ATELIER DE PLANIFICATION STRATEGIQUE SUR LA QUESTION DU LAC TCHAD Thème: ELEMENTS CLES DU PROGRAMME D ACTION STRATEGIQUE ET SITUATION DU PROJET DE TRANSFERT INTERBASSINS Douala, 4 et 5 septembre 2014 Par AHMED Sédick, Hydrologue Senior, CBLT 1
INTRODUCTION Le spectre de l assèchement plane sur le lac Tchad. En effet, les variations de surface du Lac au cours des cinquante dernières années ont été spectaculaires et illustrées par des séries d'images satellitaires largement diffusées. - Cependant, depuis près de quarante ans, les données hydrologiques et les observations de terrain relatives au Lac sont insuffisantes et pour la plupart peu accessibles. C'est sans doute cet écart entre une abondance d'images et le manque de données de terrain qui explique en partie les nombreuses interprétations inexactes publiées dans la littérature scientifique ou à destination du grand public, avec pour résultat une image brouillée du lac Tchad, dont la tendance pessimiste, voire catastrophiste, ne résiste pas à l analyse 2
Le Programme d action stratégique de la CBLT (PAS) Face à ce qui précède et conformément à sa Vision 2025 adoptée en 2000 et sur la base d une analyse diagnostique transfrontalière, la CBLT a préparé et adopté en 2008 son Programme d Action Stratégique pour une durée de quinze (15) ans. Toutes les actions à mener dans le bassin du Lac Tchad doivent converger pour atteindre les Objectifs de Qualité de l Environnement et des Ressources en Eau fixés par le PAS 3
Le Programme d action stratégique de la CBLT (PAS) Le PAS est le produit d un processus de consultation régionale qui a impliqué les Etats membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad, le Secrétariat Exécutif de la CBLT et les partenaires internationaux, avec une participation active d une expertise scientifique des différentes ONGs dans la région. Le PAS traite principalement des sept problèmes environnementaux régionaux prioritaires identifiés dans l Analyse Diagnostique Transfrontalière (ADT), à savoir (i) la variabilité du régime hydrologique et de la disponibilité des eaux douces,(ii) la pollution de l'eau, (iii) la diminution de la viabilité des ressources biologiques, (iv) la perte de la biodiversité, (v) la perte et la modification des écosystèmes, (vi) la sédimentation dans les fleuves et plans d'eau et (vii) les espèces envahissantes 4
ETAT DE LIEU: Diagnostic sur les ressources en eau et écosystèmes Le PAS établit les principes de la gestion environnementale et de la coopération; énonce une vision à long terme pour le développement durable du bassin du lac Tchad ; note les défis de la gestion intégrée et durable du bassin du lac Tchad ; fixe cinq (5) Objectifs de Qualité de l Environnement et des Ressources en Eau (OQERE) et leurs indicateurs pour les secteurs prioritaires et les problèmes environnementaux dans un contexte transfrontalier ; et définit un ensemble de cibles et d'interventions pour atteindre ces objectifs. 5
Le PAS (suite) Les 5 OQERE retenus dans le PAS sont : 1) Amélioration de la quantité et qualité des eaux du Bassin du Lac Tchad (OQERE1) 2) Restauration, conservation et utilisation durable des bio ressources du Bassin du Lac Tchad (OQERE2) 3) Conservation de la biodiversité dans le Bassin du Lac Tchad (OQERE3) 4) Restauration et conservation des écosystèmes du Bassin du Lac Tchad (OQERE4) 5) Renforcement de la participation et des capacités des parties prenantes ainsi que du cadre juridique et institutionnel pour la gestion durable de l environnement du Bassin du Lac Tchad (OQERE5) 6
Le PAS (suite) Chaque OQERE est constitué d au moins un indicateur et un certain nombre de cibles comportant des interventions interdépendantes qui visent à traiter les causes profondes des problèmes identifiés. 7
Le PAS (suite) OQERE 1 : Deux (2) indicateurs Cinq (5) cibles Vingt trois (23) interventions. OQERE 2 : Deux (2) indicateurs Six (6) cibles Vingt six (26) interventions 8
Le PAS (suite) OQERE 3 : Un (1) indicateur Trois (3) cibles Dix sept (17) interventions. OQERE 4 : Deux (2) indicateurs Cinq (5) cibles Dix neuf (19) interventions 9
Le PAS (suite) OQERE 5 : Un (1) indicateur Cinq (3) cibles Vingt un (21) interventions. 10
Le PAS (suite) OQERE 1 : Indicateur 1 : La quantité et la qualité d eau du Lac Tchad sont maintenues à un niveau durable ayant pour référence la période moyenne des années 60 Indicateur 2 : Une réduction mesurable du niveau des principaux groupes de contaminant de l'eau, sédiment et biota. 11
Le PAS (suite) Cible 1: Développer et initier l exécution des stratégies de gestion de l'eau de surface 1) Evaluer les connaissances actuelles sur la disponibilité, l'écoulement et la qualité de l'eau de surface, y compris son interaction avec le Lac Tchad. 2) Réviser le cadre légal et institutionnel pour la gestion de l eau de surface et effectuer des ajustements pour refléter les besoins actuels, si nécessaires. 3) Concevoir un programme régional des mesures concernant la gestion de l eau de surface. 4) Effectuer une démonstration sur une gestion saine de l eau de surface. 5) Renforcer les dispositifs (réseaux) d observations des eaux de surface et de pluies 12
Le PAS (suite) Le PAS est donc un document cadre de politique régional. Les Etats membres ont défini une vision à long terme du basin du lac Tchad, qui est une représentation claire des caractéristiques désirées pour l environnement futur. La mise en œuvre du PAS sera la responsabilité des pays membres, indépendamment comme composante de leurs Plans d Actions Nationaux (PAN), et collectivement comme faisant partie du mandat de la Commission du Bassin du Lac Tchad. 13
PAS (SUITE) Le (PAS) avait identifié clairement les cibles et les interventions en vue de définir des actions d'investissement prioritaires qui ont abouti à l élaboration du Plan Quinquennal d Investissement 2013-2017 qui a été présenté les 4 et 5 avril 2014 à la communauté internationale (Table ronde des bailleurs de fonds) à Bologne et Rimini en Italie. 14
Le coût de ce Plan Quinquennal (y compris ceux des PAN/GIRE des Etats membres) s élève à 925 809 802 euros dont 10% seront supportés par les contributions des Etats membres. Les actions de ce Plan sont déclinées en trois grandes composantes : Composante 1 : Utilisation durable des ressources naturelles et préservation des écosystèmes du bassin du Lac Tchad ; Composante 2 : Amélioration de la quantité et de la qualité des eaux du bassin du lac Tchad ; Composante 3 : Mise en œuvre des Plans d Action Nationaux GIRE (PAN/GIRE) des pays membres de la CBLT. 15
Les conclusions de la Table Ronde de Bologne: 1) Dégagement d un consensus général autour des propositions contenues dans les documents du PQI et qui constituent le processus à suivre pour sauver le Lac Tchad ; 2) Les interventions se résument en trois catégories : 1) Soutiens directs 2) Soutiens indirects 3) Appui pour la mobilisation des partenaire 16
3) Mise en place d un comité international de soutien aux actions de la CBLT en vue de consolider l appui politique, technique internationale ainsi que la mise en œuvre diligente des activités du PQI et d autres et financier de la communauté mesures d adaptation et de développement socio-économique des pays de la CBLT. 17
Quatre états du lac Tchad au XXe siècle Lac Tchad Petit sec Petit Moyen Grand Apports Chari km3/an < 15 15-34 35-43 > 43 Surface totale 2000 6000 2000-14000 15000-20000 20000-25000 km 2 Plans d eau plusieurs plusieurs un seul un seul Surface inondée cuvette nord km 2 Paysage Dominant 0 0-8000 9000 10000 marécages et savane marécages archipel dunaire eaux libres 18
Evolution du Lac Tchad Entre 1957 et 2013, le Lac a été dans un état de Petit Tchad ou de Petit Tchad sec les deux tiers du temps et dans un état de Tchad Moyen ou de Grand Tchad un tiers du temps. Les années 1985, 1987, 1988 et 1991 correspondent à un Petit Tchad sec avec une cuvette nord sèche toute l'année. Cette cuvette a été sèche une partie de l'année en 1975, 1977, 1982, 1984, 1990, 1992, 1993 et 1994 un contexte qui favorise la conversion temporaire des pêcheurs à l agriculture. La cuvette nord a conservé un peu 19 d'eau toute l'année en 1989 et de 1995 à 2013.
La situation actuelle Un Petit Tchad «stable» depuis 1973 Années 1980 : Petit Tchad sec (cuvette nord sans eau) 1991-2013 : Petit Tchad (mais pas Petit Tchad sec) Le Lac en mai 2013 (données NASA Landsat) Surface inondée : 14 800 km 2 20
Quelle est la population qui vit du Lac? 3 échelles de lecture 2 millions 13 millions Données 2013 47 millions 21
Quelles tendances démographiques? => une croissance qui devrait se poursuivre Population 2013 (millions) Population 2025 (millions) Population 2050 (millions) Lac 2 2,83 6 Lac + arrière pays étendu Bassin conventionnel 13,3 18,3 35,5 47 66 129 N Djaména 1,15 2 7 Maiduguri 0,9 1,4 3,3 22
Le Projet Transfert Interbassin L Objectif principal de l étude est voir les possibilités de stockage et de transfert d eau pour la production d énergie et assurer la navigation en période d étiage dans les bassins du Lac Tchad et de l Oubangui et restaurer graduellement le niveau normal du Lac Tchad tout en prenant en comptes les préoccupations (économiques, sociales et environnementales) des pays riverains des cours tributaires de l Oubangui. 23
Le Projet Transfert Interbassin Les conclusions de l étude de faisabilité du transfert d eau de l Oubangui au Lac Tchad: A l issue de l étude de faisabilité technique, économique/financière et environnementale du Transfert d eau de l Oubangui au Lac Tchad, les principales conclusions et recommandations du Consultant ont montré que sur le plan technique, il est possible de transférer l eau par pompage à partir du barrage de Palambo sur l Oubangui et par gravité à partir du barrage de Bria sur la Kotto, vers le Lac Tchad, donnant un rehaussement de niveau du Lac de l ordre de 1 mètre dans la cuvette sud et de 1 mètre dans la cuvette nord avec une augmentation de la superficie de l ordre de 5500 km2. 24
Cependant, étant donné que le scénario de transfert recommandé à la CBLT étant faisable sur le plan technique, économiquefinancier et environnemental, le Consultant a proposé d autres solutions d améliorations susceptibles d aider le Lac Tchad à retrouver un niveau normal pour satisfaire les besoins socio-économiques des populations et pour le maintien de son équilibre écologique, à savoir: 25
1) L amélioration de l hydraulicité du Chari afin de limiter les pertes dans les plaines inondables.une analyse préliminaire des débits en aval de Sarh, a estimé la quantité d eau mobilisable à 100-150 m3/s; 2) Le désensablement du Lac Tchad et des cours d eau qui l alimentent, dans le but de limiter les pertes et d avoir une meilleure répartition des ressources en eau entre les deux cuvettes (Nord et Sud) du lac. 26
Recommandations de l étude Ainsi, sur la base de l ensemble de l analyse tenant compte des aspects techniques, économiques, le Consultant a recommandé i) Construction du barrage de Palambo pour la régulation du débit, le soutien à la économiques, financiers et socio- les éléments suivants à la CBLT : navigation, et la production hydroélectrique; 27
ii) Construction d une infrastructure de transfert interbassin par gravité depuis la rivière Kotto avec le barrage de Bria; iii) Amélioration de l hydraulicité du Chari afin de limiter les pertes dans les plaines inondables; iv) Aménagement le Lac Tchad et ses principaux affluent, notamment par la lutte contre l ensablement, afin de mieux répartir les eaux dans les différentes cuvettes du lac 28
Adoption des conclusions de l étude Au terme de l étude, le 14 ème Sommet des Chefs d Etat et de Gouvernement des Pays membres de la CBLT, tenu le 30 avril 2012 à N Djamena, a adopté les conclusions et les recommandations de l étude et a décidé d autoriser le Secrétaire Exécutif à procéder aux études d Avant Projet Détaillé (APD) de l option retenue à condition de : (i) concevoir au préalable un programme quinquennal d aménagement du fleuve Chari et du Lac Tchad, (ii) de concevoir un programme complémentaire d études d ingénierie et des projets préliminaires nécessaires en associant les experts des Etats membres et, (iii) de mener des études pour établir l interaction entre les eaux souterraines et les cours d eau dans le bassin. 29
Adoption des conclusions de l étude C est ainsi que la CBLT a procédé à élaborer et valider les Termes de références ainsi que les Dossiers d appel d Offres international pour les études de l amélioration de l hydraulicité du Chari et du Logone, de l aménagement du Lac Tchad et les Etudes d Avant projet Détaillé (APD) du transfert interbassin. 30
Mais au paravent, le Comité Paritaire CBLT-CICOS mis en place par les deux institutions s est réuni à deux reprises (à Brazzaville et Douala) pour : élaborer et valider les TDRs de l étude d impact environnemental économique et social (EIES) dans le bassin du Congo, relatifs au projet de transfert d eau de l Oubangui au Lac Tchad ; Adopter un modèle de dossier d appel d offre de l EIES; Examiner et adopter le règlement intérieur du Comité Paritaire ; Examiner et adopter l'appui du Comité Paritaire CBLT/CICOS au processus de lancement de l étude ; Adopter l agenda futur du Comité 31
Conclusions Les contraintes physiques naturelles et /ou anthropiques relevées dans le bassin du Lac Tchad (ou même ailleurs), ne peuvent trouver des solutions que par une collaboration multisectorielle accrue dans la gestion durable de ces ressources en eau internes ou partagées et qui sont d ailleurs limitées. 32
Conclusions Aussi, compte tenu de la situation actuelle ( période de sécheresse) le bassin du Lac Tchad doit être protégé durablement grâce à une gestion concertée de ses ressources, assurée par la responsabilisation et la coopération de tous les acteurs du bassin. Ce qui veut dire à long terme: 1) une gestion concertée des eaux en s appuyant sur la coopération intersectorielle et régionale et des politiques nationales harmonisées et appliquées au niveau de chaque sous-bassin ( l être humain doit être placé au centre de la décision, notamment en permettant aux collectivités locales d élaborer leur propre schéma communal de développement et de recherche de moyens d existences durables, avec la participation active des populations et en reliant l exercice aux politiques publiques et à la gestion des eaux par bassin), 33
Conclusions 2) une gestion intégrée de l utilisation des ressources finies et vulnérables de l écosystème, en partant d une meilleure connaissance de ces ressources ( la réhabilitation et le développement des réseaux de surveillance permanente des eaux, de l environnement et de leurs exploitations, permettant une meilleure connaissance du fonctionnement des hydrosystèmes ; un suivi dynamique de la gestion des eaux et un suivi régulier des aménagements et des ressources du bassin avec des outils modernes de gestion intégrée des informations pour aider aux décisions et anticiper les crises ), 34
Conclusions 3) une responsabilisation des acteurs du bassin pour la protection du patrimoine commun (la promotion des techniques et pratiques productives, économiquement rentables, appropriées par les populations et les opérateurs économiques locaux et respectueuses de l environnement) 35
CONCLUSION GENERALE Fidèle aux idéaux de l Organisation de l Unité Africaine (OUA) actuelle Union Africaine (UA), la Commission du Bassin du Lac Tchad et les pays membres ont toujours le souci d harmoniser les actions de développement dans la sous-région, pour le bien-être de leurs populations et de la sauvegarde de l environnement. La coopération régionale en matière de développement durable est devenue pour eux une nécessité, face à une croissance démographique galopante, les sécheresses continues, l insécurité alimentaire et des catastrophes écologiques notamment la dégradation des ressources naturelles telles que l eau, la faune et les forêts,etc. /36
CONCLUSION GENERALE (suite) C est pour cela que les documents et stratégies mentionnés plus haut constituent et restent des cadres d orientation, de suivi et d exécution pour un développement durable de la sousrégion du bassin du Lac Tchad. Plus particulièrement, la Vision 2025 et le Programme d Action Stratégique (PAS) sont des cadres structurés qui intègrent toutes les dimensions des territoires (du local au bassin) et tous les groupes d acteurs concernés. 37
Conclusion générale (suite et fin) Bien louables qu elles soient, toutes ces initiatives ne pourront aboutir à la sauvegarde du Lac Tchad et de son Basin que lorsque les données de base fiables seront disponibles à travers des réseaux de mesures entretenus et suivis, dotés de systèmes modernes d observations et de collecte des données à temps réel. C est ce qui fait défaut à l heure actuelle au niveau de la CBLT et à celui des Etats membres, car la dégradation des réseaux d observations hydrologiques hydrométéorologiques et piézométriques du bassin était tellement avancée qu il fallait nécessairement procéder à leur réhabilitation et leur modernisation. Il y a également nécessité de disposer ou de mettre en place un système unique de suiv et de gestion des ressources en eau (eau de surface et eau souterraine) pour une gestion intégrée, équitable et durable des ressources naturelles du bassin 38
Je vous remercie de votre aimable attention 39