La réforme du système électoral au Burkina Faso



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Transcription:

La réforme du système électoral au Rapports du séminaire sur le dialogue pour le développement démocratique au et l atelier sur la démocratie et les élections: La réforme du système électoral au. Juillet 1999 Strömsborg Stockholm

La réforme du système électoral au Rapports du séminaire sur le dialogue pour le développement démocratique au et l atelier sur la démocratie et les élections: La réforme du système électoral au. 29 juin 1 juillet 1999

Les opinions exprimées dans ce rapport ne reflètent, ni n engagent en aucune façon l Institut International pour la Démocratie et l Assistance Electorale, International IDEA, ni les membres de son conseil ou de son conseil d administration. Les auteurs endossent toute responsabilité pour le contenu de ce rapport ainsi que pour les erreurs qui s y seraient introduites. International Institute for Democracy and Electoral Assistance (International IDEA) 1999 All rights reserved. Les Demandes d autorisation de reproduction ou de traduction totales ou partielles de la présente brochure doivent être adressées à: Publications Officer, International IDEA, S-103 34 Stockholm, Suède. International IDEA encourage la diffusion de ses travaux et en généneral accorde sans retard ses autorisations de reproduction et de traduction. Ceci est une publiction de International IDEA. Les publications de International IDEA ne son le reflect d aucun intérêt particulier national ou politique. Les opinions énoncées dans cette brochure ne représent pas nécessairement les positions de Interntional IDEA, de son conseil d administration ou des membres de son Conseil. Mise en page: Eduard Œehovin, Slovenia Peinture en couverture: Ali Keré Pre-press: Studio Signum, Slovenia ISBN: 91-89098-45-5

Table des matières 5 Remerciements 7 Synthèse La réforme du système électoral 9 Introduction 12 Conclusions et propositions 18 Encadré 1: Le mode de scrutin au Sénégal, M Cheikh Gueye 21 Encadré 2: Le mode de scrutin au Mali, M Shaheen Mozaffar 23 Encadré 3: Le mode de scrutin en Afrique du Sud, M Andrew Reynolds 26 Exemples de bulletins uniques 33 Séminaire «Dialogue pour le développement démocratique au» 34 Introduction : International IDEA, M Carlos Santiso 36 Le programme de renforcement de la démocratie au, Me Grâce d Almeida Adamon 39 Ouverture officielle, Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian Kaboré 40 Rôle et attributions du parlement en démocratie, Pr Jacqueline Lohoues-Oble 51 Rôle et place des partis politiques en démocratie, Dr Abdoulaye Naindou Souley 58 Système électoral et démocratie, Me Saidou Agbanto 65 Atelier «Démocratie et élections : la réforme du système électoral» 66 Ouverture officielle, Son Excellence Monsieur Paul Kiemde 68 La démocratie et les élections au, Pr Filiga Michel Sawadogo 75 Le mode de scrutin, Pr Augustin Loada 83 Les listes électorales et les cartes d électeurs, M Jean Martin Ki 88 La logistique électorale, Mme Amina Ouédraogo 95 L administration des élections et la commission électorale, M Pooda Sié Jean de la Croix 103 La supervision et le contrôle des élections, Me Kassoum Kambou 105 L observation nationale et internationale des élections, M Edouard Ouédraogo 113 La supervision et le contrôle des élections: Le cas du Sénégal, M Cheikh Gueye 116 Le rôle des médias en période électoral, Mme Monique Ilboudo 121 Le contentieux électoral, Mme Haridiata Dakouré 129 Clôture officielle, Son Excellence Monsieur Paul Kiemde 130 Proposition concernant la création d une commission pour la reforme electorale, M Bernard Owen 133 Annexes 133 Annexe 1 : Agenda du séminaire 135 Annexe 2: Agenda de l atelier 137 Annexe 3 : Liste des participants au séminaire ou à l atelier 143 Annexe 4 : Références bibliographiques 144 Annexe 5 : Notes 147 Annexe 6 : A propos de International IDEA

Remerciements Remerciements L Institut International pour la Démocratie et l Assistance Electorale, International IDEA, est particulièrement reconnaissant à toutes les personnes de bonne volonté qui ont permis qu un tel dialogue démocratique se tienne, participant ainsi à l exploration des options pour la réforme politique au. Le contexte politique national tendu amène en effet à réfléchir davantage sur la réforme politique et la consolidation du processus démocratique au. International IDEA espère donc apporter sa modeste contribution à l approfondissement du dialogue politique et au renforcement de la réforme démocratique. Lors de sa visite au siège de International IDEA le 19 avril 1999, le président du Faso, Son Excellence Monsieur Blaise Compaoré, a invité International IDEA à approfondir davantage le dialogue démocratique au afin de renforcer le processus de démocratisation. Le président du Faso s est par ailleurs engagé à prendre en considération les conclusions des activités organisées entre les 29 juin et 2 juillet 1999, indiquant ainsi son engagement pour le renforcement de la démocratie et la bonne gouvernance au. International IDEA voudrait également remercier le Ministre des Affaires étrangères, Son Excellence Monsieur Youssouf Ouédraogo pour avoir apporté un soutien constant au programme de International IDEA au, ainsi que Monsieur Amadou Traoré, Chef de service des organisations internationales au Ministère des Affaires étrangères et point focal pour International IDEA, pour son appui lors de l organisation des activités en juin et juillet 1999. En particulier, concernant le séminaire sur le dialogue pour le développement démocratique au, le président de l Assemblée nationale, Son Excellence Monsieur Maurice Mélégué Traoré, a exprimé son souhait que de telles activités se tiennent, et a apporté son soutien actif à celles-ci. Le secrétaire général de l Assemblée nationale, Monsieur Ambroise Ouédraogo, a participé à l établissement de son format ainsi qu à la définition des objectifs du séminaire. Le Vice-président de l Assemblée nationale, Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian Kaboré, a ouvert, au nom du président de l Assemblée nationale, le séminaire. Cette rencontre a été organisée en étroite collaboration avec la Commission des affaires générales et institutionnelles (CAGI) de l Assemblé nationale, dont le président, Monsieur Tiéba Kouenou, a participé à l organisation pratique du séminaire, au présidium et à la richesse des débats. En ce qui concerne l atelier sur La démocratie et les élections : La réforme du système électoral au, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Son Excellence Monsieur Paul Kiemde, a apporté un soutien inestimable et un appui actif à la tenue de celui-ci. En particulier, en ouvrant et en clôturant les débats, il a montré son engagement au dialogue pour le développement démocratique au. Ces activités n auraient pu être possibles sans la participation active et la contribution critique des partenaires de International IDEA au, le groupe de contact. Ceux-ci ont contribué à définir le contour, le format et les objectifs non seulement des activités susmentionnées, mais également de l ensemble du programme de International IDEA au. Les membres du groupe de contact incluent : Madame Amina Ouédraogo, Vice-présidente de la Cour suprême; Madame 5

La réforme du système électoral au Haridiata Dakouré, Directrice de l Ecole nationale de l administration et de la magistrature (ENAM); Monsieur Halidou Ouédraogo, Président du Mouvement burkinabé des droits de l homme et des peuples (MBDHP) et de l Union interafricaine des droits de l homme (UIDH); Monsieur Filiga Michel Sawadogo, Recteur de l Université de Ouagadougou et Membre de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême; Monsieur Amidou Ouédraogo, Chargé de programme au PNUD; Monsieur Raogo Antoine Sawadogo, Président de la Commission nationale de décentralisation (CND); Monsieur Edouard Ouédraogo, Directeur de publication du journal L Observateur et Président du GERDDES Burkina; Madame Monique Ilboudo, Membre du Conseil supérieur de l Information; Monsieur Albert Ouédraogo, Doyen de la Faculté des Lettres de l Université de Ouagadougou ; Maître Marie-Antoinette Sorgho, Avocat à la Cour ; et Son Excellence Monsieur Paul Kiemde, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Nos remerciements vont également aux experts nationaux qui ont bien voulus présenter des exposées, en particulier Monsieur Jean Martin Ki, Administrateur Civil, Conseiller Technique, Ministère de de l Administration Territoriale et de la Sécurité, Monsieur Pooda Sié Jean de la Croix, Administrateur Civil, Secrétaire Permanent de la CENI, Maître Kassoum Kambou, Magistrat, membre du Bureau Exécutif du Mouvement Burkinabè des Droits de l Homme et des Peuples (MBDHP). Par ailleurs, la richesse des débats a également été possible grâce aux contributions des experts internationaux mobilisés pour l occasion. Ils ont apporté leur expertise et leur engagement démocratique aux discussions pour le bénéfice mutuel, éclairant ainsi les Burkinabé des expériences de leurs voisins africains. Ceux-ci ont inclus : Madame Jacqueline Lohoues Oble, e à l Assemblée nationale, Ancien Ministre de la Justice de Côte d Ivoire; Dr Abdoulaye Niandou Souley, Université de Niamey, Niger; Maître Saidou Agbantou, Avocat à la Cour, Président de la CENA, Bénin ; Dr Bernard Owen, Secrétaire général du Centre d études et d assistance électorales, France; Monsieur Cheikh Gueye, Directeur général des élections, Ministère de l Intérieur, Sénégal; Maître Kassoum Tapo, Bâtonnier, Ancien Président de la CENI, Mali. Sous la responsabilité du Directeur des programmes de International IDEA, Monsieur Roel von Meijenfeldt, le programme de International IDEA au est coordonné par Maître Grâce d Almeida Adamon, Consultant principal, Avocat à la Cour, Présidente de l association des femmes juristes du Bénin et ancien Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Bénin ; Monsieur Carlos Santiso, Administrateur principal à International IDEA ; Professeur Augustin Loada, Consultant, coordinateur du groupe de contact de International IDEA au, Agrégé de Droit Public et Science Politique, Professeur à l Université de Ouagadougou ; et Melle Anna Nordenmark, Administrateur Associé à International IDEA. Le programme bénéficie également du soutien actif de Monsieur Adama Dieng, Secrétaire général de la Commission internationale de juristes (CIJ) et Membre du Conseil d administration de International IDEA. Monsieur Carlos Santiso a coordonné la rédaction de ce rapport et en a rédigé les conclusions en collaboration avec Melle Anna Nordenmark. Enfin, le programme de International IDEA au est soutenu financièrement par le Gouvernement de Finlande. 6

Synthèse Synthèse La réforme du système électoral Le séminaire et l atelier ont débattu de la réforme politique au et en particulier de la réforme du système électoral. Le présent rapport constitue une tentative de regrouper les propositions émises lors de ces rencontres en 35 suggestions. Les principales propositions s articulent autour des éléments suivants : La réforme du mode de scrutin Un consensus est apparu sur la nécessité de réformer le mode de scrutin pour renouveler et élargir l espace politique institutionnel ; 4 options de réforme ont été envisagées: une réforme technique de l actuel mode de scrutin (calcul du quotient électoral et méthode de répartition des restes) ; un redécoupage des circonscriptions électorales; un système de représentation proportionnelle mixte; un mode de scrutin mixte ; Ces options devront être examinées plus en détail en tenant compte de leurs conséquences et implications respectives afin d aboutir à un consensus national sur le mode de scrutin à adopter. Les procédures électorales L adoption du bulletin unique ; La possibilité de candidatures individuelles ; La clarification des procédures d établissement et de révision des listes électorales ; L établissement d un état civil fiable permettant l identification des électeurs ; La clarification des tâches de supervision (administrative), de contrôle (judiciaire) et d observation (nationale et internationale) en matière électorale. La logistique électorale La réduction du coût récurrent des élections; La budgétisation de certaines dépenses électorales prévues ; La gestion rigoureuse de la logistique électorale. L administration des élections L établissement d une administration crédible, neutre et professionnelle des élections ; L établissement d une structure permanente pour l administration des élections et la gestion de la logistique électorale, avec des attributions étendues et clairement définies ainsi que des moyens suffisants ; L établissement d un corps technique professionnel d administrateurs électoraux ayant un statut propre. La supervision des élections L harmonisation, dans la Constitution et dans le code électoral, des attributions respectives des différentes chambres de la Cour suprême lors du déroulement des opérations électorales et du contentieux électoral ; La garantie de la neutralité de l administration publique en général et de la justice en particulier dans les processus électoraux. Projet de réforme électorale L établissement d un comité d experts indépendants chargé d opérer la réforme du système électoral. 7

Introduction Introduction Initié en 1996 sur invitation des autorités et avec la participation active de la société civile, des partis politiques et des institutions de l Etat, le programme de l Institut International pour la Démocratie et l Assistance Electorale, International IDEA, au a pour objectif principal d approfondir les espaces de dialogue politique et de concertation démocratique pour la consolidation et l enracinement d une démocratie durable. Adoptant une approche inclusive et participative, critique et constructive, impartiale et prospective, International IDEA a facilité un certain nombre d initiatives depuis 1997 en ce sens : la tenue d un séminaire en juin 1997, la publication et la présentation d un rapport sur la Démocratie au en 1998, traduit en Anglais en 1999. Ce rapport contient un certain nombre d éléments qui éclairent et complètent les conclusions développées ci-dessous. Ces activités répondent au désir exprimé et aux suggestions faites par les partenaires privilégiés de International IDEA au, le groupe de contact, représentant différentes tendances et institutions de la scène politique burkinabé. L objectif des ces activités est d inviter les acteurs de la vie politique burkinabé à approfondir davantage le dialogue démocratique et de proposer des options de réforme. C est dans ce cadre que International IDEA a facilité la tenue d un séminaire et d un atelier technique entre les 29 juin et 1 juillet 1999 à Ouagadougou au. En collaboration avec la Commission des affaires générales et institutionnelles de l Assemblée nationale, International IDEA a organisé un séminaire intitulé «Dialogue pour le développement démocratique au» le 29 juin 1999. Ce séminaire était destiné à réfléchir sur le rôle et les attributions du parlement en démocratie, le rôle et la place des partis politiques et l impact du système électoral. Plus de 100 personnes, dont la majorité des députés tant de la majorité que de l opposition ainsi que certains non représentés à l Assemblée nationale ont participé à ce séminaire. Les communications ont été faites par des experts africains de la Côte d Ivoire, du Niger et du Bénin. La richesse des débats a d ailleurs amené le séminaire à être prolongé au-delà des délais impartis. A la suite de ce séminaire, International IDEA a organisé un atelier technique visant à approfondir les réflexions initiées avec le rapport de International IDEA sur la démocratie au et à réfléchir davantage sur la réforme du système électoral au. Celui-ci, intitulé «La démocratie et les élections : La réforme du système électoral au», s est tenu les 30 juin et 1 juillet 1999. Une quarantaine de personnes ont participé à cet atelier, exprimant ainsi leur volonté d approfondir le dialogue pour le développement démocratique, de façon critique et constructive et leur engagement à la consolidation du processus démocratique au. Le présent rapport s efforce de dégager les conclusions principales de ces deux activités, et en particulier de l atelier sur la réforme du système électoral. Il contient également les communications des différents experts nationaux et internationaux, ainsi que les agendas et la liste des participants à ces activités. Enfin, des références y sont également inclues. 9

La réforme du système électoral au Contexte Le séminaire sur le»dialogue pour le développement démocratique au et l atelier sur»la démocratie et les élections : La réforme du système électoral au» qui se sont respectivement tenus le 29 juin 1999 et les 30 juin et 1 juillet 1999, ont abordé des éléments essentiels du processus démocratique au et des questions fondamentales quant au renforcement de celui-ci dans le contexte politique actuel. Ils ont ainsi engagé et approfondi un dialogue critique et constructif pour le développement démocratique au et apporté des éléments de réponse susceptible d aider à la résolution de la crise politique que vit le depuis le mois de décembre 1998. Les suggestions faites et les propositions émises lors de ces activités ont souligné l impérieuse nécessité de réformer le système politique au et en particulier le système électoral. Les participants ont en particulier appelé à la recomposition du paysage politique et à l ouverture de l espace démocratique : le système politique burkinabé est en effet marqué par une majorité hégémonique, une opposition éclatée et réduite et une société civile de plus en plus politisée. La crise politique a cependant donné lieu à une mobilisation sans précédent des forces politiques d opposition et semble avoir permis l émergence d une volonté d ouverture et de réforme politique de la part des autorités. Séminaire sur le dialogue pour le développement démocratique Organisé conjointement par International IDEA et la Commission des affaires générales et institutionnelles de l Assemblée nationale du, le séminaire sur le «Dialogue pour le développement démocratique au» était destiné à rendre compte à la représentation nationale du des conclusions du rapport de International IDEA sur «La démocratie au» et à débattre des grands défis au processus de consolidation de la démocratie et plus particulièrement du rôle et des attributions des parlements en démocratie; du rôle et de la place des partis politiques en démocratie, et en particulier ceux de l opposition; et de l incidence des systèmes électoraux sur les processus de démocratisation. En effet il ne fait aucun doute que tous ces éléments constituent la pierre angulaire de tout système démocratique et le fondement de leur pérennité. Afin de faciliter le dialogue, des experts internationaux ont préparé et exposé des communications, se fondant sur leurs propres expériences dans leurs pays d origine. Madame Jacqueline Lohoues Oble, e à l Assemblée nationale, Ancien Ministre de la Justice de Côte d Ivoire, a présenté le rôle et les attributions du parlement en démocratie ; Dr Abdoulaye Niandou Souley, Université de Niamey, Niger, a exposé le rôle et la place des partis politiques en démocratie; et enfin Maître Saidou Agbantou, Avocat à la Cour, Président de la CENA, Bénin, a présenté l incidence des systèmes électoraux en démocratie. Atelier sur la démocratie et les élections : La réforme du système électoral au A la suite du séminaire susmentionné, et répondant au désir exprimé par les partenaires burkinabé, International IDEA a également organisé un atelier technique sur la démocratie et les élections : La réforme du système électoral au, destiné à examiner les différentes phases du processus électoral et articuler des propositions visant à réformer le système électoral pour permettre une meilleure représentation des tendances politiques de la nation, en particulier à l Assemblée nationale. Il en est ressorti que la bonne gestion des élections est un aspect essentiel de tout processus démocratique. L acte constitutif de tout système électoral est le code électoral, établi conformément aux principes constitutionnels et aux stipulations de la Constitution, fondement de l Etat de droit. Celui ci n est cependant pas figé. Il peut être modulable en fonction des circonstances politiques ou des spécificités politiques du pays en question. A ce titre, aucun modèle n est meilleur qu un autre. 10

Chaque code électoral reflète et participe à un processus démocratique unique, spécifique à la culture politique du pays en question. Cependant, il doit être en conformité avec certains principes constitutionnels, et suivre les principes directeurs constitutifs de l Etat de droit. Au nombre des acquis, les participants au séminaire ont souligné le caractère irréversible du processus démocratique et des élections régulières. L organisation d élections libres et régulières, de façon neutre et impartiale, est apparue comme une condition sine qua non au développement démocratique. Or, compte tenu de la politisation de l administration publique, de la défiance des populations, et du manque de confiance de l opposition, il est apparu que la gestion de celle-ci doit être confiée à une structure non partisane, impartiale et permanente. La crédibilité et la légitimité des élections dépendent en grande partie de l administration impartiale et de la gestion rigoureuse de celles-ci. Compte tenu du coût humain, technique et financier des élections, la collaboration avec l administration publique s avère cependant nécessaire, à condition que celle ci soit préalablement définie et que la répartition des tâches et des compétences soit appropriée et cohérente. Bien que certains aient émis le souhait qu un jour le puisse faire confiance à son administration publique pour l organisation des élections, une commission électorale indépendante ou autonome mais permanente, est apparue comme une nécessité. Introduction 11

La réforme du système électoral au Conclusions et Propositions Rôle et attributions du parlement Les participants au séminaire ont réaffirmé les attributions des parlements en démocratie et de l Assemblée nationale au. 1. Son rôle principal est de légiférer et d être à la base des initiatives des lois en fonction, d une part, de la responsabilité vis-à-vis des électeurs et, d autre part, vis-à-vis de la nation qu elle représente. Selon l article 84 de la Constitution du 11 juin 1991 révisée le 27 janvier 1997, «L Assemblée nationale vote la loi, consent l impôt et contrôle l action du Gouvernement conformément aux dispositions de la présente Constitution.» 2. L Assemblée contrôle également l action gouvernementale. Ce contrôle se traduit par le vote de confiance et de censure, l interpellation, ainsi que les questions écrites et orales relatives à la vie politique, sociale et économique. 3. L Assemblée est l institution de débat et de contestation démocratique par excellence. Elle doit refléter les préoccupations de la population qu elle représente. Représentante de la nation, elle doit renforcer la confiance qui lie l élu à l électeur. 4. L Assemblée doit disposer de moyens suffisants pour accomplir ses tâches (moyens techniques, humains et financiers) 5. La formation, la cohésion et la discipline des groupes parlementaires sont également apparues comme des dimensions importantes de la vie parlementaire. La question du «nomadisme» ou de la «transhumance» politique a également fait l objet de débats intenses dans lesquels ont figuré, d une part, la liberté d opinion et d association et, d autre part, l allégeance à un parti politique dans un système électoral spécifique (la représentation proportionnelle de listes). 6. Pour lui permettre de jouer son rôle de façon légitime, efficace et effective, le parlement doit refléter les différentes tendances politiques de la nation équitablement et proportionnellement. Le parlement est le reflet de la nation qu il représente. En particulier, le mode de scrutin doit à la fois assurer une majorité stable et cohérente et représenter le plus fidèlement possible les différentes tendances politiques de la nation (c est-à-dire une meilleure concordance entre le nombre de voix obtenues lors des élections législatives et des sièges obtenus à l Assemblée nationale). Rôle et place des partis politiques En démocratie, le rôle, la place et les responsabilités des partis politiques sont primordiaux. Selon l article 13 de la Constitution du du 11 juin 1991, les partis politiques «concourent à l animation de la vie politique, à l information et à l éducation du peuple ainsi qu à l expression du suffrage.» 12

7. Le contexte politique actuel est cependant marqué par l hégémonie du parti majoritaire, la faiblesse et l éclatement des partis politiques d opposition, et la faible représentation de l opposition à l Assemblée nationale. Ces facteurs expliquent sans doute la tendance à mener la contestation politique en dehors des cadres institutionnels. 8. La prédominance du parti majoritaire dans les structures de l Etat et dans l Assemblée nationale est particulièrement préoccupante pour l avenir d une démocratie pluraliste et d un multipartisme effectif : à la suite des élections législatives du 11 mai 1997, le CDP a obtenu 91% des sièges à l Assemblée nationale (101 députés sur un total de 111) avec 68% des voix. Même si le adopte un mode de scrutin proportionnel intégral avec l ensemble du territoire comme circonscription unique, le parti majoritaire resterait suffisamment majoritaire pour gouverner seul (le chapitre suivant sur le système électoral analysera plus en détail l impact du mode de scrutin sur ces résultats). 9. L opposition, quant à elle, est trop faible pour pouvoir jouer efficacement son rôle de contrepouvoir, d observateur critique, d acteur actif dans le processus législatif en particulier et de censeur du gouvernement. Elle est par ailleurs fragmentée, peu encline aux alliances stratégiques et aux coalitions, ce qui réduit d autant son impact sur la définition et le contrôle des politiques publiques. Elle est souvent critiquée pour manque de cohérence et de sens stratégique et tactique, et pour ne pas développer suffisamment des programmes de gouvernement alternatifs et crédibles. Enfin, elle est critiquée pour sa politique de critique stérile et d opposition systématique, comme le boycott des élections ou la pratique de la politique de la «chaise vide» au parlement. Ces questions sont afférentes aux responsabilités et au sens du devoir des partis politiques d opposition. En particulier, la définition de programmes politiques clairs autour desquels pourraient se regrouper des partis politiques et se former des coalitions est apparue comme une alternative qui permettrait une plus grande efficacité de l opposition dans le cadre d une stratégie politique de conquête du pouvoir s inscrivant dans la durée. 10. En ce qui concerne les réponses à apporter au «nomadisme» politique, il a été souligné qu à la différence des candidats élus sur une liste présentée par un parti, la question se pose différemment pour un candidat indépendant élu dans le cadre d une circonscription uninominale qui a plus de liberté, étant entendu que son lien avec les électeurs est plus fort qu avec le parti qui a pu le parrainer. 11. La formation et l information sont apparues comme les stratégies de base de tout parti politique : formation des partis politiques eux-mêmes aux «règles du jeu» démocratique ; formation et information des partis politiques par rapport à leurs militants ; information et éducation civique des partis par rapport à la population dans son ensemble, sur la base de programmes politiques clairs. 12. Les participants à l atelier ont appelé à la poursuite et l approfondissement des réflexions qui se sont engagées concernant le rôle et les attributions des partis politiques et en particulier de l opposition. Ils ont en particulier appelé à élargir ce débat pour le rendre plus participatif et inclusif, permettant ainsi d obtenir un consensus politique sur ces dimensions fondamentales des «règles du jeu» démocratique. Il s agit en particulier de : La Charte des partis et le cadre juridique des partis politiques ; Le Statut de l opposition, regroupant les droits, devoirs et responsabilités de l opposition 13. Enfin, le séminaire a souligné l importance de se pencher sur les questions afférentes au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Force est de constater que le a déjà engagé cette réflexion et est de ce fait en avance sur ses voisins africains. Conclusions et propositions 13

La réforme du système électoral au Le système électoral Alors que la session du séminaire a été consacrée à l impact du système électoral dans les processus de démocratisation, l atelier sur «La démocratie et les élections : La réforme du système électoral» s est penché en détail sur les différentes phases du processus électoral au. Il a ainsi mesuré l impact du système électoral actuel sur le jeu des forces politiques au et a émis un certain nombre de propositions visant à réformer ce système afin de renouveler le paysage politique, d élargir la scène politique institutionnelle et d ouvrir davantage l espace politique. Le mode de scrutin actuellement en vigueur au est le système majoritaire à deux tours pour les élections présidentielles et un système de représentation proportionnelle (RP) à scrutin de liste pour les élections législatives utilisant la méthode Hare pour déterminer le quotient électoral et la règle de la plus forte moyenne pour attribuer les sièges restants. Les experts s accordent généralement pour décrire ce système comme le moins proportionnel de toutes les formules de RP, puisqu elle favorise les plus grands partis au détriment des petits partis. Lors des élections législatives du 11 mai 1997, le parti majoritaire, le CDP a obtenu 91% des sièges avec 68% des voix, soit 101 députés sur un total de 111. Par la suite, le parti majoritaire à également attiré un certain nombre de parlementaires de l opposition en son sein. Lors des élections législatives du 24 mai 1992, le CDP avait déjà obtenu 73% des sièges avec 43% des voix. Du fait que le mode de scrutin est un système de RP à scrutin de liste, la «transhumance» parlementaire pose problème : bien que la liberté d opinion et d association prime quant au choix de l allégeance politique de tout député et de tout individu -, le fait que celui-ci ait été élu sur une liste de parti politique, et doit donc son élection au parti politique qu il représentait, fait dire à certains que le changement d allégeance politique d un député doit s accompagner de sa démission en tant que député et son remplacement par le candidat suivant sur la liste initiale. Chacun est libre d adhérer, de rester et de quitter un parti politique. Cette liberté est un droit démocratique fondamental. Le rapport de International IDEA sur la démocratie au (et en particulier son annexe 1) ainsi que le rapport de IFES (International Foundation on Electoral Systems) apportent un certain nombre de précisions et de compléments d information concernant le système électoral au Burkina Faso. 14. La question de l alternance au pouvoir a été soulevée. Il en est ressorti que l alternance est parfois considérée comme un indicateur de la consolidation de la démocratie et un signe de la solidité des institutions et des processus démocratiques. Cependant, ce qui importe, c est moins son occurrence, si souhaitable qu elle soit pour la pérennité des institutions démocratiques, que la possibilité réelle qu elle puisse se produire. Elle implique tout d abord l existence d une alternative démocratique crédible, c est-à-dire d une opposition forte et responsable. Elle appelle également un consensus national sur les «règles du jeu» démocratique et en particulier électoral. Elle suppose également des élections libres et équitables perçues comme des processus légitimes, impartiaux et crédibles. Compte tenu du paysage politique actuel, cette possibilité apparaît cependant peu probable. La révision de l article 37 de la Constitution rend celle-ci encore plus improbable et lointaine. Il est donc apparu que les efforts doivent se concentrer maintenant sur les prochaines échéances électorales, en particulier les élections municipales de février 2000 et les élections législatives de 2002. Le nécessaire rééquilibrage de l échiquier politique et l ouverture du paysage politique appelle en effet à une meilleure représentation de l opposition et sa plus forte participation au renforcement de la gouvernance démocratique. 15. Par ailleurs, le coût des élections pose également des questions d ordre à la fois financier et politique. En effet, il a été souligné que les dépenses électorales sont des dépenses de souveraineté qui incombent tout d abord à l Etat. Il a donc été avancé de budgétiser une partie des dépenses électorales, comme c est le cas au Sénégal, lorsque celles-ci sont prévues. D où éga- 14

lement la nécessité de réduire le coût récurrent des élections en procédant à un certain nombre d ajustements techniques et logistiques. International IDEA, IFES et les Nations Unies ont, à cet effet, élaboré un manuel d appui sur l administration et le coût des élections. 16. Selon certains participants, le coût des élections a également des conséquences politiques : en effet, comment, par exemple, avoir recours à la dissolution de l Assemblée nationale pour résoudre une crise politique ou institutionnelle sans avoir les moyens d organiser des élections législatives? Par ailleurs, il s agit de limiter la dépendance vis-à-vis de l extérieur qui, depuis 1991, a fortement financé les élections. Or l expérience montre que, si bien des partenaires extérieurs sont disposés à financer les premières et deuxièmes élections démocratiques dans un pays, ils le sont moins pour les troisièmes et quatrièmes. 17. Il importe également d intégrer le facteur temps dans l organisation des élections. Les participants se sont en effet accordés sur le fait que les procédures électorales, depuis l établissement des listes et des cartes électorales jusqu à la résolution des contentieux électoraux, nécessitent suffisamment de temps pour éviter tout dysfonctionnement comme au Mali en 1997. Les délais impartis lors des élections de 1997 et de 1998 au ont en effet été jugés trop courts. La permanence de la structure chargée d organiser les élections a également été recommandée. Ceci économiserait non seulement de l argent mais également du temps dans la gestion des procédures électorales en instituant une «mémoire» électorale. 18. La réforme du mode de scrutin a fait l objet d intenses débats et a donné lieu à un certain nombre de propositions, allant de réformes techniques à des réformes plus politiques. Un certain nombre d options ont été identifiées et qui permettraient une meilleure représentation des différentes tendances politiques burkinabè à l Assemblée nationale en particulier. Concernant le mode de scrutin pour les élections législatives, 4 propositions ont été articulées : Une réforme technique de l actuel mode de scrutin impliquant une modification du quotient électoral en adoptant la méthode Droop (voix / sièges + 1) et la répartition des sièges restants au plus fort reste. Ce système est utilisé en Afrique du Sud. Un redécoupage des circonscriptions électorales visant à en réduire le nombre et à augmenter le nombre de sièges à pourvoir par circonscription. En effet, le compte actuellement 45 circonscriptions électorales, dont la représentation électorale varie de 1 à 11 sièges. La plupart des circonscriptions n élisent qu un ou deux députés, ce qui constitue un nombre extrêmement faible pour un système de RP et rendant celui-ci plus proche d un système majoritaire que d un système proportionnel intégral. L adoption d un système de RP sur scrutin de liste mais où la moitié des députés seraient élus sur des listes au niveau national (l Etat étant circonscription unique pour ceux-ci) alors que l autre moitié serait élue au niveau de circonscriptions électorales au nombre limité. Il s agirait d un système RP définissant le quotient électoral en utilisant la méthode Droop et répartissant les restes à la plus forte moyenne. Ce système est utilisé en Afrique du Sud. L adoption d un système mixte, mi-proportionnel, mi-majoritaire. Une moitié des députés serait élue sur la base d un système de RP intégral à scrutin de liste dont le pays serait la circonscription unique. Le quotient électoral serait établi suivant la méthode Droop et la répartition des restes serait faite à la plus forte moyenne. La seconde moitié des députés serait élue sur la base d un système majoritaire avec un nombre limité de circonscriptions (par exemple 5). Le Sénégal possède un système équivalent. 19. La possibilité de candidatures individuelles a également été proposée, en particulier pour les élections locales. 20. L adoption du bulletin unique a été recommandée. Le bulletin unique permettrait de réduire la fraude électorale du fait que tous les partis seraient sur le même bulletin et accroîtrait donc la fiabilité des élections. Il permettrait également de réduire le coût des élections de façon significative, à partir du moment où les enveloppes ne seraient plus nécessaires. Les bulletins Conclusions et propositions 15

La réforme du système électoral au uniques sont utilisés en Afrique du Sud, au Kenya, au Nicaragua, en Papouasie Nouvelle Guinée, au Cambodge ou encore en Nouvelle Zélande. Le Bénin a utilisé, avec succès, le bulletin unique lors des élections législatives de 1999. Pour éviter toute polémique, l ordre d inscription sur le bulletin unique, par exemple, suivait l ordre de dépôt des candidatures. Les parties politiques pouvaient utiliser des couleurs et des logos pour se faire reconnaître et il leur incombait alors de le faire savoir auprès des électeurs. 21. Les rôles respectifs de l administration (en particulier du Ministère de l Administration Territoriale et de la Sécurité, MATS) et de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) concernant l établissement et la révision des listes électorales devraient être clarifiés. La répartition des tâches et des compétences devrait prendre plus en compte la situation politique du et la méfiance des populations et des partis politiques d opposition visà-vis de la neutralité de l administration publique. Les listes devraient être publiées avant les élections et affichées dans le bureau de vote lors des élections, afin d en permettre la correction. Ces aspects posent de nouveau la question de la permanence de la structure chargée d organiser les élections. 22. En particulier, concernant la révision des listes électorales, les participants à l atelier ont souligné la nécessité de distinguer les révisions ordinaires et les révisions exceptionnelles. D après la loi, le Code électoral en son article 37 «Les listes électorales sont permanentes et font l objet d une révision annuelle par le Ministère chargé de l Administration du territoire Toutefois, avant chaque élection générale une révision exceptionnelle peut être décidée par décret». Etant donné que la liste électorale n est toujours pas permanente aspect qui est en train d être remédié par l établissement d un fichier informatisé au sein du MATS, la pratique depuis 1991 a été de procéder à des révisions exceptionnelles avant les élections. L absence de fichier électoral permanent a des dimensions financières également et sa fiabilité n est pas toujours optimale, comme l a montré le cas du Mali en 1997. Il a en particulier été suggéré de fixer une période déterminée pour procéder aux révisions annuelles par la suite. Cependant, concernant la révision des listes électorales, une contradiction semble exister entre le rôle imparti au MATS et à la CENI. Conformément au Code électoral en son article 14, la CENI doit pouvoir superviser l établissement des listes électorales. Or il est possible que la révision annuelle se fasse lorsque la CENI n est pas encore établie ou est dissoute, compte tenu du fait que la CENI n est pas une structure permanente. La répartition du rôle et attributions de l administration, du MATS, de la CENI et du pouvoir judiciaire en matière de listes électorales doit donc être clarifiée. 23. La question des listes électorales renvoie à la nécessite d un état civil fiable (permettant, par exemple, la délivrance de jugements supplétifs). Seul un état civil fiable permet l identification rigoureuse de tous les électeurs et leur inscription sur les listes. Il a également été suggéré que les cartes d identité puissent être établies et délivrées à un coût réduit. Après la délivrance à grande échelle et à un coût réduit des jugements supplétifs et des Cartes d identité burkinabé (CIB), la CIB pourrait être retenue comme seule pièce permettant de voter (avec la carte d électeur). Si la CIB devenait un document très sûr, fiable, infalsifiable, pourquoi ne pas demander de voter uniquement avec celle-ci? Cela permettrait aussi de réduire les coûts des élections. 24. La possibilité de faire voter les Burkinabé de l étranger a également été suggérée, comme c est le cas au Sénégal. 25. Les participants à l atelier ont souligné la nécessité de redéfinir, codifier et harmoniser dans le code électoral les notions de supervision (administrative), de contrôle (judiciaire) et d observation (nationale et internationale) en matière électorale pour en augmenter la cohérence. 26. Compte tenu de la politisation de l administration en général et de la justice en particulier, les trois aspects précédents posent de nombreux problèmes pour assurer la légitimité et la fiabi- 16

lité des élections. Les participants à l atelier ont réitéré la nécessité d une administration crédible, neutre et professionnelle des élections. Faisant écho au séminaire de la Cour suprême d octobre 1998, les participants à l atelier ont proposé l adoption d un code d éthique pour l administration des élections. International IDEA a d ailleurs transmis le Code de conduite adopté par les administrations électorales de ses Etats membres. 27. Il a été suggéré d établir un corps technique professionnel ayant un statut propre et regroupant les experts en matière d administration et de gestion électorale du. 28. Il a également été suggéré la mise en place d une structure permanente pour l administration des élections et la gestion de la logistique électorale. Cette structure devrait avoir des attributions clairement définies par le Code électoral (ce qui n est pas le cas pour le secrétariat permanent de la CENI, article 13 du Code électoral) et disposer de moyens suffisants (moyens humains, techniques, logistiques et financiers). Une solution devrait également être trouvée pour les attributions respectives des différents démembrements de la CENI, comme son secrétariat permanent et le Comité d appui technique, ainsi que pour son règlement intérieur (celuici, n étant pas permanent, a pris 51 jours à être établi en 1998. 29. La permanence de la structure chargée de l administration électorale permettrait par ailleurs le développement d une «mémoire électorale institutionnelle» et une gestion plus rigoureuse et efficace de la logistique et du matériel électoral. Ceci réduirait significativement les coûts récurrents des élections. 30. Quant à la composition de la CENI, la neutralité et l impartialité de celle-ci et de ses membres devraient être garanties. En effet, il a été souligné que la neutralité et l impartialité, ainsi que l efficacité et la légitimité de la commission électorale dépendent avant tout de celles de ses membres. A cet égard, la participation des partis politiques, partisans par définition, a été débattue, en s appuyant sur les expériences du Mali et du Bénin. Les partis politiques peuventils être juges et parties? Ceci n interdit pas leur présence lors des opérations électorales et leur présence dans les bureaux de vote. Au Bénin, par exemple, la CENA ne comprend pas de représentants des partis politiques, et ses membres doivent prêter serment. 31. Dans la mesure où la neutralité et l impartialité de la commission électorale sont garanties, il a été fortement suggéré que celle-ci soit responsable de la plus grande partie du processus électoral, de la révision des listes électorales et l établissement des cartes d électeurs jusqu à la centralisation des votes et la proclamation des résultats provisoires, comme c est le cas au Bénin. 32. La répartition des compétences et attributions respectives des différentes institutions impliquées dans le processus électoral nécessite également une plus grande clarification. Par exemple, et comme signalé plus haut, la division des responsabilités entre les différentes institutions chargées de l établissement, du contrôle et de la révision des listes électorales (et en particulier la radiation) est parfois trouble, si ce n est confuse. 33. Par ailleurs, les participants ont appelé à l harmonisation, dans la Constitution et dans le Code électoral, des attributions respectives des différentes chambres de la Cour suprême pendant le déroulement des opérations électorales ainsi que lors du contentieux électoral avant, pendant et après les élections (par exemple concernant le dépôt des candidatures, l établissement des listes, la confection des bulletins, le décompte des voix, etc.) et la proclamation des résultats définitifs. 34. La neutralité de l administration publique en général et de la justice en particulier dans les processus électoraux a fait l objet d intenses débats. L impartialité est la pierre angulaire de tout processus électoral légitime et crédible. La Cour suprême, en particulier, se doit de démontrer son indépendance et sa neutralité lors des élections. Garante de l Etat de droit, elle l est aussi, en dernier ressort, de la légitimité des élections. 35. Enfin, la proposition a été faite d établir un comité d experts indépendants avec pour mandat la réforme du système électoral au. Conclusions et propositions 17

La réforme du système électoral au E n c a d r é 1 Le mode de scrutin au Sénégal M Cheikh Gueye L élection du président de la République A LE DÉPÔT DES CANDIDATURES Les candidatures sont déposées au greffe du Conseil constitutionnel, trente jours francs au moins et soixante jours francs au plus avant le premier tour de scrutin. Toutefois en cas de décès d un candidat, le dépôt de nouvelles candidatures est possible à tout moment et jusqu à la veille du tour de scrutin qui suit. La candidature à la présidence de la République doit comporter: 1. Les prénoms, noms, date, lieu de naissance et filiation du candidat; 2. La mention que le candidat est de nationalité sénégalaise et qu il jouit de ses droits civils et politiques, conformément aux dispositions du titre premier du code électoral; 3. La mention que le candidat a reçu l investiture d un parti politique légalement constitué ou d une coalition de partis politiques légalement constitués, ou se présente en candidat indépendant; 4. La couleur choisie pour l impression des bulletins de vote et éventuellement le sigle et le symbole qui doivent y figurer; 5. La signature du candidat. La déclaration de candidat, quant à elle doit être accompagnée des pièces suivantes : 1. Un certificat de nationalité; 2. Un extrait d acte de naissance datant de moins de trois mois; 3. Un bulletin no 3 du casier judiciaire datant de moins de trois mois; 4. Une attestation par laquelle un parti politique légalement constitué déclare que ledit parti a investi l intéressé en qualité de candidat à l élection présidentielle ou une liste d électeurs appuyant la candidature et comportant les prénoms, nom, date et lieu de naissance, indication de la liste électorale d inscription et signature des intéressés. Cette liste doit comprendre des électeurs représentant au moins 10.000 inscrits domiciliés dans six régions à raison d au moins 500 par région : 1. Une déclaration sur l honneur par laquelle le candidat atteste que sa candidature est conforme aux dispositions de l article 3 de la Constitution et qu il a exclusivement la nationalité sénégalaise; 2. Un récépissé du trésorier général attestant du dépôt du cautionnement prévu à l article LO-111 du code électoral. NB Ce montant est fixé par arrêté du Ministre de l Intérieur après consultation des partis politiques, 180 jours avant le scrutin. Aux élections présidentielles de 1993, il était de 5.000.000 francs CFA. B LE MODE DE SCRUTIN Le président de la République du Sénégal est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Il est élu pour sept (7) ans et est rééligible à tout moment. Le scrutin a lieu un dimanche. Nul n est élu au premier tour s il n a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, c est à dire la moitié plus un au moins. Si aucun candidat n a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un second tour de scrutin, le 18

deuxième dimanche suivant celui du premier tour. Seuls sont admis à se présenter à ce second tour les deux candidats arrivés en tête au premier tour. En cas de contestation, le second tour a lieu le deuxième dimanche suivant le jour du prononcé de l arrêt du conseil constitutionnel. Au second tour, la majorité relative suffit. Les cours et tribunaux veillent à la régularité du scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique. La régularité des opérations électorales peut être contestée par l un des candidats, devant le Conseil constitutionnel dans les soixante douze heures qui suivent la proclamation provisoire des résultats par une commission nationale de recensement des votes instituée par une loi organique. Si aucune contestation n a été déposée dans les délais au greffe du Conseil constitutionnel, le conseil proclame immédiatement les résultats définitifs du scrutin. En cas de contestation, le Conseil constitutionnel statue sur réclamation, dans les cinq jours francs, du dépôt de celle-ci. Son arrêt emporte proclamation définitive des résultats du scrutin ou annulation de l élection. En cas d annulation de l élection, il est procédé à un nouveau tour de scrutin dans les vingt et un jours francs qui suivent. L élection des membres du parlement Depuis la réforme constitutionnelle du 02 mars 1998, le Sénégal est entré dans l ère du bicaméralisme avec deux chambres : L Assemblée nationale où sont élus les députés ; Le Sénat où siègent les sénateurs. Conclusions et propositions A L ÉLECTION DES DÉPUTÉS À L ASSEMBLÉE NATIONALE Le nombre de députés à l Assemblée nationale est fixé à cent quarante (140). L âge minimum requis pour être élu est de 25 ans révolus à la date du scrutin. Tout parti politique légalement constitué, toute coalition de partis politiques légalement constitués, peut présenter des listes de candidats. Toutes personnes indépendantes peuvent présenter des listes de candidats au plan national, sous réserve de se conformer à l article 3 de la Constitution. Toutefois pour pouvoir valablement présenter une liste de candidats, les personnes indépendantes concernées doivent recueillir la signature de 10.000 électeurs inscrits domiciliés dans six (6) régions à raison d au moins 500 par région. La coalition de partis politiques et les personnes indépendantes doivent choisir un titre différent de celui des partis politiques légalement constitués. Toutefois une coalition peut prendre le titre d un des partis qui la composent. Le titre de la coalition ou des personnes indépendantes doit être notifié au Ministre de l Intérieur au plus tard la veille de la clôture du dépôt des déclarations de candidature et figurer en tête de la liste des candidats présentées aux élections. Les députés à l Assemblée nationale sont élus à raison de soixante dix (70) députés au scrutin majoritaire à un tour dans le ressort du département et de (70) députés au scrutin proportionnel sur une liste nationale. Dans chaque département (il y en a 30), sont élus cinq (5) députés au plus et un député au moins. Le nombre de députés à élire dans chaque département est déterminé par décret en tenant compte de l importance démographique respective. Sont élus les candidats de la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages valablement exprimés. Si le département ne comporte qu un siège à pourvoir, le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages valablement exprimés est élu. Le bulletin de chaque électeur est tout d abord pris en compte pour établir le résultat du scrutin majoritaire à un tour du département. Il est ensuite pris en compte le cas échéant pour l établissement du résultat du scrutin proportionnel de la liste nationale. Cela signifie qu il n est utilisé qu un seul bulletin de vote pour les deux modes de scrutin. Le système du quotient national est appliqué pour le scrutin proportionnel de liste nationale. Pour 19