Capitalisation «Evolutions technologiques» ******



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Transcription:

****** Dans le cadre du partenariat conclu entre le ministère des Affaires étrangères (MAE) / Direction générale de la Mondialisation, du Développement et des Partenariats (DGM) et Epargne Sans Frontière (ESF) en avril 2013, l association mène jusqu en 2014 une capitalisation sur la réduction des coûts des transferts d argent des migrants et leur impact sur le développement. Cette synthèse documentaire s inscrit dans une suite d articles qui seront consacrés aux transferts d argent et qui marqueront la contribution d ESF à la réflexion sur la réduction du coût des transferts suite aux recommandations du G8 de l Aquila en 2009 et du G20 de Cannes en 2011. ****** 2

SOMMAIRE INTRODUCTION... 4 I. Le mobile banking : une révolution pour l Afrique?... 4 1. Le développement du mobile banking?... 4 a) Le contexte... 4 b) Qu est-ce que le mobile banking?... 5 2. Les atouts du mobile banking... 5 a) Les utilisateurs domestiques et internationaux... 5 b) Les opérateurs de téléphonie mobile... 6 c) Les institutions financières... 6 II. Au-delà du mobile banking... 6 1. Vers une intégration plus grande du mobile banking... 6 a) Une réglementation à approfondir... 6 b) Des impacts sociaux prometteurs... 7 2. Les autres innovations favorisant une baisse des coûts de transfert d argent... 7 a) L e-banking... 7 b) Les cartes rechargeables... 7 c) Les boutiques en ligne... 8 CONCLUSION... 8 ANNEXE - Atomium des tutelles potentiels... 9 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES... 9 3

INTRODUCTION Depuis plusieurs années, les transferts d argent des migrants vers leur pays d origine ne cessent d augmenter. Selon la Banque mondiale, les transferts officiels vers les pays en développement ont représenté 414 milliards de dollars en 2013, en croissance de 6,3 % par rapport à 2012, et devraient continuer à croître, au rythme de 9 % par an en moyenne, pour atteindre les 540 milliards de dollars en 2016 (Banque mondiale, 2013a). Concernant plus précisément l Afrique, les transferts d argent à destination du continent sont importants, représentant d ailleurs la deuxième source de devises du continent après les investissements étrangers. Depuis les années 1990, ils ont plus que quadruplé, atteignant 40 milliards de dollars en 2010 (Ncube, non daté), soit environ 3% du PIB total de l Afrique. En 2012, les migrants africains ont envoyé 60 milliards de dollars (BBC Afrique, 2013). Cette hausse est due, d une part, à l augmentation de l émigration et, d autre part, à une hausse des revenus des migrants africains (Banque mondiale, 2011). Mais l Afrique est aussi le continent vers lequel envoyer de l argent coûte le plus cher : d après la Banque mondiale, les frais de transferts vers l Afrique subsaharienne atteindraient 12,55% des sommes envoyées fin 2013, ceux vers le Moyen- Orient et l Afrique du Nord se situant à 7,80 % (Banque mondiale, 2013b). Consciente de l enjeu que représente les transferts d argent des migrants vers leur pays d origine, la communauté internationale a pris des engagements en faveur d une baisse des coûts de transferts à 5% du montant envoyé d ici 2014. Cette synthèse présente un bref état des lieux du développement des technologies en Afrique en matière de baisse des coûts de transfert d argent afin de mieux en comprendre l opportunité. En effet, les avancées technologiques permettent une amélioration de la concurrence en matière bancaire et financière, un accroissement de la portée des marchés d envois de fonds et une meilleure inclusion financière. Le phénomène le plus important a été le développement du mobile banking (Banque mondiale, 2011) (transferts monétaires au moyen des réseaux de téléphonie mobile) qui a permis d offrir des services compétitifs aux populations et d atteindre les populations rurales pour lesquelles les longues distances à parcourir pour accéder à un point de transfert d argent représentaient un coût élevé (Ncube, non daté). Le mobile banking n est pas la seule avancée technologique que connait l Afrique en matière de transferts d argent. L e-banking ainsi que les cartes rechargeables et les boutiques en ligne se développent depuis quelques années. Cependant, ces évolutions technologiques ne pourront pleinement se déployer tant qu un cadre réglementaire adéquat n aura été mis en place. Il convient donc de se demander comment le développement des nouvelles technologies en Afrique peut contribuer sensiblement à une baisse des coûts de transfert d argent. I. Le mobile banking : une révolution pour l Afrique? Le mobile banking s est développé depuis quelques années en Afrique, invitant à une multiplication des partenariats entre les banques et les institutions financières. 1. Le développement du mobile banking? a) Le contexte En 2012, l Afrique est devenue le deuxième marché du monde pour la téléphonie mobile après l Asie, et celui qui croit le plus rapidement (Jacquemot, 2013, p.22). L accès au téléphone s est démocratisé et toutes les couches de la population peuvent y avoir accès. Selon les estimations, d ici à 2015, il y aura davantage de personnes ayant accès au réseau de la téléphonie mobile qu à l électricité dans leur maison (Jacquemot, 2013, p.22). Ce phénomène est notamment dû à l ouverture du marché de la téléphonie à des téléphones low cost. Au Maroc par exemple, le taux de pénétration du mobile est passé de 0% en 1995 à 27% dix ans plus tard (Tcheng, 2008, p.111). Aujourd hui, le mobile est le moyen de communication le plus utilisé en Afrique. Selon les pays, sa 4

5 Capitalisation «Evolutions technologiques» pénétration atteint 25 à 80% de la population contre 15% pour les lignes fixes (Tcheng, 2008, p.111). Enfin, l Afrique est le seul continent où les revenus liés au mobile représentent environ 20% du chiffre d affaires des sociétés de télécom. Ainsi, en 2012, au Kenya Safaricom (entreprise fondatrice de M-Pesa) a généré des revenus d environ 123 millions de dollars, soit environ 20% de son chiffre d affaires global (Mboungou, 2013). Par ailleurs, le taux de bancarisation sur le continent africain demeure très faible. Lié à un problème structurel touchant l ensemble des pays en développement, la ruralité en constitue l autre raison principale. En effet, les banques ne s intéressent que très peu à la population rurale en raison du manque d infrastructures et des faibles densités de population. Au Maroc, en 2008, le pays dénombre 1,4 million de comptes bancaires pour 33,5 millions d habitants (Tcheng, 2008, p.116). Le rapport passe à 1,5 million de comptes bancaires pour 70 millions d habitants dans les pays de l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), soit un taux de bancarisation de 2%. En Tanzanie, le taux de bancarisation est de 5% et de 15% pour le Libéria. De manière globale, le taux de bancarisation en Afrique est faible (seuls 20% des foyers disposent d un compte en banque ; Ondiege, 2013, p. 9) et inférieur au taux de pénétration du mobile. b) Qu est-ce que le mobile banking? Le développement de la technologie mobile, la faiblesse du taux de bancarisation et l accroissement des transferts d argent, ont amené les banques centrales africaines (Banque centrale des Etats de l Afrique de l Ouest / BCEAO ; Banque des Etats de l Afrique centrale / BEAC, etc.) à favoriser le développement du mobile banking. Le mobile banking désigne les services financiers par téléphone portable. Il s agit principalement de services de consultation de soldes, de paiement de factures et de transfert d argent. Le mobile banking est permis par des partenariats entre des banques et des opérateurs de téléphonie mobile. Ainsi, dans l UEMOA, des partenariats ont été signés entre les groupes Ecobank, BNP Paribas, Société générale, Bank of Africa et les sociétés de téléphonie mobile MTN, Orange et Airtel (Banque de France, 2011). Dans à peu près tous les pays africains, le marché du mobile banking ne cesse de se développer et selon les experts, la concurrence ne va faire qu augmenter. Comme le souligne Dany Zandamela, PDG de la banque sud-africaine First National Bank, «l explosion du parc d abonnés aux services de téléphonie mobile et les faibles taux de bancarisation en Afrique font que le continent restera l environnement idéal pour le développement des services bancaires par téléphone mobile» (Kéfi, non daté). 2. Les atouts du mobile banking Le mobile banking présente des atouts pour trois catégories d acteurs : les utilisateurs, les opérateurs de téléphonie mobile et les institutions financières. a) Les utilisateurs domestiques et internationaux Le mobile banking est un outil puissant qui permet d offrir des services d épargne et de transferts financiers à moindre coûts à des personnes qui disposent d un téléphone portable mais qui étaient jusqu alors dépourvues d un compte bancaire (Ondiege, 2013, p.9). Le développement de M-Pesa au Kenya illustre très bien ce phénomène. Créé en 2007 et commercialisé par l opérateur Safaricom, M-Pesa symbolise la révolution engagée par le mobile banking. Au 1 er mars 2012, M- Pesa compte 14 652 593 utilisateurs actifs, soit un Kenyan sur trois (PWC, 2012). Le succès de cette initiative est permis par un réseau téléphonique national relativement bien développé et par une formation destinée aux utilisateurs. Le principe est le suivant : un abonné, enregistré gratuitement au service, se rend auprès d un agent agréé M-Pesa avec l argent en cash et le numéro de téléphone du destinataire. Pour une somme d un peu plus d un dollar, l agent met en place son compte virtuel configuré directement sur sa carte SIM, qu il crédite avec l argent déposé précédemment. Ensuite, l expéditeur n a plus qu à transférer ce montant par SMS à son destinataire. C est un système efficace opérationnel 24h/24 et 7 jours/7, en n importe quel lieu et pour un coût marginal, une fois l investissement technologique et le coût d information et d apprentissage amortis. M-Pesa a ainsi permis de porter le taux de bancarisation de 7 à 40%

entre 2007 et 2010 (Kéfi, non daté). Le téléphone portable sert de carte bancaire, de guichet automatique et peut aussi être utilisé comme un terminal de services bancaires en ligne (accès aux comptes, transferts à distance). Le téléphone devient une banque à distance (Kéfi, non daté). b) Les opérateurs de téléphonie mobile A travers l exemple de M-Pesa développé ci-dessus, il est possible de dire que le mobile banking représente aussi une opportunité pour les opérateurs de téléphonie mobile. D une part, le mobile banking leur permet de fidéliser et de recruter de nouveaux usagers et, d autre part, de bénéficier d une nouvelle source de revenus grâce aux commissions sur les transactions. Ainsi, l opérateur sud-africain MTN 1, qui prévoit d étendre son offre de mobile banking à vingt pays notamment en Ouganda, au Nigeria, au Cameroun et en Côte d Ivoire, pourra toucher une nouvelle clientèle et augmenter ses profits. c) Les institutions financières Pour les institutions financières, le mobile banking est un moyen de bancariser de nouveaux clients, notamment les populations rurales, et ce à moindre frais. Le mobile banking s affranchit des contraintes géographiques, ce que ne peut faire la banque traditionnelle et est, de plus, sécurisé et efficace. De plus en plus de partenariats entre les institutions financières et les opérateurs de téléphonie mobile voient le jour. Pour n en citer que quelques uns : Ecobank et Bharti Airtel ont signé un accord leur permettant de développer le mobile banking dans quatorze pays (Kenya, Nigéria, Burkina ) ; l opérateur Tigo a signé un accord avec la Banque Populaire du Rwanda ; Safaricom (à l origine de M-Pesa) avec Equity Bank ou encore MTN et Orange au Cameroun. Il existe plusieurs types de partenariats entre les banques et les opérateurs de téléphonie mobile. Il peut s agir de modèles purement bancaires, de joint-ventures, de modèles mixtes ou encore de modèles télécoms 2. Ces différents modèles équivalent à une plus ou moins grande implication soit de la banque, soit de l opérateur téléphonique. II. Au-delà du mobile banking Certes, le mobile banking est une véritable révolution en matière de réduction des coûts de transferts, mais son développement est entravé par des cadres réglementaires qui ne sont pas encore adaptés. Par ailleurs, la révolution du mobile banking ne doit pas laisser dans l ombre les autres avancées technologiques qui, elles aussi, contribuent à une diminution des coûts de transfert d argent. 1. Vers une intégration plus grande du mobile banking Si le mobile banking présente un certain nombre d atouts, cette révolution récente n est pas encore stabilisée. Une meilleure réglementation permettrait certainement de voir les effets positifs de cette évolution technologique et de toucher un nombre encore plus grand d individus. a) Une réglementation à approfondir Les atouts du mobile banking sont incontestables et ils pourraient l être encore plus si la réglementation était plus adaptée. En effet, il existe un vide réglementaire entre la réglementation financière et la réglementation des télécommunications. La plupart des opérateurs de téléphonie mobile n ont souvent pas la possibilité d être des intermédiaires financiers. Ils sont obligés de s adosser à des institutions financières ou, lorsque la législation locale est favorable, de créer leur propre filiale financière (Banque mondiale, 2012). Pour parer à cela, il faudrait créer un cadre unique regroupant institutions financières et opérateurs de téléphonie mobile afin de permettre aux banques africaines de participer aux transferts monétaires mobiles et aux sociétés de télécommunications de proposer des comptes de micro-dépôts et d épargne. Il est aussi 1 Lancé en 1994, MTN est un groupe multinational de télécommunications opérant dans 21 pays en Afrique et au Moyen-Orient. 2 Cf. Tableau p.117 dans Tcheng, 2008. 6

7 Capitalisation «Evolutions technologiques» nécessaire de garantir que les réseaux de distribution mobiles soient ouverts aux services d envois de fonds internationaux, au lieu de devenir des partenaires exclusifs entre un opérateur de transferts monétaires internationaux et des services mobiles du pays. Enfin, il semble indispensable de simplifier les réglementations de lutte contre le blanchiment d argent et le financement du terrorisme notamment pour les transferts de petites valeurs afin qu ils en soient facilités (Banque mondiale, 2011, p.89). Une meilleure réglementation permettra aussi d éviter d exposer le système financier à un risque systémique si le volume des opérations passant par le système de transferts monétaires mobiles est important et que les dépôts ne sont conservés que dans un ou deux organismes financiers. Pour finir, il serait pertinent de faire évoluer la réglementation vers une ouverture du marché afin de permettre aux institutions de microfinance de s engager dans le mobile banking et d en favoriser ainsi l expansion. b) Des impacts sociaux prometteurs L Afrique assiste aujourd hui à une démocratisation du mobile qui semble toucher toutes les couches de la population. Cette démocratisation a des impacts sociaux positifs. Tout d abord, l offre est bien adaptée à la demande : les prix sont relativement bas et son utilisation ne requiert pas un niveau d éducation élevé dans un sous-continent qui compte un tiers d analphabètes (Jacquemot, 2013). De plus, le mobile favorise le lien social. Il connecte les individus à l échelle du pays mais aussi à l échelle internationale. Parfois utilisé par plusieurs personnes, le mobile crée un esprit de partage et de solidarité. Enfin, concernant plus spécifiquement le mobile banking, il améliore l accès des plus pauvres au système bancaire et facilite la mobilisation de l épargne des migrants. 2. Les autres innovations favorisant une baisse des coûts de transfert d argent Le mobile banking est l évolution technologique la plus visible en matière de baisse des coûts de transfert. Cependant, elle n est pas la seule. Depuis quelques années, l e-banking a connu un certain essor, tout comme les cartes de paiement rechargeables et les boutiques en ligne. a) L e-banking L e-banking désigne l ensemble des services disponibles par internet : consultation de comptes, virement et achat de produits financiers. Moins développé que le mobile banking, l e-banking nécessite la mise en place d infrastructures plus lourdes et plus coûteuses. Les services proposés par internet sont sensiblement les mêmes que ceux proposés par le mobile banking avec cependant une dimension contenu plus importante et une dimension bureautique qu il faut pouvoir maîtriser. De plus, l e-banking implique la détention d une carte bancaire et donc d un compte bancaire. Cette évolution présente des avantages pour des populations déjà bancarisées, ce qui, comme souligné précédemment, n est pas la règle en Afrique. Par ailleurs, le développement de l e-banking est freiné par le faible taux de pénétration d internet et des réseaux haut débit. Pour certains analystes (Tcheng, 2008, p.119), cette faiblesse ne doit cependant pas être considérée comme un problème mais davantage comme une opportunité pour développer directement l internet mobile, sans passer par l étape de l internet fixe. b) Les cartes rechargeables Les cartes rechargeables constituent une alternative aux transferts d argent et un moyen de répondre aux attentes de la diaspora en matière de baisse des coûts de transferts. Cette carte s obtient auprès des banques et des institutions de microfinance (IMF). Il s agit d une carte de paiement munie d une puce sur laquelle sont stockées les informations classiques relatives au montant de ressources et au code d accès. Le propriétaire de la carte, qui dispose d un compte bancaire, l alimente soit par internet, soit en donnant des instructions à son agence. L utilisateur, quant à lui, n est pas obligé de détenir un compte bancaire. Ce dernier peut effectuer des retraits aux guichets automatiques ou procéder à des paiements sur des terminaux dédiés chez les commerçants ou les prestataires de services, dans la limite des ressources disponibles. Aujourd hui, plusieurs banques et IMF offrent la possibilité à leurs clients de mettre à disposition

des personnes de leur choix, dans le pays d origine, des cartes de ce type. Elles se développent aux Comores, en Tunisie, au Maroc, au Cameroun et aussi en France suite à un accord entre la Banque postale et Western Union. Malgré la facilité d utilisation et la baisse des coûts qu elle implique, elle bénéficie d un intérêt limité. D une part, elle nécessite des avancées technologiques préalables comme l accès à internet ou la mise en place de terminaux adaptés pour que les utilisateurs puissent payer. D autre part, elle ne rencontre pas un franc succès chez les migrants car elle peut les soumettre à une certaine pression en étant obligés de réalimenter la carte lorsque le solde est nul. c) Les boutiques en ligne Les boutiques en ligne constituent une autre alternative aux transferts d argent. Elles permettent aux migrants d acheter notamment des denrées alimentaires et des produits pharmaceutiques pour leur famille restée au pays (Envoidargent.fr, 2012). Les expéditeurs peuvent donc choisir l utilisation qui est faite des fonds qu ils envoient habituellement. Encore peu connues, ces boutiques méritent d être étendues car elles assurent une utilisation pertinente des fonds envoyés. CONCLUSION Contrairement aux idées reçues, le continent africain s est aussi engagé dans la révolution des techniques de l information et de la communication. A la différence des pays développés, cette révolution entend répondre avant tout à des exigences de développement économique, par le biais notamment des transferts d argent. En effet, ces derniers représentent une manne importante pour le continent et l importance des coûts liés aux transferts en limitent le développement. Gage de réduction des coûts, d efficacité et de sécurité, le mobile banking connait un certain engouement. Si des progrès restent à faire en matière de réglementation, son avenir semble prometteur. Son succès a permis à d autres innovations, telles que l e-banking, les cartes rechargeables et les boutiques en ligne, de voir le jour. 8

ANNEXE - Atomium des tutelles potentiels Source : Epargne Sans Frontière, 2011. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES BANQUE DE FRANCE (2011), «Le développement du mobile banking dans l UEMOA», in Rapport annuel de la zone Franc 2011 (disponible sur : http://www.banque- france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/eurosysteme_et_international/zonefr/2011/7-5- 2011.pdf, consulté le 18 novembre 2013). BANQUE MONDIALE (2011), Optimisation du phénomène migratoire pour l Afrique. Envois de fonds, compétences et investissements, Banque mondiale, Washington (disponible sur http://siteresources.worldbank.org/extdecprospects/resources/476882-1157133580628/leveragingmigrationforafricafr.pdf). BANQUE MONDIALE (2012), «Les envois de fonds en direction des pays en développement se montent à plus de 400 milliards de dollars en 2012», Communiqué de presse, 20 novembre 2012 (disponible sur : http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2012/11/20/developingcountries-to-receive-over-400-billion-remittances-2012-world-bank-report) BANQUE MONDIALE (2013 a), «Les envois de fonds vers les pays en développement devraient dépasser les 410 milliards de dollars en 2013, selon la Banque mondiale», Communiqué de presse n 2014/115/DEC (disponible sur : http://www.banquemondiale.org/fr/news/pressrelease/2013/10/02/developing-countries-remittances-2013-world-bank). BANQUE MONDIALE / Remittance Prices Worldwide (2013 b), An analysis of trends in the average total cost of migrant remittance services, Issue, n 8, December (disponible sur http://remittanceprices.worldbank.org). BBC AFRIQUE (2013), «Envoi d argent vers l Afrique trop cher», BBC Afrique, 29 janvier 2013. ENVOIDARGENT.FR (2012), «Solutions alternatives aux transferts d argent, les boutiques en lignes se multiplient», 14 janvier 2012 (disponible sur http://envoidargent.solidairesdumonde.org/archive/2012/03/13/serie-transferts-d-argent-lapredominance-des-voies-informel.htm, consulté le 18 novembre 2013). 9

EPARGNE SANS FRONTIERE / BOURENANE Naceur, BOURJIJ Saïd, LHERIAU Laurent (2011), Réduire les coûts des transferts d argent des migrants et optimiser leur impact sur le développement : Outils et produits financiers pour le Maghreb et la Zone franc, Rapport de l étude menée pour le compte de la Banque Africaine de Développement, de la France et de l Agence Française de Développement, Paris, décembre 2011, 160 p. (disponible sur : http://www.epargnesansfrontiere.org/articles_c-7-s-39-i-423). JACQUEMOT P. (2013), «Perspectives économiques pour l Afrique subsaharienne. Questions et scénario», L économie politique, n 59, 2013/3. KEFI W. (non daté), «Grandes manœuvres sur le marché du mobile banking en Afrique», LesAfriques.com. MBOUNGOU V. (2013), «Le mobile banking en Afrique : une source de revenus à fort potentiel», Afrique expansion, 23 juillet 2013 (sur http://www.afriqueexpansion.com/le-mobile-bankingnenafriquen/10774-le-mobile-banking-en-afrique--une-source-de-revenus-a-fort-potentiel.html). NCUBE M. (non daté), «L envoi d argent des migrants représente 3% du BIP de l Afrique», Diaspora en ligne (disponible sur http://diasporaenligne.net/lenvoi-dargent-des-migrantsrepresente-3-du-pib-de-lafrique/, consulté le 18 novembre 2013). ONDIEGE P. (2013), «Le mobile banking au service de l inclusion financière», Secteur Privé et Développement, n 16, Mai 2013. PWC (2012), «Les télécommunications en Afrique : un secteur innovant et motivant», disponible sur : http://fr.slideshare.net/pwcfrance/pwc-telecommunication-afrique-telecoms-reseau-mobileoperateurs-telephonie-2012. TCHENG H. (2008), «Les télécoms, facteur de développement en Afrique», L expansion Management Review, n 129, 2008/2. 10

Epargne Sans Frontière (ESF) Epargne Sans Frontière est une association française née en 1985, basée à Paris, et présidée par Monsieur Daniel Lebègue (ancien directeur général du Trésor puis de la Caisse des Dépôts et Consignations). ESF est un Think-tank de référence dans le monde francophone sur les questions de financement du développement, à savoir un lieu de recherche appliquée, d échanges, de valorisation d idées et de bonnes pratiques rassemblant les compétences d acteurs privés et publics afin de faire avancer la réflexion sur le développement des pays du Sud. Depuis 29 ans, ESF édite la revue Techniques Financières et Développement (TFD), devenue l une des sources d information incontournables de notre secteur. Carrefour d informations, de sensibilisation, de capitalisations et de propositions, l association organise aussi régulièrement des manifestations (colloques, séminaires, conférences). Pour tout renseignement complémentaire sur les activités de l association, contactez Epargne Sans Frontière : - par courrier postal : 9 rue Saint-Augustin, 75002 Paris, France - par téléphone : +33 1 48 00 96 82 - par courrier électronique : esf@epargnesansfrontiere.org - via le Site Internet : www.epargnesansfrontiere.org 11