Annexes A l'échelle macroscopique, un endommagement est observé lorsque les propriétés mécaniques du matériau sont affectées à différentes échelles (dégradation chimique du mélange, fissurations importantes, rupture de l'ouvrage, etc.) (RILEM Draft, 1994). Il est lié soit aux chargements (charges permanentes, vent, etc.) soit aux conditions environnementales (eau de mer, cycle gel - dégel, sulfates, cycle des saisons, etc.), soit aux charges accidentelles (séisme, feu, choc, etc.), soit au mode de construction (précontrainte, joint de dilatation, etc.). A l'échelle de la microstructure, les deux phases constitutives du béton (pâte de ciment et agrégats) restent faiblement liées et leurs propriétés mécaniques différentes créent des interactions qui sont une source de micro - fissurations. L'eau au sein de chacune des phases et à leur interface constitue également une source de fissuration par les gradients hydriques (séchage, hydratation, etc.). A. L'endommagement du béton. L'endommagement est présent dès la conception du béton. Il est généralement relié au caractère hétérogène du composé et au mécanisme de retrait. A l'application de chargement, il évolue en fonction du niveau de contrainte par les efforts de traction qui créent la perte locale de cohésion du matériau. Deux grands types d'endommagement sont recensés dans la littérature. Soumis à une pression hydrostatique, l'endommagement du béton est volumique. Dans un premier temps, cet effort conduit à une consolidation du matériau. Dans un second temps et si le niveau de contrainte augmente, on assiste à un broyage du spécimen qui s'effondre au relâchement de la pression exercée. Le second type d'endommagement est surfacique par l'application d'un chargement axial, voire bi-axial. Il correspond au cas le plus souvent rencontré dans les structures de génie civil (Mazars, 1988). A.1 L'endommagement par retrait : influence des granulats. La progression de l'endommagement sous charges croissantes est issue de premières fissures initiées par le retrait. En effet, la pâte de ciment se rétracte et ses déplacements sont bloqués par la présence des granulats en générant de fortes contraintes de traction (Rossi, 1997). C'est pourquoi, les fissures sont prépondérantes à l'interface entre la pâte de ciment et le granulat et, qu'une micro-fissuration existe au sein du béton même avant chargement ou sous faibles contraintes (Ward & Cook, 1969). Les fissures inhérentes au retrait sont sollicitées en compression et en traction. Dans un cas de traction, on constate que la présence de granulat tend à stopper l'évolution de l'ouverture de la fissure à travers la matrice cimentaire entraînant simultanément une augmentation de l'énergie de dissipation (Xuanhui & Yongpi, 1996). Les granulats limitent également l'initiation de fissures due à la charge (Mc Creath & al., 1969). Cependant, lorsqu'ils sont grossiers, ils font apparaître des fissures plus importantes en interaction avec le retrait qui génère de forts gradients d'humidité et de fortes contraintes de traction (figure 1(a)) (Fouré, 1985(1)). On assiste à de larges fissures initiées par le séchage non-uniforme qui accélèrent le taux de séchage (Bazant & al., 1987). Il est important de noter que les micro - fissures d'interface sont présentes de manière prépondérante, à proximité des plus gros grains car plus la taille des granulats est importante, plus la liaison à l'interface est faible sachant qu'il s'agit de la zone de liaison la moins résistante et qu'elle constitue une fraction de la résistance du mortier (Hsu & al., 1963). La résistance des interfaces dépend également de leur état hydrique. Cette dépendance peut être mise en évidence à l'échelle macroscopique, lorsque le béton très sec est humidifié à 313
nouveau. Les résistances à la fois en compression et en traction sont affaiblies et engendrent une croissance de la fissuration et une diminution de l'énergie de rupture de l'interface "pâte de ciment granulat" (voir schéma de correspondance, figure 3) (Ward & Cook, 1969). (a) Figures 1 : (a) Fissuration par retrait autour des inclusions (Mc Creath & al., 1969) Surface de rupture de spécimen en traction (Al-Kubaisy & Young, 1975). A.2 L'endommagement en fonction du niveau de contraintes. Dans la zone de comportement pré - pic du béton, les charges à partir de 30 % de la résistance caractéristique f c (premier seuil de non-linéarité et introduction de l'endommagement) créent des micro - fissures à l'interface entre la pâte de ciment et les granulats qui constituent l'endommagement principal du matériau (Hsu & al., 1963 ; Bascoul, 1996). Dans une première zone de contraintes ( 40% de f c < σ < 80% de f c ), ces fissures d'interface résultent d'un système mécanique où la matrice cimentaire glisse autour des inclusions (Smadi & Slate, 1989). Généralement distribuées uniformément dans la structure, elles augmentent en nombre, en longueur et en largeur sous charges croissantes et participent à la perte de raideur élastique du matériau (Hsu & al., 1963). Une chute de capacité portante est initiée sans toutefois menacer la stabilité de la structure qui s'amorce pour des niveaux de contraintes plus élevés. Son observation est possible principalement par l'apparition de fissures à l'interface "pâte de ciment granulat". Cet endommagement sous contraintes modérées constitue une microfissuration qui réduit la raideur du matériau localement. La redistribution des efforts autour des zones affectées induit un état de contrainte modifié et généralement, plus fort (Ngab & al., 1981(2)). Dans une deuxième zone de contraintes ( σ > 70-80% de f c ), une pâte de ciment, un mortier ou un béton présente un endommagement composé de plusieurs types de fissures (d'interface, combinées stables, combinées instables et du mortier) (Blechman, 1989). On constate que l'endommagement au pic de ces matériaux à matrice cimentaire, est caractérisé par un nombre 314
Annexes suffisant de fissures dans la pâte de ciment provoquant la progression rapide de l'endommagement (figure 2(a)) (Hsu & al., 1963 ; Harsh & al., 1990). σ % f c 100 Endommagement rapide 70 Propagation des micro-fissures dans la pâte de ciment 50 Micro-fissures à l'interface pâte - granulat 30 Pas de micro-fissures observées 0 ε (a) Figures 2 : (a) Etapes classiques d'endommagement par niveaux de contrainte du test de caractérisation des bétons - Courbe de comportement en compression à rupture d'une pâte de ciment (Xuanhui & Yongpi, 1996). A.3 La mesure de l'endommagement. La caractérisation de l'état d'endommagement des bétons passe par des tests de résistance en compression et en traction (essai de fendage) sur des éprouvettes de moindres dimensions par rapport aux éléments de structure. Les courbes de comportement permettent d'analyser l'état d'endommagement du matériau en fonction des niveaux de sollicitations. En compression, l'endommagement est visible sous forme de fissures d'interface à partir de contraintes comprises entre 25 et 50 % de la résistance selon le type de béton. La micro - fissuration est issue du déplacement relatif entre le mortier et les inclusions (Smadi & Slate, 1989). A charge croissante, la progression de cet endommagement affecte les propriétés de raideur du matériau et correspond probablement à la propagation de fissures existantes où les contraintes localement dans le solide atteignent à nouveau la résistance par redistribution des efforts (Berra & Castellani, 1995). Paradoxalement, le taux de fissuration s accélère lorsque la raideur de l'élément de béton s avère plus importante (Hsu & al., 1963). Cet état fissuré influence la stabilité de l'élément à partir du pic de contrainte au-delà duquel la résistance décroît. La fissuration se concentre principalement dans la pâte de ciment et conduit à la rupture du spécimen. Le niveau d'endommagement est quantifié par un paramètre d'endommagement D variant de 0 à 1 (D = 0, il n'existe pas d'endommagement (phase de comportement avant pic ; D = 1, le matériau est ruiné). En compression, il peut être analysé par sciage de la section du spécimen. Ce procédé n'engendre pas vraiment de fissuration supplémentaire (Hsu & al., 1963). Les sections sont nettoyées puis enduites de teinture permettant la localisation des fissures. Plus récemment, un nouveau procédé de traitement des sections de béton a été proposé par une méthode d'indentation au laser (représentation "volumique" de la surface). Il semble pouvoir qualifier et quantifier l'endommagement du béton de manière relativement précise de sorte à pouvoir établir des valeurs de l'endommagement à différents niveaux, ce qui semble important pour la modélisation (Carpinteri & Invernizzi, 2001). L'endommagement peut aussi se mesurer par captage d'ondes acoustiques produites par la rupture au droit des fissures. Cette méthode de mesure possède l'avantage de relever les modifications micro - structurelles sans traiter le 315
spécimen en béton (sciage, teinture, etc.). L'augmentation de ces ondes acoustiques est liée à la croissance de l'endommagement interne qui peut se traduire à la fois, par une plus forte énergie dissipée, une chute du module de raideur et une accélération de la vitesse de propagation des fissures (figure 3) (Delibes Liniers, 1987). En traction, l'endommagement est plus difficile à observer car il se développe à proximité de la charge ultime et la ruine qui suit, est rapide. Il débute significativement au-delà de la résistance dans la zone d'adoucissement. Néanmoins, de récents procédés permettent de qualifier et quantifier l'endommagement en traction par exemple en analysant la surface de rupture par traitement au laser, à différentes étapes de la perte de résistance (Carpinteri & Invernizzi, 2001). Figure 3 : Schéma de correspondance des résultats de différents types de mesures de l'endommagement avec le comportement du béton (Delibes Liniers, 1987). B. La fissuration du béton. Les toutes premières fissures se produisent pendant la cure du béton. Puis, la micro - fissuration est ensuite initiée par la variation de volume au cours du retrait et du séchage du béton par les contraintes de traction qu'ils génèrent (Rossi, 1997). Lorsque les fissures proviennent de la variation de volume, elles se localisent principalement à l'interface " pâte de ciment granulat" dont on connaît la porosité plus élevée et la plus faible résistance et, dans une moindre mesure, au sein de la pâte de ciment. Ward & Cook (1969) confirment cette croissance de la fissuration par migration de l'eau au sein du béton. B.1 Terminologie des fissures sous contraintes. Sous charge, la micro-fissuration devient visible à partir de 25 à 50 % de la résistance f c (Hsu & al., 1963). A l'échelle de la structure, l'évolution de la fissuration globale peut être suivie par le test de résistance classique et le relevé des déformations (fluage non considéré) (Ngab & al., 1981(2)). Localement, lorsque la résistance en traction est dépassée en un point de la structure, une fissure apparaît. Elle forme aussitôt, une discontinuité dans la structure. Les contraintes sont redistribuées autour du fond de fissure (figure 4). La zone de fissure est alors singulière comparée au matériau sain. 316
Annexes Les fissures de masse peuvent se localiser dans trois zones (Hsu & al., 1963) : - A l'interface entre la pâte de ciment et le granulat (Bond cracks) - dans le mortier (Mortar cracks) - dans le granulat (Granules cracks) Lors d'un test de résistance en traction, les trois types de fissures de masse (fissures d'interface, fissures dans le mortier ou du granulat) évoluent différemment suivant le niveau de contrainte croissant au cours de l'essai. Les fissures d'interface augmentent en longueur alors que les fissures dans le mortier conservent une longueur quasi constante (figure 4(a)). Les fissures produites au sein du mortier demeurent les seules à être initiées par un niveau de contraintes qui doit être supérieur à 70-80% de f c ; les fissures d'interface étant présentes même hors chargement. Ce seuil de contrainte est dit "de discontinuité" et les fissures se propagent très rapidement jusqu'à la perte complète de capacité portante (Saito, 1987). Les ruptures de granulat sont également possibles mais, elles apparaissent principalement avec l'effet de vitesse des chargements dynamiques. (a) Figures 4 : (a) Longueurs des micro-fissures en fonction du niveau de contrainte (Saito, 1987) Représentation d'un fond de fissure (Process zone) (Carpinteri & al., 1997). B.2 Dimensions et forme des fissures. Les fissures de masse sont caractérisées par deux dimensions. La première "macro" désigne la longueur de la fissure qui peut se mesurer lors des tests de repérage. La seconde dimension "micro" correspond à l'épaisseur dans la direction transversale que l'on nommera "ouverture de fissure" (figure 5) (Blechman, 1989). Longueur de fissure Figure 5 : Fissure de masse du matériau. Ouverture de fissure 317
(a) Figures 6 : Représentation schématique des modes d'ouverture de fissure : (a) Mode I extensiométrique (Bazant, 1993) Modes de cisaillement II et III (Hassanzadeh, 1992). Lorsque le béton est soumis à un chargement uniaxial (type de chargement retenu dans la plupart des essais expérimentaux), l'endommagement résultant est caractérisé par l'apparition de fissures en mode I (Ouverture colinéaire à la direction de la contrainte) (figure 4) qui peuvent influencer la stabilité du matériau par la perte de cohésion engendrée. Le mode I de fissuration est relatif à un effort de traction. Il peut être très présent en parement d'ouvrages où l'espacement entre les fissures peut atteindre parfois quelques millimètres (figure 6(a)). Des fissures de mode I sont visibles par la croissance des déformations transversales. Elles traduisent une atrophie du spécimen qui se délite sous forme d'aiguilles par la présence d'efforts internes de traction (figure 7) (Blechman, 1989). Quand le chargement n'est pas extensiométrique, des micro - fissures de mode II ou III relatives au cisaillement apparaissent, sans toutefois créer l'instabilité du matériau (figures 6) (Mazars, 1988). Les modes de cisaillement sont présents lors de rupture par compression. Lorsque les charges avoisinent 95% de f c en zone pré-pic de comportement, les fissures d'interface se propagent dans la pâte de ciment. Ces méso - fissures possèdent une longueur dans la pâte de ciment seule supérieure à 1.5 µ m (Xuanhui & Yongpi, 1996). Elles sont généralement parallèles à la direction de la charge et résultent du frottement entre la pâte de ciment et le granulat. L'observation des résidus d'agrégats après rupture par cisaillement de l'interface "pâte de ciment granulat" confirment ce mécanisme. Ils se composent du granulat et d'un cône de ciment aux extrémités opposées dans la direction de la charge (figure 7(a)) (Mc Creath & al., 1969 ; Bascoul, 1996). 318
Annexes (a) Figures 7 : Agrégats coniques d'une éprouvette de béton conduite à la rupture en compression (Mc Creath & al., 1969) Rupture en compression d'une pâte de ciment (Xuanhui & Yongpi, 1996). B.3 Fissuration du béton à hautes performances. Le béton à hautes performances est doté de caractéristiques de résistance intéressantes qui limitent à la fois les déformations différées à maturité et la fissuration. Cependant, on remarque que la pâte de ciment possède une ductilité plus faible que celle du béton ordinaire car sa résistance se rapproche de celle du granulat. Ceci est en partie, dû à l'ajout de fumée de silice qui vient obstruer les zones de plus forte porosité (auréoles de transition) et diminuer la teneur en eau. La fumée de silice crée un renforcement de l'interface "pâte-granulat" qui demeure la zone prépondérante de micro-fissuration. Les propriétés de la pâte de ciment et des inclusions devenant quasi semblables, la zone de liaison est renforcée. L'apparition de micro - fissures est alors largement limitée (Smadi & Slate, 1989). Seulement lorsque la fissuration se produit, la rupture est plus fragile (en partie due à une teneur en eau relativement basse). La cinétique de comportement est modifiée et les fissures surviennent par à-coups (Acker, 1988). Des tests de résistance sur mortier montrent en effet, une rupture plus douce lorsque le rapport E/C est grand (Harsh & al., 1990). Pour le béton à hautes performances, on assiste alors à un effet de vitesse de l'ouverture de fissure qui génère une redistribution des contraintes par ailleurs plus importantes que si la fissure s'était produite à vitesse plus lente. La longueur de la fissure est également plus grande. 319
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