Conférence Mardi 11/12/2012 Cycle «construire et rénover durablement» RÉNOVATION DES LOGEMENTS ET FACTEUR 4 Le retour sur investissement thermique à l épreuve de la valeur vénale et du confort électrique Dominique Theile, chercheur conseil L incitation publique à la rénovation thermique des logements insiste sur le résultat financier : - augmenter la valeur vénale du bien immobilier (plus-value verte) - réduire les frais de fonctionnement (économies des charges d énergie). Toutefois, cette logique financière (retour sur investissement par la valorisation du bien et les économies de charges) présente de sérieux points faibles : déni de toute possibilité de moins-value ; retour sur investissement par les économies d énergie n incluant ni l effort d épargne, ni l imprévisibilité des économies d énergie, ni l usure et l entretien Isolation thermique par l intérieur et perte en espace habitable S engager dans une rénovation avec isolation thermique des murs par l intérieur peut entraîner de substantielles pertes en espace habitable, comme l illustre le schéma ci-dessous.
Une perte d espace habitable se traduit-elle nécessairement par une moins-value? Si l on vend une moindre quantité pour une plus grande valeur, on réalise une plus-value Mais c est plus sur la valeur des mètres carrés non vendus (surface habitable perdue) que sur la valeur des mètres carrés vendus, que risque de se porter l attention des vendeurs. Pour intégrer cette perte on peut définir la valeur verte comme : (prix de vente) (prix d achat) (prix des travaux) (valeur de la perte en surface habitable) + (économies de fonctionnement) Cette perte est donc intégrée au niveau du temps de retour sur investissement défini comme : (investissement aides éventuellement obtenues) / (économies annuelles escomptées) = années pour récupérer la mise Quelle «valeur verte» du bien immobilier rénové? Mais alors comment récupérer une plus-value verte une fois la rénovation thermique effectuée? Vaut-il mieux vendre juste après avoir rénové? Ou vendre une fois l investissement récupéré? Nos simulations (tableau 19) montrent que si la valeur verte est liée à la valeur des travaux d isolation, il y a difficulté à la vérifier dans des délais brefs ou en cas de baisse des prix immobiliers. Quant à tenter de vendre après le retour sur investissement, cela revient à surmonter l obsolescence du DPE (diagnostic de performance énergétique) vu les temps de retour. Et moins la valeur du logement est élevée, plus il est «exposé» aux hausses des prix d énergies : 17 ans de hausse à 5% des énergies égalent la valeur du bien à Mulhouse, contre 45 ans à Paris 17ème. Une hausse générale des prix immobiliers réduit cette exposition mais accentue les inégalités entre villes (tableau 22).
La plus-value verte risque de ne pouvoir se constater que pour des biens à valeur élevée dans des contextes de marchés le permettant ; elle risque d être un leurre pour le plus grand nombre de propriétaires. Pourtant, il semble difficile de faire l impasse sur la rénovation thermique, alors que toute inflation énergétique impacte les coûts de construction. Donc remettre à plus tard est risquer de réduire la capacité future d agir. Importance des consommations électrodomestiques et équilibrage thermique Depuis 1992, des initiatives successives de la Communauté européenne incitent les fabricants à faire des efforts pour réduire la consommation électrique de leurs produits. Les efforts sont réels, mais l essor du concept d efficacité énergétique se fait au détriment de celui de sobriété énergétique. Un comparatif (tableau 26) entre les efforts effectués pour les téléviseurs et ceux pour les bâtiments, donne à penser que dans le cas des bâtiments ce sont les entreprises qui courent derrière la réglementation, alors que dans le cas des appareils domestiques c est la réglementation qui court derrière les entreprises. En ce qui concerne les lave-linges, nos mesures mettent en évidence que les conditions de test pour l obtention d étiquette énergie relèvent d un rituel qui n a rien à voir avec la variété des charges thermiques et des conditions de chauffage, qu affrontent les lave-linges dans le quotidien des ménages (tableaux 37 et 38).
Dans des logements pas ou peu isolés, la contribution à la température du local de l effet joule du matériel électrique n est pas ou peu perceptible (tableau 35). A l inverse, plus les logements sont isolés, plus les usages électriques dits spécifiques induisent une chaleur par effet joule qui est susceptible d être perceptible. Faire passer la part de l électrodomestique de 3% à près de 35% dans la gestion d énergie d un bâtiment, n est pas sans incidence importante : elle consiste à passer d un mode d apport de chaleur stable et connu à plus de 93%, à un mode instable et mal connu d au moins 35% avec un aléa d ensoleillement important.
En conclusion, renforcer thermiquement l enveloppe d un bâtiment avec 15 à 30 centimètres d isolant peut dégager de sérieuses économies d énergie. Toutefois, ces économies dépendent de la constance des apports énergétiques gratuits internes (effet joule) et externes (soleil). Et encore faut-il que les travaux soient compatibles avec l effort d épargne des ménages, et que les coûts d usure et d entretien soient correctement intégrés. Enfin, les coûts de rénovation sont pratiquement les mêmes quels que soient les territoires, contrairement à la valeur des logements : les notions de retour sur investissement et valeur verte risquent d être plus des ornières que des leviers pour l atteinte des objectifs énergétiques fixés à l horizon 2050. Pour en savoir plus : - Dominique Theile, «Habiter sous contrainte carbone en 2050 : hypothèses sur le confort», Paris La Défense, PUCA, 2012, 143 p. Rapport en téléchargement libre à : http://ville-post-carbone.typepad.com/files/theile-pcrifined1.pdf - pour l étude EX IM sur 100 000 logements à DPE (publiée en mai 2011) : http://www.exim-expertises.fr/actualites/repartition-des-logements-francais-sur-letiquetteenergie