Instelling Hof van Cassatie Onderwerp Schenking van geld. Schenking-aankoop. Aankoop van een onroerend goed door de begiftigde.voorwerp van de schenking. Hypotheek door de begiftigde gevestigd op het onroerend goed Datum 25 januari 2010 Copyright and disclaimer De inhoud van dit document kan onderworpen zijn aan rechten van intellectuele eigendom van bepaalde betrokkenen, Er wordt u geen recht verleend op deze rechten. M&D Seminars geeft u via dit document informatie, maar verstrekt geen advies. M&D Seminars garandeert niet dat de informatie in dit document foutloos is. U gebruikt de inhoud van dit document op eigen risico. M&D Seminars, noch een van haar directieleden, aandeelhouders of bedienden zijn aansprakelijk voor bijzondere, indirecte, bijkomstige, afgeleide of bestraffende schade, noch voor enig ander nadeel van welke aard ook bij het gebruik van dit document en van de inhoud van dit document. M&D Seminars 2010 M&D SEMINARS Eikelstraat 38 9840 De Pinte T 09 224 31 46 F 09 225 32 17 info@mdseminars.be www.mdseminars.be
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.09.0093.F D. C. C. G. L., demandeur en cassation, représenté par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l Empereur, 3, où il est fait élection de domicile, contre C. D., défenderesse en cassation, représentée par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile. I. La procédure devant la Cour
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/2 Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 15 février 2007 par la cour d appel de Bruxelles. Par ordonnance du 30 novembre 2009, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre. Le conseiller Alain Simon a fait rapport. L avocat général Jean-Marie Genicot a conclu. II. Le moyen de cassation Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées civil Articles 894, 1096 et, pour autant que de besoin, 1108 et 1126 du Code Décisions et motifs critiqués Après avoir constaté, en substance, que, pendant le mariage du demandeur et de la défenderesse, cette dernière a acquis, en son nom personnel, en vertu d'un acte authentique du 14 septembre 2000, une villa située à Saint-Idesbald, pour un prix de 10.800.000 francs (267.725 euros) ; que la défenderesse a payé, pour cette acquisition, une somme totale de 1.750.000 francs (43.381,37 euros) et que le solde du prix de vente et des frais (droits d'enregistrement et frais notariés) a été, soit payé directement par le demandeur, soit financé par un crédit-pont et un crédit hypothécaire souscrits par lui auprès de la banque B.B.L., devenue I.N.G. ; que l'hypothèque garantissant le second emprunt a été constituée sur le bien immobilier acquis par la défenderesse ; que «l'ensemble de ces données chiffrées ne fait pas
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/3 l'objet de contestations entre parties ; [...] que le crédit hypothécaire a été dénoncé par la banque I.N.G., à défaut de remboursement (intégral) ; que la villa [...] a été vendue en vente publique le 1 er avril 2004 à la requête du créancier hypothécaire, dans de mauvaises conditions selon (la défenderesse) ; que, selon les informations fournies verbalement par les parties à l'audience de la cour [d appel] du 18 janvier 2007, après désintéressement du créancier hypothécaire, une somme de plus ou moins 185.000 euros resterait actuellement bloquée entre les mains du notaire instrumentant ; [...] que la réalité des opérations au terme desquelles (la défenderesse) a bénéficié d'une somme de 10.675.792 francs pour l'achat de la villa en question n'est [...] pas contestée», et après avoir décidé que les opérations ainsi décrites doivent recevoir la qualification de donation-achat, l'intention libérale du demandeur étant établie en l'espèce, et donné acte au demandeur de la «révocation de la donation consentie (à la défenderesse) en septembre 2000, en vue de l'acquisition de la villa de Saint-Idesbald», l'arrêt «dit pour droit que cette donation porte sur un montant correspondant au prix de vente de l'immeuble obtenu lors de la vente publique en avril 2004, sous déduction des montants affectés au désintéressement du créancier hypothécaire en principal, intérêts et frais, des frais de vente et de l'apport personnel (de la défenderesse) à concurrence de 43.381,37 euros», et «condamne (la défenderesse) à rembourser (au demandeur) la somme ainsi déterminée, augmentée des intérêts judiciaires à dater du 29 août 2002». L'arrêt fonde cette décision sur les motifs suivants : «La doctrine qualifie généralement de donation-achat la donation réalisée soit par le paiement direct du prix d'acquisition d'un bien déterminé, en l'acquit de l'acheteur, soit par la remise à celui-ci des sommes nécessaires au paiement de ce prix ; elle y voit dans le premier cas une donation indirecte et dans le second un don manuel [...]. En l'occurrence, l'existence d'un don manuel n'est pas invoquée ; au demeurant, la question de savoir si l'opération litigieuse s'est réalisée par la voie d'un don manuel ou par celle d'une donation
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/4 indirecte est sans incidence pratique en l'espèce, dès lors que ces deux types d'opérations échappent au formalisme de l'article 931 du Code civil. Il convient également de rappeler que (la demanderesse) a payé ellemême une petite partie du prix de vente (1.750.000 francs) ; il n'y a donc en toute hypothèse pas donation-achat pour l'entièreté du prix d'acquisition [...]. L'intention libérale (du demandeur) étant ainsi admise, il reste à déterminer quel a été l'objet exact de la donation. La Cour de cassation a décidé dans un arrêt du 15 novembre 1990 (J.T., 1991, 518) que, lorsque des immeubles ont été acquis par une personne en son propre nom au moyen de fonds remis à titre gratuit à cette personne par son conjoint, les libéralités ainsi consenties ont pour objet exclusivement ces deniers et non point les immeubles mêmes [...]. Même si l'on considère, conformément à l'enseignement de l'arrêt de la Cour de cassation précité, que la donation faite par (le demandeur) a porté sur les fonds mis à la disposition de (la défenderesse), et pas sur l'immeuble lui-même, il convient en l'espèce de rappeler que ces fonds n'étaient qu'en partie (à concurrence de 3.345.792 francs) des fonds appartenant déjà (au demandeur) et que, pour la majeure partie (7.330.000 francs), il s'agissait de fonds empruntés auprès d'un organisme bancaire, à charge pour (le demandeur) de les rembourser, ce remboursement étant lui-même garanti par une hypothèque établie sur l'immeuble de (la défenderesse), l'octroi des crédits étant d'ailleurs manifestement subordonné à la constitution de cette hypothèque. En même temps qu'elle recevait les fonds mis à sa disposition par (le demandeur) pour l'acquisition de la villa litigieuse, (la défenderesse) a dû consentir, par acte notarié passé concomitamment à l'acte de vente, une hypothèque sur cette villa. L'obligation de constituer cette hypothèque peut être considérée comme une charge grevant la libéralité consentie par (le défendeur), charge qu'il y a lieu de déduire pour apprécier la valeur du bien donné [...]. Au demeurant, l'étendue de la libéralité se mesure dans le rapport entre l'appauvrissement du patrimoine du disposant et l'enrichissement du patrimoine du gratifié.
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/5 Pour apprécier l'incidence et l'étendue de la charge grevant la libéralité et déterminer la somme sur laquelle celle-ci a réellement porté, il apparaît judicieux de se rapporter à la valeur obtenue de l'immeuble suite à sa vente publique à la requête du créancier hypothécaire, sous déduction des montants affectés au désintéressement de celui-ci, des frais de vente et de l'apport personnel de (la défenderesse), soit 1.750.000 francs ou 43.381,37 euros. Ce solde peut être considéré comme faisant l'objet de la libéralité consentie par (le demandeur à la défenderesse), à charge pour elle de consentir une hypothèque sur le bien acheté, destinée à garantir le remboursement des crédits contractés par (le défendeur). Il y a lieu d'admettre, en application de l'article 1096 du Code civil, la révocation de la donation portant sur le montant ainsi déterminé». Griefs 1. Selon les termes de l'article 894 du Code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte. Le concept légal de donation ainsi défini implique que, lorsqu'un époux, animé par une intention libérale, paie de ses fonds propres un immeuble acquis au nom de l'autre ou rembourse, au moyen de fonds propres, un emprunt contracté par lui-même ou par le conjoint acquéreur en vue de financer l'achat d'un tel immeuble, la donation ainsi réalisée a pour objet les fonds qui ont quitté le patrimoine du solvens, c'est-à-dire la quote-part du prix directement payée par lui ou le total des sommes qu'il a remboursées au prêteur. Les sommes ayant servi directement au paiement du prix et des frais d'acquisition ou les sommes remboursées au bailleur de fonds représentent, en pareil cas, la «chose» dont le donateur s'est dépouillé actuellement et irrévocablement, dans une intention libérale, en faveur du donataire qui l'a acceptée. La garantie réelle constituée par l'époux donataire - telle l'hypothèque constituée par lui sur l'immeuble totalement ou partiellement financé par son
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/6 conjoint - reste sans influence sur la détermination de l'objet de la donation, dans la mesure où cette garantie ne réduit pas le montant des espèces dont le donateur s'est dépouillé actuellement et irrévocablement, soit en payant le prix et les frais d'acquisition du bien, soit en remboursant le bailleur de fonds. 2. En l'espèce, si l'arrêt relève, par les motifs précités, que la villa a fait l'objet d'une vente publique à la requête du créancier hypothécaire, afin de rembourser le solde de l'emprunt contracté et déjà partiellement remboursé par le demandeur, il ne constate pas que le prix obtenu lors de cette vente aurait profité au demandeur. L'arrêt constate tout au contraire que le solde du prix obtenu lors de la vente publique, après désintéressement du créancier hypothécaire, était, au jour du prononcé de la décision entreprise, bloqué entre les mains du notaire instrumentant. Dès lors, l'arrêt n'a pu légalement décider, sur la base des constatations précitées, que la donation consentie par le demandeur à la défenderesse portait «sur un montant correspondant au prix de vente de l'immeuble obtenu lors de la vente publique en avril 2004, sous déduction des montants affectés au désintéressement du créancier hypothécaire en principal, intérêts et frais, des frais de vente et de l'apport personnel (de la défenderesse) à concurrence de 43.381,37 euros». En effet, pareil mode de calcul n'aboutit pas à déterminer le montant des débours effectués par le demandeur dans le but de financer l'achat d'un immeuble au nom et pour compte de la défenderesse. En définissant de cette manière l'objet de la donation que le demandeur a consentie à la défenderesse et qu'il a ensuite révoquée, l'arrêt viole la notion légale de donation entre vifs et les dispositions visées en tête du moyen. III. La décision de la Cour Aux termes de l article 894 du Code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte.
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/7 Si des immeubles ont été acquis par une personne en son propre nom au moyen de fonds remis à titre gratuit à cette personne par une autre ou au moyen d'emprunts remboursés par celle-ci, les libéralités ainsi consenties ont pour objet exclusivement ces deniers ou ces montants remboursés et non point les immeubles eux-mêmes. Lorsque, pour garantir le remboursement par le donateur d un emprunt qu il a contracté pour financer l achat de l immeuble acquis par le donataire, ce dernier a constitué une hypothèque sur ce bien, cette circonstance, qui est sans incidence sur le montant des espèces dont le donateur s est dépouillé, n a pas pour effet que la donation devrait être évaluée par référence à la valeur acquise par l immeuble. L arrêt, qui, après avoir constaté que le demandeur poursuit «la restitution des capitaux investis par lui dans l immeuble acheté au seul nom [de la défenderesse]» et considéré «que ces fonds n étaient qu en partie [ ] des fonds appartenant déjà [au demandeur] et que, pour la majeure partie, il s agissait de fonds empruntés auprès d un organisme bancaire, à charge pour [le demandeur] de les rembourser, ce remboursement étant lui-même garanti par une hypothèque établie sur l immeuble», que «l obligation de constituer cette hypothèque peut être considérée comme une charge grevant la libéralité consentie [par le demandeur], charge qu il y a lieu de déduire pour apprécier la valeur du bien donné», et que, «pour apprécier l incidence et l étendue de la charge grevant la libéralité, il apparaît judicieux de se rapporter à la valeur obtenue de l immeuble suite à la vente publique à la requête du créancier hypothécaire», décide que la «donation porte sur un montant correspondant au prix de vente de l immeuble obtenu lors de la vente publique en avril 2004, sous déduction des montants affectés au désintéressement du créancier hypothécaire en principal, intérêts et frais, des frais de vente et de l apport personnel [de la défenderesse] à concurrence de 43.381,37 euros», viole l article 894 du Code civil. Le moyen est fondé.
25 JANVIER 2010 C.09.0093.F/8 Par ces motifs, La Cour Casse l arrêt attaqué en tant qu il décide que la donation consentie à la défenderesse en vue de l acquisition de la villa de Saint-Idesbald «porte sur un montant correspondant au prix de vente de l immeuble obtenu lors de la vente publique en avril 2004, sous déduction des montants affectés au désintéressement du créancier hypothécaire en principal, intérêts et frais, des frais de vente et de l apport personnel [de la défenderesse] à concurrence de 43.381,37 euros», qu il condamne la défenderesse à rembourser au demandeur la somme ainsi déterminée, majorée des intérêts, et qu il statue sur les dépens ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l arrêt partiellement cassé ; fond ; Réserve les dépens pour qu il soit statué sur ceux-ci par le juge du Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d appel de Liège. Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Christine Matray, Sylviane Velu, Martine Regout et Alain Simon, et prononcé en audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix par le président Christian Storck, en présence de l avocat général Jean-Marie Genicot, avec l assistance du greffier Marie-Jeanne Massart. M.-J. Massart A. Simon M. Regout S. Velu Ch. Matray Chr. Storck