CHAPITRE IX : DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DE L'AUDITION CHEZ LA PERSONNE AGEE I- Les causes de surdité A- Atteintes de l'oreille externe B- Atteintes de l'oreille moyenne C- Atteintes de l'oreille interne D- Atteintes des voies neurosensorielles II- Conduite à tenir devant une surdité de la personne âgée A- Le diagnostic B- Le traitement Item 60 : Objectifs terminaux Diagnostiquer les troubles de l audition liés au vieillissement et en discuter la prise en charge thérapeutique, préventive et curative Dernière remise à jour : mars 07 115
CHAPITRE IX : DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DE L'AUDITION CHEZ LA PERSONNE AGEE On estime qu'environ un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans est atteint de surdité. La prévalence de cette affection augmente avec l'âge. Si la presbyacousie représente la cause essentielle des déficits auditifs de la personne âgée, elle doit rester un diagnostic d'élimination. I- Les causes de surdité A- Atteintes de l'oreille externe L'obstruction du conduit auditif externe par un bouchon de cérumen est la cause la plus facile à diagnostiquer. Elle provoque une surdité de transmission, dont le retentissement peut être majoré par une atteinte neurosensorielle concomittante (presbyacousie). Le traitement passe par des bains locaux (Cérulyse, Mercryl ) pendant quelques jours, puis une aspiration contrôlée. Le lavage à la poire (Enéma) est contre indiqué si l'on suspecte une pathologie tympanique (perforation, otite chronique). B- Atteintes de l'oreille moyenne Otite séreuse et séro-muqueuse Il s'agit d'un épanchement inflammatoire, non infectieux, dans les cavités de l'oreille moyenne. Elle est rare chez la personne âgée, mais peut traduire un état inflammatoire chronique de la sphère ORL (rhino-sinusite, allergie). Le diagnostic est facile devant la présence de bulles hydro-aériques rétro-tympaniques, mais peut être difficile devant un tympan mat, globalement décoloré. Une otite séreuse chronique unilatérale doit faire rechercher une tumeur du cavum. Le traitement associe des muccolytiques et des soins naso-sinusiens. Ce n'est que devant l'échec du traitement médical qu'il faudra mettre des aérateurs trans-tympaniques. Toutefois, chez la personne âgée, l'aérateur expose davantage aux complications infectieuses (en raison de l'appareillage souvent associé). Perforation tympanique Elle peut se découvrir à l'occasion d'un examen systématique, ou lors d'une poussée infectieuse provoquée par la pénétration de liquide dans le conduit auditif externe (douche, shampooing). Le diagnostic est otoscopique. Le retentissemement auditif dépend de la taille de la perforation, et des lésions associées de la chaîne ossiculaire. Lorsqu'un appareillage est nécessaire, il faut 116
discuter l'indication opératoire (pour éviter le risque de contamination infectieuse). La chirurgie peut être également discutée lorsque la surdité peut être corrigée par la restauration du tympan et de la chaine ossiculaire. Les techniques d'anesthésie loco-régionale permettent de proposer ce type d'intervention aux personnes âgées en évitant les risques d'une anesthésie générale. Otite chronique évolutive : poches de rétraction et cholestéatome La poche de rétraction est une zone du tympan qui se rétracte vers le fond de la caisse du tympan ou vers les cavités mastoïdiennes. Elle peut être quiescente, asymptomatique, ou au contraire se révéler par une otorrée et/ou une surdité. Elle témoigne d'un dysfonctionnement tubaire. Avant d'envisager sa prise en charge chirurgicale, souvent lourde pour des personnes âgées, il convient d'en surveiller l'évolution, et de tenter une rééducation tubaire auprès d'un orthophoniste, voire une crénothérapie. Le risque d'une poche est d'évoluer vers le cholestéatome ; en perdant son caractère autonettoyant, l'épiderme s'accumule, puis se transforme en lésion évolutive. Le cholestéatome expose alors aux complications loco-régionales et à un retentissement majeur chez la personne âgée : labyrinthite avec surdité totale et vertiges, paralysie faciale, méningite et encéphalite, thrombose du sinus latéral. Le cholestéatome se révèle par une otorrée fétide, intermittente et récidivante malgré les soins locaux et l'antibiothérapie. Le diagnostic repose sur l'otoscopie, qui retrouve des squames blanchâtres. Il peut parfois ressembler à un bouchon de cérumen, dont l'extraction se révèle impossible. Enfin, il peut prendre l'aspect d'une otorrée purulente, verdâtre, témoignant de la surinfection par le germe pyocyanique. En raison de son caractère évolutif, il justifie la chirurgie dans la quasi-totalité des cas. L'otospongiose Il s'agit d'une affection familiale, entraînant une surdité à tympan normal. Elle est due à un foyer d'ossification anormal bloquant la chaine ossiculaire. A des stades débutants, il s'agit d'une surdité de transmission pure mais chez la personne âgée l'extension du foyer à l'oreille interne peut provoquer une atteinte neurosensorielle surajoutée. Si la part transmissionnelle est accessible à la chirurgie, avec de bons résultats post-opératoires, la partie neuro-sensorielle de la surdité peut nécessiter un traitement médical complémentaire. Il est classique de proposer dans ces formes évolutives, du fluorure de sodium à la dose de 25 mg/jour, trois à quatre jours par semaine. C- Atteintes de l'oreille interne 117
La presbyacousie est la cause la plus fréquente de surdité chez la personne âgée. Elle correspond à un vieillissement de l'oreille interne. Elle évolue de manière progressive et constante, de 5 à 6 db par décennie. La perte sur les aigües est plus marquée que sur les graves. Elle se manifeste par une diminution de l'acuité auditive, mais surtout par une dégradation de la compréhension de la parole. Les troubles de la compréhension dans une atmosphère bruyante (par exemple lors d'une conversation de groupe) sont caractéristiques. L'intolérance aux sons forts traduit le phénomène de recrutement. Il s'agit d'une atteinte bilatérale et symétrique ; elle peut s'associer à des acouphènes et à des troubles de l'équilibre, qui aggravent le retentissement psychologique. En évoluant, elle contribue à l'isolement du sujet, qui préfère s'abstraire des situations de communication, plutôt que d'affronter l'embarras lié à ses erreurs d'interprétation. Cela peut aboutir à une véritable dépression réactionnelle. Il n'existe aucun traitement médical ayant fait la preuve de son efficacité dans la presbyacousie. La presbyacousie peut être corrigée par l'appareillage auditif. Sa prescription doit être précoce. Idéalement, elle doit être bilatérale, afin de restaurer la binauralité qui est indispensable pour suivre une conversation en groupe. L'appareillage ne peut être fait que sur prescription médicale, après avoir éliminer les pathologies loco-régionales. Elle fait l'objet d'une certaine réticence auprès des personnes âgées qui ont de multiples exemples d'échec dans leur entourage. Afin de prévenir ces échecs, il faut encourager le patient à essayer l'appareil pendant plusieurs semaines avant d'en faire l'acquisition définitive. L'audioprothésiste doit lui proposer plusieurs modèles à l'essai, jusqu'à satisfaction de son patient. Il est impératif de prévenir le patient qu'il lui faudra un certain délai (3 à 8 semaines) avant de s'habituer à l'appareil, et l'inciter à le porter en permanence. La motivation du patient est un facteur pronostique essentiel. Enfin, l'apprentissage et le suivi sont des étapes essentielles du succès de l'appareillage. D- Atteintes des voies neurosensorielles Une surdité neuro-sensorielle unilatérale doit faire évoquer un neurinome de l'acoustique. Chez la personne âgée, qui souvent néglige son déficit, le diagnostic peut être retardé. Il peut s'associer à des troubles de l'équilibre et à des acouphènes. Le diagnostic sera confirmé par les potentiels évoqués auditifs et l'irm. Les différentes modalités thérapeutiques permettent actuellement de prendre en charge les neurinomes chez la personne âgée, et la rééducation vestibulaire, même en l'absence de chirurgie, en est un point essentiel. 118
II- Conduite à tenir devant une suspicion de surdité de la personne âgée A- Le diagnostic L'interrogatoire du patient et de son entourage permettra d'évaluer les signes associés (vertiges, otorrée, acouphènes) et le retentissement de la surdité. L'examen local à l'otoscope fera le diagnostic de la pathologie de l'oreille moyenne et de l'oreille externe, et permettra la mise en œuvre rapide d'un traitement approprié. Il faut être vigilant à ne pas confondre la surdité avec une atteinte des fonctions intellectuelles. L'audiométrie est alors un apport essentiel. Elle permettra d'authentifier puis de quantifier le trouble auditif, et de différencier les surdités de transmission (atteinte de l'oreille externe et/ou moyenne) des surdités neurosensorielles (nerf et voies auditifs). En cas de presbyacousie, l'audiométrie vocale permettra d'apprécier le degré de recrutement, et d'évaluer le bénéfice audioprothétique En cas de surdité de perception asymétrique, il faudra effectuer des potentiels évoqués auditifs pour éliminer un neurinome de l'acoustique. B- Le traitement Les surdités de transmission peuvent justifier un traitement chirurgical dont l'indication repose sur l'importance de la surdité et le retentissement chez la personne âgée. Le cholestéatome est une indication quasi-formelle de prise en charge chirurgicale. La presbyacousie demande un appareillage précoce; les explications données au patient, le suivi avec l'audioprothésiste, et les encouragements de l'entourage sont essentiels dans le succès de l'appareillage (qui nécessite un apprentissage parfois long). L'éducation de l'entourage à la patience, à la manière d'articuler, d'intégrer le déficient auditif dans la vie quotidienne est une démarche complémentaire qui favorisera la prise en charge globale du patient. 119
- 0 60 1 1 1. 125 2 0 1 K 2 K 4 K 8 K Audiogramme normal - 0 60 1 1 1 125 2 0 1 K 2 K 4 K 8 K Surdité de transmission - 0 60 1 1 1 125 2 0 1 K 2 K 4 K 8 K 60 COURBE NORMALE % PRESBYACOUSIE 0 5 15 25 35 45 55 60 65 75 85 95 db Surdité de perception Audiométrie tonale 1