16 ème colloque international en évaluation environnementale 12-15 septembre 2011,Yaoundé Evaluation des politiques publiques et gouvernance forestière: L exemple de la Redevance Forestière Annuelle au Cameroun Guillaume Lescuyer CIRAD-CIFOR, Yaoundé
L importance accrue accordée à la forêt en Afrique centrale Une importance économique (0,3 6,3% PIB) Des préoccupations environnementales nouvelles: certains services rendus par la forêt tropicale (biodiversité, carbone, ) constituent des biens publics mondiaux De nouvelles politiques forestières et de nouveaux codes forestiers dans le bassin du Congo dans les années 1990 Des financements internationaux conséquents appuyant la gestion durable des ressources forestières
De nouvelles politiques forestières Un objectif technique d aménagement durable des forêts, visant développement socio-économique et conservation des ressources Un objectif politique de meilleure gouvernance Transparence des choix et participation des acteurs Dévolution de la gestion forestière à des entités décentralisées Un appui des bailleurs internationaux: Financements de projet et/ou appui budgétaire Influence dans la conception des politiques forestières Suivi/évaluation de l application de ces politiques
L exemple de la Redevance Forestière Mécanismes de rétrocession d une partie des taxes forestières payées par les exploitants forestiers à une collectivité publique locale et/ou une communauté implantées où se déroule l exploitation Dispositif généralisé en Afrique centrale, encadré au Cameroun pour l arrêté n 166 en 1998 Montant de la RFA: entre 5-15 milliards F.CFA par an (jusqu en 2008) Annuelle Objectifs affichés : Réduction de la pauvreté en milieu rural Réalisation d infrastructures collectives Renforcement des capacités des entités locales de gestion
Fonctionnement de la RFA (1997-2008) Paiement de la RFA par l exploitant forestier (minimum de 1000F/ha/an) 50% pour le Trésor Public 40% pour la commune où a lieu l exploitation 10% pour les communautés riveraines Intégré au budget municipal et géré selon les normes de la comptabilité publique Versés initialement à la commune, qui rétrocède aux communautés sur la base de projets collectifs
Des constats sans appel: Un bilan très critiqué Une répartition inégale de la RFA entre les communes Application hétérogène des dispositions réglementaires, notamment concernant le comité de gestion qui gère la quote-part communautaire Les communautés ne touchent que très rarement l intégralité des fonds qui leur sont dus Rôle prépondérant du maire dans la gestion effective des fonds Absence d information sur les montants parvenant à la commune et surtout sur leur utilisation Une RFA surtout utilisée pour couvrir les dépenses (souvent opaques) de fonctionnement de la commune et non pour l investissement Un impact faible sur le développement local Une nécessaire réforme de la réglementation De nombreuses publications, les Ministères sont convaincus de la faible efficacité du mécanisme, pressions des agences internationales Nouvel arrêté (n 520) en 2010 prônant un modèle renouvelé de gouvernance, avec plusieurs mesures phares
1 - Démarrage du fonds de péréquation Paiement de la RFA par l exploitant forestier (minimum de 1000F/ha/an) 50% pour le Trésor Public 20% pour un fonds national de péréquation 20% pour la commune où a lieu l exploitation 10% pour les communautés riveraines Conséquence: une diminution de moitié de cette recette municipale, souvent cruciale pour les communes bénéficiaires Versés initialement à la commune, qui rétrocède aux communautés sur la base de projets collectifs
2 Clarification de la définition et du rôle du comité de gestion de la RFA Quote-part de 40% gérée par le Conseil Municipal Quote-part de 20% gérée par un Comité Communal ad hoc Quote-part de 10% gérée par un comité de gestion (instauré à l échelle communale, villageoise ou autre) Quote-part de 10% gérée par un Comité Riverain instauré dans chaque village Conséquences: - Une perte de légitimité pour le Conseil Municipal - Multiplication des instances de décision: conflits et/ou coûts de transaction élevés
3 Diminuer l influence du maire Le maire préside le Conseil Municipal qui gère la quotepart de 40% Le Maire est le rapporteur du Comité Communal qui gère la quote-part de 20% Le maire préside le Comité de Gestion qui gère la quotepart de 10% Un conseiller municipal est rapporteur du Comité Riverain qui gère la quote-part de 10% Conséquences: - Le maire perd la main sur la gestion d une partie importante des recettes fiscales de la commune
4 Favoriser les investissements A l échelle de la commune, 80% de la RFA doit être utilisé pour des dépenses d investissement, selon un Plan de Développement Communal quinquennal assorti d une planification opérationnelle annuelle Toutes les opérations sont retracées tous les ans dans un compte administratif spécifique A l échelle des villages, 90% de la RFA doit être utilisé pour la réalisation des oeuvres sociales et économiques Conséquences: - Le choix de l affectation des recettes municipales est fortement contraint - Peu de fonds pour faire fonctionner les instances de discussion et décision
5 Accroître la transparence De nombreuses réunions à organiser tous les ans: à l échelle communale: 2 réunions d information, 2 réunions du Conseil Communal À l échelle villageoise: 4 réunions De nombreux documents à produire et diffuser: Programmes quinquennal et annuels des réalisations Bilan des réalisations financées: compte administratif, rapport semestriel sur l état d avancement Conséquences: - Une augmentation importante du coût de fonctionnement du mécanisme de rétrocession de la RFA - Rôle mineur du Conseil municipal
Nombre de réponse La réaction des maires face à cette nouvelle réglementation Un fort mécontentement (échantillon de 15 mairies, février 2011) Conception et discussion de dispositions alternatives 7 6 5 4 3 2 1 0 Présidence du Comité Communal Coût des réunions Fonds de péréquation Illégalité de certaines dispositions Diminution des prérogatives des maires Clef de répartition
Evaluation de la RFA et gouvernance Conception des politiques publiques 1994 - Code forestier forestière 2000 2010 Evaluations négatives des impacts Évaluation des effets des politiques 2010 Décret n 520 pour RFA 2010/11 Refus massif des maires et faible mise en œuvre Définition des instruments des RFA politiques 1998 Décret n 122 pour 1998 2007 Appropriation massive par les maires des communes forestières Appropriation différenciée des instruments par les acteurs et mise en œuvre
Conclusion Un suivi exemplaire de la RFA mais sans amélioration de la gouvernance de l instrument Basculement d un constat de pratiques contestables à l imposition d un modèle idéalisé de gouvernance locale Une approche top-down (services centraux des ministères + agences internationales) au détriment des praticiens (maires) Le suivi et l évaluation des politiques est un instrument d aide à la décision: Soit il justifie une décision par le décideur en charge de la politique Soit il alimente un débat (politique, technique, économique ) engageant les principaux acteurs concernés pour établir des objectifs réalistes à défaut d être idéaux
Pour en savoir plus Lescuyer G., Ngoumou Mbarga H., Bigombe Logo P. 2008. "Use and misuse of forest income by rural communities in Cameroon." Forests, Trees and Livelihoods 18: 291-304 Morrison, K., Cerutti, P.O., Oyono, P.R. and Steil, M. 2009. Broken Promises: Forest Revenue-Sharing in Cameroon. WRI Forest Note, Washington D.C., WRI Cerutti P.O., Lescuyer G., Assembe Mvondo S., Tacconi L., 2010. Les défis de la redistribution des bénéfices monétaires tirés de la forêt par les administrations locales. CIFOR Document Occasionnel n 53, Bogor, Indonésie Cerutti P.O. & Lescuyer G., 2011. Review of the experience in forestry revenue-sharing. CIFOR, Rapport interne pour la Banque mondiale, Yaoundé
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