L éthique et les élus municipaux



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Transcription:

CAT 015M C.P. P.L. 109 Éthique et déontologie en matière municipale L éthique et les élus municipaux Faire une différence éthique Notes de présentation Commission de l aménagement du territoire Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde Gandhi Le 10 septembre 2010

PRÉSENTATION DE L INSTITUT QUÉBÉCOIS D ÉTHIQUE APPLIQUÉE L Institut québécois d éthique appliquée est un organisme indépendant qui a été fondé en 1998 avec une seule idée : FAIRE UNE DIFFÉRENCE EN ÉTHIQUE DANS L ADMINISTRATION PUBLIQUE ET DANS LA GESTION DES GRANDES SOCIÉTÉS PUBLIQUES ET PRIVÉES. Pour ce faire, l institut offre des conseils, réalise des diagnostics éthiques, conçoit et rédige des Énoncés de mission, des Déclarations de valeurs, présente des conférences et propose des formations en éthique aux employés et dirigeants de ces grandes sociétés et offre des services d enquêtes d allégation d inconduites éthiques. Notre valeur : la Justesse, pour faire une différence La justesse nous permet de constamment évaluer les solutions possibles, de soupeser le poids moral des décisions et de leurs conséquences et d agir afin de susciter la mise en œuvre du plus grand bien. L Institut québécois d éthique appliquée est un organisme formateur agréé par Emploi Québec aux fins de l application de la loi 90 favorisant le développement et la formation de la main d œuvre. * 2

PRÉSENTATION DE RENÉ VILLEMURE ÉTHICIEN, PRÉSIDENT FONDATEUR DE L INSTITUT QUÉBÉCOIS D ÉTHIQUE APPLIQUÉE René Villemure a été le premier éthicien au Canada à s intéresser à la gestion éthique des grandes organisations publiques et privées. Il a fondé l Institut québécois d éthique appliquée en 1998, à l époque où personne ne connaissait les termes «gouvernance», «responsabilité sociale des entreprises», «développement durable» et «gestion éthique». Il croyait que ces sujets étaient importants et ne devaient pas demeurer dans l ombre. Il a ainsi œuvré à mettre de l avant et à rendre populaires et accessibles les questions d éthique. Il a par la suite fondé ÉTHIKOS en 2003 afin de poursuivre au niveau international les réflexions initiées au Québec par l Institut québécois d éthique appliquée. Dans le cadre de ses fonctions, René Villemure a réalisé plus d une quarantaine de diagnostics éthiques, a rédigé autant d énoncés de Mission et de Guides de valeurs pour ses clients. Au cours de la même période, il a formé plus de 30 000 personnes en éthique dans plus de 300 organisations. En vue de rendre accessible à tous la compréhension des enjeux éthiques, il a aussi participé à plus d une centaine d émissions de télé et de radio. René Villemure est détenteur d une Maîtrise en Philosophie éthique de l Université de Sherbrooke. Il a complété sa scolarité de Doctorat à la même université. René Villemure est l auteur de plus d une centaine de Bulletins réflexifs publiés par l Institut; il participe régulièrement à titre d expert en éthique aux Commissions parlementaires de l Assemblée Nationale du Québec, de la Chambre des Communes et du Sénat Canadien; il tient également un blogue sur le site lesaffaires.com et sur le groupe Chasseurs de tendances. Depuis 2009, Monsieur Villemure agit comme juge au concours d art oratoire du Barreau de Montréal, enseigne au Collège des Administrateurs de Sociétés et siège sur le comité d évaluation des antécédents judiciaires au Ministère de l éducation, du loisir et du sport (MELS). En 2005, Monsieur Villemure a été reconnu par la Chaire de management éthique des HEC comme étant une des 120 personnalités au niveau international qui ont contribué au développement d une éthique intégrale. Il a, de plus, signé la conception de la méthode «Éthique et valeurs» et du «Modèle de gestion éthique» utilisés par l Institut qu'il dirige. 3

Je vous remercie pour l invitation à venir rencontrer la commission et à partager mon point de vue sur le PL 109. Je suis toujours heureux de participer à des efforts qui contribuent à augmenter le souci et la charge éthique dans l administration publique. Comme je suis éthicien, pas juriste ni lobbyiste ni membre d un groupe de pression Je vous entretiendrai donc d éthique et de culture plutôt que de normes Au fil des années, on a beaucoup entendu parler d éthique. Ou plutôt, devrait on dire, on a beaucoup entendu parler de «manques» à l éthique sans jamais pour autant définir ce qu est réellement l éthique en question. Ce sont d ailleurs ces «manquements allégués» qui ont mené à la préparation et à la rédaction du PL 109. Plan de la présentation : - Analyse du PL; 4 observations - 4 Recommandations Force est de constater que l éthique n a pas la vie facile, elle est souvent masquée par tout ce qui se prend pour elle et, surtout, on l utilise plus souvent qu autrement pour justifier des normes et des règles. Il faut bien avouer que cette conception de l éthique est populaire, bien qu élémentaire. C était la conception qui animait le PL 48. 4

Le PL 109 est différent. À sa lecture on peut y ressentir une plus grande charge éthique bien que le PL 109 soit, en bout de piste, encore un projet à saveur plus déontologique qu éthique. Déontologie : discours sur le devoir, assorti de sanctions. La déontologie relève de la logique du «surveiller et punir». Elle inspire par la crainte. Elle définit ce qui est «mal», ce qui est interdit. Éthique : réflexion fondée sur les valeurs qui cherche à déterminer le sens des actions. Quoi faire pour Bien Faire? L action éthique se donc situe en amont de la prise de décision. L éthique éclaire dans l incertitude. Ces clarifications étant faites, interrogeons nous maintenant sur les raisons d être de l éthique dans un contexte d administration municipale. L éthique vise à déterminer Quoi faire pour Bien faire, je l ai dit plutôt. Mais il faut savoir que ce «Bien Faire» vise, avant toute chose, à générer, à maintenir et à augmenter la nécessaire confiance des citoyens envers les élus et les municipalités. Ainsi, La confiance, c est la légitimité de prendre des décisions au nom de la collectivité. Le projet de loi 109 est bienvenu, il représente une avancée. Un certain désir d éthique. Cependant, le projet ne contient que peu d éléments, outre la composante «punition éventuelle», qui peuvent supposer la mise en œuvre de ce désir d éthique; en l état, le projet ne semble plutôt viser qu à surveiller et qu à punir. Et encore. Sans être inintéressant, il faut bien avouer que le projet de loi représente une conception déontologique ou normative de ce qu est l éthique. Cette conception, simpliste, évacue l assise de l éthique, son souci de Bien Faire même lorsqu aucune règle n est présente. 5

TROIS QUESTIONS POUR Y VOIR PLUS CLAIR : Le but du projet de loi 109 est il de Bien faire ou de Faire croire que l on Fait Bien? Le projet de loi, en l état, est il susceptible de faire migrer la culture politique actuelle et de favoriser l accroissement de la confiance du citoyen envers le monde municipal? Si oui, comment?...de manière explicite Tout comme pour l éthique en général, le projet de loi résulte d une certaine prise de conscience du monde municipal à son égard et des attentes des citoyens envers les élus, ce qui indique une bonne intention. Mais, il faut aussi savoir que la bonne intention n est pas tout. Force est de constater qu il y a déjà beaucoup de codes et de normes et que les injustices, les abus, les scandales ou les fraudes persistent toujours. D ailleurs, les éléments évoqués dans le PL tels la malversation et l abus de confiance sont déjà couverts par le code criminel. Il est ainsi curieux de constater que la solution préconisée à cette problématique est d ajouter encore plus de normes aux normes existantes sans pour autant songer aux éléments culturels de la problématique La culture actuelle du monde municipal doit migrer vers une culture éthique plus. PLUS PRÉCISÉMENT : 4 OBSERVATIONS 1. Les valeurs nommées en introduction sont de remarquables concepts humanistes; ils n ont cependant pas ou peu de liens explicites avec les normes énoncées dans le PL Tout au long du texte, il n y a aucun «que veut dire» ou «comment» appliquer les valeurs. Dans le texte, les valeurs ne semblent servir que d introduction, de façade. Le risque d éthique de vitrine est grand ici même si, fondamentalement, ces concepts sont de bonnes bases pour une démarche éthique. Le PL manque de contenu en ce qui a trait aux valeurs; le risque d éthique de vitrine, d éthique pour faire joli ou de cosméthique est bien réel. 6

Les liens entre les valeurs et les normes sont supposés, posés comme autant d évidences, rien n est dit explicitement; tout semble su à l avance Intégrité, honneur, prudence et respect. Sont ce les valeurs les plus appropriées pour atteindre l objectif de confiance? Bien évidemment, personne n est contre la vertu mais, allez tenter de savoir quel est le lien entre la valeur X et la norme Y 2. L essentiel du projet de loi représente un processus de plainte. Ni plus, ni moins. Rien n arrive sans une plainte (saisir le Ministre). On ne dit mot sur les éventuelles difficultés à déposer cette plainte (document assermenté, mœurs, intimidation, peur des représailles, etc.). Le PL suppose ainsi qu aucun cas problème n existe sans la manifestation d une plainte d un citoyen. Le PL ne prévoit pas qu un commissaire ou une autre autorité désignée puisse initier une plainte. Cette action ne repose lourdement que sur la vigilance des citoyens. Outre la formation à l éthique des élus, rien n existe, dans le PL, en amont de la plainte. Les plaintes seront analysées par une équipe de la Commission municipale composée d un avocat/notaire et d une autre personne. Pourquoi cette obsession juridique? Pourquoi ne pas avoir recours aux services d un éthicien? 7

3. L objectif de former 10 000 élus en 12 mois (l année de l entrée en vigueur de la loi) est irréaliste. Il n existe pas assez de formateurs qualifiés en éthique au Québec pour supporter une telle charge dans un tel délai. À moins, bien sûr, que l on offre une formation au contenu tronqué, d une durée inadéquate et enseignée par une personne non qualifiée. Rappelez vous, les éthiciens compétents sont une espèce rare et qu il ne suffit pas de dire le mot «éthique» pour penser «éthique». Au Québec, qui peut donner ce genre de formation? - Professeurs d université. Qualifiés mais souvent trop éloignés de la réalité pratique. - Juristes : Compétents en droit, ont tendance à tout judiciariser en évacuant les valeurs au profit des règles; - Éthiciens : peu nombreux. - Tous ceux qui prétendent savoir et pouvoir parler d éthique sans en avoir le contenu. Très nombreux, ils représentent le plus grand danger pour l éthique elle même L ÉTHIQUE EST AFFAIRE DE CULTURE Le PL et la formation éventuelle donnée aux élus devrait considérer la meilleure manière d insuffler un changement à la culture municipale. Les règles et la peur des sanctions constituent un point important, mais ce n est pas le seul. 4. Le processus de plainte et d enquête est long et laborieux : - Plainte au Ministre initiée par un citoyen; demande doit être assermentée; - 8

- Lorsque le Ministre reçoit la plainte, si elle est non fondée, le Ministre avise le demandeur et le membre visé; - Si la demande est fondée, le Ministre transmet la plainte à la Commission Municipale pour enquête; - La CM informe de nouveau le demandeur et le membre visé; - Enquête par un notaire/avocat et une autre personne de la Commission Municipale qui enquêtent sur la conformité (ou non) aux règles (art. 25), il faut le préciser, pas sur des valeurs qui demeurent indéfinies, sans ancrage, évacuant d office le contenu éthique; - On invite le membre pour une enquête à huis clos (transparence?) où il pourra présenter ses observations. Le membre est il invité ou convoqué? - Si le membre est trouvé fautif, la CM transmet à la Municipalité ses conclusions ainsi qu une suggestion de sanction; - On informe encore le demandeur et le membre visé; - Le conseil municipal prend en considération les recommandations de la CM; - S il y a une sanction, celle ci doit être adoptée par 2/3 des pairs - Si la sanction n est pas adoptée par le 2/3 des pairs, la sanction est réputée voir été refusée par le conseil - On informe encore le demandeur et le membre Ce processus ne garantit en rien une préservation ou une augmentation de la confiance d un citoyen envers la municipalité. En définitive, le conseil municipal agit comme juge et partie, ce qui rend difficile l actualisation de la confiance du citoyen envers le processus. La transparence que le processus prétend offrir n est pas réelle. La transparence est l accès à l information, aux raisons de la décision, non pas seulement le fait d être avisé d une démarche... Dans le projet de loi, rien n indique que ces exigences seront rencontrées. 9

QUATRE RECOMMANDATIONS : 1. Création d un poste de Délégué à l éthique à la Commission municipale. Ce délégué serait en lien direct avec le président de la CM et aurait sous son autorité l équipe chargée d enquêter sur les manquements. Le délégué aurait comme principale tâche de sensibiliser et de conseiller les élus sur les problématiques éthiques qui pourraient survenir et de diffuser les meilleures pratiques éthiques en administration municipale. Le délégué devrait rencontrer chacun des maires une fois à tous les deux ans. Cette rencontre permettrait aux maires de mieux se familiariser avec l éthique, les problématiques éthiques et la conduite à adopter en cas d incertitude. La posture du délégué à l éthique serait celle de la prévention, en amont des actions. Il serait chargé de la migration culturelle éthique des municipalités; Le délégué aurait aussi la possibilité d initier des enquêtes (il ne fait pas d enquête lui même; les enquêtes seraient confiées aux équipes d enquêteurs); 10

2. Il faut préciser les valeurs, leur nature, leur définition ; il faut donner aux valeurs un contenu moral afin d éviter l éthique de vitrine; il faut aussi préciser des attentes éthiques élevées (non pas seulement l absence de plaintes); 3. Il faut revoir le processus de plainte et d enquête afin de le décomplexifier, de ne pas faire peser le fardeau que sur les citoyens; il faut aussi prévoir accompagner le citoyen dans sa démarche, mettre plus de distance entre les élus et la décision finale afin d assurer que le processus augmente réellement la confiance envers les élus; 4. Il faut énoncer des attentes précises et réalistes en matière de contenu et de déploiement de la formation à l éthique des élus. 11

EN CONCLUSION : Le PL 109 doit être plus qu un processus de plainte. Il doit servir de guide et de modèle dans le développement d une démarche éthique et dans l application des règles déontologiques pour l ensemble des municipalités. Le PL 109 doit aussi être garant d une démarche d enquête de qualité assurant les meilleures chances de déterminer l implication, ou non, du membre visé. Enfin, il ne faut surtout pas oublier qu en matière d éthique, dans le développement d une démarche, il y a un espace entre «pas de code d éthique» et «code d éthique». Ces espace est celui de la transition, de la migration culturelle. La migration culturelle vers une éthique améliorée est, pour les élus, celle de la prise en compte de valeurs nouvelles ou d une nouvelle façon de comprendre et d appliquer les valeurs en administration municipale. La migration culturelle vers une éthique améliorée est, pour les municipalités et leurs citoyens, une transformation silencieuse qui permettra de faire le lien entre «avant le code» et «après le code». Entre ces deux moments, ce que l on ne voit pas c est la culture politique municipale qui se transformera. C est elle qu il faut influencer parce qu actuellement la culture politique municipale ne se démarque pas et c est la raison, malheureuse, pour laquelle on ne remarque que ses manquements et les inconduites de ses membres tout en oubliant sa raison d être : le bien être collectif. S habiller en blanc, c est salissant 12

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS 1. CRÉATION D UN POSTE DE DÉLÉGUÉ À L ÉTHIQUE À LA COMMISSION MUNICIPALE; 2. PRÉCISER LES VALEURS ET LES ATTENTES ÉTHIQUES; 3. REVOIR LE PROCESSUS DE PLAINTE ET D ENQUÊTE AFIN DE LE DÉCOMPLEXIFIER; 4. ÉNONCER DES ATTENTES PRÉCISES ET RÉALISTES EN MATIÈRE DE CONTENU ET DE DÉPLOIEMENT DE LA FORMATION À L ÉTHIQUE DES ÉLUS. 13