Soutènements avec armature Utilisation de pneumatiques usagés



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Soutènements avec armature Utilisation de pneumatiques usagés NGUYEN THANH LONG Ingénieur civil des Ponts et Chaussées Section Géologie et matériaux Laboratoire central des Ponts et Chaussées Philippe DELMAS Chef de la section Mécanique des sols Laboratoire régional de Nancy (actuellement à la section des ouvrages en terre aulcpc) Pierre POUGET Chef de la section Fondations - Mécanique des sols Laboratoire régional de Clermont-Ferrand Renforcer un sol par une inclusion résistante à la traction afin de lui conférer de meilleures caractéristiques, a toujours été le rêve de bien des ingénieurs. L'idée est séduisante et déjà fort ancienne. Les premières briques fabriquées par nos ancêtres à partir d'un mélange d'argile et de paille sont citées dans l'ancien Testament. Certains pays d'afrique et d'asie du Sud-Est utilisent encore ce procédé pour faire des murs en torchis, le mélange argile-paille étant appliqué sur une ossature de bambous. Dans ces régions on trouve encore des remblais fondés sur des fascines de bambous, ou des diguettes séparant les rizières armées par des feuilles de bananiers. RÉSUMÉ La recherche dont traite l'article a essentiellement pour but de déterminer les possibilités d'utilisation des pneumatiques usagés comme éléments de renforcement des sols. Elle est orientée dans plusieurs directions : - l'étude du comportement du sol renforcé, - l'étude des caractéristiques mécaniques des pneus, - l'étude de l'adhérence sol-pneumatique, - le dimensionnement. Ses résultats positifs ont permis la réalisation d'un mur expérimental de 10 m de long et 5 m de haut, décrit dans l'article. MOTS CLÉS : 42 Renforcement (gén.) - Armature - Pneu - Déchet - Sol - Adhérence - Mur de soutènement - Résistance (mater.) - Mécanique - Comportement Utilisation. La première application moderne de ce procédé est la terre armée; cela consiste à introduire dans le sol des armatures métalliques, en l'occurrence des lanières d'acier galvanisé, dans les directions où le sol est le plus sollicité. On assiste, actuellement, à un début d'utilisation de géotextiles résistants comme éléments de renforcements. L'économie d'énergie, la recherche d'un environnement meilleur et l'amélioration du cadre de vie amènent à penser à la réutilisation d'un «déchet» abondant particulièrement intéressant : le pneumatique usagé. L'objet de cet article est de présenter l'ensemble des résultats des recherches sur ce renforcement assez inhabituel. Son comportement, ses caractéristiques mécaniques, son interaction avec le sol de remblai, ainsi que les différents domaines d'utilisation seront successivement traités. 21 Bull, liaison Labo P. et Ch. - 129 - janv.-févr. 1984 - Réf. 2860

COMPORTEMENT COMPARÉ DE SABLE ARMÉ DE LATEX OU D'ALUMINIUM Des essais ont été réalisés à l'appareil triaxial sur des échantillons cylindriques de sable armé par des disques horizontaux de feuilles d'aluminium ou de latex. Les échantillons avaient 10 cm de diamètre et 20 cm de hauteur. Le sable utilisé était du sable de Fontainebleau dont la granulométrie est très serrée (diamètre moyen des grains: 0,1mm) et le poids volumique compris entre les valeurs extrêmes : 13,9 kn/m 3 ^ Ya < 17,2 kn/m 3 Chaque lit d'armature était constitué par un disque circulaire de même diamètre que l'éprouvette. Le papier d'aluminium a une épaisseur de 18 pm et une résistance moyenne à la traction R T de 11,50 kn par centimètre linéaire (E = 7 x 10 9 kpa). Le latex utilisé a une épaisseur de 0,5 mm, un module E dépendant du taux de déformation et une résistance à la rupture de l'ordre de 200 dan : 100 % de déformation : E = 7 dan/cm 2 300 % de déformation : E = 16 dan/cm 2 600 % de déformation : E = 95 dan/cm 2 Les lits d'armatures, tous identiques, étaient disposés horizontalement et régulièrement espacés d'une distance AH égale à 2 cm ou à 5 cm. La figure 1 montre que la courbe contraintedéformation de l'échantillon de sable armé classique (disques d'aluminium) possède une tangente commune avec celle du sable seul, contrairement à celle du sable armé de latex. Ce dernier a une déformation axiale s, importante. Fig. 2 Courbes intrinsèques. En revanche, le sable armé de latex, outre qu'il ne présente aucune cohésion, a même un angle de frottement interne légèrement plus faible [2]. Ainsi, l'introduction des disques de latex dans le sol ne l'améliore pas, car le module de ces derniers est trop faible. Il n'est donc pas intéressant «d'armer» le sable avec du latex. Dans la pratique, les pneumatiques sont fabriqués à partir du caoutchouc vulcanisé. Ils comportent certes en moyenne de l'ordre de 40 à 50 % de latex, mais aussi d'autres éléments différents tels que de l'huile, des copolymères butadiène styrène... Ils possèdent de plus la particularité d'être armés par des fils câblés, de fibres naturelles ou artificielles (nylon, rayonne,...) ou métalliques; ces «tissus cord» constituent une sorte d'armature des pneus et l'ensemble possède un module certainement supérieur au sol de remblai. Or, dans un mélange de deux éléments d'adhérence parfaite, c'est l'élément qui a le module le plus élevé qui impose sa déformation.,, Oi (kpa) i GÉNÉRALITÉS SUR LES PNEUS I Sable armé (aluminium) AH = 5cm! Constitution d'un pneu Les principaux constituants d'un pneumatique sont les suivants : Les tringles, constituées par une tresse ou du fil métallique enrobé de caoutchouc, permettent l'ancrage inextensible du pneu sur la jante; elles sont entourées par les «toiles» qui forment la carcasse. ^ 1 1 *- 0 1 2 3 4 e, (%) Fig. 1 Courbes contrainte-déformation. La courbe intrinsèque du sable armé d'aluminium (fig. 2) présente une cohésion proportionnelle à la densité R T /\H des armatures [1], l'angle de frottement étant identique à celui du sable seul. Les efforts, qui se développent dans la masse du sol, sont transmis aux armatures par le biais du frottement mettant ces dernières en traction. La carcasse est un assemblage de toiles formées de fils, ou de fils câblés, de fibres naturelles (coton), artificielles (nylon, rayonne) ou métalliques. Ces toiles ou «tissus cord» constituent une sorte d'armature des pneus, supportant les flancs et la bande de roulement. Les flancs et la bande de roulement sont formés par un ou des mélanges à base de caoutchouc renforcé par du noir de carbone. Actuellement, la plupart des pneus produits dans le monde ont des carcasses formées de fils câblés de rayonne dont les qualités, dites à haute résistance, 22

permettent l'emploi de fils de quelques dixièmes de millimètres seulement (6 à 8/10) pour une résistance à la rupture de l'ordre de 0,4 kn. Caractéristiques mécaniques Des essais mécaniques ont été effectués sur une presse munie d'un enregistreur d'effort de traction en fonction de la déformation. Toutes les marques de pneus ont été testées. Une étude statistique a été entreprise sur les pneus de tourisme. On obtient les résultats suivants : La valeur moyenne de la résistance à la traction des bandes de roulement est de 56,0 kn avec un écarttype de 24 kn. La probabilité pour que toutes les bandes de roulement aient une résistance supérieure à 26 kn est de 90 %. Elle n'est que de 80 % pour une résistance supérieure à 36 kn. En ce qui concerne les flancs, il n'y a pratiquement pas de différence entre eux. Leurs résistances varient de 17 kn pour les pneumatiques les moins armés, à 52 kn pour les plus armés. La résistance moyenne est de 25 kn avec un écart-type de 10 kn. Rappelons pour mémoire qu'une armature métallique de terre armée de section 40 x 5 a une charge à la rupture de 69,3 kn. Cependant le dimensionnement des ouvrages est effectué à partir d'une épaisseur de calcul e t définie par la relation suivante : e = e e où e s appelée épaisseur sacrifiée, représente l'épaisseur de métal susceptible d'être consommé par corrosion uniforme ou quasi uniforme au cours de la durée de service. Sa valeur variant de 0,5 à 7 mm est fonction de la nature de l'acier utilisé, de la durée de service de l'ouvrage et de l'agressivité du site d'implantation [3]. Comportement dans le sol Les résultats des recherches publiées par de très nombreux chercheurs ont montré la complexité du phénomène de vieillissement du caoutchouc du pneumatique. Il apparaît que les paramètres influençant cette détérioration sont nombreux, mais que finalement leurs actions restent négligeables. On peut néanmoins en dénombrer quatre très importants : La lumière et la chaleur (les rayons ultraviolets). Ces paramètres ont pour effet de provoquer une décomposition superficielle qui se manifeste par un dessèchement du caoutchouc avec apparition de craquelures plus ou moins profondes. Un tel problème ne se pose pas si le pneumatique est complètement enterré, car il est totalement à l'abri de la lumière. De plus, dans un remblai, la température moyenne en profondeur varie dans une fourchette relativement étroite (3 à 4 %) suivant la teneur en eau du matériau. Près de la surface du sol, elle est beaucoup plus influencée par les variations saisonnières, il reste néanmoins que la température la plus grande serait de l'ordre de 15 C, température beaucoup plus basse que celle subie par le pneu lors de son utilisation. L'ozone : le caoutchouc est influencé par l'ozone dont la présence est très faible, voire négligeable dans le sol. L'acidité du sol : on sait qu'un acide fort (ph # 1) détruit le caoutchouc. Le ph de l'eau extraite des remblais est fréquemment de l'ordre de 4 à 5, cela montre qu'en général les sols naturels sont relativement peu acides. ADHÉRENCE TERRE-PNEUMATIQUE Afin de permettre un bon compactage du matériau de remblai, le pneumatique est découpé en trois éléments, deux flancs et une bande de roulement pour bénéficier de la résistance mécanique des tringles et des nappes d'armatures. Il existe une machine qui peut effectuer ce genre de découpe. C'est la RTM 80 qui fonctionne en continu depuis le mois de février 1980. Un renforcement efficace nécessite une très bonne connaissance de l'interaction sol-pneumatique. Ce phénomène a été étudié à partir d'essais de traction en vraie grandeur d'éléments de pneumatiques du même type noyés dans un remblai. Ces essais cherchaient à mettre en évidence, d'une part, l'influence de la contrainte verticale (hauteur de remblai), et d'autre part l'influence du type (en bande ou en nappe) et de la longueur de l'armature ainsi constituée. Chacun des éléments testés est mis en place sous une épaisseur de remblai (1 à 2 m) constitué de graves alluvionnaires de l'allier (granulométrie 0/60). Un câble en acier (élingue) est disposé à l'avant de l'élément et permet d'effectuer la mise en traction (à la vitesse d'environ 0,75 mm/s) à partir de un ou deux camions situés à environ 5 m du pied du remblai. Les frottements et les effets de bords le long du câble sont supprimés par l'utilisation de gaine rigide de protection. Enfin, un «étalonnage» des élingues et du système d'attache à l'élément testé a été réalisé pour chacune des hauteurs de remblai étudiées. Formes d'assemblages Les différents éléments résultant de la découpe du pneumatique peuvent être disposés de la manière suivante : - flanc posé à plat, - bande de roulement mise sur chant, - bande de roulement aplatie. Cette dernière disposition évite de couper transversalement la bande et donc de mettre à nu les nappes d'acier ou de nylon. L'assemblage de ces différents éléments permet de réaliser des armatures linéaires ou en nappe. Dans tous les cas le montage des éléments doit rester simple 23

pour pouvoir rendre le procédé technologiquement et économiquement valable au niveau de la mise en œuvre; dans nos essais nous avons utilisé comme liaison entre différents éléments (flanc ou bande de roulement) des pièces métalliques adaptées à leur forme. On notera ici qu'il convient de tenir compte, dans l'assemblage des éléments, des possibilités de moduler la résistance de l'armature dans certaines zones où les efforts de traction sont importants. Résultats obtenus Assemblages linéaires AL déplacement (cm) Les courbes effort-déformation obtenues (fig. 3) présentent généralement la même allure avec une assez forte tangente à l'origine (1,1 à 10.10 3 kn/m moyenne 4.10 3 kn/m). On constate que la valeur du déplacement correspondant au maximum de l'effort de traction augmente avec le nombre d'éléments et que cet effort maximal n'est pas directement proportionnel au nombre d'éléments. D'autre part, l'effort maximal de traction n'est obtenu qu'après le début du glissement de l'ensemble de l'éprouvette testée. 5 4 Effort (1(T dan) Chant -+- H h -I- -t- -t- -t- -t- 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Al_ déplacement (cm) Fig. 3 Courbes d'essais pour les divers types d'éléments testés (un élément), hauteur du remblai : 1 m. On retiendra que pour les structures constituées de bandes de roulement aplaties, on observe une sensible augmentation de l'effort de traction maximal en fonction du nombre d'éléments (fig. 4) et de la contrainte verticale. Pour des essais de traction sur trois éléments linéaires, on constate un allongement important du premier élément (Al # 10 cm) puis un glissement de celui-ci mettant ainsi en traction le deuxième pour lequel on observe un allongement plus faible, le troisième étant peu sollicité. La déformation propre des éléments se traduit par un étirement de ceux-ci dans le sens de la sollicitation. Dans le cas de bandes de roulement sur chant, l'effet de surcharge verticale est également très marqué (augmentation de l'effort de traction et diminution de la déformation) et comme pour la disposition précédente, l'adjonction d'un élément supplémentaire entraîne un meilleur ancrage du premier élément et lui confère une plus grande déformation pour les valeurs Fig. 4 Essais de traction sur bandes de roulement aplaties, hauteur du remblai : 1 m. de l'effort maximal d'arrachement. De plus, il apparaît une déformation limite (déformation maximale du premier élément) qu'on ne peut dépasser même par adjonction d'un grand nombre d'éléments. Sous l'action de la sollicitation, la déformation d'un élément de bande de roulement sur chant fait évoluer la forme initiale circulaire vers une forme en goutte d'eau, c'est ce qui explique les déformations propres de l'élément supérieures à celles mesurées dans le cas des bandes de roulement aplaties. Pour ce qui concerne les flancs, on retrouve le même comportement, avec toutefois des essais limités par une rupture de la tringle pour des valeurs d'efforts de l'ordre de 300 kn. Sous la sollicitation, les flancs se déforment et passent d'une forme circulaire à une forme ovale très allongée; de plus, la couronne de caoutchouc entourant la tringle ondule pour former de petites vaguelettes à l'avant de l'élément, conséquence d'un allongement au niveau de la tringle supérieur à celui de la couronne de caoutchouc. D'une manière générale, il faut retenir que les déformations des éprouvettes sont différentes suivant le type : pour les bandes de roulement aplaties, il s'agit d'une déformation propre de l'élément qui peut atteindre des valeurs élevées (18 %); pour les bandes de roulement sur chant et pour les flancs, il s'agit d'une déformation propre de l'élément (étirement), ainsi qu'une ovalisation de l'éprouvette qui augmente la valeur de son diamètre initial dans le sens de l'effort de traction. La somme de ces deux déformations peut donner une valeur élevée (25 cm pour les flancs et 37 cm pour les bandes de roulement sur chant). Assemblages en nappes Dans tous les cas les essais ont été menés jusqu'à la rupture de l'attache sans que le maximum de la sollicitation de la structure ne soit atteint. On observera que pour ce type d'assemblage nous avons éliminé la bande de roulement aplatie qui se prête mal à une telle disposition. 24

Bandes de roulement sur chant Nombre d'éléments OOO w SI W M il Effort maximal (kn) >44,3 >68,0 >44,4 >40,9 >38,2 >56,0 >43,0 54,0 >57,5 >33,0 Flanc Déplacement correspondant à l'avant de l'élément (cm) Effort pour AL = 10cm (kn) >43 >26 >24 >20 >24 >13,5 >36 46 >38,5 >25,5 26,0 45,0 21,5 26,2 21,2 49,5 18,0 25,0 22,5 20,0 Fig. 5 Vue d'un élément du parement. D'une manière générale, les pentes à l'origine des courbes effort-déformation obtenues sont plus raides que celles observées pour des assemblages de type linéaire, principalement pour ce qui concerne les essais sur les bandes de roulement sur chant. On observera en particulier que la meilleure disposition est, pour ce type d'élément, la trame carrée. d, h, e', e à déterminer ultérieurement Autres types de sections possibles ÉLÉMENTS TECHNOLOGIQUES Le parement Dans un ouvrage de ce type, aux extrémités libres de l'ouvrage, il est nécessaire de prévoir un écran pour empêcher la terre de s'écrouler entre les nappes horizontales ou les bandes linéaires et pour donner à l'ouvrage la forme voulue. Le parement joue un rôle mécanique beaucoup moins important que les inclusions; cependant, il doit présenter les caractéristiques suivantes : Plantes vertes / Vue de dessus ^Hi Jl25L k L_ Plantes vertes Profil i 1 tout d'abord, il doit être résistant, car il supporte les efforts au voisinage immédiat de l'extrémité de l'ouvrage; il doit être flexible pour conserver au sol renforcé sa qualité de souplesse; il doit ensuite être esthétique car l'aspect de l'ouvrage en dépend; enfin il doit être constitué par éléments pour permettre une construction simple et rapide. Le développement futur du procédé et son extension au renforcement des sols par des géotextiles seraient d'autant plus aisés si nous arrivions à trouver un parement répondant à ces critères et dont la fabrication puisse être industrialisée. Dans le cadre d'une éventuelle mission dans un pays du tiers monde, dont l'objet portait sur le renforcement des sols par des bambous, nous avions Fig. 6 Vue en élévation. imaginé un parement constitué de fûts de bitume vides. Ils seraient posés par rangée horizontale et décalés par rapport à la rangée supérieure suivante, et dans le cadre de nos usages propres remplacés par des buses en fibrociment... Des profilés en U, I..., peuvent éventuellement être adoptés. La figure 5 montre un profilé en U et quelques autres types de sections possibles, la figure 6, une vue en élévation et de dessus d'un ouvrage. Différentes dispositions technologiques de liaison sont prévues selon que l'on utilise les nappes de pneumatiques usagés ou d'autres modes de renforcement, ainsi que divers dispositifs constructifs permettant d'avoir un parement final vertical et agréable à l'œil. 25

Les attaches Le problème des attaches de liaison des éléments pneumatiques les uns aux autres et au parement est certainement l'un des plus délicats. Le caoutchouc étant sensible au poinçonnement, les surfaces des attaches en contact avec lui devront être assez larges. Lors des essais préliminaires nous avons utilisé un certain nombre d'attaches métalliques en acier doux de 16 mm de diamètre ou de pièces facilement usinables (fig. 7). r\ 50 mm,, _-L \ ^-» Plat (épaisseur : 5 mm) Nœud plat a) par corde Nœud de carrick / 3 a-3 0 mm jt Axeq>8à 1 Goupilles 0 180 mm b) par sangle d'emballage Fig. 8 Attache. Fig. 7 Attache métallique par fer plat. Une deuxième possibilité est l'utilisation de cordes, ou de bandes en géotextile tissé. Certaines cordes d'amarrage de bateaux de plaisance ont des résistances à la traction particulièrement élevées (20 à 30 kn) (fig. 8a). Il existe aussi des crochets métalliques en deux parties attachés par coutures aux deux extrémités de sangles d'arrimage de camion et des sangles d'emballage équipées d'un petit crochet métallique (fig. %b). Finalement nous avons opté pour ce dernier type d'attaches, car elles sont relativement bon marché et possèdent une résistance à la rupture assez élevée (16 kn). DOMAINES D'APPLICATION Domaines d'utilisation [4] L'une des qualités du complexe sol-pneumatique est sa souplesse qui lui permet des tassements différentiels importants, qualité essentielle pour une économie éventuelle de fondations profondes toujours très chères. L'utilisation des pneumatiques en nappes permet, en outre, une meilleure répartition des efforts dans la masse du sol renforcé et sur les fondations. Cette qualité essentielle fait du sol-pneumatique un très bon matériau de génie civil dont les caractéristiques sont les suivantes : - standardisation et rapidité d'exécution; - continuité avec les remblais adjacents; - construction par étapes et par plots; - utilisation d'un matériau de remblai médiocre (recherches à développer); - construction de murs courbes avec de faibles rayons de courbures; - ouvrages en site terrestre ou en site aquatique; - ouvrages avec effets architecturaux et amélioration du site; - amélioration de l'environnement grâce à l'utilisation d'un déchet important; - économie d'énergie : remplacement de l'acier par un déchet ; - absorbeur d'énergie. Les exemples d'applications possibles sont multiples et variés : - murs de soutènement; - petites culées pour ouvrages métalliques; - digues ou réservoirs d'eau anti-incendie; - pistes, radiers dans les zones karstiques; - protection des berges et des fonds de canaux; - protection des talus contre les eaux de ruissellement; - protection des ouvrages enterrés comme amortisseurs de chocs; - amélioration du compactage. Mur expérimental Afin de tester la faisabilité du matériau sol-pneumatique, nous avons construit avec l'aide de l'agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets (ANRED) un mur expérimental de 5 m de haut et de 10 m de long à Nancy. L'élément de parement choisi a la forme d'un T (fig. 9). L'élément de retour est muni de deux trous par lesquels seront enfilés deux tubes métalliques permettant de solidariser les nappes 26

o Le remblai utilisé est un concassé (0/30) d'angle de frottement <p = 35 (K a x 0,27), de poids volumique y d = 19,5 kn/m 3. L'espacement vertical des nappes est de 0,5 m. Le mur est de section carrée, la hauteur étant égale à la longueur des armatures; selon la répartition choisie pour G 1, on obtient : Vue de dessus o la répartition uniforme : T x = K a y h AH = 13 kn Fig. 9 Élément de parement du mur expérimental. Vue de côté la répartition trapézoïdale : T 2 = K a y h AH (l +K a^j= 16,5 kn de pneumatiques avec le parement. Notons au passage que si le renforcement utilisé est un géotextile résistant, celui-ci peut venir s'enrouler autour des tiges. Lors de leur pose, ils doivent être légèrement inclinés vers le remblai pour tenir compte de la déformation des nappes de pneumatiques sous sollicitations. Dans le cas d'une utilisation de matériau particulièrement argileux, on peut envisager un étalement provisoire de la rangée. Les bandes de roulement mises sur chant sont disposées selon une trame carrée et attachées les unes aux autres par des sangles d'emballage. En ce qui concerne le dimensionnement de l'ouvrage, nous avons opté pour des méthodes simples consistant à écrire l'équation d'équilibre entre le parement et la nappe de pneumatiques avec les hypothèses suivantes : la terre entre les armatures est partout en état de rupture car la déformation des pneumatiques est suffisante pour mobiliser toute la résistance au cisaillement du sol; l'effort de traction est supposé maximal, soit sur le parement, soit près de celui-ci. La position exacte de ce maximum n'est importante que dans la mesure où nous souhaitons un dimensionnement précis de la longueur d'adhérence; sa valeur est fonction de l'hypothèse choisie sur la répartition de la contrainte verticale o 1 et des caractéristiques du matériau de remblai adopté. la répartition de Meyerhof : T 3 = K a y h AH 1 1 KJP 3L 2 = 14 kn Les éléments choisis sont des bandes de roulement sur chant disposés suivant une maille carrée. Leur résistance à la traction pour un allongement admissible de 10 cm serait de 49,5 kn. Le coefficient de sécurité est donc de l'ordre de 3. En fait, en vue d'un chargement ultérieur du mur, et pour tenir compte de la dispersion des résultats, les pneumatiques proches du parement sont tous doublés, ce qui fait que le coefficient actuel est très supérieur à 3. Un programme de mesure et de contrôle a été mis en place permettant de connaître : les déplacements du parement; les efforts dans la barre de liaison pneumatiquesparement; les pressions dans le sol; les déformations des pneumatiques. L'ensemble de cette opération s'est fort bien déroulé. Le mur a été construit en moins d'une semaine et a subi une déformation maximale de 5 cm (fig. 10 et 11) [5]. Fig. 10 Fig. 11 Détail du parement. 27

CONCLUSION Cette étude a permis d'aborder tous les aspects de l'utilisation des pneumatiques usagés comme éléments de renforcement des sols. L'utilisation d'un pneumatique entier dans les travaux de terrassement n'est pas judicieuse dans la mesure où elle permet difficilement un bon compactage indispensable à la construction d'un bon remblai. L'emplacement destiné à la chambre à air ne peut en effet être efficacement rempli et compacté dans de bonnes conditions. La découpe proposée en deux flancs et une bande de roulement peut être effectuée mécaniquement. Les caractéristiques mécaniques élevées de chacun de ces trois éléments, la bonne adhérence des assemblages testés, la facilité de pose des éléments de parement proposés ont contribué à la réussite de ce premier mur expérimental. L'attache actuellement utilisée (sangles d'emballage) ne nous permet malheureusement pas une automatisation de la fabrication des nappes de pneumatiques. Une étude économique précise doit donc être entreprise à partir de l'expérience acquise sur cet ouvrage. On peut cependant déjà conclure à la faisabilité du procédé. REMERCIEMENTS Nous remercions l'agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets (ANRED) pour l'aide financière apportée à la réalisation du mur expérimental et M. de Macedo, chargé de mission de cette agence, pour les discussions fructueuses sur l'emploi des pneumatiques dans le génie civil, et la société SCETAUROUTE pour le soutien qu'elle a apporté dans la réalisation de cet ouvrage. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] SCHLOSSER F., NGUYEN THANH LONG, Dimensionnement des ouvrages en terre armée, murs et culée, Formation continue de l'enpc, 1975, 50 p. [2] NGUYEN THANH LONG, POUGET P., Le renforcement des sols par des pneumatiques usagés, Rapp. DGRST, sept. 1980, 15 p. [3] LCPC-SETRA, Les ouvrages en terre armée, Recommandations et règles de l'art, 1979. [4] CARTIER G., NGUYEN THANH LONG, POUGET P., BARGIL- LAT R., CUDENNEC J.-P., Déchets urbains et pneumatiques usagés en génie civil, Cong, inter. Méch. Sols et des Trav. Fond., Stockholm, 1981, et Bull, liaison Labo. P. et Ch., spécial XI, oct. 1981, p. 62-65. [5] DELMAS Ph., NGUYEN THANH LONG, Mur renforcé par éléments de pneumatiques, C.R. LRPC Nancy et LCPC, avril 1983. Cet article reprend l'exposé des auteurs aux journées organisées par les LPC au Bourget en mai 1983 : «Valorisation et élimination des déchets et sous-produits industriels et urbains». 28