Issouf SOUMARÉ, Ph.D., PRM, FRM Professeur agrégé de finance Directeur du Laboratoire d ingénierie financière de l Université Laval Département de finance et assurance Faculté des sciences de l administration Université Laval, Québec, Canada Organisé par l Association des étudiant(e)s musulman(e)s de l UL Québec, le 16 février 2009 Principes de la finance islamique Pratique de la finance islamique Instruments de la finance islamique Gouvernance et réglementation Comparaison avec la finance conventionnelle Expositions aux risques Contraintes et défis à surmonter Cadre de gestion des risques 2 1
Pratiques financières basées sur les principes de la loi islamique (Sharia, Sunnah) Interdiction de percevoir des intérêts (ribâ) Interdiction de la spéculation dans les échanges (gharar) Interdiction du hasard (massir) Interdiction d investir dans des secteurs productifs jugés illicites (haram): jeux du hasard, alcool, porc, armes, pornographie, Partage du risque et des profits entres les parties contractantes. Transactions financières doivent être rattachées à des biens physiques. 3 Source: The Economist, sep. 2008 Même si la finance islamique moderne date de la 2è moitié du 20è siècle, ses origines remontent à 14 siècles. Volume total mondial estimé entre 500 et 1000 milliards de dollars. D après le FMI, taux de croissance d environ 10 15% par an au cours de la dernière décennie. Potentiel de croissance: population musulmane mondiale est d environ 1,5 milliards, soit 22,5 % de la population mondiale, tandis que le volume des actifs de la finance islamique représente à peine 1% des capitaux mondiaux. 4 2
Rang Pays Population musulmane % de musulmans dans la population totale 1 Indonésie 207 000 105 88% 2 Pakistan 159799 666 97% 3 Inde 151402 065 13% 4 Bangladesh 132 446 365 88% 6 Turquie 70800 000 99% 5 Egypte 70 530 237 85% 7 Nigeria 64 385 994 45% 8 Iran 64089 571 98% 9 Algérie 32999 883 99% 10 Maroc 32 300 410 99% 12 Arabie Saoudite 26 417 599 100% 38 États Unis 4 558 068 2% 41 France 4 214 790 7% Source: http://en.wikipedia.org/wiki/islam_by_country 5 Source: The Bankers, 2007 6 3
Source: The Bankers, 2007 7 D après la Banque Islamique de Développement, en 2008 il existait plus de 300 institutions financières islamiques opérant dans plus de 75 pays, et plus de 250 fonds communs de placement conformes aux principes de la Shariah à travers le monde. Beaucoup développé en Malaisie et dans les py pays du Conseil de Coopération du Golfe, et se développe de plus en plus en occident et dans plusieurs autres pays musulmans. 8 4
1 ère banque islamique en occident a vu le jour en Grande Bretagne en 2004: Islamic Bank of Britain 9 10 5
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En GB, au moins 3 banques entièrement islamiques (Source: FSA): Islamic Bank of Britain European Islamic Investment Bank Bank of London and Middle East En 2004, modification des lois fiscales britanniques pour accommoder la pratique de la finance islamique Marché très peu exploité en France malgré la forte présence musulmane Plusieurs grandes banques occidentales ont des divisions de finance islamique 13 Ansar Co operative Housing Coporation Ltd. (AHCH) & Islamic Co operative operative Housing Coporation Ltd. (ICHC) (http://www.ansarhousing.com/) UM Group (http://www.umgroup.ca/) «UM Financial manages a Musharakah (Partnership) real estate portfolio of $120 million. The company secured a $120 million Mudarabah (Management) facility from Credit Union Central of Ontario in 2004, which is used to finance Shariah compliant real estate residential properties in Canada.» 14 7
Le journal de Montréal dans son numéro du 21/01/2008 La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) va dépenser jusqu'à 100 000 $ pour mener une étude évaluant comment accommoder les musulmans qui désirent s'acheter une maison tout en respectant la charia. La société d'état a en effet lancé un appel d'offres le 18 décembre dernier pour la réalisation d'une étude sur les prêts hypothécaires respectueux de l'islam. «Le crédit hypothécaire conforme à la charia gagne en intérêt à l'échelle internationale. Il y a aussi un intérêt grandissant au Canada», confirme au Journal Stéphanie Rubec, porte parole de la SCHL. La SCHL emboîte ainsi le pas au Bureau du surintendant des institutions financières. L'organisme a déjà annoncé qu'il examinait des questions réglementaires relatives aux services financiers islamiques. 15 Sur le site de la société fédérale Exportation et Développement Canada (EDC), on pouvait lire ceci le 23 octobre 2006: EDC s apprête à accroître ses transactions liées au financement islamique afin d ouvrir de nouveaux marchés pour les exportateurs canadiens OTTAWA Le 23 octobre 2006 Exportation et développement Canada (EDC) a signé un Protocole d entente pour la coopération avec la Société islamique d assurance des investissements et des crédits à l exportation (SIACE), membre du groupe de la Banque islamique de développement (BID).... «Sur plus de 75 marchés dans le monde, l appui aux transactions et aux projets au moyen d instruments financiers islamiques est une réalité commerciale, affirme Eric Siegel, chef de l exploitation à EDC. Grâce à la signature de ce protocole d entente avec la SIACE, EDC espère créer d innombrables opportunités pour les exportateurs canadiens sur de nouveaux marchés, notamment au Moyen Orient, en Malaisie, en Indonésie, en Inde et au Pakistan.» 16 8
Profit & loss sharing: Mudaraba: l investisseur fournit les capitaux requis pour financer le projet et partage les profits et pertes avec l entrepreneur selon une règle préétablie. Il n y a pas de garantie de revenue. Musharaka: une forme de partenariat, pourrait être assimilé ilé à l actionnariat dans la finance conventionnelle. Murabaha (purchase and sale contract): forme d instrument de crédit qui permet d acquérir un bien ou équipement sans avoir à contracter un emprunt à intérêts. Par exemple, la banque achète le bien et le revend au client à un prix majoré. Le client paie en versements échelonnés. Ijara (operating lease ): contrat de location ou de cession bail dans lequel la banque achète des machines et des équipements puis en transfère l usufruit au bénéficiaire pour une période durant laquelle elle conserve le titre de propriété de ces biens. À la fin du contrat, le client peut acheter le bien. 17 Takaful (assurance islamique) concilie les principes de l assurance avec ceux de la Sharia. Selon la Sharia, pour qu un contrat d assurance soit acceptable du point de vue de l Islam, il doit satisfaire les quatre critères suivants: être converti en donation; se fonder sur le principe islamique de la coopération; ne doit comporter aucun élément assimilable à l usure (l intérêt); le surplus éventuel doit être distribué aux assurés (Toutefois, en cas de résultats négatifs, la compagnie se réserve le droit de demander à ces derniers d effectuer un paiement additionnel afin d équilibrer les comptes). La première compagnie d assurance islamique a démarré ses opérations en 1979 au Soudan. 18 9
Trois modèles de fonctionnement existent: Mudharaba: profit sharing dans lequel les profits sont repartis entre l opérateur et les souscripteurs, après déduction de toutes les charges techniques, frais de gestion et autres frais généraux. Wakala: opérateur agit comme agent pour le compte des participants. Les frais de gestion de l opérateur sont exprimée en pourcentage des primes, et décidée annuellement d avance. Hybride: combinaison des deux, wakala pour les frais de gestion et mudharaba pour l investissement. Plus de 130 compagnies takaful opèrent dans le monde présentement. Avec un taux de croissance de +20% par an, les primes pourraient atteindre 7 Mds$ d ici 2015 selon une étude de la firme Moody s. 19 Le sukuk est l'équivalent islamique d'une obligation où l'intérêt devient un profit prévu. Cette forme d'obligation est particulièrement utilisée pour les financements des projets immobiliers et d infrastructures. Source: The Economist, 4 sep. 2008 20 10
Source: Jobst et al. (FMI, 2008) 21 Source: Jobst et al. (FMI, 2007) 22 11
Dow Jones Islamic Market Indexes (premier indice introduit en 1999) FTSE Global Islamic Index Series MSCI Global Islamic Indices S&P Shariah Indices Global GCC Islamic Index 23 Plusieurs instruments nécessitent la consultation de comité ié d experts en loi coranique (Sharia Board) pour assurer la conformité des produits et pratiques aux principes islamiques. Ces experts peu nombreux, souvent rattachés à des organismes indépendants qui veillent au maintien de l intégrité du système et à la conformité des produits (AAOIFI, IFSB) 24 12
The Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions (www.aaoifi.com) (Bahrein) «AAOIFI is an Islamic international autonomous non for profit corporate body that prepares accounting, auditing, governance, ethics and Shari'a standards for Islamic financial institutions and the industry. Professional qualification programs (notably CIPA, the Shari a Adviser and Auditor "CSAA", and the corporate compliance program) are presented now by AAOIFI in its efforts to enhance the industry s human resources base and governance structures.» The Islamic Financial Services Board (www.ifsb.org) (Malaisie) «IFSB is an international standard setting organisation that promotes and enhances the soundness and stability of the Islamic financial services industry by issuing global prudential standards and guiding principles for the industry, broadly defined to include banking, capital markets and insurance sectors. The IFSB also conducts research and coordinates initiatives on industry related issues, as well as organises roundtables, seminars and conferences for regulators and industry stakeholders.» 25 Finance islamique Finance conventionnelle Partage du risque Spéculation, partage du risque Actifs tangibles Actifs tangibles et intangibles Coûts de transaction élevés Faibles coûts de transaction Pas de charges d intérêts Charge des intérêts Marché en forte croissance Marché relativement mature Liquidité de court terme Plus de volume Innovation financière iè Innovation financière iè Conformité requise Conformité acquise Gouvernance à surveiller Besoin de + gouvernance Pas assurance dépôt Assurance dépôt 26 13
Eric Girard, M. Kabir Hassan, Faith Based Ethical Investing: The Case of Dow Jones Islamic Indexes, (FMA, 2005) We find that there is no difference between Islamic and non Islamic indices. The Dow Jones Islamic indices outperform from 1996 to 2000 and underperform from 2001 to 2005 their conventional counterparts. Overall, similar reward to risk and diversification benefits exist for both Islamic and conventional indices. 27 Peu de pays ont un système bancaire 100% islamique (ex. Iran et Soudan) Tandis que, dans la plupart des pays, cohabitation entre banques islamiques et conventionnelles (ex. Indonésie, Malaisie, Pakistan, pays du Golfe persique, ) Deux modes de cohabitation Certains pays optent pour la séparation claire et nette, Tandis que d autres dautres permettent aux banques conventionnelles davoir d avoir des guichets islamiques Plusieurs grandes banques occidentales ont des divisions de finance islamique Citi, HSBC, Deutsche, BNP Paribas, Crédit Suisse, Société Générale, 28 14
Finance islamique bannit la spéculation, une des causes principales des crises Les échanges impliquent des actifs tangibles Le risque doit être partagé entre les parties Malgré les vertus des principes de base, la finance il islamique i n est pas à l abri des abus connus par le système conventionnel Donc, difficile de trancher puisque manque de données suffisantes et peu d études scientifiques convaincantes 29 Source: Cihak et Hesse (FMI, 2008) 30 15
La finance islamique est elle à l abri des crises immobilières? NON: peut être plus exposée à cause de sa structure. La finance islamique est elle immunisée contre les risques de contagion issus de l innovation financière? POSSIBLE: si la pratique respecte les fondements de base. D où, nécessité d une régulation stricte et «peut être» uniforme. 31 Les sceptiques pensent que la finance islamique ne fait que reproduire les instruments conventionnels avec des noms arabes en se servant de la religion comme excuse Semble répéter certaines erreurs du système financier conventionnel Risque de dérapage associé à la recherche de profits en absence de surveillance étroite Manque d uniformisation et d organe de surveillance unique Pas à l abri des risques financiers (crédit, liquidité, opérationnels) 32 16
Le 20 nov. 2008 à Kuala Lumpur lors de la conférence Enhancing the Resilience and Stability of the Islamic Financial System ), M. Rifaat Ahmed Abdel Karim, SG de l IFSB disait: As the Islamic financial services industry (IFSI) is rapidly expanding globally with an increasing number of countries aspiring to become Islamic financial centres, coupled with the fact that the industry is not immune to risks, it is of utmost importance to ensure that the standards developed and adopted by the IFSB are promptly implemented and effectively enforced in jurisdictions where Islamic financial services are being offered. This would enhance the understanding of the stakeholders of the IFSI on the peculiarities of Islamic financial business and its risks and thus strengthen their capabilities to effectively manage these risks in order to achieve the desired outcome of financial stability in the IFSI. (http://www.ifsb.org/preess_full.php?id=99&submit=more) Sur le site de l IFSB en date du 13 janvier 2009 (séminaire à Seoul), Rifaat Ahmed Abdel Karim, Secretary General de l IFSB affirmait: "The pursuit of financial stability does not solely depend on the effective enforcement and implementation of high quality prudential standards." He highlighted that financial stability requires the development of other key components of the Islamic financial infrastructure, which include: (1) A systemic liquidity infrastructure; (2) A legal infrastructure; (3) An information infrastructure; and (4) Financial safety net mechanisms. (http://www.ifsb.org/preess_full.php?id=104&submit=more) 33 Difficultés liés aux interprétations des lois islamiques entre les pays et aussi entres les experts Accroitre le nombre restreint d experts en éthique islamique Imposition d un ordre ou d une association des experts en éthique, avec si possible une accréditation Standardisation et conformité Maintien de l intégrité du système et la conformité des nouveaux produits Nécessité d amender les lois fiscales existantes dans plusieurs pays (ex. GB a fait un pas dans ce sens en 2004) 34 17
Être innovateur dans l offre de produits financiers répondants aux besoins des investisseurs Être capable d attirer de nouvelles clientèles musulmanes et non musulmanes Amoindrir le scepticisme de plusieurs pays occidentaux Ne pas être victime de l appât du gain Se départir des profiteurs de la foi des investisseurs 35 Mise en place de structures communes de réglementation et de surveillance Instaurer un cadre uniforme de gestion des risques et de gouvernance Uniformisation des réglementations (comptable, fiscale, juridique, réglementaire, etc.) Pouvoir générer plus de liquidité sur les marchés de court, moyen et long termes Réfléchir à l équivalent de l assurance dépôt qui assure une certaine stabilité du système bancaire! 36 18
Les principes de la finance islamique pourraient apporter une meilleure éthique à la façon de pratiquer la finance Cependant, le système financier islamique n est pas à l abri des mêmes abus que connait le système conventionnel Étant donné que la finance islamique est à ses premiers développements, possibilité de mettre en place des mécanismes de gouvernance, de règlementation et de gestion des risques appropriés 37 CFA Magazine, Islamic Finance: How New Practitioners of Islamic Finance are MixingTheologie and Modern Investment Theory, March/April 2005. M. Iqbal, A Guide to islamic Finance, RiskBooks, 2007. Islamic Development Bank, 33rd Annual Report 1428H (2007 2008), Chapter 5: Strengthening Islamic Finance, IDB 2008. PricewaterhouseCoopers, Takaful: Growth opportunities in a dynamic market, PWC Insurance, 2008. KPMG Tax Monitor, Islam and the Tax Code ShouldIreland Follow the UK s Lead? By Brian Daly, Finance Magazine (August), 1 5, 2005. V. Sundararajan & L. Errico, Islamic Financial Institutions and Products in the Global Financial System: Key Issues in Risk Management and Challenges Ahead, IMF 2002. A. S. Syed, Islamic Capital Market Products: Developments and Challenges, IDB 2005. The Bankers, Top 500 Financial Islamic Institutions listing, Nov. 2007. The Economist, Islamic finance: Savings and souls, 4 sep 2009. The Economist, A short introduction: Faith based finance, 4 sep 2009. 38 19
A. Jobst, The Economics of Islamic Finance and Securitization, IMF 2007. A. Jobst, P. Kunzel, P. Mills & A. Sy, Finance islamique: La demande de titres conformes à la charia augmente rapidement, Bulletin du FMI, Volume 36, Numéro 12, octobre 2007, pp. 182 183. A. Jobst, P. Kunzel, P. Mills, & A. Sy, Islamic Bond Issuance What Sovereign Debt Managers Need to Know, IMF 2008. A. Jobst, P. Kunzel, P. Mills, & A. Sy, Shariah Compliant Securities: Islamic Finance Expanding Rapidly, IMF 2007. M. Cihák & H. Hesse, Services financiers islamiques: Banques islamiques et contrôle prudentiel, Bulletin du FMI, Volume 37, Numéro 6, juin 2008, pp. 96 97. M. Čihák & H. Hesse, Islamic Financial Services: Study Shows Larger Islamic Banks Need Prudential Eye, IMF 2008. M. Čihák & H. Hesse, Islamic Banks and Financial Stability: An Empirical Analysis, IMF 2008. M. El Qorchi, Islamic Finance Gears Up, Finance & Development, Vol. 42, # 4, IMF 2005. J. Solé, Islamic Finance: Islamic Banking Makes Headway, IMF 2007. J. Solé, Introducing Islamic Banks into Conventional Banking Systems, IMF 2007. A. Sy, Islamic Finance, Malaysia: An Islamic Capital Market Hub, IMF 2007. 39 Pour les indices de performance des fonds islamiques: www.failaka.com Financial Services Authority of Britain: www.fsa.gov.uk Islamic Development Bank: www.isdb.org Islamic Financial Services Board: www.ifsb.org The Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions: www.aaoifi.com Islamic International Rating Agency: www.iirating.com Bank Negara Malaysia (Central Bank of Malaysia): www.bnm.gov.my Fonds monétaire international: www.fmi.org 40 20