SANTE - ENVIRONNEMENT REACH (1) : VERS UNE CHIMIE DURABLE EN EUROPE? La production mondiale de substances chimiques a explosé depuis 1930 passant de 1 million de tonnes à 400 millions de tonnes aujourd hui! L Union européenne constitue le plus grand marché mondial de substances chimiques (2). Plus de 100 000 substances chimiques y sont commercialisées et pour 90% d entreelles, leur toxicité et leurs effets sur la santé et l environnement sont encore largement méconnus. Après plusieurs années de lobbying et de débats acharnés entre les représentants de l industrie chimique défendant les intérêts économiques et commerciaux du secteur, les ONG défendant les consommateurs et l environnement, la Commission, les Etats membres, le Parlement Européen ont approuvé (3), le 13 décembre 2006, le règlement REACH sur l enregistrement, l évaluation et l autorisation des produits chimiques. Ce règlement entré en vigueur le 1 er juin 2007, remplace plus 40 textes législatifs et instaure de nouvelles procédures d autorisation pour quelques 30 000 substances contenues dans les produits de consommation courante (cosmétiques, produits d entretien, peinture, ). C est une réforme majeure porteuse de progrès social : réduire les risques chimiques sans pénaliser l industrie tout en améliorant la protection de la santé et de l environnement. L apport essentiel se joue au niveau de la connaissance : évaluer la sécurité d environ 30 000 substances mises sur le marché avant 1981, produites ou importées à plus d une tonne par an. (1) Acronyme de: Registration, Evaluation and Authorization of CHimicals. (2) L industrie chimique de l UE est la troisième du monde (EU, Japon) avec 1,7 million d emplois directs et plus de 3 millions d emplois indirects. La France se situe au 5 ème rang des pays producteurs mondiaux (EU, Japon, Allemagne, Chine) et 2 ème producteur européen. Elle emploie 239 500 personnes pour un CA de 93,7 Mds euros ; 60% des ventes sont réalisées à l exportation. L industrie chimique est le second secteur industriel après l automobile. En 2004, au Parlement européen, le WWF a fait l expérience de prélever le sang de 47 volontaires venus de 17 pays d Europe. L analyse a révélé la trace de 76 substances toxiques différentes : des phtalates, surtout, des dérégulateurs endocriniens qui perturbent la reproduction ; mais aussi, dans 100% des échantillons, du DDT, interdit en France depuis 1971, des pesticides, des polybromés retardateurs de flammes, etc. (3) à une très large majorité 529 voix pour, 98 contre et 24 abstentions. Document initial : 02/03/06 => remanié le : 29/09/07 1/5
Un chantier colossal qui durera onze ans et sera centralisé par une agence européenne, l Agence européenne sur les produits chimiques (ECHA), basée à Helsinki, dont l ouverture est programmée en 2008. Les substances les plus commercialisées ou les plus toxiques devront être évaluées prioritairement. LA REGLEMENTATION REACH : SES GRANDES LIGNES L innovation majeure consiste à inverser la charge de la preuve en obligeant les industriels et importateurs à évaluer les risques engendrés par l utilisation des substances qu ils produisent ou importent, rôle jusqu ici assumé par les autorités publiques. Enregistrement des substances L enregistrement comprend les données relatives aux propriétés, aux utilisations et aux précautions d emploi des produits chimiques pour toutes les substances produites ou importées à plus d une tonne par an. Les informations exigées sont proportionnelles aux volumes produits ou importés. Le pré enregistrement s effectuera entre le 1 er juin 2008 et le 30 novembre 2008. L Agence européenne des produits chimiques gèrera le processus d enregistrement, veillera à la cohérence de l évaluation et de l autorisation, établira les critères destinés à guider les états membres dans leur sélection des substances qui devront être évaluées. Elle coordonnera également le travail des états membres, étayera le processus décisionnel au moyen de données scientifiques. Malheureusement, les demandes du Parlement européen relatives aux garanties d indépendance des membres vis-à-vis de l industrie et à la publication de déclarations d intérêt n ont pas été retenues. Document initial : 02/03/06 => remanié le : 29/09/07 2/5
Evaluation Deux types sont prévus : - Une évaluation des dossiers : elle sera menée pour vérifier la conformité de l enregistrement et sera obligatoire pour toutes les propositions prévoyant des expériences animales, - Une évaluation des substances : les autorités compétentes pourront contrôler ellesmêmes la qualité et la conformité de certaines substances. Chaque pays devra créer sa propre structure d évaluation. Pour aider les entreprises à procéder à ces évaluations, la France a mis en place un service national d assistance technique («Helpdesk») qui fournira aux industriels des informations sur leurs obligations. Cette mission est confiée au Bureau d évaluation des risques des produits et agents chimiques (BERPC) www.reach-info.fr. L agence française de sécurité sanitaire de l environnement et du travail (AFSSET) et le BERPC participeront à l évaluation des risques sanitaires liés aux produits chimiques. Autorisation des substances dangereuses REACH identifiera les «substances extrêmement préoccupantes» : environ 3 000 répondent à cette qualification. Elles doivent recevoir une autorisation pour être commercialisées. Il s agit des substances identifiées comme ayant des effets graves et irréversibles sur l être humain et l environnement (substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, tératogènes, persistantes, bio accumulatives). Lors de la demande d autorisation, les industriels doivent fournir un dossier sur les alternatives existantes et effectuer une évaluation comparative des risques. Les autorisations sont délivrées si l industriel démontre que les risques découlant de l usage de son produit sont «valablement maîtrisés». Si tel n est pas le cas, qu aucune alternative n existe mais que l industriel démontre que les bénéfices socio-économiques de l usage de son produit sont supérieurs aux risques encourus, une autorisation temporaire pourra être délivrée. Bien-être animal La promotion des méthodes alternatives à l expérimentation animale pour tester les effets des substances est un des objectifs de la réglementation. Parmi les alternatives à l expérimentation animale, la toxicogénomique pourrait se révéler intéressante : cette technique utilise des cellules humaines en culture pour déterminer la toxicité des substances chimiques présentes dans l alimentation et l environnement. Des puces à ADN permettent de révéler les perturbations des gènes connus pour être impliqués dans certaines pathologies : cancers, maladies neurologiques, troubles endocriniens, Document initial : 02/03/06 => remanié le : 29/09/07 3/5
Les bénéfices sanitaires et environnementaux attendus sont considérables : 90 000 cas de maladies professionnelles devraient être évités chaque année en Europe (50 000 cas de maladies professionnelles du système respiratoire, et 40 000 cas de maladies professionnelles de la peau dues à l exposition des travailleurs aux substances chimiques dangereuses) et 3,5 milliards d euros économisés en dix ans grâce à REACH, selon une étude du Parlement européen Et, d un point de vue général, toutes ces substances chimiques qui appartiennent à notre quotidien (lessives, gel douche, cosmétiques, textiles, peintures, ) seront évaluées pour éliminer à terme les plus nocives. La France est engagée dans ce processus de maîtrise des risques liés aux substances chimiques qui représente un enjeu sanitaire essentiel. Cet engagement se traduit par le Plan Interministériel de Réduction des Risques liés aux Pesticides (juin 2006) et le Plan National Santé Environnement (2004/2008) dont l objectif vise à diminuer de façon significative les effets sanitaires pour les individus exposés (cancers) et pour leur descendance (avortements spontanés, malformations congénitales, ), en réduisant les expositions des travailleurs aux agents chimiques les plus dangereux. Document initial : 02/03/06 => remanié le : 29/09/07 4/5
QUELQUES CHIFFRES 4,8 millions de tonnes de CMR ont été consommés en 2006 par l industrie chimique, les laboratoires pharmaceutiques et les fabricants de peintures, de matières plastiques et de détergents. Source : Institut national de la recherche et de la sécurité. 38% des salariés, en France, sont exposés à un ou plusieurs produits chimiques dans leur vie professionnelle (soit près de 7 millions de salariés). Source : Enquête SUMER 2003 (Surveillance médicale des risques) diligentée par la Direction générale du travail. 3 millions de journées de travail sont perdues par an au sein de l UE à cause des maladies professionnelles liées aux maladies de la peau causées par des substances chimiques. Source : Institut national européen pour la recherche, la formation et la santé sécurité. Entre 1978 et 2000, hors effet du vieillissement, les cancers ont augmenté de 35 % en France. Source : Institut national de veille sanitaire. 32 millions de travailleurs européens sont exposés à des agents cancérigènes professionnels à des doses considérées comme dangereuses pour la santé. Source : Centre commun de recherche de la Commission européenne. Une étude récente évalue à 7,5 Mds d euros, pour les dix ans à venir, les coûts engendrés pour l assainissement des sols pollués par des substances chimiques. Source : Centre commun de recherche de la Commission européenne. (NDLR : les sols des Antilles pollués par le chloredécone ne sont pas pris en compte par cette étude). Document initial : 02/03/06 => remanié le : 29/09/07 5/5