ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET INFLAMMATION CONCEPTION D ENSEMBLE 1. Définition L'inflammation ou réaction inflammatoire est la réponse des tissus vivants, vascularisés, à une agression. 2. Causes des réactions inflammatoires Les causes sont multiples et représentent les - Absence de reconnaissance immunologique agents pathogènes. préalable de l agresseur Ils sont : - Réponse cellulaire rapide (à polynucléaires) soit exogènes : - Réponse vasculaire rapide (phénomènes. Infection (bactéries, virus, parasites, champignons). Agents physiques : traumatismes, radiations, chaleur. Agents chimiques : caustiques, toxines. Corps étrangers soit endogènes :. Défaut de vascularisation : réaction inflamma- Une réaction inflammatoire à un agent agresseur passe par la mise en jeu successive de moyens de défense non spécifiques et spécifiques : 4.1. Moyens de défense non spécifiques Leurs caractéristiques sont : - Mise en jeu rapide (clinique aiguë) - Déclenchement non sélectif (n importe quel agent agresseur) vasomoteurs) 4.2. Moyens de défense spécifiques Leurs caractéristiques sont : - Mise en jeu plus tardive et de plus longue durée (clinique chronique) - Sensibilisation préalable et mise en jeu d une réaction immunitaire toire secondaire à une nécrose d origine ischémique. - Réponse cellulaire lente : macrophages, lymphocytes, plasmocytes, fibroblastes. Agression dysimmunitaire (anomalie de la réponse immunitaire, allergies, auto-immunité ) - réponse vasculaire lente : néoangiogenèse Ces causes déterminent des lésions cellulaires et tissulaires qui vont déclencher l'inflammation. A noter que : - Inflammation n est pas synonyme d infection mais une infection est une cause d inflammation, - Un même agent pathogène peut entraîner des réactions inflammatoires différentes selon l'hôte : d'où l'importance des facteurs liés à l'hôte (ex : l'état des défenses immunitaires). 3. Moyens de défense de l organisme Ils sont de 2 types : Statiques : La peau et les muqueuses Mobiles : Les cellules mobiles : polynucléaires (PN), macrophages, lymphocytes. Les substances humorales élaborées par les cellules participant à l inflammation pouvant avoir une action : - Non spécifique : agents vasodilatateurs - Spécifique : neutralisation sélective de l agresseur (immunoglobulines) 4. Grandes étapes de la réponse inflammatoire 1 5. Modalités d expression de la réaction inflammatoire En conditions physiologiques, les défenses de l organisme sont sollicitées en permanence pour assurer le maintien de l intégrité du milieu intérieur : cette réaction d homéostasie est sans traduction clinique, elle n a qu une traduction morphologique microscopique. Parfois l'inflammation peut être pathologique : c est l inflammation maladie. Ce caractère pathologique a comme origine soit : - l'agressivité particulière de l'agent pathogène, - sa résistance à la mise en jeu des moyens de défense de l organisme, - l exagération des phénomènes normaux, - des déficits fonctionnels. Ce processus comprend : - des phénomènes locaux : l'inflammation se déroule dans un tissu conjonctif vascularisé (les tissus dépourvus de vaisseaux (cartilage, cornée) sont incapables de développer une réaction inflammatoire complète). - des phénomènes généraux, exprimés biologiquement par le syndrome inflammatoire et cliniquement de façon variable, le plus souvent par de la fièvre et éventuellement une altération de l état général.
L'inflammation fait intervenir des cellules, des vaisseaux, des modifications de la matrice extracellulaire et de nombreux médiateurs chimiques qui peuvent être pro ou anti-inflammatoires. Bien que le déroulement des réactions inflammatoires présente des caractères morphologiques généraux et des mécanismes communs, elles vont différer les unes des autres en fonction de la nature de l'agent pathogène, de l'organe atteint, du terrain physiologique de l'hôte. Ces éléments conditionnent l'intensité, la durée de la réaction inflammatoire et l'aspect lésionnel. 6. Relation entre physiopathologie et clinique Défenses non spécifiques Clinique aiguë Défenses spécifiques Clinique chronique clinique aiguë correspond à une réponse immédiate à un agent agresseur, de courte durée (quelques jours ou semaines). Les inflammations aiguës guérissent spontanément ou avec une thérapeutique, mais peuvent laisser des séquelles si la destruction tissulaire est importante. Ces inflammations correspondent à la mise en jeu des moyens de défense non spécifiques parfois associée à la mise en jeu des moyens de défense spécifiques pour une courte durée. clinique chronique, correspond à une inflammation n'ayant aucune tendance à la guérison spontanée et qui évoluent en persistant ou en s'aggravant pendant plusieurs mois ou plusieurs années. On peut distinguer deux types de circonstances de survenue des inflammations chroniques : 1) les inflammations aiguës évoluant en inflammations prolongées subaiguës et chroniques lorsque l'agent pathogène initial persiste dans les tissus (détersion incomplète) ou lorsqu une inflammation aiguë récidive de façon répétée dans le même organe en entraînant à chaque épisode des destructions tissulaires de moins en moins bien réparées. 2) Les inflammations peuvent parfois se manifester d'emblée sous une forme apparemment chronique. La mise en jeu des moyens de défense non spécifiques est passée inaperçue car brève ou asymptomatique. C'est souvent le cas d'affections où les mécanismes dysimmunitaires sont prépondérants (exemple : hépatite chronique secondaire à une infection par virus de l'hépatite B ou C). 7. Rôle de l'examen anatomopathologique au cours d'une maladie inflammatoire De nombreuses réactions inflammatoires sont histopathologiquement non spécifiques : l'étude histologique des tissus lésés ne peut déterminer la cause de l'inflammation mais peut dater l'inflammation (mise en jeu des moyens de défense spécifiques) et apporter des éléments de pronostic concernant : - la sévérité de la destruction tissulaire - le risque de séquelle si l'inflammation répond mal au traitement - l'existence d'une régénération du tissu ou d'une cicatrice Dans certains cas, l'étude anatomopathologique peut orienter le clinicien vers la cause de l'inflammation : lésions dites (histopathologiquement) spécifiques (évocatrices d une cause ou d un groupe de causes) et inflammations où l'agent pathogène est identifié par l'examen microscopique des tissus. 2
MISE EN JEU DES MOYENS DE DEFENSE NON SPECIFIQUES ET INFLAMMATION AIGUË clinique aiguë correspond à une réponse immédiate à un agent agresseur, de courte durée (quelques jours ou semaines). Ce succèdent de façon rapide l agression, la destruction cellulaire, la détersion et la réparation. 1. Cellules impliquées 1.1. Les polynucléaires (PN) Pendant les 6 à 24 premières heures, les polynucléaires migrent de la microcirculation vers le site inflammatoire par diapédèse (traversée active des parois vasculaires). 1.1.1. Les polynucléaires neutrophiles (PNN) ont un rôle majeur Leurs différentes fonctions sont : - La phagocytose : capacité à englober, dans le cytoplasme du phagocyte, une particule étrangère vivante ou inerte, habituellement suivie d'une digestion de cette particule par les enzymes lysosomiaux - La régurgitation : capacité à libérer dans la matrice extracellulaire des produits de phagocytose (élément phagocyté et enzymes) - La bactéricidie : production de radicaux libres bactéricides mais entraînant des lésions du tissu environnant, et production d enzymes bactéricides (lactoferrine, lysozyme) Devenir des PNN : - production dans la moelle stimulée par des cytokines pro-inflammatoires, - migration sous l influence de facteurs chimiotactiques en 20 minutes, - durée de vie : 20 jours, éliminés par apoptose ou exocytose. 1.1.2. Les PN éosinophiles complètent l action des neutrophiles Leurs différentes fonctions sont : - Une phagocytose limitée (complexes immuns) - La libération de protéines enzymatiques (arylsulfatases, histaminases) jouant un rôle de protéines «tampon» face à la dégranulation des PN basophiles. En excès, ces enzymes peuvent former des cristaux (cristaux de Charcot Leyden) observables dans l asthme, pathologie à l origine de dégranulations répétées de nombreux polynucléaires éosinophiles. 1.1.3. Les PN basophiles et les mastocytes Les polynucléaires basophiles sont présents dans le sang circulant. Les mastocytes sont des cellules non circulantes présentes dans les tissus. Leur contenu enzymatique est comparable. Ils jouent un rôle important dans les phénomènes vasomoteurs associés aux réactions inflammatoires grâce à la libération du contenu enzymatique de leurs granules cytoplasmiques : histamine et héparine. 1.2..Les plaquettes Les plaquettes vont jouer un rôle fondamental dans : - l hémostase par leur agrégation, - la protéolyse de la matrice extracellulaire au niveau du site inflammatoire par dégranulation de leurs enzymes lysosomiales (hydrolases, cathepsines), - la libération de dérivés de l acide arachidonique (prostaglandines, leucotriènes et thromboxanes) ayant des actions locales (vasomotricité, attraction de polynucléaires ) et des effets généraux (fièvre). 2. Médiateurs plasmatiques circulants Leurs caractéristiques principales sont : - Leur présence dans le plasma sous forme de précurseurs, - Systèmes multiples à actions complémentaires ou antagonistes, - Rôle à la fois dans le déclenchement et l entretien de l inflammation. 2.1. Le système kininogène-kallicréine-kinines Polypeptides à action vasoactive formés à partir du kininogène plasmatique grâce à l action d enzymes : les kallicréines. Le membre le plus important de cette famille de polypeptides est la bradykinine. Les kinines sont de puissants vasodilatateurs activés dans la 1ère heure de la réaction inflammatoire. Elles augmentent la perméabilité vasculaire et sont la principale cause de l œdème lors des réactions inflammatoires. Leur action est puissante mais brève car leur durée de vie est courte. 2.2. Le système du complément : un système en cascade Le système du complément regroupe un ensemble de protéines sériques (les facteurs du complément) dont l activation s effectue par des réactions de protéolyse en cascade. Il joue un rôle important dans : 3
- le chimiotactisme des PNN, - l opsonisation des bactéries. Certains facteurs du complément (C3b ) adhèrent aux bactéries facilitant leur phagocytose par les PNN et les macrophages, - la vasodilatation (C3a : anaphylatoxine) en entraînant la dégranulation de mastocytes, de polynucléaires basophiles et la libération d enzymes vasodilatatrices (histamine..). 2.3. Systèmes coagulation- fibrinolyse Il s agit d un système en équilibre à l état normal. La coagulation est activée par les agresseurs : une cascade de protéolyses aboutit à la production de fibrine à partir du fibrinogène. La fibrine limite le foyer inflammatoire. La fibrinolyse est activée par la nécrose cellulaire : la plasmine dégrade la fibrine en produisant des produits de dégradation de la fibrine (PDF). 2.4. Les inhibiteurs plasmatiques des protéases Ils interviennent dans la régulation des systèmes précédents dont l activation complète serait létale. Ex : alpha1- antitrypsine. 3. Les médiateurs d origine cellulaire L action directe des cellules est complétée par la libération de : 3.1. Dérivés de l acide arachidonique Libérés sous l influence de la phospholipase A2 (provenant essentiellement des polynucléaires neutrophiles et des plaquettes) : - Prostaglandines : vasodilatateurs puissants favorisant l augmentation de la perméabilité vasculaire, - Leucotriènes : jouant un rôle dans le chimiotactisme des PNN, favorisant l agrégation plaquettaire et ayant un effet vasoconstricteur, - Prostacycline : anti-agrégant plaquettaire et vasodilatateur, - Thromboxane A2 : puissant agrégant plaquettaire et vasoconstricteur. 3.2. Amines vasoactives Les polynucléaires basophiles et les mastocytes libèrent de l histamine ; les plaquettes libèrent de la sérotonine, tous deux des vasodilatateurs puissants. 3.3. Cytokines et facteurs de croissance Les cytokines sont des peptides ou des protéines produites par de nombreuses cellules. Elles agissent par l intermédiaire de récepteurs membranaires, sur la cellule qui les produit (effet autocrine), sur les cellules proches (effet paracrine) et sur des cellules situées à distance (effet endocrine). Elles sont élaborées par les lymphocytes, les monocytes-macrophages et les fibroblastes. Il s agit de facteurs de coopération cellulaire qui sont à l origine de trois effets principaux : la médiation de l immunité naturelle (interférons provoquant une activité antivirale non spécifique), la stimulation de l hématopoïèse (colony stimulating factors) 4 et la modulation de l activité de nombreuses cellules intervenant dans l inflammation. 4. Expression morphologique de la mise en jeu des moyens de défense non spécifiques 4.1. La réponse homéostatique Il s agit de la réaction inflammatoire physiologique sans traduction clinique. Elle comprend trois phases principales : 4.1.1. Phase de limitation Elle est médiée par une réponse vasculaire immédiate comprenant : - une congestion active : vasodilatation par ouverture des sphincters précapillaires provoquée par les médiateurs chimiques déjà vus, - l œdème inflammatoire : par élévation de la pression capillaire après ouverture des sphincters précapillaires et secondairement par modification de la perméabilité vasculaire, - S y associe des microthromboses en périphérie du foyer lésionnel et une hémorragie interstitielle. 4.1.2. Phase de détersion Il s agit de l élimination des éléments étrangers ou nécrosés qui sont présents au niveau du foyer inflammatoire. Elle est réalisée par les polynucléaires neutrophiles ayant migrés jusqu au site inflammatoire par diapédèse et par les macrophages. Pour effectuer la détersion, ces cellules utilisent leur capacité de phagocytose. 4.1.3. Phase de réparation Après la détersion, le site inflammatoire est le siège d une diminution des réponses vasculaire et cellulaire. Suit une activation du système fibroblastique avec multiplication cellulaire et synthèse de collagène. La réparation tissulaire peut prendre deux formes : la régénération et la cicatrisation. Lorsque la destruction du tissu est partielle, il peut revenir ad integrum et retrouver ses fonctions : c est la régénération. La cicatrisation, elle, aboutit à un tissu conjonctif néoformé qui remplace le tissu détruit : la cicatrisation est mutilante. 4.2. L inflammation aiguë «maladie» Sa physiopathologie est basée sur l exagération des réponses vasculaire et/ou cellulaire normales ou de façon plus rare est liée à des problèmes de déficits fonctionnels congénitaux. 4.2.1. Exagération de la réponse vasculaire Inflammation oedémateuse exudative. Une exagération de la perméabilité vasculaire aboutit à un phénomène d exsudation à l origine d un œdème interstitiel tissulaire. Une inflammation oedémateuse exudative localisée au niveau d une cavité (plèvre, péritoine) est à l origine d un épanchement. Une inflammation oedémateuse
exudative localisée au niveau d un conduit (le conduit auditif ) est à l origine d un écoulement. Lorsque le transsudat ou l exsudat est pauvre en fibrinogène : il est dit séreux, lorsqu il est riche en en fibrinogène, celui ci se coagule en un réseau de fibrine et il est dit séro-fibrineux. Dans ce cas, lors de la détersion soit la lyse de la fibrine par les enzymes des polynucléaires est complète, soit la détersion est incomplète et un tissu fibreux va se constituer en lieu et place de la fibrine : c est l organisation fibreuse. Inflammation hémorragique. L augmentation de la perméabilité vasculaire notamment par activation de la fibrinolyse lors par exemple d une septicémie, de phénomènes de coagulation intravasculaire disséminée (coagulation incontrôlée dans les capillaires de l organisme) est à l origine d inflammation hémorragique. Inflammation thrombosante. Toute lésion endothéliale au cours d une réaction inflammatoire est à l origine de l activation de la voie de la coagulation. La thrombose au cours de l inflammation physiologique a pour but de freiner la dissémination de l agent agresseur. L inflammation thrombosante survient dans un tissu initialement normalement bien irrigué où une activation excessive de la coagulation est à l origine de thromboses extensives. Leur effet secondaire est l anoxie à l origine d une nécrose ischémique. 4.2.2. Exagération de la réponse cellulaire Inflammation suppurée. Inflammation caractérisée par la présence massive de pyocytes (polynucléaires neutrophiles altérés). Le pus est un mélange de pyocytes, de fibrine et d un matériel de nécrose tissulaire. Le plus fréquemment, ce sont des bactéries «pyogènes» qui sont à l origine des inflammations suppurées. La présence de pus doit donc conduire à un examen bactériologique. L inflammation suppurée peut se rencontrer sous plusieurs formes : - L abcès est une suppuration limitée et collectée dans un organe plein (abcès hépatique), - L empyème est une suppuration limitée et collectée dans un organe creux (empyème sinusien), - Le phlegmon est une suppuration ne se collectant pas, s étendant et prenant un caractère régional (phlegmon périnéphrétique). Inflammation maladie par excès de régurgitation lysosomiale. Si l agent agresseur est non phagocytable (cristaux d urée, de pyrophosphate de Ca++), il s en suit une régurgitation de l agent agresseur et du contenu lysosomial. Les lésions observées ne sont pas directement liées à l agent agresseur mais ont comme origine la libération en excès des enzymes lysosomiales dans le milieu extracellulaire. 4.2.3. Problème de déficits fonctionnels Il s agit essentiellement de déficit enzymatique du PNN, ayant un retentissement dans le chimiotactisme, l opsonisation et/ou la digestion intracellulaire. Ils surviennent chez des enfants qui sont victimes d une sensibilité anormale aux infections et développement des lésions suppurées pluri-viscérales. 5