Soins de santé : faut-il favoriser la prévention?



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Transcription:

Soins de santé : faut-il favoriser la prévention?

Malgré ses qualités, le système de santé belge reste perfectible. L'accessibilité et l'utilisation des soins de santé restent inégalitaires. Alors que les dépenses en soins de santé augmentent inexorablement, accroître la prévention grâce à des campagnes de sensibilisation ciblées et un meilleur remboursement par l'assurance maladie obligatoire pourrait permettre d'atteindre un double objectif : limiter les dépenses publiques en matière de santé et favoriser l'accès aux soins des populations fragiles. En quelques mots : Certains soins ne sont pas ou peu couverts par l'assurance obligatoire. L'utilisation des soins de santé reste inégalitaire. Faut-il accroître la prévention et étendre l'assurance obligatoire? Mots clés liés à cette analyse : Assurances, inclusion en matière d'assurance. 1 Introduction La santé est l'un des droits fondamentaux de l'être humain. L'assurance maladie a été conçue dans le respect de ce droit, avec comme objectif de veiller à ce que l ensemble de la population ait accès à des services de soins préventifs et curatifs de qualité, sans que leur coût n'entraîne des difficultés financières pour les usagers. Pour les pouvoirs publics, un difficile équilibre doit être respecté entre la qualité, le coût et l'accès aux soins. L'assurance obligatoire soins de santé constitue indéniablement un élément essentiel de la politique de protection sociale des citoyens et participe de manière active à l'inclusion sociale de ces derniers. 2 Les dépenses de soins de santé en Belgique Le montant total des dépenses courantes consacrées aux soins de santé en Belgique augmente sans discontinuer. Il s'élevait en 2012 à près de 41 milliards d'euros 1 - contre 26,6 milliards en 2003. La part des soins de santé dans le PIB est désormais de 10,9 %, atteignant un niveau inégalé jusque-là. 1 Assurinfo n 16, «Les dépenses nationales en soins de santé 11e édition». 2/9

Les pouvoirs publics représentent la principale source de financement de ce système, en intervenant à hauteur de 75 % dans le total des dépenses. La majeure partie des dépenses provient de l'assurance maladie obligatoire qui fait partie de la Sécurité sociale fédérale et est gérée par l'institut national d'assurance maladie et invalidité (INAMI). L'assurance maladie obligatoire offre une couverture étendue des frais médicaux à pratiquement toute la population belge, puisque 99 % de la population en bénéficie. 3 Les limites de l'assurance obligatoire Des difficultés persistent dans l accès et l'usage des soins de santé En dépit de cette couverture étendue, des difficultés persistent à la fois dans l'accès et l'usage des soins de santé. L'assurance obligatoire ne garantit pas une couverture complète des soins de santé. Parmi les frais qui sont couverts de façon limitée par celle-ci, on retrouve l'hospitalisation, les lunettes, les soins dentaires et d'orthodontie ou encore les consultations dans le secteur de la santé mentale. En l'absence d'une couverture adéquate, il est nécessaire de souscrire une assurance complémentaire pour bénéficier d'un remboursement de ces frais. La moitié des Belges (5,47 millions de contrats) disposent d une assurance privée 2. En comptant les assurances facultatives souscrites auprès des mutualités, le nombre total d'assurances complémentaires souscrites était d'environ 8,2 millions en 2011. Ces chiffres sont sans doute à relativiser. Les assurances complémentaires sont moins accessibles aux personnes en situation de pauvreté. Selon l'union nationale des mutualités socialistes 3 : «75% des dépenses de santé se concentrent sur 10% de la population. Or, les assureurs privés en concurrence veulent à tout prix éviter ces «mauvais risques» qui font baisser leur rentabilité. Ils pratiquent donc une forte sélection des risques qu ils couvrent et une segmentation des primes. Ainsi, selon le KCE, 40% de la population n aurait pas d assurance hospitalisation complémentaire (alors que 16% seraient doublement assurés!). Il s agit principalement de personnes âgées, de malades chroniques et des ménages fragilisés sur le plan socioéconomique.» Malgré les différents dispositifs existants, la contribution directe des ménages belges aux dépenses de soins de santé reste une des plus élevées en Europe (20,4 %). Elle comprend le ticket modérateur (soit la fraction du tarif qui reste à charge du patient) et les autres frais non remboursés par l'assurance obligatoire ou les assurances complémentaires (certains médicaments par exemple). 2 http://www.assuralia.be/fileadmin/content/stats/03_cijfers_per_tak/05_gezondheid/04_aantal_verzekerden/f R/01_Aantal_verzekerden%2001.htm 3 «Accessibilité financière des soins de santé», Union nationale des mutualités socialistes (2014). 3/9

4 Et les soins préventifs? Au vu des conséquences d'une absence de soins qui entraîne parfois des interventions tardives extrêmement coûteuses, accroître la prévention est crucial pour réduire les dépenses. On distingue, d'une part, la prévention médicale (vaccinations, détection de maladie) et, d'autre part, la prévention non médicale qui porte sur les conditions de vie. Bien que les dépenses de soins de santé aient un impact positif sur l'allongement de la durée de vie, plusieurs études scientifiques 4 affirment que les comportements personnels (consommation de tabac, alcool...) sont le premier déterminant de l'espérance de vie. Augmenter les actions préventives orientées vers une diminution de la consommation de tabac et d alcool, une diminution des facteurs environnementaux nocifs et une consommation plus régulière de fruits et de légumes apporterait donc davantage de bénéfices pour la santé. Des maladies coûteuses, à la fois en nombre de vies et en termes financiers pourraient ainsi être évitées (cancers, diabètes, maladies cardiovasculaires). En Belgique, seuls 2,5 % des moyens sont affectés à la prévention, ce qui est peu comparé aux autres pays européens. 5 Le budget consacré aux soins préventifs reste donc marginal en comparaison du budget alloué aux soins curatifs. Actuellement, les autorités compétentes en matière de prévention sont les Communautés 6, et les moyens que le fédéral affecte actuellement à la prévention seront transférés vers ces entités fédérées. Il s agit concrètement de la vaccination, du dépistage, du programme national nutrition santé, de l hygiène dentaire dans les écoles et du sevrage tabagique. Le Fonds de lutte contre les assuétudes (5 millions d euros) sera également transféré aux entités fédérées. 4 Citées dans Regueras N., «Analyse des données OCDE 2011 : mise en perspective des soins de santé belges au regard de l Europe», MC-Information n 247. 5 Selon les chiffres d'assuralia. Par comparaison, les pays de l OCDE consacrent en moyenne 3,2 % de leurs dépenses publiques de santé aux activités de prévention telles que des programmes de vaccination et des campagnes de santé publique sur l abus d alcool et de tabac. 6 MC-Information n 247. 4/9

Les campagnes de prévention, ça marche? Le marketing social désigne l'utilisation des techniques du marketing commercial à des publics touchés par des problématiques sociales, culturelles ou environnementales. Dans le domaine de la santé, les pouvoirs publics ont souvent recours au marketing social pour élaborer des campagnes de prévention. Leur objectif principal est de créer, renforcer ou modifier certaines attitudes afin qu elles génèrent des comportements davantage bénéfiques pour la santé. Des chercheurs ont passé en revue différentes études anglaises évaluant l'efficacité de campagnes de prévention menées dans différents milieux (écoles, épiceries, médias) et sur des groupes cibles variés 7. La majorité de ces actions ont eu des effets positifs sur la population en ce qui concerne l'adoption d'une alimentation plus saine, l'abandon et la prévention de l'alcool, du tabac et des drogues illicites. Seuls les résultats des interventions sur l activité physique ont été moins convaincants. 5 Des inégalités persistantes Malgré l'augmentation du nombre de dispositifs visant à augmenter le remboursement partiel des frais médicaux pour les personnes qui présentent un risque accru de pauvreté ou de précarité 8, l'utilisation des soins de santé reste inégalitaire. Selon une enquête réalisée en Wallonie en 2013 9, une personne sur cinq a retardé ou renoncé à des soins pour des raisons financières durant l'année écoulée alors qu elle en avait besoin. Des chiffres similaires ont été obtenus pour la Région bruxelloise (22,5 %). 10 Les soins de première ligne (consultations de médecine générale, médicaments, soins dentaires...) sont plus fréquemment reportés. 7 Gordon R, McDermott L, et al. The effectiveness of social marketing interventions for health improvement : What s the evidence?, Public Health, décembre 2006, 1133-1139. 8 Quelques exemples de dispositifs : le dossier médical global (DMG), l'intervention majorée (BIM) ou le maximum à facturer. 9 Union nationale des mutualités socialistes (2013), «Report ou renoncement à des soins de santé et à des médicaments prescrits suite à des difficultés financières». 10 D après l Enquête Santé 2013, près d un quart des ménages bruxellois (22,5 %) déclaraient avoir retardé des soins de santé pour raisons financières. Source : Demarest S. (2015), «Accessibilité financière aux soins de santé». Dans: Drieskens S. & Gisle L. (éd.). Enquête de santé 2013. 5/9

Les classes sociales les plus pauvres recourent notamment beaucoup moins aux dispositifs de prévention, malgré le fait que certains soins ou dépistages soient peu chers ou gratuits. En dépit de la mise en place de mécanismes incitatifs destinés à encourager les gens à aller régulièrement chez le dentiste 11, seuls 20 % des bénéficiaires du RIS ont reçu un soin préventif dentaire en deux ans, contre 40 % pour le reste de la population. 12 Comment expliquer un tel écart? Les actions de prévention semblent atteindre plus difficilement les catégories défavorisées, pour des raisons diverses : les visites «de contrôle» chez le médecin coûtent cher, les campagnes s'adressent souvent aux classes moyennes 13, les moyens mis en œuvre sont souvent insuffisants pour atteindre les populations les plus pauvres, l'approche est trop individualisée et n'implique pas tout l'entourage (parents, école, quartier)... 14 La prévention a pourtant un rôle crucial à jouer auprès des publics défavorisés. Le tabagisme est en effet plus élevé et le régime alimentaire moins sain parmi les classes les moins éduquées de la population 15. 6 Des coûts plus élevés en l'absence de prévention L'absence d'utilisation des soins de première ligne a un impact sur les dépenses en soins de santé. Dans de nombreux cas, le report des soins engendre une détérioration de la situation et des frais plus élevés à terme, notamment lorsqu'il faut passer par une hospitalisation. Le recours à l hôpital est souvent synonyme de soins plus lourds. Or, les bénéficiaires du revenu d intégration sociale ont 1,6 fois plus de risques que le reste de la population de se rendre aux urgences. Ils sont également plus nombreux à séjourner à l hôpital général ou psychiatrique. 16 Cela s'explique par la confiance dans 11 Les soins préventifs sont complètement remboursés avant l'âge de 18 ans. Pour les plus de 18 ans, les détartrages sont mieux remboursés quand le dentiste a été consulté au cours de l'année précédente. 12 Henin E. (2013), «Les bénéficiaires du revenu d intégration sociale s y retrouvent ils dans le système de soins de santé?», Mutualité chrétienne. 13 Par exemple, la brochure renvoie à un site internet. 14 Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale (2005), «Le droit à la protection de la santé 10 ans après le rapport général sur la pauvreté». 15 Inami, Kluwer & Médecins du monde (2014), «Livre vert sur l'accès aux soins de santé», p.27. 16 Henin E. (2013), «Les bénéficiaires du revenu d intégration sociale s y retrouvent ils dans le système de soins de santé?», Mutualité chrétienne. 6/9

l'institution, mais aussi parce que cette formule permet de payer ultérieurement la facture. Bien que le système du tiers payant 17 chez le généraliste soit supposé avoir le même effet, son utilisation n est pas encore généralisée. Cette sur-hospitalisation est beaucoup plus coûteuse pour la collectivité. Les soins hospitaliers sont un des principaux postes de dépenses en soins de santé (11,8 milliards d'euros). Et ce n'est pas tout. En Wallonie, une enquête a révélé que les factures d hôpitaux représentent la dette de soins de santé la plus fréquente dans les dossiers de médiation de dettes. Les factures provenant des urgences apparaissent de plus en plus fréquemment. 18 7 Étendre l'assurance obligatoire? Une partie des coûts qui sont peu ou non couverts par l'assurance obligatoire apparaissent inévitables. Aujourd hui, avoir des dents saines n est pas un luxe. L assurance obligatoire est sans doute le meilleur choix pour couvrir ces coûts. Premièrement, elle n exclut personne. Deuxièmement, elle coûte moins cher au citoyen. En effet, les frais de gestion des assurances privées représentent 23,5 % des dépenses de santé contre 4,1% pour l assurance obligatoire. 19 Alors que les budgets publics sont serrés et que les dépenses en soins de santé ne font que croître à fur et à mesure du vieillissement de la population, il peut sembler contre-intuitif d'étendre encore l'assurance maladie obligatoire. Toutefois, il ne s'agit pas nécessairement de dépenser plus, mais de dépenser mieux. Des efforts accrus en matière de prévention aujourd hui pourraient, à terme, diminuer les dépenses dédiées aux soins curatifs. 17 Lors d'une consultation chez un prestataire de soins, il est convenu de payer un certain montant dont une partie sera remboursée ultérieurement par la mutualité. Le tiers payant permet de ne pas avancer la somme qui sera remboursée. On ne paye donc que le ticket modérateur (le coût restant à la charge du patient). 18 Duvivier, Romain (juillet 2011). «Les personnes surendettées sont-elles en bonnes santé?», Échos du crédit et de l endettement, n 30. Cité dans Rapport du service interfédéral de lutte contre la pauvreté 2012-2013. 19 «Accessibilité financière des soins de santé», Union nationale des mutualités socialistes (2014). 7/9

Des dents saines, un luxe? En matière de santé dentaire, un patient paie en moyenne 649 de suppléments sur ses soins d orthodontie remboursés. Pour des soins non-remboursés tels que les prothèses ou les implants dentaires, les frais s'élèvent en moyenne à 1.648. Au total, 48 % des soins dentaires restent à la charge des patients. 20 La moitié seulement des Belges se rend au moins une fois par an chez le dentiste. 21 La crainte de faire face à des frais élevés y joue certainement un rôle. Les soins dentaires sont souvent retardés... jusqu au moment où la situation devient intenable. Cela implique des coûts élevés pour l assurance maladie. Au vu des liens existant entre la santé bucco-dentaire et la santé en général 22, un meilleur remboursement de certains soins dentaires par l'assurance maladie est susceptible de diminuer les dépenses en soins de santé. Des actions de sensibilisation ciblées permettraient également d'augmenter la fréquence des visites chez le dentiste. 8 Accroître la prévention Les soins préventifs et curatifs doivent former un ensemble intégré dans la politique de la santé. Malgré l efficacité de mesures préventives comme la vaccination et les campagnes de lutte contre l obésité ou le tabagisme, la prévention occupe encore une faible part des dépenses publiques. Pour combattre des comportements nocifs tels que la consommation d'alcool ou de tabac, il convient d'accroître la prévention et l'éducation à la santé, tout en ciblant davantage les publics défavorisés, qui sont les principales victimes de ces comportements. Bien qu'il soit compliqué d'émettre un jugement financier clair sur la question, l'extension de l'assurance maladie obligatoire pourrait également permettre de favoriser l'accès à certains soins préventifs, et d'éviter des coûts ultérieurs, réduisant ainsi la facture totale des soins de santé. 20 «Accessibilité financière des soins de santé», Union nationale des mutualités socialistes (2014). 21 Alliance nationale des Mutualités chrétiennes (2014), «Combien coûtent vos soins dentaires? Enquête nationale MC sur les soins dentaires», p.10. 22 Par exemple, la parodontite favoriserait les maladies cardio-vasculaires. Source : «Combien coûtent vos soins dentaires? Enquête nationale MC sur les soins dentaires», p.2, Alliance nationale des Mutualités chrétiennes (2014). 8/9

Il existe un consensus dans notre société : tout le monde doit avoir accès à des soins de santé de qualité. Il n'est pas acceptable que la protection sociale en matière de soins de santé se réduise de plus en plus au profit d assurances complémentaires facultatives. Étendre l'assurance maladie obligatoire témoignerait de cette volonté de garantir un accès aux soins pour tous. Arnaud Marchand Décembre 2015 Si vous le souhaitez, vous pouvez nous contacter pour organiser avec votre groupe ou organisation une animation autour d'une ou plusieurs de ces analyses. Cette analyse s'intègre dans une des 3 thématiques traitées par le Réseau Financité, à savoir : Finance et société : Cette thématique s'intéresse à la finance comme moyen pour atteindre des objectifs d'intérêt général plutôt que la satisfaction d'intérêts particuliers et notamment rencontrer ainsi les défis sociaux et environnementaux de l'heure. Finance et individu : Cette thématique analyse la manière dont la finance peut atteindre l objectif d assurer à chacun, par l'intermédiaire de prestataires «classiques», l'accès et l'utilisation de services et produits financiers adaptés à ses besoins pour mener une vie sociale normale dans la société à laquelle il appartient. Finance et proximité : Cette thématique se penche sur la finance comme moyen de favoriser la création de réseaux d échanges locaux, de resserrer les liens entre producteurs et consommateurs et de soutenir financièrement les initiatives au niveau local. Depuis 1987, des associations, des citoyens et des acteurs sociaux se rassemblent au sein du Réseau Financité pour développer et promouvoir la finance responsable et solidaire. Le Réseau Financité est reconnu par la Communauté française pour son travail d éducation permanente. 9/9