L INTERET DE L ENFANT EN ITALIE



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Transcription:

L INTERET DE L ENFANT EN ITALIE Définition légale et jurisprudentielle Comparaison de l intérêt de l enfant à d autres intérêts spécialement protégés par la loi I. LA CONVENTION INTERNATIONALE RELATIVE AUX DROITS DE L ENFANT 2 II. LE DROIT NATIONAL 3 A. LA CONSTITUTION 3 B. LA LEGISLATION NATIONALE 4 III. LES APPORTS DE LA JUSRISPRUDENCE 9 A. L ETABLISSEMENT DE LA FILIATION 9 B. LE DESAVEU DE PATERNITE C. LA PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE D. L ADOPTION E. LA CRISE CONJUGALE IV. LA COEXISTENCE DE LA NOTION D INTERET DE L ENFANT AVEC D AUTRES NOTIONS VOISINES A. LA DEFAILLANCE IMPORTANTE DU PARENT ET LE PREJUDICE GRAVE SUBI PAR L ENFANT B. LA DEFAILLANCE DU PARENT ET LE PREJUDICE SUBI PAR L ENFANT C. L INTERET ECONOMIQUE DU MINEUR

I. LA CONVENTION INTERNATIONALE RELATIVE AUX DROITS DE L ENFANT La Convention des Nations Unies sur les droits de l enfant de 1989 est entrée en vigueur en Italie avec la loi de ratification du 27 mai 1991. Les principes de protection de l intérêt de l enfant qu elle contient étaient déjà présents dans l ordonnancement italien (cf. Cour constitutionnelle, décision n 148 DE 1992). En effet, en vertu des articles 2, 30 et 31 de la Constitution, la protection de la personnalité des mineurs constitue une valeur constitutionnellement garantie. Les dispositions de la Constitution n ont pas trouvé une application immédiate, mais ont servi à l interprétation des normes nationales en matière de droits des mineurs. Plusieurs décisions de la Cour de cassation italienne sont dans ce sens : «A la lumière de la conception personnaliste et pluraliste de la Constitution (art. 2, 3, 29, 30, 31) du droit de la famille réformé (art. 147 C Civ) et de la convention des Nations Unies sur les droits de l enfant (New-York, 20 novembre 1989) ratifiée et rendue applicable par la loi 27 mai 1991) on ne peut pas admettre comme licite l usage de la violence à des fins éducatives» (Cass. Penale, Sez. 6, 18 marzo 1996, n. 4904). «Parmi les divers éléments qui justifient le choix du parent bénéficiaire en matière de garde des enfants mineurs, le juge de la séparation et du divorce doit valoriser le critère de la stabilité du rapport de l enfant avec les lieux où se développent quotidiennement ses liens affectifs et ses principaux intérêts et qui constituent son «environnement», entendu comme contexte matériel et psychologique dans lequel se développe sa personnalité, en concordance avec le principe adopté par la Convention de New-York sur les droits de l enfant qui, à l article 8, garantit le droit de l enfant «à préserver ses relations familiales» considérées comme élément de sa propre identité» (Cass. Civ. Sez. I, 22 giugno 1999, n. 6312). «La reconnaissance de l enfant naturel mineur de 16 ans, déjà reconnu par un parent, est un droit subjectif primaire de l autre parent, constitutionnellement garanti par l article 30 de la Constitution. Par conséquent, ce droit ne se pose pas en termes d opposition à l intérêt du mineur, mais comme mesure et élément de définition de cet intérêt, étant donné le droit de l enfant à s identifier comme fils d une mère et d un père et à assumer ainsi une identité précise et complète. Il en résulte, également à la lumière des articles 3 et 7 de la Convention de New-York sur les droits de l enfant, que la seconde reconnaissance, même si elle suscite l opposition de l autre parent qui a procédé en premier à la reconnaissance, ne peut être sacrifiée qu en présence de motifs graves et irréversibles, faisant redouter la probabilité d une forte atteinte au développement psychophysique du mineur» (Cass. Civ. Sez. I, 3 aprile 2003, n. 5115). En énonçant ce principe, la cour a confirmé la décision contestée laquelle avait considéré que l âge du père naturel, sa résidence dans une localité lointaine de la résidence du mineur, ainsi que son défaut d activité salariée stable et d habitation autonome ne constituaient pas un empêchement à la seconde reconnaissance. 2

II. LE DROIT NATIONAL A. LA CONSTITUTION La reconnaissance de la personnalité du mineur a été solennellement affirmée par le législateur constitutionnel de 1948. Dans la Constitution, la famille est définie comme une formation sociale où se développe la personnalité des individus, et à ces derniers la République reconnaît et garantit les droits inviolables de l homme, en exigeant l accomplissement des devoirs de solidarité. Le mineur, en tant que personne, est porteur d une personnalité protégée dans son intégralité et pour cela dans la globalité de ses exigences. L intérêt indéfini du mineur se concrétise ainsi en un droit général du mineur au libre développement de sa personnalité qui se déroule en directions variées et selon des modalités variables en fonction de son degré de discernement et du milieu dans lequel il est inséré. Plusieurs articles de la Constitution italienne l affirment. La République reconnaît et garantit les droits inviolables de l homme tant comme individu que comme membre des formations sociales où se développe sa personnalité, et exige l accomplissement des devoirs intangibles de solidarité politique, économique et sociale (art. 2). La République reconnaît les droits de la famille comme société naturelle fondée sur le mariage. Le mariage est fondé sur l égalité morale et juridique des époux, dans les limites établies par la loi pour garantir l unité de la famille (art. 29). C est le devoir et le droit des parents d entretenir, d instruire et d éduquer les enfants, même s ils sont nés hors mariage. En cas d incapacité des parents, la loi pourvoit à ce que ces devoirs soient accomplis. La loi assure aux enfants nés hors mariage toute protection juridique et sociale compatible avec les droits des membres de la famille légitime. La loi dicte les normes et les limites pour la recherche de la paternité (art. 30). La loi favorise, par des mesures économiques et de prévoyance, la formation de la famille et l accomplissement des devoirs qui en résultent, avec une particulière attention aux familles nombreuses. Elle protège la maternité, l enfance et la jeunesse, en favorisant les institutions nécessaires à une telle fin (art. 31). 3

B. LA LEGISLATION NATIONALE Ces principes ont inspiré la réforme de fond du droit de la famille, réalisée par la loi n 151 du 19 mai 1975 et la loi n 184 du 4 mai 1983 qui a réformé l adoption. 1. Les droits et devoirs des parents Cette réforme a modifié la structure des rapports familiaux en affirmant l égalité morale et juridique des conjoints, elle-même renforcée par le principe de la nécessité de leur accord dans la conduite de la famille. Art. 143, C. Civ. : Droits et devoirs réciproques des époux. Par le mariage, le mari et la femme acquièrent les mêmes droits et assument les mêmes devoirs. Du mariage dérive l obligation réciproque de fidélité, d assistance morale et matérielle, de collaboration dans l intérêt de la famille et de cohabitation. Les deux époux sont tenus, chacun selon ses propres biens et sa propre capacité de travail professionnel ou ménager, de contribuer aux besoins de la famille. Art. 144. C. Civ. Direction de la vie familiale et résidence de la famille. Les époux s accordent pour diriger la vie familiale et déterminer la résidence de la famille, selon les exigences de chacun d entre eux et celles, prééminentes, de la famille ellemême. A chacun des époux revient le pouvoir de mettre en œuvre les choix ainsi convenus. La loi affirme en outre l identité de situation juridique des enfants, même s ils sont nés hors mariage. Art. 261 C. civ. Droits et devoirs dérivant de la reconnaissance La reconnaissance emporte pour le parent l obligation d assumer tous les droits et tous les devoirs qui sont les siens à l égard des enfants légitimes. Dans les rapports entre parents et enfants a prévalu le principe que la poursuite de l intérêt de l enfant devait être le critère déterminant régissant l exercice des pouvoirs des parents. Art. 261. C. civ. Devoirs envers les enfants Le mariage impose aux deux époux l obligation d instruire et d éduquer leurs descendance, en tenant compte de la capacité, de l inclination naturelle et des aspirations des enfants. Dans les rapports avec les enfants, le rôle des parents apparaît donc non comme un droit, mais comme une fonction orientée vers la réalisation des droits des enfants. En outre, la nouvelle rédaction de l article 315 du Code civil a fait disparaître le devoir d honorer les parents qui sous-entendait un rapport de type autoritaire. De la nouvelle rédaction émerge un modèle de famille marquée par des relations de solidarité, au sein de 4

laquelle la personnalité de l enfant mineur est reconnue à côté de celle des autres membres de la famille. Art. 315 C. civ : Devoirs de l enfant envers les parents. L enfant doit respecter ses parents et contribuer, selon ses propres biens et son propre revenu, à l entretien de la famille tant qu il vit avec elle. La référence à l intérêt de l enfant se rencontre aussi dans les règles destinées à garantir l accomplissement des devoirs des parents, notamment dans les normes relatives à la cessation du fonds patrimonial 1 qui dure jusqu à la survenance de la majorité du dernier enfant. Art. 148 C. Civ. Concours aux charges Les époux doivent exécuter l obligation prévue à l article précédent, en fonction de leurs propres biens et de leurs propres capacités de travail professionnel ou ménager. Quand les parents n ont pas les moyens suffisants, les autres ascendants légitimes ou naturels, par ordre de proximité, sont tenus de fournir aux parents les moyens nécessaires à l accomplissement de leurs devoirs envers leurs enfants. Art171, alin. 2 : Cessation du fonds S il y a des enfants mineurs, le fonds dure jusqu à la survenance de la majorité du dernier enfant. Dans ce cas le juge peut dicter, à la demande de tout intéressé, des normes d administration du fonds. La référence à l intérêt de l enfant se rencontre aussi dans la réglementation de la liquidation de la communauté légale. Art. 194, alin. 2. Partage des biens de la communauté. Le juge, en fonction des besoins de la descendance, peut constituer en faveur d un des époux, un usufruit sur une partie des biens revenant à l autre époux. 2. L adoption Cette attention à l intérêt du mineur traverse toutes les règles régissant l adoption des mineurs (loi n 184 du 4 mai 1983). Ces règles constituent une mise en œuvre des principes constitutionnels en ce qu ils entendent garantir l intérêt du mineur à avoir une famille et, dans le même temps, attribuent au juge d amples pouvoirs pour apprécier concrètement l intérêt de chaque enfant. 1 En italien, fondo patrimoniale : l apparition de cette institution en droit italien résulte de la réforme du droit de la faillite de 1975. Techniquement, il s agit d une variété de patrimoine d affectation qui peut être constituée, quelque soit le régime matrimonial des parents, que ceux-ci soient séparés de biens ou communs en biens. Ce fonds peut être constitué soit par les père et mère, soit par un ou des donateurs, un ou des testateurs, pour affecter un ou plusieurs biens aux charges du mariage. Sa création a pour conséquence qu en principe, ces biens ne peuvent être saisis par des créanciers des époux que pour régler ce qu en droit français on désigne sous le nom de «dettes de ménage». 5

Comme on l a relevé, c est véritablement de cette loi qu à pris naissance la pleine reconnaissance de l enfant comme titulaire de droits, et que s est vérifié le déplacement du centre du rapport éducatif des parents vers l enfant. L intérêt du mineur est prédominant en ce qui concerne la situation d abandon et la déclaration d adoptabilité. Art. 8, Loi du 4 mai 1983 : Sont déclarés en état d adoptabilité par le tribunal des mineurs les enfants dont a été vérifiée la situation d abandon parce que privés d assistance morale et matérielle de la part de la part de leurs père et mère ou des parents tenus à y pourvoir, dès lors que le défaut d assistance n est pas dû à une cause de force majeure de caractère transitoire. L intérêt de l enfant est également prédominant en ce qui concerne le placement de l enfant dans la première phase de l adoption plénière et à la déclaration d adoption. 1. Ceux qui entendent adopter doivent en faire la demande au tribunal des mineurs, en précisant leur éventuelle disponibilité à adopter les mineurs qui se trouvent dans les conditions indiquées à l article 3, al. 1 er de la loi du 5 février 1992 concernant l assistance, l intégration sociale et les droits des personnes handicapées. Il est possible de présenter plusieurs demandes successives à plusieurs tribunaux à condition que, dans chaque cas, il en soit donné communication à tous les tribunaux précédemment saisis. 3. Le tribunal des mineurs demande l exécution des enquêtes en recourant aux services sociaux 4. Les enquêtes portent en particuliers sur la capacité à éduquer l enfant, la situation personnelle et économique, la santé, l environnement familial des demandeurs, ainsi que sur les motifs pour lesquels ces derniers souhaitent adopter l enfant 5. Le tribunal, sur la base des enquêtes, choisit parmi les couples qui présentent une demande celui qui est le mieux en mesure de répondre aux exigences de l enfant (art. 22, loi du 4 mai 1983). 1. Le tribunal pour mineurs qui a déclaré l état d adoptabilité après avoir entendu les époux, le mineur, le Ministère public, le tuteur vérifie que sont remplies toutes les conditions et statue sur l adoption par une décision en chambre du Conseil. L enfant qui a plus de 14 ans doit exprimer son consentement à l adoption en présence du couple choisi. 2. Lorsque la demande d adoption provient d époux qui ont des descendants légitimes ou légitimés, ceux-ci, s ils sont âgés de plus de 10 4 ans, doivent être entendus (art. 25 de la loi du 4 mai 1983). Enfin, la procédure pénale elle-même tient compte de la personnalité et des exigences éducatives des enfants mineurs (cf. art. 1, 6 et 9 du DPR n 448 du 22 septembre 1988). 3. L intervention de l autorité publique Le Code civil de 1942 avait prévu un contrôle judicaire particulier de la représentation des enfants mineurs et de l administration de leurs biens. La technique d intervention publique est restée substantiellement la même, mais l introduction de nouvelles valeurs dans la discipline de la famille a donné une lumière nouvelle aux mesures provenant du Code. 6

L intérêt de l enfant a ainsi fini par présider à toutes les interventions du juge des enfants relatives à l exercice de la «puissance des parents» dans le cas de désaccord entre les parents art. 316 C. civ Exercice de la puissance des parents L enfant est sujet à la «puissance des parents» jusqu à sa majorité ou son émancipation. La puissance est exercée d un commun accord par les deux parents. En cas de désaccord sur des questions de particulière importance, chacun des parents peut recourir sans formalité au juge en indiquant les mesures qu il considère les mieux adaptées. Après avoir entendu les parents et l enfant, s il est majeur de 16 ans, le juge suggère les solutions qu il considère les plus utiles dans l intérêt de l enfant et de l unité familiale. Si le désaccord persiste, le juge attribue le pouvoir de décision à celui des parents que, dans chaque cas particulier, il considère le plus apte à prendre soin de l intérêt de l enfant. Pour ce qui concerne la représentation légale des enfants mineurs, l article 320 du Code civil dispose qu elle revient aux parents tant en ce qui concerne les actes de nature personnelle que les actes à caractère patrimonial. Article 320 C. civ : Représentation et administration Les parents conjointement, ou celui d entre eux qui exerce de façon exclusive la «puissance», représentent les enfants nés et à naître dans tous les actes de la vie civile et en administrent les biens. Les actes d administration ordinaires, à l exception de ceux qui concèdent ou font acquérir des droits personnels de jouissance, peuvent être accomplis séparément par chacun des parents. En cas de désaccord ou d exercice non conforme aux décisions convenues,s appliquent les dispositions de l article 316. Les parents ne peuvent aliéner, hypothéquer ou donner en gage les biens parvenus à l enfant, à quelque titre que ce soit, même à cause de mort, accepter ou renoncer à une succession ou à des legs, accepter des donations, contracter des emprunts ou des locations de plus de 9 ans ou accomplir d autres actes excédant l administration ordinaire, ni transiger ou compromettre à propos de tels actes, sauf en cas de nécessité ou d utilité évidente pour l enfant après avoir obtenu l autorisation du juge des tutelles. Les capitaux ne peuvent être perçus sans autorisation du juge des tutelles qui en détermine l emploi. L exercice d une activité commerciale ne peut être continué sans l autorisation du tribunal éclairé par l avis du juge des tutelles. Celui-ci peut consentir à l exercice provisoire jusqu à ce que le tribunal prenne sa décision. Si surgit un conflit d intérêts entre les enfants sujets à la même puissance, ou entre eux et les parents ou celui d entre eux qui exerce de façon exclusive l autorité, le juge des tutelles désigne un curateur spécial. Si un conflit surgit entre les enfants et un seul des parents qui exercent en commun l autorité, la représentation des enfants revient exclusivement à l autre. Quant aux actes de nature personnelle il faut souligner que la protection de la personnalité du mineur et la constitution corrélative d un catalogue de droits en sa faveur ont pour conséquence de restreindre l aire d intervention des parents en fonction du degré de discernement du mineur. Il existe une aire traditionnelle de droits très personnels ou d actes de droits de la famille dont l exercice ne peut être le fait d un représentant ou qui peuvent être exercés même par des mineurs. Par exemple, la reconnaissance d un enfant naturel peut être 7

le fait de parents âgés de plus de 16 ans ; les mêmes peuvent être autorisés à se marier par le tribunal des mineurs ; le mineur de plus de 14 ans doit consentir à son adoption et celui qui a plus de 12 ans doit être entendu par le tribunal dans la même hypothèse, celle d une adoption dont il ferait l objet. Les élèves de l école secondaire supérieure (lycée) exercent personnellement le droit de choisir s ils entendent ou non bénéficier de l enseignement de la religion catholique. Il apparaît évident que la notion d intérêt de l enfant est aujourd hui utilisée soit pour assurer la protection des enfants mineurs soit comme paramètre dans l organisation juridique des rapports de famille. On peut considérer comme définitivement modifiée la vision de la famille. Celle-ci n est plus une structure hiérarchique autoritaire chargée de fonctions publiques et lieu de transmission du patrimoine, mais une communauté d affections dont la valeur se trouve dans son aptitude à contribuer concrètement au développement personnel de ses membres. 8

III. LES APPORTS DE LA JUSRISPRUDENCE Le standard de l intérêt de l enfant constitue l instrument permettant de mettre en œuvre, dans la variété des situations concrètes, les droits prééminents du mineur, en orientant vers sa réalisation les décisions judiciaires qui l intéressent. Il est donc nécessaire que le juge tienne compte non d un concept abstrait, applicable au mineurs comme catégorie de personnes, mais de l intérêt concret de chaque enfant, considéré comme personne, en tenant compte de l unicité de son parcours existentiel, de son contexte personnel, familial, social et économique. A. L ETABLISSEMENT DE LA FILIATION Avec la réforme du droit de la famille, l intérêt de l enfant joue son rôle dans la reconnaissance de l enfant naturel. Notamment, celui qui a reconnu l enfant en premier ne peut légitimement refuser de consentir à la reconnaissance par l autre parent si ce refus ne correspond pas à l intérêt de l enfant. Art. 250. C. civ. Reconnaissance L enfant naturel peut être reconnu par le père et la mère, même s ils sont déjà mariés avec une autre personne à l époque de la conception. La reconnaissance peut avoir lieu conjointement ou séparément. La reconnaissance de l enfant âgé de plus de 16 ans ne produit pas d effet sans son assentiment. La reconnaissance de l enfant âge de moins de 16 ans ne peut avoir lieu sans le consentement de l autre parent qui l a reconnu en premier. Le consentement ne peut être refusé lorsque la reconnaissance répond à l intérêt de l enfant. En cas de refus, sur recours exercé par le parent qui veut effectuer la reconnaissance, le tribunal, après avoir entendu contradictoirement le mineur et le parent qui s oppose et après intervention du Ministère public, rend une décision qui, en cas d accueil de la demande, tient lieu du consentement qui fait défaut. L intérêt de l enfant peut donc conduire à rejeter l acquisition d un statut biologiquement fondé. Le principe de la «faveur faite à la vérité» ne représente pas une valeur absolue. La loi a expressément prévu que la vérité biologique doit céder devant les exigences de protection des enfants. De son côté, la jurisprudence s est employée à identifier les critères permettant d éviter au mieux les risques redoutés. En jurisprudence, on peut dégager deux tendances de fond. La première est que normalement on doit présumer l intérêt de l enfant à bénéficier de la reconnaissance par l autre parent, tant sous le profil sentimental que sur celui des droits à l entretien, à l instruction et à l éducation. Le refus du consentement n est alors justifié qu en 9

présence de motifs graves qui pourraient porter préjudice à l équilibre et au développement de l enfant. «En matière de reconnaissance de l enfant naturel, l enquête sur la légitimité du refus de consentir à la seconde reconnaissance, refus opposé par le parent qui a reconnu l enfant en premier, doit être conduite en présumant l existence d un intérêt du mineur, tant sous le profil affectif, que sur celui des droits à l instruction, à l éducation et à l entretien, avec pour conséquence que le refus d y consentir doit être considéré comme injustifié en l absence de motifs sérieux et spécifiques ; abstraction faite des rapports entre parents, l intérêt de l enfant subsiste toutes les fois que la seconde reconnaissance ne cause pas au mineur un préjudice tel qu il a des incidences sur son développement» (Cass. Civ. Sez. I, 24 aprile 2001, n. 6011). «En matière de filiation naturelle, l intérêt de l enfant à la seconde reconnaissance, à l occasion de l action lancée pour obtenir une décision judiciaire tenant lieu de consentement de l autre parent, doit être considéré en principe comme existant toutes les fois qu il n en résulte pas pour le mineur un préjudice qui puisse avoir des effets sur son développement psycho-physique, sans qu il y ait besoin de démontrer concrètement que la reconnaissance soit avantageuse pour lui. Par conséquent, c est à bon droit que les juges du fond considèrent que cet intérêt existe même dans l hypothèse où le mineur a noué un rapport affectif avec le nouveau partenaire du parent qui a effectué la première reconnaissance, devenu entre temps son conjoint» (Cass. Civ. Sez. I, 16 marzo 1999, n. 2338 ). Cette orientation jurisprudentielle se fonde sur l observation que dans un système qui répute automatiquement conforme à l intérêt de l enfant la première reconnaissance, il serait incohérent d être excessivement rigoureux pour admettre l existence du second rapport de parenté, surtout si l on admet l existence d un véritable droit subjectif de chaque individu à s identifier comme enfant d une mère et d un père et à assumer une identité précise et complète du point de vue biologique (décision précitée, Cass. Civ. Sez. I, 3 aprile 2003, n 5115). Cette première orientation est en revanche contestée par une autre partie de la jurisprudence qui, s appuyant sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, invite à dépasser la perspective traditionnelle selon laquelle la double parenté correspondrait en principe à l intérêt de l enfant. C est partant de cette considération que certaines décisions considèrent que l intérêt de l enfant doit être apprécié non à partir d une présomption mais concrètement, c est à dire en tenant compte de la spécificité de chaque cas. Cass. Civ. Sez. I, 8 novembre 1997, n 11032 : «L intérêt de l enfant doit être établi par référence aux exigences globales, présentes et futures, de formation et d enrichissement de la personnalité du mineur, dans le contexte familial et socio-économique, et doit être ancré à des faits concrets, tels que l élargissement bénéfique de la sphère affective, sociale et économique de l enfant ; cet intérêt peut néanmoins être écarté en présence d une conduite paternelle gravement préjudiciable à l enfant ou de risques graves pour l équilibre affectif et psychologique de l enfant, pour son éducation et pour son intégration.» En d autres termes, est contraire à l intérêt de l enfant l établissement d une filiation qui se présente comme un élément de trouble dans le processus éducatif. Est ainsi confirmé le principe de la prévalence des droits de l enfant sur ceux des parents. 10

B. LE DESAVEU DE PATERNITE La notion de l intérêt de l enfant a également fait son chemin dans le domaine de la filiation légitime. Le résultat le plus significatif est d avoir démantelé l appareil de présomptions légales et de donner un certain relief à l appréciation qualitative des rapports de famille sous l angle social et non biologique. Par exemple, on a admis la possibilité pour l enfant désavoué de conserver le nom patronymique du mari de la mère comme signe distinctif de son identité personnelle. Corte Cost., 3 febbraio 1994, n. 13 : «Est illégitime, pour violation du droit à l identité personnelle, qui est une partie essentielle du patrimoine de la personne humaine, l article 165 du Décret royal n 1238 de 193, en ce qu il ne prévoit pas, lorsque la rectification des actes d Etat civil, pour des raisons indépendantes de l intéressé, comporte le changement du nom, que ce dernier peut obtenir du juge la reconnaissance du droit à conserver le nom qui lui a été attribué originairement dans le cas où celui-ci est devenu entre temps un signe distinctif de son identité». Récemment, c est en outre posée la question de savoir si celui qui estime être le père biologique de l enfant né durant le mariage de la mère peut utiliser l action en désaveu de paternité, afin de pouvoir ultérieurement reconnaître l enfant comme son propre fils naturel. Il faut rappeler que la Cour constitutionnelle, lorqu elle a eu à apprécier la constitutionnalité de l article 244 dernier alinéa du Code civil, au regard des articles 3 et 30 de la Constitution, a souligné que le législateur a réservé aux seuls membres de la famille légitime le pouvoir de choisir entre vérité légale et vérité biologique. C est pourquoi l innovation qui ouvrirait le droit d agir à des étrangers à la famille légitime, comme par exemple le père naturel, constituerait un choix, lié à une évolution de la conscience collective, que seuls le législateur est habilité à faire. On ajoute qu une telle innovation devrait être accompagnée de règles nouvelles, notamment de protection procédurale, destinée à préserver la famille légitime d interventions arbitraires et vexatoires. L intérêt de l enfant devient un élément d appréciation non seulement pour exclure la contestation d une paternité biologiquement fondée (art. 250 et 274, Code civil), mais aussi d une paternité biologiquement douteuse (art. 244, Code civil). «De là se déduit une règle en vertu de laquelle, s il s agit d un mineur de 16 ans, la recherche de paternité, même quand sont réunies les circonstances qui la font apparaître justifiée au sens des articles 235 ou 274 alinéa 1 er du Code civil, n est pas admise lorsque l intérêt du mineur est contraire à la privation du statut d enfant légitime ou à l acquisition du statut d enfant naturel à l égard de celui à l encontre duquel il entend exercer l action : intérêt qui devra être apprécié par le juge avant tout pour éviter que l éventuel changement de statut familial porte préjudice à l équilibre affectif et à l éducation. Dans ce cas, la décision doit être laissée à l enfant lui-même lorsqu il aura atteint l âge de 16 ans. A cet âge, la loi répute le mineur suffisamment mûr pour évaluer de façon autonome l opportunité de l exercice de l action. S il a le statut d enfant légitime, le juge chargé de la requête en désignation d un curateur spécial, chargé d exercer l action en 11

contestation de paternité, ne peut interférer dans une telle évaluation mais doit se limiter à vérifier le fumus boni juris (l apparence de bon droit) en ce qui concerne les conditions de fait auxquels l action est subordonnée à l article 235. Quand, en revanche, la demande de désignation du curateur spécial émane du Ministère public, dans l intérêt présumé d un mineur de 16 ans, le juge est investi d un office de protection d un sujet incapable. Il doit alors élargir le champ de ses informations sommaires, en y incluant tous les éléments nécessaires ou utiles pour évaluer l intérêt du mineur à intenter une action qui le dépouillerait du statut d enfant légitime sans lui garantir l acquisition d une filiation à l égard d un père naturel. Le juge ne manquera pas notamment d ordonner l audition des parents légitimes et éventuellement aussi des personnes intéressées qui sont à l origine de l initiative du Ministère public. De la pureté de leurs intentions, comme l observe justement la Cour, le filtre du Ministère public n est pas une garantie certaine. C est pourquoi dans ce second cas prévu par le texte, la décision du tribunal doit justifier correctement l évaluation de l intérêt du mineur sur laquelle se fonde sa décision et indiquer le moyen d information utilisé (Corte Cost, 27 novembre 1991, n. 429). C. LA PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE En rapport avec les méthodes de procréation assistée s est posée également la question de savoir si le consentement du mari à l insémination de sa femme avec le sperme d un tiers exclut ou non la possibilité d exercer l action en désaveu de paternité. En doctrine on a fait valoir que cette action, inhérente au statut personnel, ne pouvait être considérée comme disponible. On en a déduit que le consentement du mari à l insémination n excluait pas pour lui la possibilité d exercer l action en désaveu. La Cour constitutionnelle a considéré comme manifestement infondée la question de la légitimité constitutionnelle de l art. 235 du C. civ. en ce qu il n exclut pas l action lorsque le père a donné son accord à l insémination. Mais à défaut de pouvoir poser des règles nouvelles, qui sont de la compétence exclusive du Parlement, la Cour a souligné que les principes constitutionnels fondamentaux commandent que chaque enfant a droit à être entretenu, éduqué et instruit par ses parents et que ces derniers doivent être considérés comme ceux qui ont pris la décision de sa procréation, alors même qu aucun rapport de paternité biologique ne peut être établi. Par un arrêt de 1999, la Cour de Cassation a en revanche refusé au mari, qui a donné son accord à la fécondation, la faculté d agir en désaveu. Cette position a été consacrée par la récente loi du 19 février 2004, qui, dans son article 9, alinéa 1 er refuse au conjoint et au concubin qui ont consenti au recours à cette technique de procréation assistée, la possibilité d agir en désaveu de paternité. 12

Il est évident que la considération prééminente de l intérêt de l enfant a guidé le choix législatif. L intérêt de l enfant a prévalu au point de maintenir une filiation pourtant non biologiquement fondée. D. L ADOPTION La nécessité de prendre en compte l intérêt de l enfant a été également affirmée par la Cour constitutionnelle à propos des conditions posées pour l adoption. Notamment, à propos de la différence d âge entre adoptants et enfants susceptibles d être adoptés, l article 6 de la loi du 4 mai 1993 dispose : «l adoption est consentie à des époux unis par le mariage depuis au moins trois ans. Entre les époux ne doit pas subsister ou avoir eu lieu durant les trois dernières années de séparation, même de fait. Les époux doivent être affectivement capables d éduquer, d instruire et d entretenir les mineurs qu ils entendent adopter. L âge des adoptants doit dépasser d au moins 18 ans et ne pas excéder de plus de 45 ans l âge des enfants à adopter.» Ces exigences ne doivent pas être entendues de façon absolue et rigide, mais en tenant compte, dans l intérêt supérieur de l enfant, des particularités de chaque cas concret, étant admis que, dans certains cas exceptionnels, il est possible de déroger à la règle de la différence d âge maximale dès lors que subsistent deux conditions : une différence d âge qui puisse se rencontrer naturellement entre parents et enfants et le risque d un grand dommage pour l enfant qui résulterait du rejet de la demande d adoption. «La différence d âge qui sépare l enfant des parents adoptifs doit être contenue dans des limites analogues à celles qui ordinairement existent entre parents et enfants (cf. art. 8 Convention européenne en matière d adoption des mineurs signée à Strasbourg en 1967, ratifiée par la loi du 22 mai 1974) pour que se constitue entre adoptant et adopté un rapport similaire aux rapports naturels. Le législateur peut, dans l exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, établir les limites de la différence d âge, tant au minimum qu au maximum, entre adoptant et adopté, en se déterminant par correspondance à ce qui est requis pour l adoption légitimante et en tenant compte du contexte social dans lequel l institution est destinée à opérer. Mais une telle règle ne peut être absolue au point de ne pas tolérer, à condition que l on reste dans une différence d âge compatible avec la fonction de l adoption légitimante, aucune exception : quand la dérogation à la règle générale n est pas requise en raison de l intérêt ordinaire du mineur à trouver une famille d accueil mais répond spécifiquement à la nécessité de protéger le mineur d un dommage grave, et qui ne saurait être évité autrement, qui résulterait du défaut d insertion dans cette famille adoptive spécifique, seule à pouvoir satisfaire cette exigence» (Corte Cost., 9 luglio 1999, n. 283). Il se confirme ainsi que l intérêt du mineur doit être apprécié in concreto. Une enquête et une évaluation de son intérêt qui ne tiendrait pas compte des particularités de chaque cas 13

concret finiraient par faire de l intérêt du mineur un pur stéréotype, alors que le principe constitutionnel de la protection de l intérêt de l enfant entend garantir la pleine satisfaction des besoins affectifs et éducatifs des enfants dont le sort est lié à des procédures judiciaires faisant intervenir les juges du fond. E. LA CRISE CONJUGALE A la suite de la réforme du droit de la famille de 1975, la reconnaissance de l intérêt de l enfant trouve sa place également dans le domaine de la crise conjugale. Sur la base de l article 155 du Code civil, le juge qui prononce la séparation décide à quel époux les enfants sont confiés et adopte toute autre mesure les intéressant avec pour seule référence leur intérêt moral et matériel ; de même lorsqu il homologue la séparation conventionnelle des époux, le juge doit vérifier que l accord des conjoints relatifs à la garde et à l entretien des enfant est conforme à son intérêt (art. 158 Code civil). De même la loi sur le divorce du 1 er décembre 1970 souligne que chaque décision relative à la garde des enfants doit tenir compte de leur intérêt moral et matériel : «en matière de garde des enfants mineurs le juge de la séparation et du divorce doit s en tenir au critère fondamental représenté par l exclusif intérêt moral et matériel de la descendance, en privilégiant le parent qui apparaît le mieux à même de réduire au maximum les dommages causés par la désagrégation du noyau familial et à assurer le meilleur développement possible de la personnalité du mineur» (Cass. Civ. Sez. I, 19 aprile 2002, n. 5714). Un autre aspect de l importance de l intérêt de l enfant concerne la règlementation du droit de visite. La seule limite à l exercice de ce droit-devoir est représentée par le préjudice qui peut en résulter pour la descendance. Autrement dit l intérêt du conjoint à conserver une possibilité de rapports avec l enfant est en principe assuré à condition qu il ne se heurte pas à l intérêt supérieur de l enfant. «La fréquentation du mineur et du parent à qui la garde n est pas confiée doit normalement avoir lieu en fin de semaine et durant les périodes de fête, de manière à permettre, à travers le plus ample contact, y compris affectif, avec le parent non gardien, une croissance plus sereine du mineur. L adoption de ces dispositions réglant le droit de visite peut cependant être empêchée par l existence de faits spécifiques et déterminants. (En espèce, ce ne sont pas les graves conduites violentes imputées au père, telles que la séquestration de personnes, les tentatives de vol, l outrage à officier public, actuellement en phase d établissement, mais le réel désintérêt du père à solliciter de plus grands contacts avec l enfant, qui conduit à limiter la fréquentation du mineur à quatre heures, un jour par semaine, en présence de la mère, au moins durant les premiers temps)» (Tribunale Napoli, 12 maggio 1995). En conclusion de cette expérience jurisprudentielle émerge clairement que par «intérêt de l enfant» on entend se référer au respect et à la sauvegarde du droit de l enfant, même à l occasion de ses rapports avec ses parents, à croître dans un milieu en mesure de stimuler ses capacités et ses inclinations, et en mesure de lui assurer une maturation équilibrée. C est pourquoi il est du devoir du juge de vérifier concrètement la conformité à l intérêt de l enfant, et de revoir toute situation qui pourrait être considérée, même potentiellement, comme dangereuse pour sa formation et son développement. 14

IV. LA COEXISTENCE DE LA NOTION D INTERET DE L ENFANT AVEC D AUTRES NOTIONS VOISINES A. LA DEFAILLANCE IMPORTANTE DU PARENT ET LE PREJUDICE GRAVE SUBI PAR L ENFANT En cas de violation des devoirs inhérents à l exercice de la puissance parentale, le juge peut en priver le titulaire. Elle est alors attribuée à l autre parent ou, en son absence, à un tuteur. Article 330 C. civ. Déchéance de la puissance sur les enfants. Le juge peut prononcer la déchéance de la puissance quant le parent viole ou néglige les devoirs inhérents à celle-ci ou abuse de ses pouvoirs causant à l enfant un grave préjudice. Dans ce cas, pour des motifs graves, le juge peut ordonner l éloignement de l enfant de la résidence familiale. La déchéance de l autorité est une sanction extrême qui implique une évaluation de l inaptitude du parent à prendre soin des intérêts de l enfant. C est pourquoi il est nécessaire que le non accomplissement des devoirs soit d une importance particulière et qu il ait entraîné ou soit susceptible de causer un grave dommage au mineur. «La puissance parentale constitue «un office de droit privé» attribué pour satisfaire le seul intérêt du mineur ; il n est donc pas suffisant que les parents assument les décisions avec pondération, puisqu il est nécessaire qu ils vérifient que ces décisions ne créent pas de préjudice, même simplement éventuel, au mineur. C est pourquoi on ne peut permettre aux parents de recourir pour leur enfant, même avec l accord de ce dernier, à un traitement médical de pure et simple expérimentation, en négligeant la possibilité de rechercher la guérison, selon une excellente probabilité statistique, au moyen d un protocole médical d efficacité démontrée» (Corte Appello Brescia, 13 febbraio 1999). «Le refus opposé par les parents, Témoins de Jéhova, à une transfusion sanguine destinée à leur propre fille nouvelle née et en danger de mort justifie la suspension de l autorité parentale» (Tribunale Minorenni Trento, 30 dicembre 1996). Le dommage peut être également de nature morale quant le parent a une conduite qui cré une situation source de troubles pour l enfant. «La mère qui, pourtant pleinement consciente des dommages causés à la personnalité psychophysique de ses enfants par la conduite agressive, violente et vexatoire de son compagnon, conduite légitimant la déchéance de la puissance, décide de continuer à vivre avec lui, exposant ainsi ses enfants à ses ultérieures et quasi certaines manifestations d agressivité et de violence, se rend à son tour passible de mesures la privant de la puissance dont elle est investie» (Tribunale Minorenni L Aquila, 7 dicembre 1993). 15

B. LA DEFAILLANCE DU PARENT ET LE PREJUDICE SUBI PAR L ENFANT Le comportement du parent préjudiciable à l enfant n emporte pas toujours la déchéance de la puissance parentale. Il est en effet possible qu il ne soit pas suffisamment préjudiciable ou qu il ne lèse qu un intérêt spécifique et circonscrit du mineur. Art. 333, C. civ. Conduite du parent préjudiciable aux enfants Quand la conduite d un ou des deux parents n est pas telle qu elle justifie la déchéance prévue par l art. 330, mais apparaît néanmoins préjudiciable à l enfant, le juge, selon les circonstances, peut adopter des mesures adaptées et peut aussi éloigner l enfant de la résidence familiale. De telles mesures sont révocables à tout moment. L objet de ces mesures est laissé à la discrétion du juge. Elles peuvent le conduire à autoriser l enfant à faire ce que ses parents lui ont interdit ou à interdire aux parents certaines conduites. «Dès lors que, suite à une évaluation de la personnalité du parent titulaire de la puissance et des conséquences comportementales qui résultent de la confession religieuse à laquelle il s est récemment converti, on ne peut exclure que le mineur soit soumis à une influence préjudiciable à son développement et à sa future capacité de jugement et que ne soit pas troublé son processus de socialisation, il est possible d imposer à la mère de ne pas conduire l enfant aux réunions de la confession religieuse à laquelle elle appartient, et de ne pas le faire assister à celles qui se tiennent dans sa propre maison» (Tribunale Forli, 12 luglio). C. L INTERET ECONOMIQUE DU MINEUR Cette destitution est un remède spécifique qui prive le parent de leur représentation légale et de la gestion des biens du mineur. A la différence de la déchéance de la puissance, cette mesure ne prive pas le parent de son autorité personnelle, c est à dire de ses pouvoirs en matière d éducation et d instruction de l enfant. Elle ne sanctionne pas la violation des devoirs ou l abus de pouvoir du parent mais, plus simplement, son objective inaptitude à la gestion. C est essentiellement lorsque le parent n est pas en mesure de gérer de façon appropriée les intérêts économiques de ses enfants qu une telle mesure est adoptée. Art. 334 C. civ. Destitution de l administration Quand le patrimoine du mineur est mal administré, le tribunal peut fixer les conditions que les parents doivent respecter ou peut destituer les deux ou l un d entre eux seulement de l administration légale et les priver, en tout ou partie, de l usufruit légal. L administration est confiée à un curateur si la destitution affecte les deux parents. 16

SOMMAIRE I. LA CONVENTION INTERNATIONALE RELATIVE AUX DROITS DE L ENFANT... 2 II. LE DROIT NATIONAL... 3 A. LA CONSTITUTION... 3 B. LA LEGISLATION NATIONALE... 4 1. Les droits et devoirs des parents... 4 2. L adoption... 5 3. L intervention de l autorité publique... 6 III. LES APPORTS DE LA JUSRISPRUDENCE... 9 A. L ETABLISSEMENT DE LA FILIATION... 9 B. LE DESAVEU DE PATERNITE... 11 C. LA PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE... 12 D. L ADOPTION... 13 E. LA CRISE CONJUGALE... 14 IV. LA COEXISTENCE DE LA NOTION D INTERET DE L ENFANT AVEC D AUTRES NOTIONS VOISINES... 15 A. LA DEFAILLANCE IMPORTANTE DU PARENT ET LE PREJUDICE GRAVE SUBI PAR L ENFANT... 15 B. LA DEFAILLANCE DU PARENT ET LE PREJUDICE SUBI PAR L ENFANT... 16 C. L INTERET ECONOMIQUE DU MINEUR... 16 17