Parlement wallon G roupe Socialiste SECRETARIAT 081/259.572 secretariat@ps-pw.be Rue Notre-Dame 9 5000 Namur Fax : 081/ 230.945 INTERPELLATION DU DEPUTE DANIEL SENESAEL A MONSIEUR PHILIPPE COURARD, MINISTRE DES AFFAIRES INTERIEURES ET DE LA FONCTION PUBLIQUE SUR «L IMPOSITION DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS» COMMISSION DES AFFAIRES INTERIEURES DU 22 MARS 2007 M. le Ministre, chers Collègues, l'actualité de ces derniers jours m'amène à vous interpeller au sujet des travailleurs transfrontaliers. Je suis bien conscient que les compétences, plus particulièrement celles du Fédéral, sont ce qu'elles sont. Et je souhaiterais m'attarder plus spécifiquement sur les retombées de ces décisions au niveau des communes. Créées le plus souvent par l homme et par le jeu d alliances ou de politiques, les frontières ont tendance pourtant à disparaître. En Europe, en tout cas du moins, la volonté existe. Cependant, dans certains domaines, elles restent bel et bien présentes, notamment en matière d imposition pour les travailleurs transfrontaliers. Tous les jours, Belges et Français traversent la frontière pour faire leurs courses, étudier, profiter d évènements culturels, d équipements de loisirs, mais également pour travailler. Aujourd hui, des échanges non négligeables, entre l euro-métropole lilloise et les zones IEG IDETA notamment, préfigurent l émergence de bassins d emploi transfrontaliers. En 1970, dans la zone frontalière, plus de 20.000 Belges travaillaient en France. L an dernier, ils n étaient plus que 5.286, dont 3.818 en Hainaut. Dans le même temps, le nombre de travailleurs frontaliers français est passé de quelque 2.500 à 27.658, dont 15.915 dans la Province du Hainaut. Depuis 1991, le nombre de travailleurs frontaliers venant travailler en Belgique, principalement à Mouscron, Courtrai, Tournai et Mons, est devenu supérieur à celui des frontaliers allant en France. Actuellement, le flux de travailleurs frontaliers de France vers la Belgique poursuit sa croissance soutenue. De nombreux facteurs peuvent inciter les personnes résidant en Nord-Pas-de-Calais à travailler chez nous, comme la proximité géographique, des intérêts financiers relatifs aux salaires, les transports, ou encore la situation du marché du travail de part et d autre de la frontière. La Convention préventive de la double imposition conclue entre la Belgique et la France en 1964 explique, cependant, fortement ce phénomène et se caractérise par l application d une dérogation au droit fiscal. En effet, celle-ci, favorable aux personnes résidant en France et travaillant en Belgique contribue sans doute à expliquer la forte présence de frontaliers occupant un emploi en Hainaut. 1
Celle-ci prévoit un régime spécifique pour les travailleurs frontaliers qui sont imposés dans l État de leur résidence, contrairement au modèle de convention de l OCDE qui prévoit en principe une imposition au lieu d exercice de l activité. Par dérogation au principe général selon lequel le droit d imposer les traitements, salaires et autres rémunérations analogues est conventionnellement acquis à celui des deux États - Belgique ou France - sur le territoire duquel s exerce l activité personnelle source de revenus, le régime spécifiquement applicable aux travailleurs frontaliers attribue le pouvoir d imposer de tels revenus à l État de résidence du bénéficiaire. Ce régime concerne les travailleurs qui ont leur foyer d habitation permanent dans la zone frontalière d un État contractant et qui exercent exclusivement leur activité de salarié dans la zone frontalière de l autre État contractant. Diverses circulaires sont venues au fil du temps, adapter la convention de 1964 et parfois y apporter des restrictions. Diverses pétitions arguant du caractère discriminatoire ou tentatives de négociation de cette convention ont jusqu à aujourd hui échouées. En effet, les autorités européennes ont déjà rappelé que «la fixation des règles concernant le droit d imposition relève, en l absence d une harmonisation communautaire de la fiscalité directe des personnes physiques, de la compétence des États membres et de conventions fiscales bilatérales conclues entre les différents États membres concernés». La Commission estime dans la situation actuelle que les États membres sont les mieux placés pour régler entre eux la répartition du droit d'imposition, compte tenu de chaque situation particulière. La dernière modification apportée à la convention a des répercussions extrêmement contraignantes et lourdes, les employeurs et la FEB sont donc montés au créneau auprès du Ministre des Finances, M. Reynders. Leurs résidents se retrouvant en première ligne, les autorités françaises ont réagi et accepté de s asseoir de nouveau autour de la table pour discuter de la convention. Après de nombreuses négociations, un accord se profile en vue d enfin régler la problématique du statut fiscal des travailleurs frontaliers franco-belges. La solution envisagée est de supprimer purement et simplement le statut de frontaliers pour les Belges qui vont travailler en France. À l avenir, ils relèveraient donc du modèle OCDE qui veut que le travailleur paie ses impôts dans le pays où il exerce son activité professionnelle. Cependant, une solution transitoire devrait être adoptée. Dès lors, un Belge qui travaille en France sera assujetti à l impôt sur les revenus français. Il serait dès lors plus intéressant pour un Belge à salaire égal d aller travailler en France, la fiscalité directe étant moindre. Pour les communes situées dans les zones frontalières, cette nouvelle situation aura des conséquences dommageables sur leurs finances. En effet, elle entraînera la non-perception de 2
l impôt sur les personnes physiques et des centimes additionnels communaux, donc une perte de revenus importante. Ajouter à l'attrait qu'apporte notre système fiscal, le nombre de personnes qui éluderont l'impôt provoquera un afflux sur les communes limitrophes. Dès lors, le prix de l'immobilier explosera et rejettera vers l'intérieur du pays les populations autochtones avec un moindre pouvoir d'achat. D'où, à nouveau une perte additionnelle de revenus et donc d'impôts additionnels à l'impôt des personnes physiques. Dès lors, Monsieur le Ministre, une concertation avec le Fédéral sur les conséquences de ces décisions en la matière sur les finances communales wallonnes a-t-elle déjà eu lieu? Vu l impact sur les finances communales limitrophes, avez-vous été associé aux diverses négociations sur cette question délicate? Des concertations avec l'union des villes et des Communes wallonnes ont-elles eu lieu? De plus, avec ce nouveau régime, le rôle sur les secondes résidences devient obsolète et provoque une décrue financière récurrente qui s élève à titre d exemple, pour ma commune, Estaimpuis, à 58.500 euros par an, soit 130 secondes résidences à 450 euros. Monsieur le Ministre, ce n'est pas la première fois que le Fédéral prend des mesures ayant un impact non négligeable sur les finances communales. Or, contrairement à ce qui se fait au niveau régional, celui-ci ne prévoit pas de compensation pour les communes lésées. Ainsi, la récente modification de la Législation relative à la TVA nous montre que l'augmentation des dépenses communales et la fragilité de leur équilibre financier ne semblent pas préoccuper notre Ministre fédéral des Finances. Sans doute, préfère-t-il laisser le travail le plus délicat à la Région, directement responsable de l'organisation et du financement des Communes. Dès lors, l État Fédéral, via son Ministre des Finances, envisage-t-il de prendre enfin ses responsabilités et de compenser cette perte de revenus? Comptez-vous, M. le Ministre, intervenir auprès de vos Collègues du Fédéral afin de définitivement permettre une stabilité financière des communes en général et dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, des communes transfrontalières en particulier? Réponse du Ministre : Je vous remercie Madame la Présidente. Je vais faire de mon mieux pour répondre aux trois intervenants. Depuis de nombreuses années, les communes limitrophes à la France subissent des pertes croissantes de recettes d additionnels à l impôt des personnes physiques. En effet, il y a plusieurs catégories de travailleurs qui s installent dans les communes belges à la frontière française, tout en échappant à l impôt local grâce à un statut spécifique de travailleurs frontaliers. Le nœud du problème, se situant dans la convention fiscale datant du 10 mars 1964 relative à la prévention de double imposition, les autorités belges tentent de renégocier cette convention franco-belge, sans grand succès jusque récemment. 3
En effet, dans un communiqué de presse du 14 mars dernier, le Ministre Reynders annonce que les pourparlers auraient abouti très récemment à un accord partiel. Relevons que cet accord doit encore être soumis aux Parlements des deux pays, ce qui n'est pas une mince affaire, en vue de son approbation. Il ne s agit donc pour l instant que d un projet, il ne faut pas trop construire et bâtir et quand on parle de compensation etc., on n'en est évidemment pas encore là. À ce jour, la Région wallonne n a pas été associée aux discussions ou aux contacts qui ont pu avoir lieu avec les autorités françaises et belges. L Union des Villes et Communes n aurait pas non plus été consultée, d'après nos renseignements. Quant aux risques encourus par les communes, je relèverai qu à l'heure actuelle, il y aura des conséquences dans le projet d accord. Tout d'abord, tout résident français, travaillant en Belgique, paierait ses impôts en France. Là, Monsieur Crucke, cela déroge aux principes de l'ocde. On peut espérer que les Belges qui avaient «fui» la Belgique en prenant une résidence fictive en France, dans le seul but de se voir appliquer l impôt français, reviennent en Belgique puisque la suppression du régime frontalier ne changera rien à leur statut : ils resteront soumis à l impôt français. Les discussions seraient toujours en cours pour obtenir de la France une compensation comme avec le Grand-Duché de Luxembourg, à la différence cependant que la compensation qui sera due par la France sera temporaire puisqu elle a pour but de compenser la Belgique pour la subsistance du régime frontalier actuel qui reste maintenu pour les seuls Français durant une période transitoire. Selon, les informations dont je dispose, cette période serait fixée à 25 ans. Cette question relève toutefois de la compétence du Gouvernement fédéral, je vous invite à interpeller directement le Ministre des Finances, afin de lui rappeler que s il convient, certes, de conclure une convention avec la France qui règle le statut des frontaliers et prévoit éventuellement pour ces derniers, une période de transition suffisante. Cette convention doit également garantir aux communes un financement adéquat compensatoire, afin de maintenir une offre de service de qualité à l ensemble de leurs résidents. Alors, on me demande de m'engager, c'est un petit peu compliqué, parce qu on n'est encore qu'au stade des déclarations d'intention. Mais je peux rassurer M. Fourny, en effet je considère qu il faut adopter une attitude plus juste, plus équilibrée et équitable. J'aspire à des décisions qui seront prises par le Gouvernement, pour essayer d'avoir un équilibre, une équité, sur l'ensemble de ces personnes. Alors, concernant le discours du «salaire poche» de M. Crucke où tout le monde peut être heureux à condition de moins taxer. Mais il faut comparer ce qui est comparable, notamment les services rendus et je constate que nos amis français fréquentent beaucoup plus nos écoles et nos homes. Donc, cela veut bien dire que nous offrons des services supplémentaires, je veux bien taxer un peu moins mais il faut aussi accepter de vivre avec moins de services. Reprise de parole du Député : 4
Tout d'abord, je remercie Monsieur le Ministre pour sa réponse. Je sais bien que le centre décisionnel se trouve au Fédéral et en l'occurrence au sein du Cabinet du Ministre Reynders. Mais, je voulais attirer votre attention sur les répercussions financières importantes pour les finances communales et cela, c'est de votre responsabilité. Je voulais aussi dire que l'union des Villes et Communes n'a pas été mise en situation de discussion, je vais les interpeller à ce sujet puisqu en tant que syndicat de nos communes, elle a la mission de nous représenter. Je prends bonne note, par ailleurs, des propos de M. Fourny, quand il dit que la répartition annoncée par M. Reynders des 25 millions d'euros en 2009, reviennent directement dans l'escarcelle des communes concernées. Je ne peux évidemment qu'appuyer cette problématique. Mais je voulais attirer votre attention, M. le Ministre, sur le Fonds des communes. Je pense qu'une commune limitrophe comme Estaimpuis avec 10.000 habitants, 23 kilomètres de frontière, 22 % de Français qui ne cotisent pas pour diverses raisons : ils sont fonctionnaires et donc ne paient pas d'impôts en Belgique ; ils ont une seconde résidence ; ils ont une grosse fortune ou bien parce que maintenant ils vont travailler en France et donc ils payeront leurs impôts en France. En effet, il me paraît anormal que 70 % de la population doivent payer les services pour l ensemble de la population. Cette situation devra être prise en considération dans la répartition des critères du Fonds des communes. Je vous remercie de votre attention. 5