RÉPUBLIQUE ET CANTON DU JURA



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RÉPUBLIQUE ET CANTON DU JURA TRIBUNAL CANTONAL COUR ADMINISTRATIVE ADM 105 / 2012 Président : Pierre Broglin Greffier : Jean Moritz JUGEMENT DU 18 FEVRIER 2013 en la cause liée entre X., - agissant en tant que besoin par sa curatrice, Mme Y., Service d'action sociale de A., recourante, et le Service de l'action sociale, Faubourg des Capucins 20, 2800 Delémont, intimé, relative à la décision de l'intimé du 14 septembre 2012. CONSIDÉRANT En fait : A. X. (ci-après : la recourante) a terminé son apprentissage de gestionnaire de commerce et obtenu son CFC en juillet 2012. Sans emploi, elle s'est inscrite au chômage comme demandeuse d'emploi à l'office régional de placement à Delémont. Etant dans l'attente d'une décision d'octroi de prestations de chômage, elle s'est adressée au Service de l'action sociale afin d'être mise au bénéfice de prestations d'aide sociale dès le mois d'août 2012. La recourante est sous mandat de curatelle, assumé par Y. du Service d'action sociale de A. En date du 9 juillet 2012, la recourante a perçu un montant de CHF 4'060.- relatif à un versement rétroactif de prestations complémentaires pour la période de juin 2011 à juillet 2012. Au vu de ce versement, elle disposait d'un solde de CHF 6'202.70 sur son compte bancaire au 31 juillet 2012.

2 B. Par décision du 14 septembre 2012, le Service de l action sociale (ci-après : l'intimé) n'a octroyé une aide financière provisoire à la recourante qu'à partir du mois de septembre 2012 au motif qu'elle disposait d'une fortune de plus de CHF 6'000.- sur un compte bancaire au moment de sa demande. Or une personne sollicitant l'aide matérielle doit préalablement utiliser ses actifs, un montant de CHF 4'000.- étant laissé à la libre disposition d'une personne seule. C. Le 28 septembre 2012, X. a formé opposition contre cette décision en relevant que durant son apprentissage, elle était au bénéfice d'une rente pour enfant et de prestations complémentaires. Elle précise que les différents calculs des prestations complémentaires établis en octobre 2011 par la Caisse de compensation du canton de Berne prenaient faussement en compte un montant de CHF 3'480.- par an à titre d'allocations familiales. La Caisse de compensation a corrigé sa décision en juillet 2012 et lui a accordé rétroactivement un montant de CHF 4'060.-, ce qui correspond à des prestations complémentaires mensuelles de CHF 290.-. Elle précise que la Caisse de compensation a pris également en compte le versement d'une pension alimentaire due par son père, à hauteur de CHF 3'600.- par année alors que ce dernier n'a jamais honoré ses obligations et elle n'a pas pu toucher de prestations de l'arpa dès lors que ses revenus dépassaient les normes en la matière. Partant, elle estime avoir été pénalisée durant une année de CHF 590.- par mois sur les calculs de prestations complémentaires dont elle a bénéficié et considère que si lesdits montants lui avaient été versés mensuellement depuis juin 2011, elle n'aurait pas disposé d'un solde en compte dépassant CHF 4'000.- au 31 juillet 2012. D. Le 9 octobre 2012, l'intimé a rejeté l'opposition de la recourante en réitérant que conformément au principe de subsidiarité et sauf motifs dûment justifiés, l'aide matérielle n'est accordée qu'après que la bénéficiaire a épuisé sa fortune. En l'occurrence, il considère que le solde d'un compte en banque, qui peut être utilisé immédiatement pour subvenir aux besoins courants, doit être pris en considération dans le calcul de la fortune. Au vu du montant de celle-ci, l'intimé ne pouvait intervenir pour une aide avant le mois de septembre 2012. Par mémoire du 29 octobre 2012, X., agissant par sa curatrice, a recouru contre cette décision auprès de la Cour administrative en demandant l'annulation de celleci et l'octroi d'une aide sociale dès le 1 er août 2012. Reprenant pour l'essentiel les motifs invoqués dans son opposition, la recourante allègue que le versement rétroactif à titre de prestations complémentaires par la Caisse de compensation du canton de Berne doit être considéré comme un motif dûment justifié, au sens de l'arrêté fixant les normes applicables en matière d'aide sociale, permettant de s'écarter de la règle selon laquelle l'aide matérielle n'est versée qu'après épuisement de la fortune, sous réserve de la part de CHF 4'000.- laissée à la libre disposition des bénéficiaires. Partant, le versement litigieux ne devrait pas la priver de l'aide financière à laquelle elle aurait droit pour le mois d'août 2012.

3 E. Dans son mémoire de réponse du 21 novembre 2012, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite des frais et dépens, en reprenant l'argumentation développée dans sa décision sur opposition. Il précise que l'origine des moyens disponibles du demandeur d'aide sociale est sans importance, à moins qu'il ne s'agisse de prestations reçues au titre de réparation du tort moral ou d'indemnité pour atteinte à l'intégrité. F. Dans sa prise de position du 7 décembre 2012, la recourante a repris son argumentation antérieure en précisant qu'en raison d'incohérences du système, elle a été pénalisée financièrement à hauteur de CHF 590.- par mois durant la dernière année de son apprentissage. Elle considère dès lors la décision de l'intimé comme une nouvelle injustice, puisque le refus d'octroi d'aide sociale pour le mois d'août 2012 est essentiellement motivé par le versement rétroactif de prestations complémentaires. Enfin, elle relève qu'en matière d'aide sociale, il convient de prendre en compte les revenus du bénéficiaire mois par mois et de les attribuer strictement aux périodes concernées. Partant, le versement rétroactif en cause doit être pris en compte par l'intimé à titre de revenu et pas de fortune. En droit : 1. 1.1 Selon l article 73 de la loi sur l action sociale (RSJU 850.1, LASoc), les décisions prises en application de celle-ci sont sujettes à opposition et à recours conformément aux dispositions du code de procédure administrative en la matière. 1.2 La compétence de la Cour administrative est donnée par l'article 160 litt. b Cpa. Dès lors que la valeur litigieuse est inférieure à CHF 8'000.- il appartient au président de la Cour de statuer seul (cf. art. 142 al. 2 Cpa). 1.3 Déposé au surplus dans les formes et délai légaux par une personne ayant manifestement la qualité pour recourir, le recours est recevable, de sorte qu il y a lieu d entrer en matière. 2. 2.1 Selon l article 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Comme l'a précisé le Tribunal fédéral, ce droit fondamental ne comprend qu'un minimum, c'est-à-dire les moyens indispensables dans une situation de détresse, conçus comme une aide pour faire face à l'urgence et assurer la survie (ATF 130 I 71 = JT 2005 I 377 consid. 4.1). Le droit constitutionnel fédéral ne garantit que le principe du droit à des conditions minimales d existence et laisse au législateur fédéral, cantonal ou communal, le soin d'en fixer la nature et les modalités (TF 2P. 196/2002, du 3 décembre 2002, consid. 4.1).

4 2.2 Dans le canton du Jura, l action sociale comprend l ensemble des mesures (information et prévention, aide personnelle ou matérielle, insertion, soutien à des institutions publiques ou privées) dispensées par l Etat, les communes et d autres institutions publiques ou privées pour venir en aide aux personnes en proie à des difficultés sociales ou dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins essentiels (art. 3 LASoc). Une personne est dans le besoin lorsqu elle éprouve des difficultés sociales ou ne peut, par ses propres moyens, subvenir d une manière suffisante ou à temps à son entretien ou à celui des personnes dont elle a la charge (art. 5 al. 2 LASoc). L aide sociale est subsidiaire aux prestations découlant du droit de la famille ainsi qu aux prestations des assurances sociales et autres prestations sociales fédérales, cantonales et communales. Elle est accordée à titre de complément en cas d insuffisance des autres catégories de prestations (art. 7 LASoc). L article 5 de l ordonnance sur l action sociale (RSJU 850.111) précise que le bénéficiaire de prestations sociales doit entreprendre tout ce qui est possible en vue d améliorer son autonomie financière et sociale et de réduire son besoin d aide. Les directives de la Conférence suisse des institutions d action sociale (CSIAS) vont dans le même sens. L aide sociale reste subsidiaire par rapport aux autres sources de revenus provenant de l effort personnel consenti par la personne dans le besoin, à savoir l utilisation de son revenu et de sa fortune disponibles, des prétentions de droit public ou privé, soit assurances sociales, contributions d entretien, demandes de dommages et intérêts ou bourse, ainsi que des prestations volontaires de tiers. Le principe de la subsidiarité implique que l aide sociale représente le seul moyen d éliminer une situation d indigence dont le bénéficiaire n est pas responsable (CSIAS 04-05 A.4-1, TF 2P. 59/2001, du 11 septembre 2001, consid. 2b ; Félix WOLFFERS, Fondement du droit de l aide sociale, Berne 1995, p. 141). 2.3 Le principe de l'individualisation oblige l'autorité à fournir une aide sociale selon les particularités et les besoins du cas d'espèce. Le principe de l'individualisation est une idée directrice caractéristique de l'aide sociale. Par ce principe, l'aide sociale se distingue en particulier de l'assurance sociale avec ses prestations typées et largement prédéterminées dans leur montant, qui sont fournies indépendamment des besoins réels. Le besoin sera déterminé de manière individuelle d'une part, et on adoptera d'autre part la nature et l'étendue de l'aide à la situation concrète. Le principe de l'individualisation oblige tout d'abord l'autorité à se renseigner clairement sur l'origine de la situation d'indigence. L'ampleur de l'aide sociale tiendra compte des besoins individuels. En ce qui concerne l'aide matérielle, le principe d'individualisation entre ainsi périodiquement en conflit avec les directives en matière d'aide sociale appliquées dans la pratique qui prévoient des forfaits. Ces directives sur l'aide sociale relativisent ainsi le principe de l'individualisation dans le domaine de l'aide économique, sans le supprimer pour autant. Le principe de l'individualisation oblige l'autorité à déroger aux directives dans certains cas isolés, lorsqu'une raison suffisante le justifie (WOLFFERS, op. cit., p. 79ss). C'est à la lumière de ces principes que le recours doit être examiné.

5 3. Dans un premier moyen, la recourante allègue que le calcul d'octroi d'aide sociale s'effectue en prenant en compte les revenus mensuels et en les attribuant strictement aux périodes concernées. Elle estime dès lors que les prestations complémentaires versées rétroactivement par la Caisse de compensation du canton de Berne doivent être prises en compte par l'intimé à titre de revenu. Partant, il convient de déterminer si l'on peut tenir compte du versement rétroactif dans le budget d'aide sociale de la recourante. 3.1 En matière d'assurances sociales, il existe différentes situations dans lesquelles un paiement rétroactif peut intervenir. Dans le domaine des prestations complémentaires, un paiement d'arriérés peut notamment survenir lorsque l'organe d'exécution procède à un nouveau calcul à la suite d'une reconsidération de sa décision (art. 53 al. 2 LPGA). 3.2 Les prestations d assurance sociales versées rétroactivement ne peuvent être intégrées dans le calcul de l aide sociale octroyée que si les prestations coïncident en termes personnels et matériels (nature et montant de la prestation), ainsi qu en termes de période. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) fixe, entre autres, la coordination entre les prestations de l aide sociale et les prestations d assurance sociale et admet une cession des paiements rétroactifs d une assurance sociale. Les doubles paiements par l aide sociale et les assurances sociales sont à éviter. Un paiement rétroactif ne peut être réclamé par le service d'assistance que pour la période identique et jusqu'à concurrence de l'aide sociale octroyée. L'unité de temps est donnée lorsque pour une période de soutien ininterrompue, des prestations d'assurance sont versées rétroactivement. Lorsque les paiements rétroactifs dépassent l aide sociale, l excédent doit être versé et pris en compte à titre de recettes dans le calcul actuel du soutien. Le bénéficiaire n a pas le droit d accumuler des biens pendant qu il touche de l aide sociale. En revanche, si les paiements entrent à temps et s ils sont supérieurs au minimum vital social, l aide sociale doit être supprimée pour absence d indigence (Bernadette VON DESCHWANDEN, Indemnités journalières de l'ai : le client a-t-il droit à l'excédent?, in : ZESO, N 1, 2012, p. 8 et les références citées : AT F 121 V 17 et Norme CSIAS A& et F.2). 3.3 Il est établi - et non contesté - que la recourante a bénéficié de prestations complémentaires du 1 er juin 2011 au 31 juillet 2012. Or, lors du versement rétroactif effectué par la Caisse de compensation du canton de Berne en date du 9 juillet 2012, cette dernière ne bénéficiait pas encore de l'aide sociale. Partant, il n'y a pas de chevauchement entre la période du droit à l'aide sociale et la période où le versement des prestations complémentaires est intervenu, à titre rétroactif pour une partie de celles-ci. En l'espèce, le montant des PC versé à titre rétroactif n'a toutefois pas été pris en compte, à juste titre, dans la détermination du revenu. Ce montant constituait certes un revenu pour la recourante, comme elle l'allègue, mais seulement jusqu'au 31 juillet 2012, soit avant qu'elle ne doive recourir à l'aide sociale. Toutefois, le versement de ce montant, effectué en juillet 2012, a eu pour

6 effet d'augmenter la fortune disponible de la recourante au moment où elle devait recourir à l'aide sociale, soit au 1 er août 2012. Il convient dès lors de voir si l'intimé pouvait, comme elle l'a fait, ne pas tenir compte des raisons particulières ayant provoqué le dépassement de la limite de CHF 4'000.- de fortune librement disponible. 4. 4.1 En matière de revenus et de fortune, l arrêté fixant les normes applicables en matière d aide sociale (RSJU 850.111.1, ci-après : l'arrêté) prévoit expressément à l article 30 que, sauf motifs dûment justifiés, l aide matérielle n est accordée qu après que le bénéficiaire a épuisé sa fortune. L alinéa 2 précise qu il est toutefois laissé à la libre disposition du bénéficiaire un montant de CHF 4'000.- pour une personne seule et un montant de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge, mais au maximum CHF 10'000.- par unité d assistance. Les motifs justifiés au sens de l'article 30 de l'arrêté constituent une notion juridique indéterminée dont l'autorité de recours peut revoir librement l'application, à moins que cette notion fasse appel à des connaissances spécialisées, auquel cas elle fait preuve de réserve (BROGLIN, Manuel de procédure administrative jurassienne, 2009, no 208), ce qui n'est toutefois pas le cas ici. Les normes CSIAS précisent que conformément au principe de la subsidiarité, la personne sollicitant une aide matérielle doit préalablement utiliser ses actifs (avoirs bancaires et postaux, actions, obligations, créances, objets de valeur, biens immobiliers et autres éléments de fortune). Dans le souci de renforcer le sens des responsabilités du bénéficiaire et de l encourager à faire des efforts personnels pour améliorer sa situation, on laisse à la personne qui demande ou qui reçoit de l aide un montant de fortune à sa libre disposition au début de l assistance ou lorsqu une assistance en cours peut être supprimée (CSIAS 04/05 E.2.1-2.3). Les montants de fortune retenus à l'article 30 de l'arrêté correspondent à ceux recommandés par la CSIAS. Les normes CSIAS ne font référence que dans les cas non réglés dans l'arrêté (cf. art. 41 de l'arrêté). Comme elles ne déterminent pas les cas dans lesquels on pourrait, pour de justes motifs, s'écarter des montants recommandés, s'agissant de la limite de fortune librement disponible, le pouvoir d'examen de l'autorité de recours est complet. 4.2 Le but des prestations complémentaires à l'avs/ai est de couvrir les besoins vitaux des personnes bénéficiant de rentes de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité (cf. art. 2 al.1 LPC). Il paraîtrait dès lors choquant de ne pas tenir compte du fait que le versement rétroactif versé tardivement et juste avant le début de la période d'aide sociale a artificiellement augmenté la fortune de la recourante, alors qu'il était destiné à couvrir des besoins vitaux, comme c'est du reste le cas de l'aide sociale. On peut relever à ce sujet que si une personne se voit privée à tort pendant une certaine durée du droit à des prestations d'aide matérielle, on ne saurait tenir compte dans sa fortune, pour juger de son droit à la poursuite de

7 l'aide sociale, du montant qui lui serait versé rétroactivement à la suite de l'admission d'un recours contre la décision de refus d'aide sociale. En l'espèce, il n'est pas contesté que le montant de prestations complémentaires que la recourante a reçu rétroactivement était destiné à couvrir son minimum vital pour la période antérieure au 1 er août 2012. Dans une telle situation, le principe de la subsidiarité ne saurait contraindre la recourante à prélever sur sa fortune restante les montants nécessaires à couvrir ses besoins vitaux ultérieurs. Il se justifie dès lors de réduire de CHF 4'060.- (correspondant au versement rétroactif de PC), la fortune de CHF 6'202.70 se trouvant sur le compte bancaire de la recourante au 31 juillet 2012. De la sorte, la recourante avait droit, en août 2012, à l'octroi d'une aide matérielle. 5. Le recours doit dès lors être admis et la décision attaquée annulée, l'affaire devant être renvoyée à l'intimé pour qu'il octroie à la recourante l'aide matérielle à laquelle celle-ci avait droit pour le mois d'août 2012. 6. Conformément à l'article 73 al. 2 LASoc, la procédure est gratuite. Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la recourante qui n'a pas eu de frais de représentation particuliers (cf. art. 224 Cpa) ni à l'intimé (cf. art. 227 al. 1 et 230 al. 1 Cpa). PAR CES MOTIFS LE PRÉSIDENT DE LA COUR ADMINISTRATIVE admet le recours ; annule la décision du 14 septembre 2012 du Service de l'action sociale ; renvoie l'affaire au Service de l'action sociale pour statuer dans le sens des considérants ; dit que la procédure est gratuite ; n'alloue pas de dépens;

8 informe les parties des voies et délai de droit selon avis ci-après ; ordonne la notification du présent arrêt : - à la recourante, par sa curatrice, Mme Y., Service d'action sociale de A. ; - à l'intimé, le Service de l'action sociale, Faubourg des Capucins 20, 2800 Delémont. Porrentruy, le 18 février 2013 Le président : Le greffier : Pierre Broglin Jean Moritz Communication concernant les moyens de recours : Le présent arrêt peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral. Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire aux conditions des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 6004 Lucerne ; il doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l acte attaqué viole le droit. Si le recours n'est recevable que s'il soulève une question juridique de principe, il faut exposer en quoi l'affaire remplit cette condition. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.