MÉMOIRE PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE LA PREMIÈRE CONSULTATION DE LA COMMISSION SPÉCIALE SUR LA QUESTION DE MOURIR DANS LA DIGNITÉ



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MÉMOIRE PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE LA PREMIÈRE CONSULTATION DE LA COMMISSION SPÉCIALE SUR LA QUESTION DE MOURIR DANS LA DIGNITÉ MARS 2010 1

Association québécoise d établissements de santé et de services sociaux, 2010 505, boul. De Maisonneuve Ouest Bureau 400, Montréal (Québec) H3A 3C2 Téléphone : 514 842-4861 Site Web : http://www.aqesss.qc.ca Ce document est disponible gratuitement sur le site www.aqesss.qc.ca. La reproduction d extraits est autorisée à des fins non commerciales avec mention de la source. Toute reproduction partielle doit être fidèle au texte utilisé. 2

L ASSOCIATION QUÉBÉCOISE D ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX L Association québécoise d établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) est le porteparole de 135 établissements membres composés de centres de santé et de services sociaux (CSSS), d établissements à vocation universitaire, des CHU, des CHA, d Instituts et des CAU ainsi que d établissements non regroupés tels des centres hospitaliers, des CHSLD et des CLSC. Les établissements desservent toutes les régions du Québec et offrent une très large gamme de services de santé et de services sociaux en première, deuxième et troisième lignes. Notre organisation a pour mission de rassembler, de représenter et de soutenir ses membres en agissant comme chef de file et acteur important pour assurer la qualité des services et la pérennité du réseau de la santé et des services sociaux. Les membres de l AQESSS emploient plus de 200 000 personnes et gèrent de façon responsable et en toute transparence des budgets annuels s élevant à plus de 16 milliards de dollars. 3

INTRODUCTION Chaque année, près de 60 000 personnes de tous les âges meurent au Québec. On estime qu'environ les trois quarts d entre elles décèdent dans un centre hospitalier (CH) ou dans un centre d hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) 1. À cette proportion s ajoutent les décès dans une maison de soins palliatifs et à domicile avec soins palliatifs fournis par les centres de santé et de services sociaux (CSSS). La grande majorité des Québécois décède donc accompagnée par le personnel de ces établissements. L Association québécoise d établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) est par conséquent fortement interpellée par l objet d étude de la présente commission spéciale, soit la question de mourir dans la dignité. Les CSSS, les CH et les CHSLD offrent une gamme de services de santé de courte et de longue durée. Ces services s adressent aux nourrissons, aux enfants, aux adolescents, aux adultes et aux personnes âgées. Parmi les soins offerts par les établissements, certains sont plus susceptibles de confronter les équipes soignantes aux réalités entourant la souffrance physique et morale, les décisions d interruption de soins curatifs et la fin de vie imminente. Pensons notamment aux soins prodigués aux nouveau- nés vulnérables (incluant les soins de fine pointe aux grands prématurés), aux soins spécialisés aux enfants, aux adultes et aux personnes âgées souffrant de maladies graves, dégénératives et irréversibles, ceux aux grands traumatisés, aux aînés ainsi que les soins palliatifs en établissement ou à domicile. Les équipes soignantes sont donc confrontées quotidiennement aux grandes questions liées au respect de la vie, au droit à l autodétermination et à l inviolabilité de la personne, au soulagement de la douleur, à l accompagnement en fin de vie et au droit de mourir dans la dignité. Ces importantes questions interpellent aussi les membres des conseils d administration et les gestionnaires, notamment les directeurs généraux, les directeurs des services professionnels, les chefs de département clinique et les directeurs de programmes. Ces gestionnaires ont à donner des orientations et à prendre des décisions comportant des dimensions tant aux plans clinique, administratif, juridique qu éthique; ils sont responsables d assurer la qualité des soins, le respect de la mission de l établissement, de ses règles et de son code d éthique, la formation du personnel ainsi que le bon fonctionnement des comités de bioéthique et des structures professionnelles que sont les CMDP 2, les CII 3 et les CM 4. 1 «Naissances, décès, accroissement naturel et mariages par région métropolitaine de recensement», Institut de la statistique du Québec, http://www.stat.gouv.qc.ca, 2010-03-03. 2 CMDP : Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. 3 CII : Conseil des infirmières et infirmiers. 4 CM : Conseil multidisciplinaire (regroupant les autres intervenants de la santé et des services sociaux). 5

La question de mourir dans la dignité suscite donc une réflexion clinique et éthique tant auprès des médecins, des infirmières, des autres soignants et des intervenants psychosociaux que chez les gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux. C est dans cette perspective que l AQESSS tient à prendre part à l importante réflexion menée par la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Ce mémoire vise principalement à sensibiliser les membres de la commission sur différentes dimensions qui devraient, selon nous, être prises en compte dans le document de consultation qui servira de base à la consultation élargie. L AQESSS compte d ailleurs prendre part à ces futures discussions. 6

1. MOURIR DANS LA DIGNITÉ : UNE RÉFLEXION QUI INTERPELLE LES VALEURS PERSONNELLES DE CHACUN Tel que mentionné en introduction, plusieurs acteurs des établissements de santé sont régulièrement confrontés à la souffrance physique et psychologique, à la réalité des personnes qui souhaitent mourir, à la fin de vie et à la mort. Pourtant, cette proximité de la souffrance et de la mort ne fait pas des travailleurs de la santé et des services sociaux un groupe homogène partageant les mêmes croyances, les mêmes valeurs et les mêmes opinions sur ces questions. Les acteurs du réseau de la santé sont à l image de la société pluraliste dans laquelle nous vivons. Ils ne partagent pas tous les mêmes conceptions de la mort, ils sont de religions et de cultes différents; chaque individu ayant son parcours de vie, ses principes et ses convictions les plus profondes. Mourir dans la dignité n a pas la même signification pour tous. Les positions défendues par plusieurs invités à la commission ont d ailleurs illustré cette diversité de points de vue. Le débat lancé par la commission touche chaque citoyen, qu il travaille auprès des grands malades ou non, à partir des valeurs qui lui sont propres. C est ce qui fait à la fois la richesse de la réflexion, mais aussi la difficulté d atteindre certains consensus. 2. ÉVOLUTION DE LA SOCIÉTÉ ET OUVERTURE À LA DISCUSSION Les principes d intégrité et d inviolabilité de la personne sont choses reconnues depuis 1971, dans le Code civil du Bas-Canada. En 1994, le Code civil du Québec réaffirmait le principe de l intégrité et de l inviolabilité de la personne et introduisait un nouveau principe : le consentement «libre et éclairé» 5. Rappelons aussi que si la personne est inapte, son représentant peut, en son nom, accepter ou refuser un traitement 6. Ces dispositions ont contribué à diminuer significativement les situations qualifiées d acharnement thérapeutique en renforçant l autonomie du patient ou de son représentant. Aujourd hui, la décision, dans de telles situations, doit obligatoirement résulter d un échange, d une communication entre le patient ou son proche et le corps médical. Par ailleurs, malgré cette avancée au plan légal, l évolution des mentalités et malgré les connaissances scientifiques toujours plus étendues, il existe encore des situations troublantes. Ainsi, bien que l on puisse raisonnablement présumer que la majorité des personnes meurent dans la dignité au Québec, c est-à-dire en conservant leur personnalité et leur humanité et selon leurs dernières volontés, sans souffrance physique et morale indue; on ne peut nier que certaines personnes atteintes de maladies irréversibles vivent leurs derniers jours dans une souffrance physique ou psychologique importante. Certaines personnes meurent extrêmement diminuées sur le plan de l estime personnelle dans une agonie qu on peut difficilement qualifier d humaine et de digne. 5 6 Art. 10 C.c.Q., L.Q., 1991, c. 64. À condition d agir dans le seul intérêt de cette personne : Art. 10 C.c.Q., L.Q., 1991, c. 64. 7

Il existe également des situations où des personnes souffrantes, qu elles soient en phase terminale ou non, manifestent clairement leur volonté de mourir, en toute lucidité, à leur médecin. Ce dernier, même très compatissant et conscient qu aucun traitement ou accompagnement ne saurait alléger leurs souffrances, ne peut répondre positivement à leur demande de crainte de poser un geste illégal, voire criminel. Nous croyons que la société québécoise est prête à réfléchir et à aller au bout de ces questionnements. Voici brièvement les points que l AQESSS souhaite voir abordés dans le document de consultation élargie qui sera élaboré à la suite des présentes auditions. 3. ACCOMPAGNEMENT EN FIN DE VIE, SOINS DE CONFORT ET SOINS PALLIATIFS POUR LES PERSONNES DE TOUT ÂGE SOINS DE CONFORT ET FIN DE VIE Au Québec, le taux de mortalité périnatale est en diminution constante. Malgré cette belle avancée, il arrive encore que des nouveau-nés meurent peu de temps après leur naissance, et souffrent beaucoup avant de s éteindre. Les parents sont témoins de cette souffrance. Nous devons nous questionner sur la dignité, voire l humanité dans laquelle ces petits êtres humains meurent. Nous souhaitons que la commission se penche sur les interventions médicales et psychosociales autour du nouveau-né qui meurt et de ses parents. Chaque jour, des enfants, des jeunes, des adultes et des personnes âgées atteintes de maladies irréversibles comme le cancer ou la maladie d Alzheimer, le Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique sont en situation de grande vulnérabilité ou en fin de vie dans les établissements de santé. Ces situations sont extrêmement difficiles à vivre, peu importe l âge de la personne souffrante. Ces femmes et ces hommes qui sont en contact continu avec le réseau de la santé et des services sociaux (en établissement ou à domicile) - et leurs familles - doivent être traités avec respect et compassion. Leur souffrance physique doit être évaluée et soulagée de façon optimale. Ils doivent recevoir un accompagnement psychosocial respectant leur intimité dans un environnement de calme et de douceur. L humain, plutôt que la maladie, doit être au cœur des derniers moments de la vie. Malgré les compétences et le grand dévouement des médecins, des infirmières, des infirmières auxiliaires, des préposés aux bénéficiaires et des autres intervenants, il devient souvent difficile d assurer, dans un contexte de rareté de ressources humaines qualifiées, toute la présence et le soutien requis par la personne malade et sa famille. 8

SOINS PALLIATIFS : ce qu il faut faire quand il n y a plus rien à faire On entend par soins palliatifs «les soins destinés à soulager la souffrance physique, émotionnelle, psychosociale ou spirituelle, plutôt qu à guérir. Ils ont pour objet le confort de la personne qui souffre 7.» Les programmes de soins palliatifs sont souvent décrits comme étant «ce qu il faut faire quand il n y a plus rien à faire». En soins palliatifs, l approche est centrée sur la personne plutôt que sur sa maladie. La qualité de l accompagnement est au cœur des services. L environnement physique aussi bien que l ambiance générale dans laquelle évolue la personne en fin de vie font l objet d une attention particulière. Le réseau de soins palliatifs peut actuellement compter sur près de 570 lits en CH, en CHSLD ou dans des organismes privés ou sans but lucratif. En 2007-2008, près de 8 650 personnes recevaient des services en unité de soins palliatifs en milieu hospitalier 8. La même année, plus de 18 600 personnes étaient desservies en soins palliatifs à leur domicile par les établissements de santé et de services sociaux du Québec 9. Les gens souhaitant de plus en plus finir leurs jours à la maison, il y a une tendance claire à développer les soins palliatifs à domicile. En 2008-2009, ce sont 400 personnes de plus que l année précédente, soit 19 030 personnes qui ont été desservies en soins palliatifs, chez elles, par des ressources du réseau public. L AQESSS est d avis que l offre de soins palliatifs doit continuer à se développer et à se diversifier au Québec tant pour les enfants, les adultes que pour les personnes âgées en fin de vie. Il faut s assurer, comme société, d avoir tout mis en place pour favoriser le confort et libérer la personne mourante de souffrances physiques et psychologiques inutiles. Il faut favoriser l intimité de ces personnes avec leurs familles et leurs proches. Il faut aussi offrir le soutien psychosocial à ces derniers; la disponibilité du personnel qualifié tant médical, paramédical que social doit être assurée. En 1995, le Sénat canadien, dans la foulée de sa consultation sur l euthanasie et le suicide assisté, recommandait qu une priorité gouvernementale soit accordée aux programmes de soins palliatifs et que la formation des professionnels soit améliorée 10. Bien que ces services se soient développés, il nous semble, 15 ans plus tard, qu il reste encore du chemin à parcourir dans le développement de ces programmes; le vieillissement de la population accentuant cette nécessité de développement. 7 COMITÉ SÉNATORIAL SPÉCIAL SUR L'EUTHANASIE ET LE SUICIDE ASSISTÉ, «De la vie et de la mort : rapport du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide», Sénat du Canada, 1995. 8 Tiré de la banque de données Med-Écho. 9 Tiré de la banque de données I-CLSC. 10 COMITÉ SÉNATORIAL SPÉCIAL SUR L'EUTHANASIE ET LE SUICIDE ASSISTÉ, op. cit, p. 25. 9

DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES Pour favoriser les soins de confort, l accompagnement de qualité et les soins palliatifs, nous croyons que la formation des médecins et du personnel de soins devrait être accentuée. Tous les intervenants auprès de personnes en fin de vie ou auprès de personnes en perte d autonomie hébergées ou soignées à domicile devraient bénéficier d une formation appropriée. L acquisition des connaissances, concernant notamment l évaluation et le soulagement de la douleur, contribue à donner confiance au personnel en diminuant les réticences et les malaises pouvant être vécus auprès des personnes très vulnérables. Il est important que le développement des compétences nécessaires aux soins de confort et de fin de vie ne soit pas exclusivement réservé aux équipes de soins palliatifs. 4. MOURIR DANS LA DIGNITÉ ET L EUTHANASIE La présente commission ouvre la porte au débat sur l euthanasie. Le comité sénatorial spécial qui a traité de la question définissait l euthanasie comme étant un «acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d autrui pour mettre fin à ses souffrances 11.» Il arrive que les soins ne permettent plus d atténuer la douleur physique ou morale de certaines personnes. Ces dernières, lucides, extrêmement handicapées (paralysie cérébrale, quadriplégie, etc.) ou atteintes de maladies dégénératives, demandent à des professionnels d abréger leur vie, qu ils jugent vide de sens et de toute qualité. Ces demandes d euthanasie volontaire en milieu de soins, quoique rares, existent et sont évidemment troublantes; l euthanasie par quiconque - incluant les médecins - et dans toute circonstance, étant illégale au Canada. En tant que représentant des établissements de santé et de services sociaux, nous tenons, à ce moment-ci, à porter à l attention des membres de la commission que malgré les enjeux soulevés par la réflexion sur l euthanasie, les gestionnaires de la santé et des services sociaux et les cliniciens démontrent actuellement l ouverture nécessaire pour aller au fond des choses et discuter de ce sujet. Dans ce débat sociétal, nous constatons l émergence d une nouvelle sensibilité favorable à l euthanasie dans des circonstances exceptionnelles et extrêmement encadrées. Des experts reçus par la commission au cours des dernières semaines ont d ailleurs témoigné en ce sens. Ce courant de pensée ne peut être ignoré, et nous considérons important que la consultation élargie prévue pour l automne aille au bout de la réflexion à ce sujet. 5. IMPACTS D UN CHANGEMENT LÉGISLATIF EN MATIÈRE D EUTHANASIE SUR LES CSSS, LES CH ET LES CHSLD 11 COMITÉ SÉNATORIAL SPÉCIAL SUR L'EUTHANASIE ET LE SUICIDE ASSISTÉ, op. cit, p. 77. 10

Advenant des modifications législatives à la suite de l exercice en cours, l AQESSS tient à sensibiliser les membres de la commission aux impacts que de telles modifications auraient sur les établissements. Le cas échéant, ces derniers deviendraient «les principaux lieux» 12, au sens large, où se pratiquerait l euthanasie. Voilà une immense responsabilité que devraient assumer tant les professionnels de la santé et des services sociaux que les gestionnaires d établissement. Les établissements devraient alors s assurer d informer les professionnels et les gestionnaires sur les nouvelles dispositions législatives et de voir à ce que ceux-ci reçoivent la formation nécessaire à l application de ces dispositions. Au-delà de la formation, les établissements auraient à soutenir les équipes soignantes en privilégiant les échanges au sein de l équipe interdisciplinaire ainsi que la supervision clinique et la contribution d éthiciens. Ils auraient à revoir leurs structures de consultation telles que les comités d éthique et autres conseils professionnels à la lumière des nouvelles pratiques et des nouveaux protocoles, le cas échéant. Finalement, les établissements devraient veiller au respect le plus rigoureux des balises et des critères qui accompagneraient de tels changements aux plans juridique et éthique et devraient évidemment continuer à assurer la qualité optimale des soins et des services aux personnes et à leurs proches, dans le respect des lois en vigueur. 12 Lieux incluant les CH, les CHSLD et les soins à domicile offerts par les CSSS. 11

CONCLUSION Qui que nous soyons, la question de mourir dans la dignité est un sujet qui soulève des passions, qui nous ramène à notre condition humaine, à notre vieillissement, voire à notre propre mort. Ce sujet restera toujours délicat à aborder. Il doit l être avec nuances et grand discernement malgré la charge émotive qu il suscite. La société québécoise est prête à entamer cette réflexion et à dégager, nous le souhaitons, de nouveaux consensus sociaux sur les questions entourant les conditions de fin de vie. Qu il donne lieu ou non à des changements législatifs, l AQESSS souhaite fermement que cet important exercice de consultation publique contribue à l amélioration des soins, des services et l accompagnement tant des personnes en fin de vie que de celles vivant avec de très graves maladies irréversibles ou de très grands handicaps. En terminant, nous tenons à réitérer aux membres de la commission notre engagement dans cette réflexion et comptons participer activement à la consultation élargie prévue pour la fin de l été 2010. 12

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