Internet : un jeu d enfants?



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Collection Fondation pour l Enfance Internet : un jeu d enfants? en collabora on avec l associa on Droit@l enfance

Internet : un jeu d enfants? Cet ouvrage a été élaboré à la suite d un colloque qui s est tenu le 30 mai 2008 à l Institut National des Hautes Etudes de Sécurité (Saint Denis La Plaine), en partenariat avec l Association Droit@l Enfance

2008 Editions Fondation pour l Enfance 17 rue Castagnary 75015 Paris

Sommaire Préface Arnauld GRUSELLE 5 Introduction Marie-Pia HUTIN-HOUILLON 9 Allocution d ouverture Florence MARGUERITE 13 Le comportement de la famille face aux nouvelles technologies Jean DELPRAT 17 L incidence des jeux vidéo sur le comportement et la santé du mineur Nathalie JOFFROY 23 Attentes des enquêteurs vis-à-vis des prestataires de communications électroniques Lieutenant-Colonel Eric FREYSSINET 29 L engagement de l entreprise Marc MOSSÉ 33 Le signalement des contenus illicites Fabien LANG 37 Les initiatives de l organisation internationale de police criminelle Yves ROLLAND 41 Les dernières évolutions législatives Myriam QUÉMÉNER 47 La lutte contre la cybercriminalité au préjudice des mineurs Frédéric MALON 51 Évolution de la jurisprudence : l expérience de la Fondation pour l Enfance en tant que constitution de partie civile Olivier BARATELLI 57 Synthèse - Perspectives Marie-Pia HUTIN-HOUILLON 61 Allocution de clôture Olivier PERALDI 65 Annexe Powerpoint Myriam QUÉMÉNER 71 Bibliographie 85 3

Préface Arnauld GRUSELLE, Directeur de la Fondation pour l Enfance Internet, et plus généralement les nouvelles technologies, constituent un progrès considérable en termes de communication et d information : c est indiscutable. Mais ils constituent aussi le terrain de nouvelles formes de criminalités dont les enfants et les adolescents sont la cible facile. Les risques pour les mineurs sont de deux ordres : les contenus qu ils peuvent recevoir via Internet d une part, et les contacts avec des agresseurs potentiels d autre part. Ce qui apparaît comme rassurant, c est que la sécurité des enfants sur Internet est aujourd hui une priorité pour les pouvoirs publics. Nadine Morano, Secrétaire d Etat à la Famille, a d ailleurs précisé qu il est nécessaire d agir sans cesse pour adapter les lois, identifier et diffuser les bonnes pratiques, sensibiliser les parents et les enfants dans le cadre de démarches partenariales incluant les pouvoirs publics, les industriels, les associations et les parents. D ores et déjà, la France n a pas à rougir de son arsenal législatif car celui-ci est tout à fait calqué sur la Convention du Conseil de l Europe applicable depuis juillet 2004 qui est le premier traité international de lutte contre la cybercriminalité. Depuis 10 ans, les choses ont considérablement évolué. La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance élargit encore les infractions de la détention à la consultation habituelle d images pédopornographiques et crée l infraction de proposition sexuelle à un mineur, qui vise à traquer des criminels cherchant à prendre contact avec un enfant. Pour ce faire, la loi offre la possibilité aux enquêteurs, sous couvert d un pseudonyme, de participer aux échanges avec des personnes susceptibles de commettre une infraction. Ces échanges peuvent ainsi être conservés et, fait nouveau, être versés à la procédure et servir de preuve si besoin. Ces dispositions ont notamment été utilisées dans le cadre d une affaire récemment médiatisée dans laquelle plusieurs individus avaient planifié l enlèvement d une fillette à laquelle il réservait un traitement des plus sordides. La Fondation pour l Enfance s est d ailleurs constituée partie civile dans cette affaire au même titre que dans plus d une centaine d affaires depuis 2003, intéressant les faits prévus et réprimés par l article 227-23 du Code Pénal, à savoir la diffusion, la fixation, l enregistrement, la transmission, la détention, l importation, l exportation, la captation d images d un mineur présentant un caractère pornographique. L intérêt de cette action est double : il est répressif car les dommages et intérêts sollicités et obtenus par la Fondation ont souvent davantage d impact sur les condamnés que les peines d emprisonnement avec sursis ou non prononcées ; il est préventif car il convient de faire comprendre à l accusé à quel point son intérêt pervers pour ce genre d image participe activement au fait d enlèvement, de viol, de séquestration et parfois de barbarie au préjudice des enfants utilisés sur ces images. Ainsi, celui qui consulte ou collectionne ces images participe à ce honteux et lucratif trafic, alors même, que bien souvent, les victimes ne peuvent être identifiées. 5

Préface Quand on parle de trafic et d Internet, on comprend bien qu il s agit d une préoccupation dont le traitement des crimes et délits dépasse le cadre national. La nécessité d une collaboration transnationale est plus que jamais indispensable pour parvenir à lutter efficacement contre ces dérives. Faciliter la collaboration policière au niveau mondial, c est le rôle d Interpol OIPC (Organisation Internationale de Police Criminelle). Cette organisation basée à Lyon regroupe 186 pays et a pour vocation de faciliter la coopération policière internationale. Interpol travaille dans un cadre juridique précis composé de textes internationaux dont la Convention Internationale des Droits de l Enfant et s est fixé comme action prioritaire, depuis 1992 la lutte contre les crimes commis contre les enfants. Les outils dont dispose Interpol sont des bases de données, notamment une sur les mineurs victimes d abus sexuels accessible aujourd hui à 30 pays et comprenant environ 550 000 photos et vidéos d abus sexuels commis sur des mineurs. Interpol dispose également de notices qui permettent le lancement d avis de recherche internationaux. Les opérations Vico et Ident menées par Interpol ont été particulièrement médiatisées et ont, ainsi, permis l arrestation de deux pédophiles respectivement en Thaïlande et aux Etats-Unis. Il convient de noter que le succès de ces opérations est conditionné à la participation active des Etats parties. Si la France figure au rang des bons élèves avec son arsenal juridique et les moyens qu elle déploie dans le cadre de la coopération internationale, elle n est pas en reste en matière de dispositifs proposés pour le signalement des contenus illicites et des moyens mis en œuvre dans le cadre de l enquête. Ainsi, existe-il un dispositif de signalement des sites illicites : le GESIP (Gestion des Signalements d Images Pédopornographiques) connu du grand public sous l adresse www.internet-mineurs.gouv.fr. Ce site est actuellement vieillissant, il ne permet que le signalement d images à caractère pédopornographique alors que l on sait aujourd hui que les contenus illicites et/ou dangereux pour les mineurs sont de nature diverse. D autres signalements arrivent par l intermédiaire de Point de Contact qui est le point de centralisation des signalements de l AFA (Association des Fournisseurs d Accès), les fournisseurs d accès ayant l obligation de donner la possibilité à leurs clients ou utilisateurs de pouvoir signaler un contenu illicite. Ces signalements sont traités par une équipe de policiers et de gendarmes qui analyse la nature juridique des faits commis sur les sites incriminés afin de qualifier l infraction et d engager les premières investigations. Le 1er septembre 2008 un nouveau site devrait être lancé en vue du remplacement du GESIP et du Point de Contact. Les angles d attaque pour lutter contre la pédopornographie sont nombreux. Tout d abord, les auteurs d infraction laissent une trace en visitant un site illicite (l adresse IP) permettant ainsi leur identification. Par ailleurs à Rosny-sous-Bois une cellule de veille de la Gendarmerie surveille les réseaux peer to peer et une cyberpatrouille est chargée d infiltrer la toile. Les accès aux sites illicites peuvent être bloqués lorsque ces sites sont hébergés à l étranger, ce système fonctionne au Royaume-Uni (30 000 connexions bloquées par jour) et en Norvège (5,5 millions de connexions bloquées par an), la France s efforce de rattraper son retard à ce jour. 6

Le travail sur les images permet, quant à lui, d identifier parfois des victimes, des auteurs, des lieux, des indices. Enfin, le contrôle des flux financiers générés par la pédopornographie est une autre piste d investigation peu explorée par la France mais qui peut être intéressante en matière de lutte contre les trafics sur Internet. Les Etats-Unis l utilisent avec succès. En France, la gendarmerie dispose de 170 enquêteurs spécialisés au niveau national, d une trentaine de spécialistes au niveau central, d une équipe dédiée aux analyses de système informatiques ou électroniques et d une équipe chargée de la surveillance d Internet au quotidien, qui traque notamment les échanges d images pédophiles sur les réseaux peer to peer. En complément de l aspect répressif, le rôle des prestataires de services Internet en matière de prévention et de protection reste fondamental. Un certains nombre d acteurs de l économie numérique tels que Microsoft prennent très au sérieux cette responsabilité à l égard des utilisateurs les plus jeunes et les plus vulnérables et intègrent ainsi un certain nombre de garde-fous dans les produits qu ils proposent. Tout d abord, le système d exploitation Vista dispose d un paramétrage modulable permettant une utilisation de l ordinateur des enfants sous le contrôle des parents ; la console de jeu X-box autorise la programmation de plages horaires et interdit l accès à des jeux en fonction de l âge au regard de la classification européenne PEGI. Enfin, Windows Live Messenger (ancien MSN), dispose également de paramétrages permettant aux parents d en contrôler l usage. La technologie est ainsi utilisée comme outil de protection mais ne remplacera jamais la responsabilité et la vigilance des parents. Pour cette raison, plusieurs actions pédagogiques ont été menées à destination des parents, comme par exemple un guide édité à 2 000 000 d exemplaires avec l UNAF (Union Nationale des Associations Familiales). Il faut être conscient que derrière la notion d Internet se cache une multitude d usages comme la recherche d information, l utilisation de messageries en ligne, l échange de fichiers, la création et la gestion de blogs. Du côté des parents, Internet suscite vigilance et interrogations car les logiciels de contrôle parental proposés ne sont pas toujours d une grande facilité d utilisation : alors que 95% connaissent leur existence, seul 39% des parents ont installé un logiciel de contrôle parental. Parmi les activités les plus addictives proposées aux jeunes, figurent également les jeux vidéo, qu ils soient sur console ou en ligne. Certains jeux sont d une grande violence et font l apologie du crime, de la drogue et du sexe. Par ailleurs, il est aujourd hui prouvé que la santé peut être affectée par une consommation excessive de jeux vidéo, il existe désormais des services spécialisés dans certains hôpitaux réservés aux accros du jeu. Loin des clichés et des contre-vérités véhiculés parfois sur Internet, les préoccupations des différents acteurs sont réels et leurs intérêts, même s ils divergent parfois, semblent néanmoins se retrouver autour de la protection des plus vulnérables : les enfants. 7

Introduction Marie Pia HUTIN HOUILLON, Présidente de l Association Droit@l Enfance Bonjour à tous, Droit@l'Enfance est coorganisatrice de cette conférence que nous avons choisi d'intituler Internet : un jeu d'enfants : jeu pour les enfants, jeu pour les adultes mal intentionnés et, pour nous tous ici rassemblés, jeu pas si simple et innocent que cela? Merci à tous de nous avoir rejoints dans les locaux de l'inhes, tout à fait adaptés pour que cette conférence se tienne dans les meilleures conditions et sous les meilleurs auspices. Je remercie la Fondation pour l'enfance d'avoir, avec nous, initié et organisé cette conférence importante dont nous essaierons tout à l'heure de faire une synthèse de manière à en tirer tous les enseignements et surtout en assurer le suivi. Je remercie l'inhes qui se trouve être dans la ligne de nos réflexions en tant qu'outil de travail interministériel. Le travail autour de ce sujet doit être interministériel, s'agissant de problématiques qui concernent de nombreuses compétences et de multiples centres de décision. Une formule du site de l'inhes convient d ailleurs très bien à nos travaux d'aujourd'hui sur la cyberpédocriminalité. Je cite ; la sécurité est la première des libertés et une société policée est le garde-fou de notre civilisation contre la barbarie. Ce sont certes des termes forts, mais en ouvrant simplement le journal, voici quelques-uns des titres trouvés régulièrement : A 12 ans, elle part retrouver un internaute de 35 ans. L'internaute avait déjà séduit d'autres mineurs... - Mortelle randonnée sur Myspace. - Un pédophile arrêté grâce à un appel d'interpol - Violence, addiction, la profession s'inquiète d'une signalétique plus dure - Internet facilite les fugues des adolescents. La multiplicité de ces articles démontre que ces débats ne sont plus tabous comme ils ont pu l'être ; ce sont des débats qui doivent aujourd'hui être abordés sans crainte par les parents, les journalistes, les politiques Nous allons aborder aujourd'hui un certain nombre de problématiques pour lancer les débats. En premier lieu, les jeux qui sont devenus un problème crucial qu'il faut affronter, du happy slapping aux jeux d'argent en ligne, en passant par les jeux vidéos certes ludiques mais qui peuvent présenter quelques revers moins clairs, plus pervers et non sollicités. Ces jeux peuvent entraîner un phénomène d'addiction. Marc Valleur, médecin-chef à l'hôpital Marmottan et Michael Stora, pédopsychiatre, évoquent une prétendue interactivité Ces jeux n'ont pas de fin et c'est le but du jeu Ils font ressentir un sentiment de toute puissance Le joueur est le héros 9

Présentation de la conférence Le jeu vidéo devient un outil que l'adolescent utilise comme un moyen de recréer le monde (Rapport de la Défenseure des Enfants). Tout ceci est très bien, encore faut-il contrôler l'âge, le temps passé devant ces jeux et les risques d'addiction et d'intrusion. Marc Valleur poursuit sur les jeux d argent : de plus en plus de jeunes arrivent chez nous à cause du poker sur Internet. Ce sont les parents qui nous amènent leurs enfants qui ont fait un trou dans leur compte en banque jusqu'à 10.000 euros parfois Dans les cercles ou casinos, il faut être âgé de 18 ans, mais sur le net, on fait ce qu'on veut On attend une réglementation. C'est un point sur lequel nous reviendrons au cours de cette conférence. Un point sur les blogs : Aujourd'hui, Skyblog, plate-forme de blogs en France, rassemble 10 millions de blogs. Skyblog revendique, derrière l'aspect marchand, la mise en place d'un double système d'alerte efficace ou non : L autorégulation par la possibilité pour tout blogueur, de signaler des textes inquiétants, Et l'existence de modérateurs examinant les blogs par des mots-clés. Nous craignons que face à 10 millions de blogs, le nombre de modérateurs ne soit pas tout à fait suffisant. Selon Michael Stora : 2 à 3% de ces blogs sont réellement inquiétants. Cela représente quand même 200.000 à 300.000 blogs! Il ne s'agit donc pas simplement d'un épiphénomène ou d exceptions. Nous évoquerons également les tchats et c'est le rôle des associations d'apporter des conseils aux enfants et aux parents. Droit@l'Enfance le fait dans les écoles ou par la voie de guide aux parents pour expliquer comment éviter des dérapages de ces tchats à l apparence anodine. En allant sur les forums de discussions, en prenant un pseudo et en mentionnant son ASV (Age, Sexe, Ville) en quelques minutes, on constate des propositions à caractère sexuel émanant d'interlocuteurs dont certains ne cachent même pas leur âge (photos, webcam, rencontres ). Nous aborderons également un autre point crucial de nos débats : les sites à caractère pédocriminels. Nous savons que des centaines de milliers de photos et de films d'enfants en situation de maltraitance circulent sur Internet. Il faut le savoir, il ne faut pas se cacher cette réalité sordide. Des organismes luttent contre ce fléau. Droit@l'Enfance a travaillé en 2006 et 2007 avec des députés, dont Madame Valérie Pécresse, pour faire modifier les textes légaux existants. C'est notre association, Droit@l'Enfance, qui a présenté cette proposition d'amendement d'insérer dans l'article 227.23 du Code Pénal une nouvelle infraction : la consultation habituelle d'images à caractère pédopornographique, considérant la nécessité d aller au-delà de la condamnation de la seule détention de telles images. 10

Grâce à la volonté et aux travaux de Droit@l'Enfance, le Code Pénal a ainsi pu être renforcé. La législation française est déjà tout à fait solide et complète, mais notre réflexion doit être non seulement mondiale, mais également s'adapter à l'évolution extrêmement rapide de ces nouvelles technologies. Je vous remercie de votre attention et j'espère que vous aurez aujourd'hui, à l'issue de nos débats, des réponses à vos questions. 11

Allocution d ouverture Florence MARGUERITE, Magistrate, Direction des Affaires Criminelles et des Grâces, Ministère de la Justice En premier lieu, je vous prie d excuser l absence de Madame Dati, qui devait introduire aujourd hui ce colloque mais dont l emploi du temps a été modifié à la dernière minute et qui m a demandé de la remplacer. Je suis magistrat à la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces au Ministère de la Justice depuis septembre. Auparavant, j ai exercé 5 ans en juridiction en Parquet des Mineurs dans deux juridictions différentes où j ai évidemment connu les contentieux dont on va parler aujourd hui. Je tiens à remercier la Fondation pour l'enfance pour l organisation de ce colloque sur le thème de la protection de l enfance face à Internet. Madame Dati a plusieurs fois insisté sur le fait que la lutte contre la maltraitance des mineurs et la délinquance sexuelle sous toutes ses formes est une des priorités de politique pénale. En préliminaire, il nous semblait aussi important d insister sur le fait qu Internet est avant tout un outil fantastique utile pour chacun d entre nous tant sur un plan personnel que professionnel, on l utilise tous au quotidien. Il nous semble que cette utilité existe aussi pour les enfants et les adolescents pour lesquels Internet peut être un vecteur de connaissances, de loisirs, d échanges Pour autant, il ne faut pas nier qu Internet est source également de nombreux dangers pour les mineurs. Le premier est d ordre éducatif : c est le danger de l enfermement dans une virtualité, d une rupture des liens sociaux. Cette question entre peu dans l action pénale du Ministère de la Justice qui porte évidemment plus sur les dangers liés au fait qu Internet peut être un espace de commission d infractions comme tout champ d activité humaine symétrique à la criminalité traditionnelle : escroqueries, incitations à la haine, à la violence urbaine, à la haine raciale Mais, et c est le sujet d aujourd hui, Internet peut être un espace de commission d infractions pénales au préjudice des mineurs. La question qui se pose c est évidemment de savoir si les moyens juridiques et judiciaires actuels sont suffisants pour lutter contre cette délinquance portant atteinte aux mineurs via Internet. En tout état de cause, la lutte contre cette forme particulière de délinquance est au cœur des préoccupations du Ministère de la Justice depuis plusieurs années déjà et je vais vous présenter brièvement la politique pénale et les grandes actions engagées par le Garde des Sceaux. Il me semble qu on peut distinguer, même si cela peut paraître artificiel, deux grandes modalités d atteintes aux mineurs sur Internet : la première est l atteinte aux mineurs par le contenu des messages qu ils peuvent recevoir via Internet et la deuxième est le fait qu Internet peut être un lieu de prise de contact avec des mineurs par des agresseurs et notamment des agresseurs sexuels. 13

Allocution d ouverture Sur le premier champ d action, je ferai une distinction, en premier lieu, sur les messages qui ne sont pas en soit illégaux mais qui sont attentatoires au développement personnel des mineurs, à leur épanouissement mental, moral ou physique. C est l utilisation de l article 227-24 du Code Pénal qui réprime la diffusion de messages violents, pornographiques à l égard des mineurs ou de tout message de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine. L utilisation de cet article s avère efficace dans la mesure où il n est pas nécessaire d établir qu un mineur a effectivement été touché par ce message, il suffit d établir que des mineurs auraient pu être touchés par ce message. C est un article qui s avère utile et la récente loi du 5 mars 2007 a d ailleurs précisément étendu l application de cet article aux communications sur Internet. Le deuxième alinéa de l article 227-24 prévoyait une application particulière avec utilisation de la loi sur la presse pour les supports papier et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l économie numérique peut s appliquer pour les messages sur Internet. On s aperçoit dans les statistiques qu il y a relativement peu de plaintes du chef de cet article mais nous pensons que l extension complète de l utilisation de cet article aux messages sur Internet va permettre un développement de la répression via cet article puisque le signalement de ces messages portant atteintes aux mineurs sera facilité. Je reviendrai au développement de la plate-forme de signalement mais de tous les modes de signalement par Internet qui s avèrent parfois peut-être plus faciles que les supports papier. Dans un deuxième temps, concernant les messages attentatoires aux mineurs, il s agit évidemment de lutter contre les messages illégaux. Les prestataires techniques ont une obligation spéciale de concourir à la lutte contre la diffusion d infractions relatives à la pornographie infantile, à l apologie de crimes de guerre, crimes contre l humanité et l incitation à la haine raciale. Ce sont pour l instant les infractions visées par la loi dans l économie numérique avec la nécessité pour les prestataires techniques de mettre en place un modèle de signalement et d informer les autorités publiques de la commission de ce type d infractions qui pourrait être porté à leur connaissance à ce sujet et, depuis le 5 mars 2007, les prestataires techniques sont également obligés de mettre en exergue les dangers en cas de jeux d argent sur Internet. Concernant les contenus illégaux que les mineurs pourraient rencontrer sur Internet, je vais mettre l accent sur la lutte contre la pédopornographie qui vise évidemment à protéger le mineur de ce contenu illégal. La lutte contre la pédopornographie porte sur des photos mais également sur des dessins ; donc on est vraiment dans l idée de protéger les mineurs aussi de cette atteinte que peut leur faire porter ce genre de représentations. C est prévu par les textes et ça a été récemment affirmé par un arrêt de jurisprudence. La lutte contre la pédopornographie, c est également la volonté de lutter contre les agressions réelles que subissent les mineurs qui sont filmés et la volonté de mettre un terme à l exploitation des mineurs dans cette mesure. L article 227-23 du Code Pénal qui réprime la pédopornographie a été modifié plusieurs fois. Cet article réprimait au départ l enregistrement, la diffusion, la transmission d images pédopornographiques. En 2002, cet article a été étendu à la répression de la détention d images pédopornographiques et, depuis la loi du 5 mars 2007, est réprimée la consultation habituelle de ces images pédopornographiques. On peut réprimer dorénavant des consultations qui resteraient en trace sur l ordinateur même si le mis en cause n a pas sauvegardé les images. C est un sujet de débat souvent développé en défense 14

par les personnes qui étaient mises en cause de ces chefs, la loi a répondu à cet argument. Donc si les experts informatiques constatent la présence de ces images, la consultation de ces images peut être réprimée. La politique pénale de lutte contre la pédopornographie est particulièrement ferme. Une première circulaire du 30 janvier 2003 avait rappelé aux procureurs de la République l ensemble des qualifications juridiques, spécifiques à cette matière et il était requis de mettre en place dans cette matière, lors d opérations d envergure nationale voire internationale, de véritables stratégies procédurales. Il faut savoir que la lutte contre la pédopornographie passe souvent par des interceptions de communications, de transmissions d images qui peuvent être ponctuelles mais qui sont également souvent portées par des grandes opérations d envergure internationale où un pays va constater pendant X temps le téléchargement, la diffusion d images pédopornographiques et diffuser à l ensemble des autres pays concernés les adresses internet des utilisateurs de ces images. Evidemment, la dimension internationale de ces procédures peut poser un certain nombre de problèmes juridiques ou procéduraux mais le Ministère de la Justice et les forces de police tentent de faire face à toutes ces difficultés. Un grand nombre de ces procédures passent par Interpol qui diffuse ensuite à chaque pays ce qu on appelle les cibles c'est-à-dire les adresses des individus qui ont pu commettre ces infractions. Aujourd hui Eurojust, qui est l organe européen de tentative d harmonisation judiciaire, s est saisi de ce contentieux et dans le cadre d une opération récente, l opération Santiago, a tenté de formaliser un travail autour de la pédopornographie et de ces grandes opérations d envergure internationale. C est dans le cadre de cette opération que le Ministère de la Justice a piloté la diffusion des procédures au Parquet et au procureur de la République concernés et, par une dépêche, rappelé les instructions très claires de politique pénale dans ce domaine. C est une politique pénale qui écarte complètement toute alternative aux poursuites, la caractérisation de l infraction entraînant systématiquement des poursuites pénales et donc un jugement. Nous avons insisté sur la nécessité de mettre en place des voies procédurales de poursuites qui entraînent des mesures de sûreté à l encontre des individus ainsi mis en cause. Ces mesures de sûreté ne sont pas forcément la détention, elles peuvent aussi être au premier chef des mesures de contrôle judiciaire avant l audience et puis des mesures de sursis mise à l épreuve après l audience avec notamment des obligations de soins pour prendre en charge l attrait pédophile et des interdictions de mise en contact avec des mineurs, que ce soit dans des activités professionnelles ou bénévoles. Le deuxième axe de lutte en matière pénale par le Ministère de la Justice contre les infractions qui peuvent être commises sur Internet, ce sont les infractions qui sont commises en réalité mais par un premier contact de l agresseur avec le mineur sur Internet. L utilisation des communications électroniques est une circonstance aggravante qui augmente les peines d un certain nombre d infractions pénales, notamment, l infraction pénale commise au préjudice des mineurs. C est le cas des viols, de l agression sexuelle, du proxénétisme et également de la corruption de mineurs. 15

Allocution d ouverture 16 La loi du 5 mars 2007, pour aller plus loin dans cette volonté parce que la corruption de mineurs est une infraction difficile à manier, introduit un nouvel article 227-22-1 dans le Code Pénal qui est une infraction spécifique réprimant le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme telle. Les peines encourues sont de 2 ans et 30 000 euros d amende et ces peines sont augmentées à 5 ans d emprisonnement et 75 000 euros d amende, si cette proposition a été suivie d une rencontre effective avec le mineur et évidemment s il y a, hélas, infraction. L infraction, par ailleurs, est également poursuivie. En parallèle de ce nouvel article, la loi du 5 mars 2007 a aussi prévu la possibilité pour les enquêteurs de participer, sous un pseudonyme, aux échanges électroniques, d être en contact avec des personnes susceptibles d être auteurs de ces infractions et de conserver les messages qu ils auraient ainsi échangés avec ces personnes. Ces actes, faits sous un pseudonyme, pourront être versés à la procédure et servir de preuve le cas échéant. Ces modalités ont d ailleurs été utilisées dans une affaire assez médiatique récente qui avait vu des policiers belges être en contact avec des individus en France qui avaient le projet tout à fait criminel et incroyable d enlèvement d enfant, de séquestration avec moult détails. Ces individus ont été confondus par cette modalité d action procédurale d un informateur qui a pris ces contacts et on a pu les interpeller au moment où ils montraient à cet informateur l endroit où l enfant serait éventuellement séquestré. Cette affaire va d ailleurs passée en jugement le mois prochain à Rouen. En conclusion, je crois que Madame Dati souhaitait dans ce propos liminaire vous redire à quel point la lutte contre la criminalité portant atteinte à l enfance de manière générale, et via Internet en particulier, est au cœur de ses préoccupations. A ce titre, le Ministère de la Justice s est, très récemment, pleinement investi dans le développement d une plate-forme unique de signalements pour tous, pour tout internaute : www.internet-signalement.gouv.fr. Ce site comprendra un formulaire de signalement public de tout contenu illégal et aussi un espace public d informations sur les infractions commises par Internet et, dans le prolongement de cette plate-forme, a été rédigé très récemment un protocole de compétences qui définit exactement les modalités de procédures pénales qui feront suite à ces signalements. La plate-forme exploitera ce signalement en premier lieu dans une tentative d identification et de vérification de l infraction et ensuite le protocole définit quel service de police, quel procureur de la République seront compétents pour mettre en place les enquêtes. Nous aurons, là, une modalité d action qui sera extrêmement précise, sans redondance avec, je crois, une réelle efficacité. Madame le Garde des Sceaux sera extrêmement attentive aux conclusions des travaux de ce colloque et aux idées qui en découleront parce qu évidemment ce que je viens de vous exposer est un bref état des lieux de notre lutte en matière pénale. Le champ d action est plus vaste que le champ pénal mais même au sein de cette action, des projets et des initiatives sont toujours souhaités. Vous évoquerez peut-être cet après-midi la question des logiciels de filtrage qui est un sujet actuellement débattu et nous espérons arriver à un accord pour le filtrage de ces sites illégaux. Je vous remercie une nouvelle fois au nom de Madame Dati, de votre invitation et je vous souhaite une journée riche et fructueuse.

Le comportement de la famille face aux nouvelles technologies Jean DELPRAT, Administrateur UNAF, chargé des nouvelles technologies et des médias Je m exprimerai ici en tant qu administrateur de l UNAF chargé du dossier média et TIC, dont la mission est la défense des intérêts matériels et moraux des familles. Depuis maintenant plus de 10 ans, l UNAF s est engagé sur ce dossier de l internet. Pour nous, les nouvelles technologies et les médias font en effet partie intégrante de la politique familiale et de la politique de protection de l enfance sur Internet. Pourquoi? En premier lieu, parce que les familles et les enfants en particulier baignent dès leur plus jeune âge dans un environnement numérique et médiatique. Ils accèdent massivement à Internet. C est une évidence que nous constatons partout, tant au niveau des études réalisées que par les remontées de terrain de nos associations familiales, et que chacun d entre nous, ici présent, constate au quotidien. Un nombre permet à mon sens d éclairer parfaitement cette réalité : à l âge du collège (entre 11 et 15 ans), en moyenne, on peut estimer globalement que, par an, un enfant passe environ 1480 heures à utiliser les différents médias (TV, radio, Internet, consoles de jeux, jeux vidéo, téléphones mobiles,...). II s agit en fait presque d un temps plein. Si l on compare ce nombre aux quelques 850 heures passées en présence de leurs professeurs, aux 200 heures passées dans des associations sportives et culturelles, aux 200 heures passées en conversation avec un parent (discussion en face à face et portant sur un sujet autre que le quotidien), il apparaît que l enfant construit désormais son identité et sa relation au monde et à l autre plus par les outils de la communication des médias et des usages qu il en fait que par sa scolarité, son environnement familial ou ses activités au sein des associations sportives et culturelles. Selon une enquête, récente, menée par l observatoire Gulli, 45 % des enfants consacrent plus de la moitié de leur temps de loisir aux écrans! Internet, et plus généralement l univers numérique, constitue donc l espace social principal des jeunes générations. Quelques données complémentaires peuvent éclairer ce phénomène massif : - 30 % des 6-8 ans savent comment entrer sur Internet et y naviguer en cliquant - 80 % des 8-12 ans sont familiarisés à Internet 17

Le comportement de la famille face aux nouvelles technologies 18-70 % des 12-18 ans déclarent avoir une pratique régulière de l Internet (étude CLEMI déc. 2007) (ce qui signifie au moins 3 fois par semaine) - 25 % des 13-14 ans ont leur propre ordinateur et principalement dans leur chambre et 1 sur 6 avec un accès Internet - en outre, 50 % des 15-18 ans ont la TV et une console de jeux dans leur chambre - 92 % des 15-18 ans sont équipés d un téléphone mobile Selon Médiamétrie, les internautes représentent 60 % des 11 ans et +. Un dernier chiffre : les foyers avec enfants de 6 à 11 ans, possèdent en moyenne 10 écrans (Observatoire Gulli)! Bien sûr, la question n est pas seulement celle du temps consacré par les enfants devant les écrans. Se pose aussi la question des usages. Ceux-ci, nous allons le voir, se sont démultipliés et derrière la notion d Internet se cache une multitude d activités plus ou moins addictogènes, plus ou moins dangereuses, plus ou moins facteurs d isolement. Autre phénomène : les connexions au haut débit atteignent 14,25 millions en fin d année 2007. Or, chacun sait que la vitesse de connexion n est pas neutre des usages, n est pas neutre ni des opportunités, ni des dangers de l Internet. Ces usages, quels sont-ils? Que font nos enfants sur Internet? 1. Découvrir : 94 % des 12-18 ans recourent à des moteurs de recherche. 2. Communiquer avec ses proches et amis : la messagerie électronique, la messagerie instantanée sont le quotidien des jeunes auquel s ajoute le téléphone portable. On estime que 95 % des 12-18 sont familiarisés avec l usage de la messagerie instantanée du type MSN et 100 % des 12-17 savent envoyer des SMS. 3. Échanger des fichiers : plus d 1/3 des 12-18 ans téléchargent, les garçons bien plus que les filles. 4. Jouer : les jeux vidéos concernent aujourd hui 1/4 des jeunes internautes. 5. Produire : 1/3 des 13-17 ans gèrent aujourd hui un blog actif et près de la moitié les consulte régulièrement. Sur les plus de 10 millions de blogs actifs, près de la moitié sont gérés par les 16-25 ans. Les adolescents ont ainsi un pouvoir de presse et d édition dans l espace public, à travers notamment ces blogs qui se créent et de se développent chaque jour. A travers mes propos, il apparaît bel et bien que dès leur plus jeune âge, les enfants sont plongés dans un bain médiatique nouveau que les parents et les éducateurs n ont pas connu. Et les parents? Selon une étude menée par l Observatoire des Familles de l UDAF du Nord fin 2007, qui corrobore celle faite au printemps 2007 par celle de l UDAF de l Ardèche, dans un foyer sur 2 ayant un enfant collégien, c est ce dernier qui utilise le plus Internet.