LETTRE DU DEPARTEMENT SOCIETES DROIT DES SOCIETES, FUSIONS-ACQUISITIONS, FINANCEMENT FEVRIER 2013 EDITORIAL : LOYAUTE ET TRANSPARENCE Depuis un certain temps déjà, la jurisprudence met l accent sur le devoir de loyauté dans les rapports entre associés et dirigeants. C est le fil directeur de certaines décisions que nous soumettons à nos lecteurs. Cette loyauté se retrouve notamment à travers la notion de transparence des opérations réalisées soit dans les conventions de vote, soit dans la publication de la rémunération du gérant, soit dans les conditions de réalisation d une augmentation de capital. Bref, affaire n est pas incompatible avec morale FOCUS - CONDITIONS DE VALIDITE D UNE CONVENTION DE VOTE - EURL : REGISTRE DES DELIBERATIONS ET REMUNERATION DU GERANT - DIRIGEANT ET DEVOIR DE LOYAUTE - AUGMENTATION DE CAPITAL ET FRAUDE 1
CONVENTION DE VOTE Validité d une convention de vote entre actionnaires CA Paris, 4 déc. 2012 n 11/15313 Une clause d un pacte conclu entre actionnaires intitulée «Prise de position lors de l assemblée générale» prévoit que ceux-ci s engagent à voter lors de toute assemblée générale dans le sens déterminé à la majorité lors de réunions préalables ayant pour objet de fixer les choix à opérer dans le cadre du fonctionnement de la société. La cour d appel de Paris a jugé que cette convention de vote est valable. En effet, elle repose sur un engagement éclairé des actionnaires signataires du pacte qui avaient connaissance des résolutions soumises à leur vote. De plus, elle respecte les dispositions d ordre public puisqu elle n emporte pas cession du droit de vote ni atteinte au principe de libre révocabilité des dirigeants sociaux. Elle ne contrarie pas non plus l intérêt social car elle est destinée à établir une politique stable et durable. Enfin, elle est licite car conclue pour une durée indéterminée et peut donc être résiliée unilatéralement à tout moment. EURL REGISTRE DES DELIBERATIONS ET REMUNERATION DU GERANT Le respect du formalisme est une condition de validité Com., 25 sept. 2012 n 11-22.337 La décision fixant la rémunération du gérant associé unique d une EURL doit être répertoriée dans le registre prévu par l article L. 223-31 du code de commerce. A défaut, les décisions successives d attribuer au gérant une rémunération peuvent être annulées à la demande de tout intéressé. DIRIGEANT ET DEVOIR DE LOYAUTE Responsabilité du dirigeant pour manquement à l obligation de loyauté Com., 18 déc. 2012 n 11-24.305 Un dirigeant est mandaté par ses associés pour négocier l acquisition d un immeuble en vue d y exercer l activité sociale. Or, le dirigeant acquiert l immeuble pour son compte personnel sans en informer lesdits associés. Il manque ainsi à son obligation de loyauté et engage sa responsabilité. AUGMENTATION DE CAPITAL ET FRAUDE Nullité d une augmentation de capital ayant entraîné la dilution de la participation d un associé CA Aix-en-Provence 13 déc. 2012 n 11-16.034 Une augmentation de capital est décidée lors de l assemblée générale d une SARL, entraînant la réduction de la participation d un associé de 23 à 0.49%. L associé demande l annulation de cette décision, faisant valoir qu il était absent pour raisons professionnelles au moment de l opération, et qu il avait demandé qu on attende son retour pour prendre toute décision engageant l avenir de la société. La Cour d appel accueille sa demande, déduisant que l assemblée a été réunie intentionnellement afin de spolier l associé, dans la mesure où elle savait qu il serait absent à ce moment-là et n a pas pris les mesures nécessaires pour l informer de ses décisions. 2
POURPARLERS Le contentieux de la rupture de pourparlers ne se limite pas aux pourparlers de cession de droits sociaux. Elle est soumise aux mêmes exigences dans le cas de pourparlers préalables à une fusion. Com., 20 déc. 2012 n 11-27.340 Alors que deux sociétés A et B avaient mené des négociations dans la perspective d une fusion, la société A rompt les pourparlers. La Cour juge que pour subite et déceptive qu elle ait pu être, la rupture des pourparlers n est pas abusive, la société A n ayant fait qu user de sa liberté de ne pas contracter, à ce stade de négociations. En effet, la société A avait déjà notifié en 2008 son intention de rompre les pourparlers, à la suite d un refus d un premier projets de cession de parts ; la reprise des négociations n avait abouti qu à une ébauche de pacte d associés. La société B avait pour sa part engagé prématurément les démarches et investissements préparatoires à une association dont le principe n était pas acquis. Donc elle ne pouvait invoquer la mauvaise foi de la société A à l occasion des tentatives infructueuses de rapprochement. *** La Cour avait déjà jugé que la rupture de pourparlers brefs et ayant mis en évidence les désaccords profonds entre les partenaires n est pas fautive (Com. 19 oct. 2010 n 09-65.382). En revanche, une rupture est jugée fautive lorsqu elle survient après plusieurs mois de négociations et l élaboration d un projet aplanissant la plupart des difficultés, et que l auteur de la rupture négocie parallèlement avec un tiers en lassant croire à la poursuite des pourparlers (Com., 26 nov. 2003 n 00-10.243). REPRESENTANT D UN INCAPABLE Le représentant d un incapable gérant de société ne représente pas la société Civ.1, 12 juil. 2012, n 11-13.161 Le tuteur d une personne protégée demeuré gérant d une société n est pas investi du pouvoir de représenter celle-ci. Le pouvoir de représentation n est pas retiré au gérant, fut-il incapable majeur. Concernant la capacité d une personne protégée à exercer un mandat social, il avait déjà été jugé que le président du conseil d administration d une société anonyme placé sous curatelle peut transiger valablement au nom de la société, sans l assistance de son curateur (Com., 29 sept. 2009 n 08-15.125). SOCIETE EN PARTICIPATION Validité d une cession de parts d une société en participation Com., 15 mai 2012, n 11-30.192 Le fait que la société en participation ne soit pas titulaire d un patrimoine propre ne fait pas obstacle à la cession par les associés des droits qu ils tiennent du contrat de société. En effet, les droits de l associé d une société en participation sont identiques quant à leur objet à ceux de l associé d une société personnifiée. La différence entre la société en participation et une société dotée de la personnalité morale réside simplement dans l identité du débiteur des droits d associé. Le participant ne 3
sera pas créancier de la société ellemême, mais des coassociés. La cession des parts de la société en participation peut dès lors s analyser comme une cession de créance plus que comme une cession de contrat. Mais au-delà, la cession aura également pour effet l introduction du cessionnaire dans le groupement, qui peut être subordonnée à l agrément des membres de ce groupement. DONATION INDIRECTE ET DROITS A DIVIDENDES Démembrement des actions : la modification de la répartition des droits à dividendes n est pas constitutive d une donation indirecte Com., 18 déc. 2012 n 11-27.745 Les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n ont pas d existence juridique avant la constatation de l existence de sommes distribuables par l organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé. En l espèce, une société civile est constituée entre des parents et deux enfants. Les associés réunis en assemblée générale décident à l unanimité de modifier la répartition des dividendes au profit des enfants, et ce pendant une durée de cinq ans. L administration, soutenue par la suite par la Cour d appel, a estimé que les parents avaient consenti à une donation indirecte à leurs enfants, et en conséquence, a assujetti ceux-ci aux droits de mutation à titre gratuit à raison des dividendes versés durant les cinq années d application de la nouvelle répartition. La Cour de cassation casse la décision de la Cour d appel : elle juge que les parents n ont pu donner à leurs enfants des dividendes, faute par les organes de la société d avoir constaté les bénéfices distribuables, et le vote émis en assemblée générale ne peut valoir consentement à donation. SUBSTITUTION DE CAUTIONNEMENT Substitution de cautionnement non autorisée par le conseil d administration Com., 15 janv. 2013 n 11-27.648 Un actionnaire cède à la société anonyme dont il est actionnaire une participation dans une société dont les engagements financiers à l égard d un crédit-bailleur sont garantis par un cautionnement de cet associé. La SA s est engagée dans l acte de cession à se substituer au cédant dans le cautionnement, mais cet engagement n est pas autorisé par son conseil d administration. A la suite de la défaillance de la société garantie, le crédit-bailleur agit en responsabilité délictuelle contre la SA, lui reprochant d avoir commis une faute en n exécutant pas son engagement. D abord condamnée par la Cour d appel à indemniser le crédit-bailleur, sur le fondement de la responsabilité délictuelle engagée à l égard du crédit-bailleur, la SA se voit finalement libérée d une telle obligation par la Cour de cassation, puisque l engagement auquel elle avait souscrit lui était inopposable, n ayant pas été autorisé par le conseil d administration. CONVENTION REGLEMENTEE Nullité d une convention réglementée irrégulière et commencement d exécution Com., 15 janv. 2013 n 11-28.244 4
Un médecin, administrateur d une société anonyme exploitant une clinique, demande à la société le versement de l indemnité de résiliation prévue par une convention réglementée, mais qui n avait pas été autorisée par le conseil d administration. doit apprécier la valeur des avantages. La Cour d appel donne raison à la société qui oppose au médecin la nullité par voie d exception de la convention. Cependant, la décision est censurée par la Cour de cassation qui juge que la Cour d appel ne pouvait statuer ainsi sans relever que le contrat n avait pas été exécuté, même partiellement. ACTIONS DE PREFERENCE Emission d actions de préférence au profit d actionnaires dénommés : précisions Lettre du ministère de la justice du 3 oct. 2012 Le ministère de la justice apporte deux précisions sur l application des dispositions relatives à l émission d actions de préférence au profit d actionnaires nommément désignés. 1. En cas d insertion dans les statuts des caractéristiques d actions de préférence dont l émission ultérieure est réservée à des personnes dénommées, le commissaire aux apports doit intervenir au moment de l émission des actions et non au moment de l introduction des caractéristiques dans les statuts. 2. En cas d émission d une catégorie d actions de préférence au profit de tous les actionnaires puis d une nouvelle émission d actions de la même catégorie au profit d actionnaires nommément désignés, c est le commissaire aux apports et non le commissaire aux comptes mentionné à l article L 228-15, al.3 qui 5
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