Intervention du 2 juin 2009 Vincent CARON, Avocat associé cabinet FIDAL Les nouveaux contours de la responsabilité de l employeur dans Le domaine de la prévention Directeur du pôle Santé et sécurité au Travail
Les enjeux de la prévention Un enjeu pour l employeur L employeur est tenu à une obligation de résultat envers les travailleurs (arrêt de la Cour de Cassation du 28 février 2002 à propos de l amiante), en matière de santé et de sécurité :. Son obligation ne se limite pas à mettre en œuvre les mesures prévues par les textes il doit prendre toutes les mesures appropriées au regard des situations de danger identifiées. Le document Unique dans lequel sont consignés les résultats de l évaluation des risques est un élément clé d appréciation de la cohérence et de l efficacité de la démarche de prévention de l employeur (art R 4121-1) 2
Quelles sont les obligations basiques du chef d entreprise? Risques Document Unique TECHNIQUE Intégration de la prévention lors de de la conception/choix des équipements Conformité des équipements Vérifications périodiques et maintenance Protections collectives et individuelles Aménagement des lieux de travail Mesures des nuisances (bruit, empoussièrement Prévention du risque chimique Temps ORGANISATION Politique sécurité.communication Définition des rôles et des responsabilités (mise en place de délégations) Analyse des risques et retour d expérience Procédures, Modes opératoires Gestion des modifications Gestion des situations de co-activité Règles et plan de circulation dans les ateliers HUMAIN Participation des salariés Formation et information du personnel. Habilitations/autorisations Surveillance médicale Surveillance des comportements (Règlement Intérieur ) Programme annuel de prévention 3
Les enjeux de la prévention Un impact sur le contrat de travail Le droit à la santé et à la sécurité est le premier des droits fondamentaux que tient le salarié de son contrat de travail (Circulaire du 28 Mars 2002 du ministère du travail). Le salarié peut solliciter la rupture de son contrat aux torts de l employeur si ce dernier ne respecte pas son obligation de sécurité (cass. soc 29 juin 2005 à propos du tabagisme passif). Le salarié, licencié en raison d une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle, survenue à la suite d une négligence de l employeur, a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi, en sus de celles liées à la rupture de son contrat et à sa MP ( Cass.Soc 17 mai 2006 n 04-47.455). 4
Les enjeux de la prévention UNE CONSEQUENCE PRATIQUE : en sus des indemnités spéciales de rupture dues en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle (indemnité égale au double de l Indemnité de licenciement) de la majoration de sa rente au taux maximum et de la réparation de ses différents préjudices (physique, moral, esthétique, d agrément, des pertes ou diminution de promotion professionnelle) au titre de la faute inexcusable Le salarié peut obtenir des dommages intérêts pour licenciement abusif en réparation d un préjudice spécifique et autonome lié à la perte d emploi. 5
Les enjeux de la prévention Un devoir pour l encadrement et les travailleurs «Il entre dans la vocation de l encadrement d appliquer et de faire appliquer la réglementation d hygiène et de sécurité au regard du personnel placé sous son autorité ( accord national interprofessionnel du 25 avril 1983) «Conformément aux instructions qui lui sont données par l employeur, il incombe à (chacun) de prendre soin en fonction de sa formation et selon ses possibilités, ( ) de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail». (Art L 4122-1 du Code du Travail) Le défaut de vigilance ou d exemplarité peut être sanctionné par l employeur 6
Les enjeux de la prévention La portée de l obligation des travailleurs L obligation de sécurité des travailleurs est une obligation relative et conditionnée. Elle ne constitue pas une cause d exonération de la responsabilité de l employeur, sauf si sa violation par le salarié constitue le fait générateur unique de l accident (cf. art 4122-1 al 3) Elle est conditionnée par le respect de l obligation de sécurité de l employeur qui doit donner dans le cadre de la formation les instructions de sécurité adaptées à la nature des «tâches à accomplir» et des risques encourus. (cf. art 4122-1 al 2) 7
Les enjeux de la prévention Un enjeu sur le plan judiciaire Les infractions aux règles de sécurité représentent 56% du total des infractions relevées chaque année par l Inspection du travail et 30 % des PV transmis au Parquet (Cf. Rapport 2006 sur l activité de l Inspection du travail). En cas d accident, l entreprise, ses dirigeants et tous ceux qui encadrent du personnel peuvent être sanctionnés pénalement devant les tribunaux en cas de pluralité de fautes. Les victimes ont massivement recours à la justice pour être indemnisées intégralement des souffrances endurées que le CPAM ne prend pas en charge (responsabilité civile pour faute inexcusable devant le TASS). 8
Qui peut être poursuivi devant une juridiction pénale? CODE DU TRAVAIL CODE PENAL QUAND? QUI RELÈVE LA FAUTE? QUI EST VISÉ? Manquement aux règles de sécurité visées par le Code du travail Inspection du travail 1-Le chef d étbt (s il n a pas délégué ses pouvoirs pour l application du Code du Travail) OU Le délégataire (si la délégation est réelle) 2- La société (ou personne morale) QUELLES SANCTIONS? Au plus 3750 d amende (x 5 pour la personne morale) par salarié Homicide ou blessures involontaires/ Mise en danger de la vie d autrui Officiers de police judiciaire Toutes les personnes physiques ayant commis une faute d imprudence caractérisée en relation avec l accident Personnes morales pour les fautes commises par leurs organes ou représentants Emprisonnement et /ou amende 9
Dans quels cas la responsabilité pénale des employeurs peut être recherchée? Peuvent être condamnées en cas «d accident grave» : Les personnes ayant exposé autrui, par imprudence, inattention ou négligence, à un risque d une particulière gravité qu elles ne pouvaient ignorer (ex: document unique) etqui n ont pas pris les mesures adéquates que la nature de leur fonction, les pouvoirs et les moyens dont elles disposaient leur permettait de mettre en œuvre. Il faut qu il y ait un lien de causalité entre la faute ou le non-respect de l obligation de sécurité et l accident. 10
Dans quels cas la responsabilité pénale peut être recherchée? 2. La responsabilité peut être retenue aussi en cas de violation manifestement délibérée d une obligation réglementaire de sécurité. Cette faute atteste d'une plus grande dangerosité de la personne qui sait qu elle ne respecte pas l'obligation de sécurité qui s'impose à elle. le manquement délibéré constitue une circonstance aggravante des infractions d'homicide et de blessures involontaires et entraîne des peines plus lourdes. 3. La mise en danger de la vie d autrui (hypothèse où il n y a pas eu d accident) est une infraction autonome punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 d'amende (art 223-1 Code pénal) 11
Dans quels cas la responsabilité pénale de la société peut être recherchée? Disparition du principe de spécialité le 1er janvier 2006. Dans le cadre d un accident du travail, les personnes morales sont responsables pénalement en cas de faute simple commise par un de leurs organes (gérant, directoire) ou représentants (le délégataire et le chef d établissement sont considérés comme des représentants de la personne morale); Elles peuvent être condamnées à une amende égale à 5 fois le montant de l amende maximale prévue pour les personnes physiques (10 fois en cas de récidive). D autres sanctions peuvent impacter directement le maintien de son activité (affichage de la décision dans les médias et aux portes de l entreprise, obligation de mettre en place un plan de sécurité, etc.). 12
Quelle est l incidence de la faute de la victime? La faute commise par la victime ou un tiers n est pas une cause d exonération, sauf si elle est considérée comme la cause exclusive de l accident. le chef d entreprise ou l encadrement ne peut invoquer l imprudence de la victime comme motif d exonération que si : Le niveau de sécurité de l entreprise répond aux normes. l accident s est produit dans l exécution d une tache non prévue dans le programme de travail arrêté par la Direction La victime a été correctement formée et a une bonne connaissance des règles particulières de sécurité de l entreprise. Le comportement de la victime n était pas habituel et toléré par l encadrement. 13
Quelles sont les peines encourues? INFRACTIONS SANCTIONS ( X 5 pour les Pers Morales ) Simple imprudence Manquement délibéré Homicide Involontaire (tribunal correctionnel) Incapacité de travail > à 3 mois (tribunal correctionnel) Article 221-6, al. 1 : 3 ans d'emprisonnement, 45 000 d'amende Article 222-19, al. 1: 2 ans d'emprisonnement, 30000 d'amende Article 221-6, al. 2 : 5 ans d'emprisonnement, 75 000 d'amende Article 222-19, al. 2 : 3 ans d'emprisonnement, 45 000 d'amende Incapacité de travail < ou = à 3 mois (tribunal de police) Atteinte à l'intégrité sans incapacité Article R.625-2 : amende prévue pour les contraventions de 5ème classe (1500 ) Article 222-20 : 1 an d'emprisonnement, 15000 d'amende Article R.622-1 : Article R.625-3 : amende prévue pour les amende de 1500 contraventions de 2ème classe 14
Responsabilité civile : un risque financier pour l entreprise La victime d un accident est prise automatiquement en charge par la CPAM pour la part correspondant au préjudice professionnel qu elle a subi (frais médicaux, indemnités journalières, rente en cas d incapacité partielle,..). Elle a le droit (ses ayants droit en cas de décès) d engager une action en justice contre l employeur pour obtenir la réparation des préjudices extrapatrimoniaux qui ne sont pas indemnisés par la CPAM,.à condition de démontrer que l accident est du à la faute inexcusable de l employeur. 15
Quand y a t-il faute inexcusable de l employeur? Il y a faute inexcusable en cas d AT ou de MP lorsque l employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait la victime et qu il n a pas pris les mesures nécessaires pour l en préserver». (Cass.soc 28 février 2002 à propos des dossiers amiante). La Cour de cassation considère désormais qu il convient de prendre en compte l importance de l entreprise et de son organisation, la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté le salarié pour déterminer si l employeur aurait dû avoir conscience du danger encouru par la victime. (cass civ 3 juillet 2008 N 07-18.689) 16
Quand y a t-il faute inexcusable de l employeur? Il y a faute inexcusable dans les cas suivants: si l accident est lié à un manquement au Code du Travail (il n est pas exigé que la faute de l employeur ait été la cause unique ou principale) si l entreprise n a engagé aucune démarche d évaluation globale des risques ou si les mesures inscrites au plan d actions n ont pas été engagées. Si la victime, sous CDD ou intérimaire, a été affecté sur un poste présentant des risques particuliers sans avoir bénéficié d une formation «renforcée»àla sécurité(art L 4142-2) 17
Quelle est la finalité du Document unique? Sous l angle de la prévention, le D.U est d abord un outil de visualisation du niveau réel des risques dans l entreprise et un support indispensable pour la définition d un plan d action cohérent. Sur le plan judiciaire, le Document portant transcription des résultats de «l ERP» est un élément d appréciation de l obligation de sécurité (circulaire du 23 oct. 2002 du Garde des Sceaux) «Il permettra de vérifier comment un risque particulier a été identifié et analysé auparavant, quels étaient les antécédents connus et quelles mesures avaient été préconisées ou adoptées en conséquence dans l entreprise». 18
Document unique:une obligation encore mal comprise Le Document unique est considéré comme une formalité se résumant à un document standard, sans lien avec le programme annuel de prévention ou le plan d action. Les employeurs n ont pas compris qu il s agissait d une démarche permanente et n ont rien prévu pour assurer l actualisation du Document Unique La plupart, par crainte de l usage qui pourrait être fait du Document unique par les autorités en cas d accident, adoptent une démarche minimaliste. 19
Quelle est l apport du décret du 17 décembre 2008? Le décret oblige l employeur à informer ses salariés sur les risques pour leur santé et leur sécurité d une manière compréhensible pour chacun (art. R 4121-2) Il doit en pratique s assurer de l assimilation des consignes données au personnel (tests) Il doit mieux organiser l accueil des nouveaux embauchés (élaboration de supports de formation, choix du formateur). Il doit plus directement pour les salariés mis à disposition associer les entreprises de travail temporaire 20
Quelle est l apport du décret du 17 décembre 2008? Il oblige l employeur à donner aux salariés accès aux informations contenus dans le Document unique En cas de contentieux pénal ou civil (action en reconnaissance de la faute inexcusable), le salarié pourra consulter le D.U et vérifier si l employeur avait ou non conscience des risques auxquels il a été exposé. L information des salariés doit aussi porter sur les dispositions du règlement intérieur relatives à la sécurité et à la santé et le rôle des services de santé et des représentants du personnel Le médecin du travail doit être associé à la détermination du contenu de cette information, en particulier pour les taches ayant une incidence sur la santé (ex: manutentions, utilisation de produits chimiques.) 21
Quelle est la véritable portée du décret du 17/12/2008? Cette obligation d information renforcée des salariés oblige les entreprises à simplifier la présentation de leur Document Unique (objectif: faciliter sa lecture et son exploitation) Elle impose en pratique à la Direction et à l encadrement: de suivre avec plus de rigueur la mise en œuvre des actions de prévention décidées et de justifier les motifs de leur retard. de définir des mesures transitoires pour les actions qui ont été planifiées à moyen terme D assurer une mise à jour du D.U (ex: les mesures de prévention mises en œuvre l année précédente doivent être intégrées au titre des mesures existantes, lesquelles sont prises en compte dans l évaluation du risque) 22
Quel est le rôle des acteurs au stade de l évaluation des risques? Chef d étbt Encadrement Veiller dans le cadre du CHSCT à la mise à jour du D.U et à la mise en œuvre du plan d actions. Identifier les situations dangereuses dans leur secteur Favoriser la circulation des informations sur les risques auprès des salariés dans le cadre des actions de formation Mettre en œuvre les mesures inscrites au programme annuel. Service Prévention Salariés CHSCT Contrôler la réalisation par l encadrement des mesures de prévention inscrites au plan d actions et appuyer leur action Rendre compte de l avancement du plan d actions, des écarts et des difficultés de mise en œuvre au Pdt du CHSCT. Remonter toute situation dangereuse rencontrée suivant la procédure fixée. Remonter au Pdt les informations sur les risques recueillis au cours des visites d ateliers, des enquêtes après AT et expertises Donner un avis sur l ordre de priorité des mesures ou le choix des actions. Médecin du travail Établir la fiche d entreprise annuelle sur laquelle sont consignés les risques et les salariés exposés et la présenter en CHSCT en même temps que le bilan annuel. 23