KF/AB/OE REPUBLIQUE DECÔTE D IVOIRE ---------------- COUR D APPEL D ABIDJAN --------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------- RG N 2001/2014 JUGEMENT CONTRADICTOIRE N 2001 du 27/11/2014 ---------------- Affaire : 1- Monsieur DEMBELE Mamadou 2- Monsieur DOUMBIA Mamadou (SCPA KONE-N GUESSAN- KIGNELMAN) C/ la société UNILEVER COTE d IVOIRE (SCPA DOGUE-ABBE YAO et Associés) ----------------- DECISION : Contradictoire Déclare Monsieur Mamadou DEMBELE et Monsieur Mamadou DOUMBIA recevables en leur action ; Les y dit cependant mal fondés ; Les en déboute ; Les condamne aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 NOVEMBRE 2014 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt sept novembre 2014 tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur François KOMOIN, Président du Tribunal ; Madame ABANET ESSO Blanche, Messieurs KACOU Bredoumou, René DELAFOSSE, AMUAH David, FOLOU Ignace et TALL Yacouba Assesseurs Avec l assistance de Maître KOUTOU Aya Gertrude, Greffier A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Et ; 1- Monsieur DEMBELE Mamadou né le 02 mai 1960 à Adzopé, commerçant, de nationalité ivoirienne, domicilié à Adzopé, BP 102 Adzopé ; 2- Monsieur DOUMBIA Mamadou, né le 23 janvier 1955 à Issia, planteur de nationalité ivoirienne domicilié à Abidjan yopougon, 01 BP 1271 Abidjan 01 ; Demandeurs, représentés par la SCPA KONE- N GUESSAN-KIGNELMAN, Avocats près la Cour d Appel d Abidjan, y demeurant, Abidjan plateau, avenue lamblin, immeuble bellerive, 4eme étage, porte 16, 01 BP 6421 Abidjan 01, tel : 20 33 22 45, fax : 20 33 14 75, email : scpa@konenguessan.com ; D une part ; la société UNILEVER COTE d IVOIRE, SA dont le siège social est à Abidjan, boulevard de vridi, 01 BP 1751 Abidjan 01 ; Défenderesse, représentée par son conseil SCPA DOGUE- ABBE YAO et Associés, Avocats près la Cour d Appel d ABIDJAN, y demeurant 29, boulevard clozel, 01 BP 174 ABIDJAN 01 ; D autre part ; 1
Enrôlée pour l audience du 17 juillet 2014, l affaire a été appelée. A cette date le tribunal ayant constaté la non conciliation des parties a ordonné une instruction confiée au juge KACOU Bredoumou puis renvoyé la cause à l audience publique du 30 octobre 2014. Cette mise en l état a fait l objet d une ordonnance de clôture N 1102 du 29 octobre 2014. A la date de renvoi, l affaire étant en état de recevoir jugement, elle a été mise en délibéré pour décision être rendue le 27 novembre 2014. Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré comme suit. Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par acte d huissier de justice en date du 07 juillet 2014 Monsieur DEMBELE Mamadou et Monsieur DOUMBIA Mamadou ont assigné la société UNILEVER COTE d IVOIRE à comparaître devant le Tribunal de commerce d Abidjan à l audience du 17 juillet 2014 pour s entendre : - condamner à leur payer la somme de cent millions (100.000.000) francs CFA chacun soit au total deux cent millions (200.000.000) francs CFA ; - Condamner la société UNILEVER COTE d IVOIRE aux dépens de l instance ; Ils exposent au soutien de leur action que dans le courant de l année 2002, la société UNILEVER faisait installer dans les toilettes du personnel de sa filiale, la CDCI, de curieux appareils qu elle leur présentait comme étant des diffuseurs de parfum ; Ils poursuivent que les remarques du Directeur général de la CDCI, monsieur Eric RUIZ, sur les formes et anatomies du personnel ont attiré l attention du personnel sur la nature réelle de ces appareils ; 2
Ainsi, après une enquête, les employés de la CDCI découvraient en octobre 2002 que les appareils installés dans les toilettes n étaient pas des diffuseurs de parfum, mais contenaient des caméras connectées à un écran, le tout relié à un magnétoscope d enregistrement, cachés dans les tiroirs du Directeur général, monsieur Eric RUIZ ; Les employés comprenaient ainsi que pendant des mois, ils avaient été filmés, enregistrés et regardés par le Directeur général, Eric RUIZ, toutes les fois qu ils ont été aux toilettes ; La société UNILEVER, saisie par les employés indignés, sans nier la présence de caméras dans les toilettes de la CDCI, justifiait cela par des lettres anonymes dont une comportait des menaces de mort à l égard du Directeur général, monsieur Eric RUIZ, trouvées dans les toilettes du personnel ; Ils ajoutent que le personnel de la CDCI, ayant demandé à la société UNILEVER COTE d IVOIRE une réparation conséquente du préjudice subi, celle-ci proposait aux représentants du personnel des discussions, qui restaient vaines ; Ils poursuivent que certains employés ont alors attrait la société Unilever et sa filiale la CDCI devant les tribunaux en paiement de dommages et intérêts ; Ainsi par décision n 1881/civ 1 du 01 juillet 2004,le tribunal de première instance d Abidjan a condamné la société UNILEVER COTE d IVOIRE et la CDCI à payer à chacun la somme de cinq millions (5.000.000) francs CFA à titre de dommages et intérêts ; Sur appel de la société UNILEVER COTE d IVOIRE et de la CDCI, la cour d appel mettait hors de cause la CDCI et confirmait le jugement entrepris pour le surplus par arrêt n 718 du 08 juillet 2005 ; La société UNILEVER COTE d IVOIRE, sans désemparer, a formé un pourvoi contre le dit arrêt ; Et la cour suprême, par arrêt n 193/07 du 05 avril 2007, a condamné la société UNILEVER COTE d IVOIRE à payer à chacun de ses employés la somme de trois millions (3.000.000) francs CFA ; Les demandeurs indiquent qu ils étaient des employés de la CDCI au moment de ces faits, et ont donc eu à utiliser les toilettes de cette société à un moment ou à un autre ; Ils estiment qu ils ont donc subi le voyeurisme du Directeur 3
Général, et ont vu de ce fait leur intimité violée par celui-ci ; Ils sollicitent donc la réparation de ce préjudice subi, et sollicite la somme de cent millions (100.000.000) francs chacun à ce titre ; La société UNILEVER COTE d IVOIRE s oppose à l action des demandeurs, expliquant qu à l issue des procédures initiées par le personnel de la CDCI qui ont abouti à sa condamnation par la cour suprême à payer à chacun de ses employés la somme de trois millions (3.000.000) francs CFA par arrêt n 193/07 du 05 avril 2007, elle croyait avoir dédommagé tous les agents concernés, mais que contre toute attente, elle fait l objet d une nouvelle procédure pour laquelle elle sollicite voir les demandeurs déclarés mal fondés ; Elle soutient qu au regard des pièces produites, les demandeurs qui fondent leur action sur les articles 1382 et suivants du code civil, ne rapportent pas la preuve qu ils ont été filmés par la caméra en cause ; Elle fait observer que Monsieur Mamadou DEMBELE produit six (06) bulletins de salaire datant de juillet 2001 à avril 2002, alors que la caméra en cause a été achetée le 03 septembre 2002 ; Quant à Mamadou DOUMBIA, il produit une attestation de présence faisant ressortir quelques jours pendant lesquels il a effectué des missions au siège de la CDCI ; mais ne rapporte pas la preuve que pendant ces brefs séjours dans la filiale, il a été filmé par la caméra en cause ; Elle sollicite donc du Tribunal qu il rejette la demande de Messieurs DEMBELE Mamadou et DOUMBIA Mamadou, comme étant mal fondée ; En la forme SUR CE Sur le caractère de la décision La société UNILEVER a comparu et fait valoir ses moyens et prétentions. Il convient donc de statuer par décision contradictoire à son égard. Sur le taux du ressort 4
L article 8 de la loi organique n 424/2014 du 14 Juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce dispose que : «les Tribunaux de commerce statuent : - en premier ressort sur toutes les demandes dont l intérêt du litige excède un milliard de francs ou est indéterminé ; - en premier et dernier ressort sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard» En l espèce, l intérêt du litige qui est de 200 000 000 de francs CFA, n excède pas un milliard de francs CFA. Il convient donc de statuer en premier et dernier ressort ; Sur la recevabilité de l action Messieurs Doumbia Mamadou et Dembélé Mamadou ont initié leur action dans le respect des conditions légale, de forme et de délai ; Il convient de déclarer leur action recevable ; AU FOND Sur l existence de la faute et de la responsabilité de la société UNILEVER COTE d IVOIRE La faute et la responsabilité de la société UNILEVER COTE d IVOIRE se trouvent consacrées par l arrêt n 193/07 du 05 avril 2007 de la cour suprême et consiste en l acte de voyeurisme sur les employés posé par monsieur Eric RUIZ, Directeur général de la CDCI, filiale de la société UNILEVER COTE d IVOIRE. La faute et la responsabilité de la société UNILEVER établies ouvrent donc droit à des dédommagements pour les préjudices subis par les victimes. Sur le paiement de dommages et intérêts sollicité par les demandeurs Le tribunal rappelle que pour que les demandeurs soient indemnisés, il faut qu ils apportent la preuve non seulement qu ils étaient employés de la défenderesse au moment des faits, mais et surtout qu ils ont utilisé les toilettes et été filmés par les caméras litigieuses ; 5
Les demandeurs produisent des bulletins de salaire et un certificat de travail pour attester de leur présence au sein de l entreprise au moment des faits, et conséquemment, prouver l effectivité du préjudice subi ; Or, l analyse des pièces versées aux débats notamment le certificat de travail pour Monsieur Mamadou DEMBELE et les bulletins de salaire pour Monsieur Mamadou DOUMBIA révèlent que le premier n était pas en service à Abidjan au moment des faits, mais à Man, et que le second n était plus employé de la CDCI au moment des faits incriminés ; Pour être indemnisé, Monsieur Mamadou DEMBELE doit prouver que bien qu étant en service à Man, il a été au siège à Abidjan et a été filmé comme tous les autres employés indemnisés par la Cour Suprême. A cet égard, le tribunal ne peut se contenter de supposition ni de déduction, les faits sous-tendant la mise en jeu de la responsabilité civile devant être prouvés sans discussion possible. Ne l ayant pas fait, sa demande en paiement doit être rejetée ; Quand à Monsieur Mamadou DOUMBIA, il est clair qu au moment des faits il n était plus employé de la CDCI. A lui aussi s impose de prouver le préjudice qu il allègue notamment que, bien que n étant plus employé à la CDCI, il a utilisé les toilettes et a été filmé par les caméras litigieuses. Ayant peiné à le faire, sa demande en paiement doit être également rejetée ; Au total, le tribunal juge que les demandeurs sont mal fondés en leur action introduite, du reste, plus de dix (10) ans après celle des employés indemnisés par la Cour Suprême, et les en déboute. Sur les dépens Les demandeurs ayant succombé à l instance, il convient de les condamner aux dépens de l instance. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Déclare Monsieur Mamadou DEMBELE et Monsieur 6
Mamadou DOUMBIA recevables en leur action ; Les y dit cependant mal fondés ; Les en déboute ; Les condamne aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. Et ont signé le Président et le Greffier. /. 7