Le Pays, les Peuples, les Langues, I* Hàstoire, les Civilisations



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Transcription:

..... ;,,:*! \.. ;, ; :.' 1 '. ;,. :! \ -,..:i / (Soudan Françaig).:,:,.; '..(a('; i :\~$(irs d'ktuder publides sous la direction.-.. -.-- de M. le Gouverneur CLOZEL. Le Pays, les Peuples, les Langues, I* Hàstoire, les Civilisations PAR MAURICE DELAFOSSE Administrateur en chef des Colonies Chargé de cours à l'école Coloniale et à l'école des Langues Orientales PrBPaoe de M. Ie Gouuerneu~ CLOZEL 80 illustrations photographiques, 22 cartes dont une carte d'ensemble au I : 5.ooo.000. Bibliographie et lndex I I l L'Histoire. ÉMILE LAROSE, LI BRAIRE-ÉDITEUR '..,.,?.:.::.;'. :.> - I 1, Rue Victor-Cousin, I I 1912 Y

(Soudan Français) nmiymrim PRBMI~RE S$RIE 1

SOUS PRESSE : DBUXI~ME SÉRIE GéogrupJie économique Voies de communication. - Faune sauvage. - Productions forestibres, - Productions agricoles. - Elevage des bovidés et des ovidbs. - Elevage des Bquidés. - Industries indigénes. - La question des mines d'or. - Commerce intérieur. - Commerce extérieur. - La politique Bconomique & suivre). Par JACQUB~ MENIAUD Ouvrage illwtrè de nombreuses photographies et de cartes documentaires TROIB~&A!E EÉRIE Ze Territoire pnilituire du Niger

d'études publiées sous la direction M. le Gouverneur CLOZEL ' Le Puy, les Peuples, les Langues, Z'i%ktoire, les Càuilisato'o~s PAR MAURICE DELAFOSSE Administrateur de ire classe des Colonies Charge de cours à l'école Colonfale et à ~'bco~e des Langues Orientales 80 tllusîrafions photograpbtques, 22 carte8 dont uns carte üensemble au r : 5.000,ooo. Bibtfograpkte et Ldex TOME II L'Histoire BMI LE LAROSE, LI BRAIRE-BDITEUR r 1, Rue Victor-Cousfn, I I - 391 2

ERRATA DU DEUXI~ME VOLUME Pogo Gl, noto 1, 01 pago 83, no10 1, ligne 5, au lieu de : ScliolSo~~, liia : Scliol'or. Pngo 149, no10 2, ligno 3, aic lieu (le: soligui, litse : buttligtcl. I1ago 170, lignu 2, au lieu de : non loin de sa victolro, liir : non loin (lu lioii do sa victolro. Pago 179, ligno 7, au lieu de : do B6lddougou, lirse : du Bdlbdougou. Pa60 927, lignos 9 ot 13, au lieu (le : Mohainmcd 11, lftv :Molian~rnotl III. Pago 960, cntro los lignes 16 ot 17, intei.caleta : 10 bis DIotiamtnod~Guo, fioro rl'lsslhak. Pngo 277, note 1, ligno 4, au lieu (le r Ganoua, lire : Ganaouca. Page SBO, ligne 22, au lieu de : le son aioul, litle : de son a~oul. Pago 376, ligno 27, au lieu de : Anddoud, lire r Audbourl. I'age 877, ligno 98, au lieu de : Maklrfir, lita : hiaglifai3. Page 378, ligno 8, au lieu de : 0uld-Omar, litr : Ould-Ainaib. J'ugo 420, ligno O, an lieu (le: h lin ttnalld, lire : un trait6 h.

Cl/chd Bortchol Fia. ag. - Groupe de Maures du Hodh. 'te *y Fia. 30. - Groupe de Maures, d Itayes.

FIG. 31. - Type de Jeune Maure. -- FIG. 32. -.Métisse de Ma- et de femme noire. -.-..

Planche XVII Clfchë From#nt FIO. 33. - Groupe de Touareg, B Bamba, YeJ FIB. 34. - Cavaliers SongaY, prés de Say. ~1icir.4 Promrnt

Planche XVlII Fio, 35. - Un marché B Tombopctou, Clfcad Pnultn Fio. 36. - Marche au bois B Tombouctou. Clfchd Parilln

~ ~ L A P O S S ~ Planche XIX Clichl Froment Fro. 37. - Griots et chefs Mossi, h Ouagadougou. Clkhd F~oment Fio. 38. - Musiciens et danseurs Mossi, B Ydko

Planche XX Cllehl Frorcnl FIO. 39. - Cavaliers Touareg exdcutnni ilnc charge de pnrndc conivc Ic vnpcur Ibis, A Hnmbn.

Planche XXII Ctlchl l+o~nent FIB, 43. - Une daiise Tombo, B Bandiagara. Fro. 44. - Danseurs Tombo, $ Bandiagara. Cllohl Rron~rt~:

Planche XXIII Cllchd Froment Fia. 45. - Kabara; vue prise B bord d'un vapeur.

Planche XXIV Clfcnl Pnt1ltn FIG. 47. - Vue prise au marche de Baguindb (Tombouctou), Clfchd Paelrn RG. 48. - Vue d'ensemble du march6 de Baguindé (Tombouctou).

Planche XXV Clichl Fromrtrl FIB. 49. - Résideiice de l'administrateur, h Ségou.

Planche XX\'I FIO. 51. - Tombouctou, vue géndrale. Clùhl Pntill#i 't?,.y Fio. 52. - Ides restes de l'ancien fort de Médine, prés de Kayes.

Planche XXVlI Fio. 53. - Maison habit& par René CAII.LI~, A Tombouctou. Fio. 54. - Maison habit& pur BARTH, A Tombou~tou. CWA Forfier

Planche XXVIII Fia. 55. - Posto de Gaoun. Ctlchd Delafsrri

Planche XXlX Clichl Purlitr I:IB. 57. - klopti, In Muisoii dcs 13ussagcrs. \*. ClWC IPromrtll P~B. 58. - BANTCIIANDB, roi des Gourmantché.

QUATRIÈME PARTIE.,. '..:,;!:2..., - V A ;..!.' L'histoire '. :,.,: '.,!.',.42,<,....

CHAPITRE PREMIER Le Soudan oooidental avant notre Bre. L'histoire proprement dite des pays du Soudan qui constituent aujourd'hui la colonie civile du Haut-Sénégal-Niger ne coinmonce qu'au dbbut de notre Bre, et encore est-il bien difficile de la retracer jusque-lil avec quelque exactitude. Entre la naissance de J.-C. et l'liégire, c'est-à-dne pour les six premiers siècles, nous n'avons pour nous guider que leg traditions orales des indigdnes, et j'ai dit déj& le peu de foi qu'il convenait dc leur accorder. Pour les &&es précbdant l'ère chrétienne, c'cd le iiéant ; je n'oserais meme pas dire que ce soit la préhistoire, car, au Soudan, la prdbi~toire n'est éclairée que par des hypothbses, sans, pour ainsi dire, aucun fait mathriellement prouvh sur lequel ces hypothbses puissent trouv,er un point d'appui solide., Le plus ancien docunient écrit parlant du Soudan Occidental que nous poss6dons à l'heure actuelle date du x0 sibclo de notre hre : c'est la relation de voyag6 d'ibn-haoukal. Je no veux pas dire qu'avant cotte date des auteurs n'aient pas parlé des NBgres de l'afrique Occidentale ; mais ils ne nous ont rien'dit sur leur pays, qu'ils ignoraient, ni naturellement sur leur histoire. Et ceux qui nous ont livré leurs impressions sur la race noire ne l'avaient étudiée quo dans la personne des esclaves vivant auprès d'eux, en Europe ou danu le Nord de l'afrique. Tel Galien (11. sihcle ap. J.-C,), dont I'appréciiition sur les NBgres a 6th souvent roproduite, en particulier par Ibn-Sad, et, d'aprbs ce dernier, par Aboulféda ; pour le célébre médecin grec de

I'antiquitb, les NBgres se distinguaient des Blancs par dix caractbres principaux : leurs cheveux crépus, leur barbe maigre, leurs narines larges, leurs lèvres épaisses, leurs dents aigues, leur peau mal odorante, leur couleur noire, l'écartement de leurs doigts et de leurs orteils, la longueur de leur membre viril et leur grand amour des réjouissanaea. Ce portrait succinct ii'est pas mal tracé et n'a pas perdu de sa valeur en vieillissant, mais il ne suffit pas 8 nous éclairer sur l'état du Soudan au temps de Galien. Tout au plus peut-on glaner, par-ci par-18, dans les auteurs de l'antiquité un vague renseignement se rapportant aux populations de l'extrginie Nord du Soudan. IvIais, en dehors de maigres indications relatives 9. quelques tribus berbères du Sahara, de donnees geographiques vagues ou erronées, il n'y a rien à tirer, je crois, en ce qui concerne le Soudan Français, des historiens grecs et latins, pas plus que des papyrus de l'ancienne Egypte. Tout ce que nous apprennent ces sources d'information, c'est que, avant J.-C. comme depuis, le Soudan a approvisionne d'esclaves et de poudre d'or les pays mediterraneens. Mais nous ne savons mdme pas conlment ces deux produits parvenaient en Europe ni mgime dans le Nord do l'afrique, ni quelle population allait les cliercher. Hérodote nous dit bien (1) que les Carthaginois se rendaient par mer en un pays situe au-deltl des colonnes d'hercule, dans le but d'y acheter de l'or aux indigbnes : il est vraisemblable que ce pays, decouvert sans doute par Hannon, était situ6 entre le Maroc actuel et le Sén6- gal, peut-&tre mgime 8 l'embouchure de ce dernier fleuve ; mais il est peu probable que les Carthaginois aient jamais quitté leurs vaisseaux pour s'avancer dans I'interieur des terres et qu'ils aient penetré dans la région que nous appelons aujourd'hui le Soudan. D'ailleurs leurs proc6d6s commerciaux, qu'a décrits Hérodote, ne permettent pas de supposer qu'ils aient eu un contact quelconque avec les indigbnes, mgime avec ceux do la cdte : dbs leur arrivée, les Carthaginois tiraient de lours vaisseaux les marchandises apportées de leur pays, les rangeaient (4) Livre IV, CXCVI. I

le long du rivage, remontaient ensuite sur leurs navires et allumaient des feux dont la fumée servait & signaler leur présence aux naturels de la contrée ; ceux-ci alors s'approchaient du bord de la mer et disposaient des petits tas de poudre d'or é. cbté des paquets de marchandises, puis s'dloignaient. Les Carthaginois, continue Hérodote, sortent alors de leurs vaisseaux, examinent la quantité d'or quel'on a apportde, et, si elle leur parait rdpondre au prix de leurs marchandises, ils l'emportent et s'en vont. Mais, s'il n'y en a pas pour leur valeur, ils s'en retournent sur leurs vaisseaux, oh ils restent tranquilles. Les autres reviennent ensuite, et ajoutent quelque chose, jusqu'à ce que les Carthaginois soient contents. Ils ne se font jamais tort les uns aux autres. Les Carthaginois ne touchent point à l'or, & nioins qu'il n'y en ait pour la valeur de leurs marchandises ; et ceux du pays n'emportent point les marchandises avant que les Carthaginois n'aient enlevé l'or.» Un tel systbme de troc faisait assurément le plus grand honneur il la loyautd et au bon sens commercial des Carthaginois comme des Berbbres ou des Nbgres cdtiers, mais il ne devait gubre permettre aux premiers de se.documenter sur les seconds, surleurs institutions et leur histoire. Il est fort probable que les Noirs du Soudan étaien: aussi en relations par terre avec les Carthaginois, les Cyr6ndéns et les Egyptiens. Peut-Btre des Egyptiens ou d'autres gens du Nord se rendaientrils au, Soudan pour y ohercher de l'or : quelques traditions que j'ai recueillies autrefois à la Cbte d'ivoire tendraient h le prouver, mais elles ne constituent qu'un argument bien faible. Il est peu vraisemblable par contre que des Nbgres se soient jamais avancés de leur propre volonté jusqu'aux bords do la Méditerranéo. Mais on a parfaitement le droit de supposer qu'autrefois comme aujourd'hui des caravanes s'organisaiopt dans le nord de l'afrique et, traversant le Sahara, allaient porter nu Soudan des tissus, du cuivre, des verroteries (l), etc., (!) La présence en Afrique Occidentale de perles de verre, de fabrication phénicienne OII égyptienne remontant h une hnute anli.quilé, a été signalbe h maintes reprises, ainsi que celle de perles en ngtlie oit corna-

pour s'y procurer en échange de l'or et des esclaves. Sans doute cclleg de ces caravanes qui se dirigaient vers les pays du Niger et du Haut-Sénégal se composaient surtout de Berbéres, voyageant soit pour leur propre compte, soit pour celui de commcrçants puniques, grecs ou égyptiens. Mais i-ien no peut nous fixer exactement ù. cet égard. Il parait bien certain que les changements politiques survenus dans l'afrique du Nord n'ont pas eu de répercussion sensible au Soudan, en dehors de quelques exodes détermines par certains de ces changements et dont il n été question datis la deuxitime partie de cet ouvrage. Les Egyptiens ont pu constituer leurs différentes dynasties ; les Assyriens, les Chaldéens, les Médes et les Perses ont pu guerroyer dans l'afrique du Nord, les Phéniciens et les Grecs y fonder des colonies florissantes, les Roniains s'emparer du pouvoir sur les Carthaginois et les Berbéres : il ne semble pas que 1'Echo de ces bouleversements ait traverse le Sahara. Si les colonnes romaines se sont avancées jusque dans le Sud du Maroc avec Sudtonius Paullinus, dans lo Fezzan et au-delà avec Cornelius BalBus et Septimim Flaccus, si elles ont même atteint I'AYr avec Julius Matornus, ces reconnaissances ne furent janiais poussdes jusqu'd la rdgion qui nous occhpe prbsenternent, et les renseignements rdcoltés par les officiera latins - ou tout au moins ceux d'entre ce$ renseignements qui nous sont parvenus - ne jettent aucun jour sur 1'6tat du Soudan h cette Bpoque reculée. Si niaintenaat nous deitiandons B l'archéologie et à l'épigraphie les indications que l'histoire no peut nous fournir, nous 11011s trouvons en prbsence d'un pareil ridant. On a découvert, il est vrai, en plusieurs points de l'afrique Occidentale - en Guinée, dans le bassin du Haut-Séndgd, dans la boucle du Niger, h la CBte d'ivoire, au Sahara soudanaiéi et ailleurs, - des gisements nomb~eux d'udten$iles en piorre polie ou taillbe et meme des grottes aux parois constel- line dolit l'origine paratt étre également mbditerrandenne, mais relativement plus récente.

INSTRUfilENTS EN PIERRE 7 lees de dossins divers. Mais il est absolument impossible, ju~qu'h présent, d'assigner en général (1) une date quelconque h ces ustensiles et 1 ces dessins, dans de$ rhgions oh certaines peuplndes appartenaient hier encore <I l'tlge do la pierre polie et oh d'autres y appartiennent encore aujourd'hui dans une certaine niesure : ces stations, qu'on les appelle palqolithiques ou néolithiques, peuvent remonter & sent ans aussi bien qu'6 trois ou quatre mille ans. Il n'est pas démontré non plus que les objets trouv6s dans une station n'y aient pas 8té apportes d'ailleurs : plusieurs Europbens - entre autres M. Vuillet, directeur du service de l'agriculture 6 Koulouba - ont rencontré dans lit boucle du Niger des forgerons qui, sans les avoir fabriques eiix-mbmes, utilisent dans la pratique de leur métier des instruments en pierre ; Lenz a signalé que les Nbgres d'hraouhn se servent, pour les travaux du menage, d'outils en pierre polie qu'ils rapportent de TaodBni. Et d'autre part, dans plusieurs contrees du H~ut-Sénégal-Niger et du Sahara soudanais, on fabrique eiicore de nos jours, en meme tempe que des ustensiles en fer, des objets en pierre tels qu'anneaux de bras, ornements de lbvres, boules servant & Qcraser le tabac ou les arachides, marteaux pour frapper les Qcorces de certainii ficus, etc. ; j'ai pu, pour nia part, assister dans le cercle de Gaoua 9. la fabrication de ces objets divers, ainsi qu'au forage de perles en pie~re. Les ruines nous apprennent moins enoore : sauf, je crois, cllez los Tombo des falaises, on ne b&tit au Soudan qu'avec de l'argile et du bois. Seule, les' soubtlssements des murs sont souvent en pierres brutes, maçonnbes avec de la boue. Aussi les ruines que l'on peut rencontrer ltont fatalement rbcentes : j'estime qu'au bout de deux sibcles au maximum, nulle trace ne (4) Je dis u en général», car je ne voudrais pas @tige trop affirmatif. Ainsi il est constant que les haches en pierre polie sont considbrbes presque partout, par les indigbnes actuels du Soudan, coiurne des pierres tombées du ciel ; on retend que, lorsque la foudre iombe, c'est une de ces ~ierres qui cause! es dbghts, Cette interpi+dintion tendrait h prouver l'antiquite des haches en plerre u'oli trouve au Soudan, puisque les indigbnes actuels attribuent leur orlg y ne h irn ph8noriibne naturel.

peut subsister d'une cité soudanaise ; tout au plus pourra-t-on reconnattre, par la présence de certains arbres, l'emplacement d'un village disparu, et encore sera-&il impossible d'assigner une date 9. la disparition de ce village, car les arbres actuels peuvent provenir des graines de ceux que l'homme avait plantés. Les plus importantes des villes soudanaises dont nous ont parlé les auteurs arabes du moyen-&ge ne se composaient, au dire de ces auteurs eux-mêmes, que de huttes cylindriques aux murs d'argile surmontés d'une toiture en paille, exception faite des maisons de Ghana qui avaient parfois des murs en pierre ; il semble, comme je l'ai dit prdcédemment, que les premieres maisons 8 terrasse n'ont fait leur apparition au Soudan qu'au xrve sibcle : il y a bien des chances pour que les habitations antérieures 8 notre Bre n'aient pas été autrement construites et pour que, par conséquent, il soit absolument impossible aujourd'hui d'en retrouver les restes. Il y a bien, il est vrai, les débris de poteries et d90steos~les divers que l'on peut exhumer des tttzulà ou des emplacements des villes disparues. Mais que prouvent ces débris? Tous ceux que l'on a trouvés jusqu'h présent ne se distinguent pas des poteries et ustensiles fabriqués de nos jours au Soudan ; tout au plus a-t-on trouve en telle ou telle re@on des débris ne répondant pas au type actuellement en usage dans cette région mais rdpondant 8 un type encore en usage dans une contree voisine : comme, de tout temps, des échanges ont existe entre les divers pays du Soudan et mdme entre le Soudan et les pays méditerranéens, cela mdme ne peut fournir matiere 8. aucune déduction certaine (1). Restent les fameuses ruines du Lobi. On trouve prbs de Gaoua, ainsi qu'entre Gagouli ou Galgouli et Lorhossa, des ruines de constructions en pierres maçonnées dont on ignore l'origine. Ce qui les caraotérise surtout, c'est la rectitude et le (4) On m'a ilemis une fois, dan^ la basse CBte d'ivoire, comme un échantillon de l'ancienne industrie du pays, une sorte de manche de slylet en cuivre qui représentait uu mousqueîaire et une dame du temps de Rict~elieu. Si cet objet Btait de fabrication relativement ancielme, il Btait plus manifestemenl encore de fabrication europdenne.

parfait alignement des murs ; ces murs, généralement en latérite, se prbsentent sous l'aspect d'une enceinte rectangulaire, dans laquelle est parfois inscrite une seconde enceinte parallble à la preinibre, comme c'est le cas pour les ruines de Gaoua et celles de Karankasso (prbs de Lorhosso) ; à Tioboulouma (A l'ouest de Gagouli), on aperçoit mbme les ruines p'une véritable maison en pierres qui possédait un étage et qui présente encore dos traces d'embrasures de portes et de fendtres en pierres apparemment taillées. Quelle peut Btre l'origine de ces ruines? Sont-elles les vestiges d'établissements qu'auraient installés dos chercheurs d'or portugais des xve OU xvle siacles? Il semble peu.probable que les Portugais se soient avancés aussi loin dans l'intérieur des terres : Gagouli en effet est & plus de cinq cents kilombtres du point le plus proche de la cdte (dans l'esphce Grand-Bassam) et à plus de 1.600 kilonldtres de l'enibouchure du Rio Grande. Ces constructions furent-elles l'œuvre d'une population indig&ne aujourd'hui disparue? En dehors du fait, insolite au Soudan, qu'elles ont été bhties en maçonnerie, le parfait alignement de leurs murs et la roctitude des angles pa~aissent difficilement conciliables avec le génie architectural de la race noire, Seraient-ce les restes d'une poussée vers le Sud do quelques peuples méditerranéens? Cette dernihre hypothhse me semble aussi invraisemblable que les autres ; elle aurait besoin en tout cas, pour se p uvoir soutenir, de quelques Bléments supplémen- 91 taires d'information. Les indigbnes qui habitent actuellement les régions oh se trouvent ces ruines - Lorho, Gan, Lobi, Birifo - affirment tous n'btre pas autochtones ; ils affirment également tous que, lors de l'arrivée de leurs ancbtres, ces ruinos existaient d6jh dans leur état actuel, sans que les autochtones d'alors - IA oh il s'en trouvait - en connussent l'origine. Ces,déclarations permettraient de faire remonter la oonstruction de ces batiment# au-delà du xi0 sihcle de notre Bre (1), mais c'est tout ee. (I) Nous avons vu que les dates probables de leur arrivbe dans le pays sont la fin dii XII? sibcle pour les Lorho, la fin du xiiie OUI* les Gan, le xive pour les Lobi et la fin du %vite pour les Birifo.

qu'on en peut conclure avec quelque raison. On peut encore espérer que des fouilles exécut8es methodiquoment nous rév6- leront quelque jour, au inoins en partie, l'origine de ces ruines du Lobi : pour le monierit elles demeurent un mystére inexpliqué et ne nous fourilissent aucun renseignement. Quant aux iiiscriptions relevees dans le Haut-Senégal-Niger, eues ne nous apportent aucune indication de quelque importance, au moins en ce qui concerne l'dpoque ancienne. Les dessins et signes divers decouverts dans les grottes n'ont pas encore pu @tre'expliqués; la plupart d'ailleurs ressemblent singuliérement aux dessins et signes ornementaux tracés. de nos jours sur les murs des habitations et sur certains rochers et ils peuvent être l'œuvre, non lias d'anciens troglodytes, mais de modernes indigbnes du Soudan, de chasseurs notamment, qui vont se rhfugier dans ces grottes pour y dormir oui s'y abriter de la pluie et qui ont yu les décorer pour tromper leur desauvrementmomentan0 ; d'autres semblent avoir une origine et une signification religieuses, mais il est impossible absolument de leur donner une date; rien mbme ne prouve que ces dessins soient contemporains des objets en pierre trouves dans quelques-unes de ces grottes. Les inscriptions en ti/hat*h sont rares, le plus souvent indechiffrables et ne portent point de date. Onn'en a d'ailleurs rencontre aucune, jusqu'd present, dans le Soudan proprement dit ; elles sont localisees aux pays qu'occupent ou ont bcoupes les Berbéres (Mauritanie, Sahara soudanais et surtout Sahara propre) (1). Les inscriptions arabes soat'plus nombreuses ; on en a trouve en particulier une quantite considerable 8. Bentia, & Gao et en d'autres points voidins du Niger : toutes celles qui ont pu 8tre' déchiffrbes sont. des inscriptions funbraires, graudes sur des (4) Si ies inscriptions arabes trouvees au Soudan sont ndcessairement récentes, au moins relativement, il n'en est pas fatalement de m4me des inscriptions en bifinarh : cet alphabet etait en efet en usage d8s l'an 1800 avant J.-CG, ainsi que le prouveraient des decouvertes faites Gnosse, où l'on butait trouve dés caractbres analogues au tipnarh employes dans la figuration des comptes des scribes du mi Minos.

INSCRIPTIONS 11 pierres tombales. La plupart sont datées et les plus anciennes ne remontent pas au-delà du xrve siacle; comme d'autre part clles ne contiennent pas autre chosc que le noin du défunt, la date dc sa nioit et quelques fornlules pieuses, l'intér6t qu'elles offrent n'est que fort secondairc : elles montrent seulement qu'il y avait des musulmans éhblis dans la région de Gao rl partir du xivo siocle au moins, ce que nous savions déjà d'autre part (1). Et c'est ainsi que, de tout ce chapitre une seule certitude se dégage : c'est que nous ne sitvons rien de l'histoire du Haut- Sénégal-Niger antérieure aux premiers sibcles de notre Bre et que nous n'avons que bien peu de probabilités d'6tre mieux informus dans l'avenir sur cette ob~cure période. (I) M. le lieutenant Marc a rnpporlé cette aiin6e en France plusieurs pierres tombales de Bentia, choisies parmi celles dont les inscriptions soiit encore lisibles. Des estampages et des copies d'antres pierres grnvbes de meme provennnce ont été recueillis pal' cet officier; M. le cnpitaiiie Pigret en a photographié de soi1 cd16 et M, de Gironcourt a copié plusieurs inscriptions au cours de son dernier voyage. Mo Houdas, qui a eu entre les mains ces divers clocumenl.s, n'a relevé. auciine inscription présentant un caractére historique et n'en ii'n ptis trouvé. une senle qu'oii puisse dire Btr6 nntérieuige ail xive siécle.

CHAPITRE II L'empire de ahana (IVe au Xllle sl&oles). II est materiellement impossible d'exposer dans son ensemble,. par tranches synchroniques, l'histoire des divers pays qui constituent aujourd'hui la colonie du Haut-Sénegal-Niger, ces pays n'ayant jamais forme un tout. J'ai pense que la meilleure methode consisterait 8. examiner l'un aprbs l'autre les principaux Etats indigénes qui se sont succéde ou ont coexisté dans les diffdrentes regions du Soudan Français et, comme il faut bien adopter un ordre quelconque, je placerai les monographies de ces Etats selon la date 9. laquelle chacun d'eux est apparu pour la premihre fois sur la scbne de l'histoire. C'est ainsi que je me trouve debuter par l'empire de Ghana (1). Aind que je l'ai dit en parlant des origines des Peuls et des Soninke, la ville ancienne de Ghana &ait située d l'extrbme Nord du Bagana, dans I'Aoukar, non loin des localités actuelles de NBma et de Oualata, dont la premihre sans doute fut contemporaine de Ghana et dont la seconde suocbda d celle-ci comme mdtropole du Soudan saharien. Je crois qu'en plaçant Ghana A l'est légbrenient Sud de Néma et sur la ligne joignant Oualata (1) Voir la carte de I'oncien empire de Ghana, page 57.

à Bassikounou, on doit se rapprocher autant qu'il est possible de la vérité. Ibn-Haoukal, qui visita Gliana au xn sibcle et parla le premier de cette ville (I), la situe à une distance de 10 à 20 journees de marche à l'est dlaoudaghost, que nous avons place (2) à une soixantttiiie de kilombtres au Nord-Est de Kiffa. Il ajoute, en donnant son itinéraire de Ghana au Fezzan par Koukaoua (Kouka), qu'on met presque un mois pour se rendre de Ghana à Srlf,aat en par Kaoga ou Gaoga (pour Gaogao) : si l'on identifie cette dernibre ville avec Gao et SAmat avec la localitb actuelle de Samet ou Saniit, sitube à 100 kilombtres environ à l'est-nord-est de Gao, - deux identifications trbs.waisemblables, - il se trouve que l'emplacement que j'assigne à Ghana se serait trouvé à environ 780 kilombtres à l'ouest de Samit, soit il 30 journées de 45 kilonlbtres chacune, ce qui correspond bien B 1'6valuation d'ibn-haoukal. Bekri XI^ sibcle) (3) est plus précis encore. Il nous a donné plusieurs itinéraires aboutissant & Ghana ou en partant ; l'un place cette ville à quatre jours du dernier village lterbbre en venant de l'oued Draa, village appelé Mouddobken et peuple de Zenaga, ce qui indique bien que Ghana se trouvait à l'extrdge limite septentrionale du pays des Nbgres ; un autre itinbraire, partant du Sbnégal, situe Ghana A 20 journées de SZllca qui, ainsi que je l'ai dit plus haut (4), était un peu àl'0uest de Bakel ; un troisibme la place à 18 jours de Gadiaru ou Gadiara, ville située à 12 milles du Sénégal prés de Yaressi ou Diaressi, c'està-dire dans le Guidimaka (6). Ailleurs Bekri nous dit que Ghana (4) Massoudi,, qui mou~~ut en 956, mentionrje simplement dans ses Prairiss f Or le nom de Ghana comme celui d'un Etat nhgre. (a) iep VO~., pilge M. (3) Abou-Obeld-Abdallah eldekri, nb en Espagne vers 1030 d'une famille3twpbg, mourut en 1094 ; il ne voyagea pas au Soudan, mais il eut h sa dispodition; h Cordoue, des documents fort circonstancibs émananl de divers voyageurs ; eii outre, il puisa largement dans les ouvrages de Mollammed-ibn-~oussof, qui ne nous sont pas parvenus. C'est vers 1070qu'il termina son livre sur SAfrique. (4) let vol., p. aea. (5) Voir meme page.

se trouvait dans un pays appelé Ao?cka.ar : ce terme, appliqué par les Berbércs et les Maures à plusieurs régions d'aspect chaotique, est en particulier le nom actuel du pays où sont baties Oualata et Néma. Le mdme auteur dit encore que les habitants de Ghana s'abreuvaient au moyen de puits, ce qui implique qu'aucun fleuve ni cours d'eau n'arrosait la ville. Enfin Bekri, decrivarit les chemins qui conduisaient de Ghana au Niger, dit que, si 1'8n quitte Ghana en marchant vers l'endroit où le soleil se léve, on suit une route qui traverse des habitations négres et qu'on arrive à un lieu appelé Aougâm, oh se trouvent des champs de mil ; de ce lieu (situé vraiseniblablement à proximité de Ghana et 1 la limite des plantations dépendant de cette ville), on arrive en quatre jours B Ras-el-Ma, où le Nil (Niger, représenté en la circonstance par la dérivation du Faguibine) commerice à, couler hors du pays des Noirs (polir arroser une région habitée par des Berbbres). En un autre passage, Belrri reproduit des renseignements qui lui avaient été fournis par le jurisconsulte Aboli-Mohammed Abd-el-Melekibn-Nakhkhtis el-sharfa, lequel avait voyage dans ces contrdes ; d'aprbs ce voyageur, Ras-el-Ma - que Belrri appelle cette fois Safongo pour Sabongo ou Issubongo, son nom songay -se trou- - vait séparé de Ghana par trois gîtes d'étape, c'est-$-dire qu'on s'y rendait de Ghana - ou plutôt d'aougbm, limite des d6pendances directes de Ghana - en quatre jours. Tous ces renseignements concordent d'une façon saisissante & placer Ghana dans le triangle Oualata-Néma-Bassikounou. Edrissi, qui écrivit vers 1 150 sa compilation géographique, s'est inspire surtout de Bekri en ce qui concerne la partie occidentale du Soudan, mais il est beaucoup plus confus et ses donnees sont souvent contradictoires. Il place Gbana il 18 jours seulement (( à l'est» de Barissa ou Yaressi, dors que Bekri la situait à 18 ou 30 jours dumeme point et au Nord-Esd; il est il remarquer d'ailleurs qu'edrissi professo une singulibre affection pour le riombre douze : il indique 13 jours entre Tekrortr et Barissa, 18 jours entre Barissa et Aoudaghost, 19 jsurs entre Barissa et Ghana, 12 jours encore outre Mailel et Ghana, etc. Mais, ce qui est plus grave, il prétend que Ghana se composait '

GHANA D'APH~S EDI1IY8I ET YAKOUT 18 de deux villes à cheval sur «le fleuve )) et que son roi possédait (( sur le bord du Nil )> un chateau fortifié, bkti en 13 16, orné de sculptures et de peintures et mttni de fenbtres vitrées 1 Ce (( fleuve u ou «Nil a ne peut être que le Niger, d'après l'ensemble des indications d'edrissi, et la situation qu'il donne à Ghana ne pourrait correspondre qu'à celle de Sansanding ; mais comme d'autre part le mbme auteur place Gaoga (Gao) & l'est de Ghana - ce qui n'est exact que si Ghana se trouvait lb où la met Bekri - et au Sud de Koukaoua (Kouka) - ce qui constitue une erreur inexcusable -, comme il commet une foule de confusions faciles ù relever, nous devons nous méfier fortement de ses assertions ; la.description du luxueux palais du roi de Ghana suffirait d'ailleurs à nous mettre sur nos gardes. Il ne nous faut pas oublier du reste que, au temps d'edrissi, Ghana avait déjtl diminué beaucoup d'importance, ayant été saccagée vers la fin du siècle précédent par les Almoravides et ' ayant perdu uile bonna partie de sa population ; ce ne devait plus être un centre commercial bien achalandé et Edrissi n'a sans doute pas été renseigné sur cette ville, comme l'avait été Bekri, par des gens y ayant passé eux-mbmes : cette circonstance enlhve beaucoup de sa valeur h un récit qui ne fait que reproduire, plus ou moins exactement, des passages mal corn- pris d'ouvrages antérieurs, Il se pourrait aussi qu'entre l'époque de Bekri et celle d'edrissi une nouvelle ville se f~lt fondbe sur le Niger, 11 laquelle on aurait kgalement donné le nom de Ghana; le fait est fréquent au Soudan de localités naissantes auxquelles on donne le nom de la patrie de leurs fondateurs et il peut amener facilement des confusions. Cependant, ce que dit Edrissi de la situation conimerciale de sa Ghana correspond bien à oo que nous avaient appris Ibn-Haoukal et Bekri. Yakout (fin du xiio sihcle et coniniencement du xiiie), bien que léghrcment postérieur d- Edrissi, @rite davantage créance, car il ne puisa en g8néral qu'h de bonnes sources les inathriaux de son dictionnaire géographique. (( Ghana, nous dit-il, est une grand6 ville situ68 à l'extrdmité méridionale du Maghreb et conti Ve au de^ Nbgres ; c'est le lieu de réunion des cornniergants qui, de cette cité, pkn2trent dans les déserts conduisant aux