Mémoire de PROJET DE LOI N 54 : LOI VISANT L AMÉLIORATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE L ANIMAL. 29 septembre 2015



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Transcription:

CAPERN - 048M C.P. P.L. 54 Amélioration de la situation juridique de l animal Mémoire de l Association des vétérinaires en industrie animale du Québec présenté à la commission de l agriculture, des pêcheries, de l énergie et des ressources naturelles PROJET DE LOI N 54 : LOI VISANT L AMÉLIORATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE L ANIMAL 29 septembre 2015

PRÉSENTATION L association des vétérinaires en industrie animale du Québec (AVIA) regroupe 92 membres œuvrant dans différentes sphères de l industrie animale au Québec. Les membres sont des médecins vétérinaires praticiens évoluant principalement dans les secteurs du porc et de la volaille. L association représente également des médecins vétérinaires œuvrant au sein de compagnies pharmaceutiques, des laboratoires diagnostiques, de recherche, du milieu académique universitaire et des instituts gouvernementaux. Depuis plusieurs années, le bien-être animal est au cœur des préoccupations du public et des médecins vétérinaires. L élaboration d une loi dans le but de reconnaitre l animal comme un être sensible ayant des impératifs biologiques et non comme un bien meuble est tout à fait appropriée et indispensable dans un tel contexte. Un meilleur encadrement des situations de maltraitance animale et de souffrance sera désormais possible. La défense du bien-être animal tout comme la santé des troupeaux sont des priorités pour les médecins vétérinaires de l AVIA. Néanmoins, les possibles interprétations et l application d une telle loi aux grandes populations animales en agriculture préoccupent les médecins vétérinaires praticiens. La principale interrogation porte sur la capacité du gouvernement à légiférer sur le Bien-être et la Sécurité des animaux en situation réelle et quotidienne de la production animale moderne. Plusieurs concepts énumérés dans le projet de loi 54 sont imprécis et par conséquent, sujet à diverses interprétations pouvant rendre l application presque ingérable et parfois subjective pour un «inspecteur» non spécialisé dans le domaine d élevage des animaux. Le principal objectif de ce mémoire est de s assurer qu une application objective et uniforme de cette loi soit faite en production animale au Québec.

PROJET DE LOI N 54 : LOI VISANT L AMÉLIORATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE L ANIMAL PARTIE I : MODIFICATION AU CODE CIVIL DU QUÉBEC Cette modification au code civil est reçue positivement par les médecins vétérinaires de l AVIA. Ce changement appuie les programmes déjà instaurés par l industrie animale depuis plusieurs années afin de mieux encadrer les productions animales au Québec. Cette loi permettra de renchérir l éducation faite au personnel impliqué directement dans les fermes sur l importance des soins à apporter en plus de mieux encadrer et de mieux éduquer le personnel impliqué sur les notions de bien-être, de souffrance et de détresse chez un animal. PARTIE II : ÉDICTION DE LA LOI SUR LE BIEN-ÊTRE ET LA SÉCURITÉ DE L ANIMAL Pour les médecins vétérinaires en industrie animale, la loi sur le bien-être et la sécurité de l animal est bien reçue et vient en support avec différents programmes déjà mis en place par l industrie animale. En plus de considérer que les animaux contribuent à la qualité de vie de la société québécoise, l implantation convenable de cette loi renvoie à la base même de l alimentation humaine où l application des mesures de santé et bien-être sont des gages de qualité en alimentation. D un autre point de vue, cette loi englobe un grand champ d applications et les détails concernant l application d une telle loi sont primordiaux afin de pouvoir l utiliser adéquatement.

CHAPITRE I : OBJET ET CHAMP D APPLICATION ARTICLE 1 Les médecins vétérinaires membres de l AVIA sont en parfait accord avec l adoption d une loi visant à garantir le bien-être et la sécurité tout au long de la vie d un animal et ce jusqu au moment de l abattage des animaux de production. Cependant, un questionnement persiste auprès des membres de l AVIA concernant l attribution de certains rôles dont celui d «inspecteur» présenté à l énonce 6. Selon cet énoncé, cette personne pourrait être un médecin vétérinaire, un analyste ou une personne nommée par le ministre. Aucune spécification n est faite à propos de l attribution d un tel mandat ni des compétences requises à l article 35 afin d occuper une telle fonction. Une connaissance minimale et spécifique d espèce en bien-être animal est essentielle. Une formation complète et détaillée caractéristique à chaque production animale des personnes en charge d appliquer la loi est essentielle au succès de l application d une telle loi. L évaluation du bien-être animal fait partie des compétences d un médecin vétérinaire. Ainsi, la pertinence de mieux définir les termes «inspecteurs» et «analystes» tous deux désignés par le ministre, est primordiale afin de déterminer qui seront ces professionnels qui assumeront l application des règles visant à garantir le bien-être et la sécurité. L importance d assurer une application juste et uniforme de cette loi en production animale est fondamentale. Ce rôle devrait être assuré par un médecin vétérinaire spécialisé dans le domaine de pratique et soumis à une formation et à une inspection rigoureuse et régulière par l Ordre des médecins vétérinaires du Québec. ARTICLE 4 Cet article fait mention de l application des Codes de bonnes pratiques (https://www.nfacc.ca/codesde-pratiques) qui serait rendue obligatoire par ce projet de loi. L élaboration des Codes de pratiques par le Conseil national pour les soins aux animaux d élevage (CNSAE) est avant tout un exercice servant à élaborer les lignes directrices nationales sur le soin et la manipulation des animaux d élevage. Les pratiques de gestion et de bien-être à favoriser à l égard du logement, du soin, du transport des

animaux, ainsi que pour d autres pratiques d élevage y sont énumérées comme suggestions. Le processus d élaboration des codes vise à rencontrer plusieurs objectifs d élevage dont le fait de produire un document utile pour les acteurs du milieu. La rédaction de tels documents est assurée par des groupes d experts reconnus pour chaque domaine de production et implique les différentes associations et/ou fédérations d éleveurs du Canada. Ces Codes de pratique sont des documents de référence pour une application uniforme et objective des différentes lignes directrices pour l ensemble du Canada. Les exigences et les recommandations à atteindre y sont présentées. Par contre, la mise en place de certaines exigences peut être possible à plus ou moins long terme. Des recherches scientifiques en développement dont les résultats pratiques ne sont pas encore connus (ex. l utilisation des analgésiques lors d interventions chez de très jeunes animaux) ou un aspect économique fort important peuvent influencer ces codes de pratique. En tant que médecin vétérinaire, ces Codes sont des outils de référence importants permettant de mettre l emphase sur les besoins d investigation afin d atteindre les objectifs visés et viennent en appui aux recommandations possibles pour le soin des animaux. L application immédiate et obligatoire des recommandations inscrites dans de tels documents sera ardue. La révision régulière des Codes est essentielle afin de les ajuster en fonction des données scientifiques obtenues. CHAPITRE II : OBLIGATION DE SOINS ET ACTES INTERDITS ARTICLE 5 : BIEN-ÊTRE ET SÉCURITÉ DE L ANIMAL La définition donnée au bien-être où la sécurité de l animal est présumé compromise est présenté sur sept aspects des soins à couvrir. Le fait de simplement les énumérer n est pas suffisant et demeure flou pour la plupart des intervenants ayant à appliquer une telle loi. L absence de définition claire des attentes rend ingérable l application de plusieurs aspects de cette loi. L utilisation des termes : convenable, suffisamment, approprié démontre bien la problématique identifiée. La perception d un

individu lors d une évaluation d une situation où le bien-être animal est en jeu risque d être contestable si cette même personne ne possède pas les connaissances requises pour l interpréter. De plus, les tenants et aboutissants concernant le concept de respect des impératifs biologiques d un animal ne sont pas bien définis et il peut varier d une espèce à l autre. La clarification et la définition de ce que sont les impératifs biologiques de chaque espèce est obligatoire pour l application objective et uniforme de cette loi. Pour certaines productions animales, des programmes de qualité et de bienêtre ont été élaborés et sont déjà en place. Le cahier de charge Programme de bien-être animal (BEA) utilisé par les Éleveurs de porcs du Québec est un exemple de document de référence déjà en application et a conduit à une amélioration significative dans les élevages québécois. Il fait partie des documents élaborés par le Conseil Canadien du Porc pour décrire aux acheteurs internationaux les normes et exigences appliquées en production porcine. Le Programme de soins aux animaux (PSA) élaboré par Les Producteurs de poulet du Canada et le Programme de soin des troupeaux (PST) conçu par les Éleveurs de dindon du Canada sont d autres exemples de documents de référence ayant fait leurs preuves. Des évaluations annuelles sont coordonnées par les différentes fédérations et/ou associations et un encadrement interne est fourni afin de vérifier que leurs membres appliquent les bonnes pratiques recommandées. Ces programmes déjà en place devraient servir de référence, tout comme les codes de pratique mis à jour. ARTICLE 6 : DÉTRESSE ANIMALE La détresse est une situation où la vie de l animal est en péril suite à des agissements inappropriés et/ou de la souffrance induite suite à des blessures et/ou l absence d apport adéquat en eau et/ou en nourriture par son propriétaire ou la personne en ayant la garde. Dans le projet de loi, la notion de détresse laisse beaucoup de place à l interprétation. Pour l alinéa 2, certains traitements sont appropriés malgré qu ils puissent entrainer certaines douleurs aiguës de courte durée. Cette situation est fondamentalement différente de la détresse comme abordée et définie dans le texte de loi. L acceptabilité et la nécessité d un acte revient au jugement du vétérinaire responsable du suivi du troupeau concerné.

Dans le même ordre d idée, l alinéa 3 où l on présente la détresse lors de situation d anxiété est également trop vague. Le concept d anxiété est vaste et difficile à interpréter selon les espèces sans user d anthropomorphisme. Les interventions pratiquées en élevage et les techniques d abattage peuvent engendrer un certain niveau d anxiété chez l animal simplement parce que celui-ci est rarement manipulé ou se retrouve dans une situation inconnue (peur). L anxiété est avant tout une notion de comportement d un animal face à une situation qui pourrait lui causer un degré d inconfort au point d entrainer sa mort par arrêt cardiaque. Par contre, dans le même alinéa, la souffrance excessive est inacceptable peu importe la situation l occasionnant. Maintes situations en production animale sont à risques de mésinterprétation par un «inspecteur» non spécialiste de la production animale lors d inspection. En voici quelques exemples : La contention ou le déplacement d un animal blessé Les blessures suite aux bagarres chez les truies logées en groupe. Les pratiques d élevage courantes comme la coupe de queue, la castration, la coupe de bec, la coupe de griffe, la coupe de caroncule. Un échec de traitement. Des manifestations cliniques observées suite à une euthanasie par une méthode mécanique (encore montrée à la télévision vendredi le 25 septembre). Dans l ensemble, la détresse chez un animal est inacceptable et l éducation des différents intervenants sur le sujet est essentielle. À l aide des outils et des cahiers de charge mis en place, le médecin vétérinaire et les intervenants du milieu sont des personnes-clés pour valider ce qui se fait et informer les éleveurs. Le nouveau projet de loi permettra ainsi de venir en appui à ces démarches déjà entamées.

ARTICLE 11 Selon l article 11, «il est interdit de débarquer d un véhicule ou de permettre le débarquement d un animal [...] s il est incapable de se tenir debout ou souffre indûment». À cet article, on ne devrait pas avoir besoin d énumérer des lieux de débarquement mais plutôt d offrir la possibilité de le débarquer moyennant une méthode ou procédure qui permettrait de le faire. Par contre, si l énoncé vise à éviter la vente d un animal non-ambulatoire comme c est le cas sur les lieux de transactions, une clarification de l énoncé est nécessaire. ARTICLE 12 Cet article porte sur l abattage ou l euthanasie d un animal. Il faudra s assurer que la personne effectuant l acte ait reçu une formation appropriée et que la méthode employée est reconnue et entraine une perte quasi immédiate de sensibilité (état d inconscience), cause le moins de douleur possible et de stress et entraine la mort rapidement. ARTICLE 14 En cas de non-conformité du bien-être et de la sécurité d un animal, le médecin vétérinaire se doit de sensibiliser et d informer la personne prenant soin des animaux et d assurer le suivi auprès de l élevage problématique afin que les soins prodigués soient optimaux. Une équipe technique à la disposition de l éleveur et/ou la fédération ou association d éleveurs peut être d un support indispensable dans maintes situations. Plusieurs dossiers problématiques peuvent être aisément gérés et corrigés sans entreprendre des procédures plus poussées. Dans le cas d une non-conformité suite aux tentatives énumérée ci-dessus, le professionnel en place a la responsabilité de dénoncer le non-respect des recommandations prodiguées initialement. Ce projet de loi dans son ensemble supporte les actions à prendre et sera indispensable au succès d une telle intervention.

Selon le Code de déontologie des médecins vétérinaires, Section V : Article 53 : le médecin vétérinaire doit apporter les soins nécessaires à l'animal ou à une population d'animaux confiés à sa garde et faire en tout temps preuve du plus grand souci de leur sécurité. Article 54 : le médecin vétérinaire doit refuser de pratiquer toute intervention pouvant nuire au bien-être de l'animal ou d'une population d'animaux ou qui, selon lui, comporte des souffrances inutiles. Article 56 : le médecin vétérinaire doit faire rapport aux autorités compétentes lorsqu'il constate qu'un animal ou qu'une population d'animaux a été victime de mauvais traitements. CHAPITRE IV : INSPECTION ET ENQUÊTE SECTION I : INSPECTEURS La définition du rôle d «inspecteur» génère une grande inquiétude auprès des membres de l AVIA car la mention que les inspecteurs puissent être des «analystes et toute autre personne» laisse transparaître qu aucune formation ne soit nécessaire afin de reconnaitre de façon adéquate les différentes situations de souffrance. Plusieurs applications indiquées dans la définition des tâches font partie ultime des actes vétérinaires dont le fait de procéder à un examen, de prélever des échantillons, de statuer qu un animal est en détresse. Le mandat de l inspecteur est grand et il peut avoir un impact important sur les éleveurs visés. Une description détaillée du rôle et de la formation initiale d inspecteur devrait être présentée. De plus, il serait plus que raisonnable d exiger qu il y ait une formation orientée selon le domaine d expertises qu on lui demandera d examiner.

ARTICLE 41 L inspecteur possède le pouvoir, en plus de saisir et confisquer un animal, de procéder à une euthanasie après avoir obtenu l avis d un médecin vétérinaire ou d agir de lui-même si la situation est urgente et qu un médecin vétérinaire n est pas disponible rapidement. Il peut aussi demander une nécropsie. La dangerosité et le risque de donner autant de responsabilités à une personne dite «inspecteur» dont on ne connait pas la compétence sont réels. SECTION II : ENQUÊTEURS Cette section du projet de loi fait mention que le ministre peut nommer des enquêteurs pour veiller à l application de la loi et ses règlements, alors qu au chapitre précédent l inspecteur veillait à son application aussi. Un dédoublement de tâche entre «l enquêteur» et «l inspecteur» est présent dans la proposition de texte de loi. Une description détaillée du rôle d enquêteur et de celui de l inspecteur devrait être présentée dans la section I de ce projet de loi. CHAPITRE VII : DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES ARTICLE 63 Le gouvernement peut, par règlement : 3 e alinéa : rendre obligatoire pour les personnes qu il détermine, l application de dispositions de codes de pratiques publiés par le Conseil national pour les soins aux animaux d élevage et prévoir les adaptations ainsi que les dispositions transitoires nécessaires à cette application. Les membres de l AVIA sont d avis que les Codes de bonnes pratiques devraient être des outils de référence pour toutes les productions animales qui ont fait état d une révision majeure dans les dernières années. Ces ouvrages sont essentiels pour les médecins vétérinaires et servent de support à la mise en place d outils favorisant le bien-être animal et leur santé. Malgré que certaines recommandations et exigences doivent essentiellement être mises en place rapidement, nous

reconnaissons que ce sont les cibles à atteindre et qu un certain temps ainsi que des programmes d aide seront nécessaires pour y arriver. La révision régulière de ces codes est essentielle afin de les adapter aux connaissances scientifiques et qu ils demeurent réalistes. CHAPITRE VIII : DISPOSITIONS PÉNALES ARTICLES 65, 66 ET 67 Le médecin vétérinaire est un intervenant stratégique pour conseiller les éleveurs en termes de santé et de bien-être animal. La judiciarisation de ses actions ou omissions contrecarrerait grandement sa tâche. Il faut éviter les situations où le responsable d élevage ne fasse pas appel aux services des médecins vétérinaires pour la santé des animaux, de peur qu il soit jugé et/ou amendé. Plusieurs procédures du projet de loi sont rigides et pourraient entraver la collaboration des différents intervenants en situation problématique. Parfois, une situation économique problématique peut entrainer un défaut d approvisionnement de l aliment et ainsi entrainer des problèmes sérieux en termes de bien-être animal. Il est primordial que le vétérinaire soit rapidement au fait de cette situation afin de déterminer les solutions possibles. Comme mentionné précédemment, un arbre décisionnel est appliqué, permettant au médecin vétérinaire de procéder adéquatement. De plus, nous devons favoriser la communication entre les intervenants pouvant avoir contact avec un client en particulier. Ces intervenants ont un rôle important à jouer dans le travail d équipe, ils devraient aussi avoir la responsabilité de rapporter une situation problématique au médecin vétérinaire traitant. De la même façon, le médecin vétérinaire peut demander aux intervenants proches de faire un suivi de certaines actions. Ce sont des situations sensibles et le travail d équipe et la communication sont indispensables. La présomption de poursuite et de pénalité en cas de non-déclaration d une situation jugée comme déraisonnable positionne inconfortablement le médecin vétérinaire en contact quotidiennement avec des milliers d animaux. La ligne est parfois mince entre la souffrance d un animal blessé et la

maltraitance. La présence d animaux malades ou blessés et l euthanasie sont des situations très fréquentes et régulières dans un élevage. La gestion de ces animaux peut être différente d un élevage à l autre, et le libellé très vague des articles qui concernent ces aspects peut produire des situations regrettables pour les producteurs et les vétérinaires impliqués. Il est proposé de ne pas soumettre les vétérinaires aux articles 65, 66 et 67. CONCLUSION Le projet de loi n 54 présenté par le Ministre Paradis en juin dernier est reçu avec intérêt par les médecins vétérinaires de l AVIA. Nous devons saluer les efforts du ministre de vouloir encadrer les situations mettant à risque le bien-être et la sécurité des animaux et de faire reconnaitre l animal comme un être doué de sensibilité et ayant des impératifs biologiques. Cependant, cette loi s applique à tous les animaux sans distinction du travail fait par les organismes ou l industrie. L application des mêmes principes de bien-être animal à un animal de compagnie et aux animaux élevés pour des fins de consommation nous semble inappropriée et problématique. Les nombreux efforts et démarches effectués par les différentes associations et/ou fédérations d éleveurs au cours des années ne doivent pas être compromis mais plutôt valorisés. L utilisation des Codes de pratiques et les programmes mis en place doivent continuer à être révisés et améliorés. Il faut stimuler l information et la valoriser. La mise en place de programmes de formation afin d assurer la compréhension des besoins est essentielle. Dans notre situation particulière de médecins vétérinaires en industrie animale, nous avons le mandat d assurer que les animaux d élevage soient en santé et élevés dans les meilleures conditions d élevage possible et qu au final un produit de qualité soit disponible aux consommateurs. Cette mission, nous devons la conserver auprès de notre clientèle, c est pourquoi nous demandons au ministre d offrir plus de souplesse pour la mise en place de correctifs dans certaines situations. Le travail d équipe devrait corriger le problème et ainsi éviter vos interventions d urgence. Toutefois, nous reconnaissons que certaines situations peuvent être jugées inacceptables comme les cas de cruauté envers les animaux

(détresse) et elles devront être dénoncées. Cette disposition est aussi prévue dans notre Code de déontologie des médecins vétérinaires depuis 1993. Une meilleure définition des connaissances exigées pour la nomination d un inspecteur, analyste ou enquêteur comme il est mentionné dans le projet de loi est primordiale. Plusieurs situations dans son rôle interfèrent avec des actes vétérinaires, et ça demande un éclaircissement. De plus, il serait souhaitable de ne pas soumettre les médecins vétérinaires (article 14) à l article 65, 66 et 67 du chapitre VIII. L association des vétérinaires en industrie animale du Québec est sensible aux bien-être et la santé des animaux et elle fait des efforts pour bien former ses vétérinaires sous ces aspects. Nous espérons que la mise en place du projet de loi n 54 sera acceptée moyennant certains ajustements de votre part et nous vous offrons notre collaboration dans son déploiement. Association des vétérinaires en industrie animale du Québec (AVIA) info@aviaquebec.ca