jospin déclara que la France avait tardé à «reconnaître la responsabilité de l'etat français dans la persécution et la spoliation des Juifs de France pendant la dexieme guerre mondiale.», il annonça que le gouvernement apporterai son soutien à l'extention du Mémorial du
martyr juif ainsi qu'à la création d'une Fondation vouée à l'enseignement de la Shoah (aussi dans les écoles). Cette même année, la «Journée nationale à la mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites de l'etat français et d'hommage aux «justes» de France» fut mise en place, afin de lever les ambiguités du decret de Mitterrand en 1993. Suite à la conférence de Stockholm sur l'éducation, la mémoire et la recherche sur la Shoah, en 2000, l'ouvrage «Dites-le à vos enfants»- Histoire de la Shoah en Europe et en 2002, un DVD contenant un long extrait du film Shoah de Lanzmann accompagné de l'ouvrage Shoah de Lanzmann Le cinéma, la mémoire l'histoire furent diffusés dans les lycées, les collèges afin de «mieux faire connaître ce que sont les persécutions racistes et antisémites.» Enfin, en 2001, Jospin a réaffirmé les engagements de son gouvernement en matière de politique de mémoire pour l'inauguration de la plaque en hommage a Morin, fonctionnaire de l'office nationale des anciens combattants, déportés, résistants. De 2002 à 2007, Chirac poursuit sa politique de reconnaissance lors de nombreux discours, commémorations... En 2009, suite à la demande de réparation déposée auprès du tribunal administratif de Paris par la fille d'un déporté juif mort à Auschwitz, le Conseil d'etat a reconnu «la responsabilité de l'etat français dans la déportation résultant des persécutions antisémites» pendant la Seconde Guerre mondiale, declara que «les différentes mesures prises depuis la fin de la seconde guerre mondiale, tant sur le plan indemnitaire que symbolique, ont réparé, autant qu'il était possible, l'ensemble des préjudices.» Nous pouvons aussi citer le film français «La Rafle», sortit en 2010 et qui s'inscrit également dans un devoir de reconnaissance et de mémoire puisqu'il evoque la Rafle du Vel' d'hiv, donc la collaboration et la responsabilité de Vichy dans la déportation des juifs dans les camps de concentration et d'extermination. La mémoire que l'on a du régime de Vichy est récente, la réalité a été occulté pendant des années, c'était un «passé qui ne passe pas», comme le disait Henry Rousso dans Le syndrome de Vichy. Aujourd'hui encore, l'accès aux fonds d'archives concernant la 2ème guerre mondiale et plus particulièrement la façon dont doit être traité dans nos programmes d'histoire le régime de Vichy continuent de poser problème, de nourrir des polémiques, de susciter des passions et des querelles toujours prêtes à se réveiller... 4. lieux et temps de memoire de la guerre 39-45 Des monuments : Aux victimes du Nazisme, Dijon. Monument de la Résistance. Chauny
Le mémorial du mont Valérien Un exemple de musée : Musée de la Mémoire - Camp du Récébédou Le musée accueille une exposition permanente, des reconstitutions, une salle de conférence et une exposition temporaire. Il permet également la consultation sur place d un certain nombre d ouvrages traitant plus particulièrement des camps d internement. Lieu de mémoire avant tout le Musée se veut aussi un outil pédagogique au service des enfants et de tous ceux qui ont soif de connaissances. Musée de Lyon Ce musée nous propose un éventail d objet concernant la deuxième guerre mondial
Les fondations : 1. A la mémoire de la Shoah : Créée en 2000, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, dont la dotation provient de la spoliation des juifs de France, a pour vocation de soutenir des projets dans les domaines de l histoire et de la recherche sur la Shoah, de l enseignement, de la mémoire et de la transmission, de la solidarité et de la culture juive 2. A la mémoire des déportés : Créée en 1990, la Fondation s est fixée comme objectif de pérenniser la mémoire de l Internement et de la Déportation au-delà de la génération des témoins et de faire connaître les valeurs qui en sont issue 3. A la mémoire des anciens combattants : Fondée en mars 1945 par l'une des principales composantes des Forces Françaises de l'intérieur, les "Francs-Tireurs et Partisans Français", l'association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance" a pris ce nom en 1952, s'élargissant à toutes les familles de pensée de la Résistance Intérieure et de la France Libre, à toutes les formes du combat de Résistance, s'inspirant par là de l'unité de la Résistance réalisée au sein du Conseil National de la Résistance. En 2006, elle a modifié son nom en Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance 4. A la mémoire de la résistance : Créée officiellement en 1993, la Fondation de la Résistance assume trois missions essentielles : sauvegarder la mémoire de tous les actes individuels et collectifs, ayant marqué la résistance intérieure et extérieure contre l occupant nazi entre 1940 et 1945, en encourageant notamment la recherche historique dans ce domaine, et lutter contre toutes les formes de négationnisme ; transmettre aux jeunes générations et à la société civile les valeurs individuelles et collectives qui motivaient les acteurs de la Résistance sous toutes ses formes ; pérenniser la mémoire des associations d anciens résistants ne pouvant plus exister par elles-mêmes. Fondation à la mémoire du général De Gaulle http://www.charles-de-gaulle.org Fondation pour la mémoire de la déportation: http://www.fmd.asso.fr/ Des commémorations : La cérémonie du 8 mai. Anniversaire du débarquement en Normandie. http://www.normandiememoire.com/ La journée du souvenir de la déportation, le 27 janvier (date de la libération du camp d Auschwitz.