La surveillance Sid Noma Murielle Minougou La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, objectif phare de la 3 ème Directive de 2005 transposée en 2009, prévoit un certain nombre d obligations tant à la charge des personnes assujetties qu à celle des Etats membres de l Union Européenne. Parmi les obligations relevant des Etats, il y a l obligation de surveillance contenue aussi bien dans la 3 ème Directive que dans la proposition de la 4 ème Directive de février 2013. Cette obligation de surveillance consacrée dans la 3 ème Directive connaît quelques modifications dans la proposition de directive du 5 février 2013. Il conviendrait alors de voir les dispositions de la 3 ème directive en matière de surveillance, ensuite celles de la proposition de directive, puis de faire une étude comparative des deux règlementations et enfin s interroger sur l impact de la proposition de la 4 ème directive en droit national. I- L obligation de surveillance dans la 3 ème Directive La section 2 du chapitre 4 intitulé «Mesures d exécution» est consacrée à l obligation de surveillance. Cette section est divisée en deux (02) articles que sont : l article 36 et l article 37. Etudions chacun de ces articles. A- L article 36 Dans un 1 er alinéa, cet article définit les obligations soumises aux Etats dans le cadre de la surveillance. Ainsi, en matière de surveillance, la Directive prend soin de rappeler aux Etats membres leur obligation d imposer non seulement l obtention des licences par les casinos avant l exercice de leur activité, mais aussi l obligation d obtention de l agrément par les bureaux de change, les prestataires de service, les sociétés de fiducie, les sociétés de transfert de fonds. Chacune de ces entités, lorsqu elle n est pas agréée, elle doit être immatriculée afin de pouvoir exercer son activité (article 36.1) L alinéa 2 fait état du refus de la délivrance de l agrément ou du refus de l immatriculation des entreprises ci-dessus mentionnées en cas de doute sur l aptitude et l honorabilité des dirigeants actuels ou futurs ainsi que de leurs bénéficiaires effectifs. Ce refus relève de la compétence des autorités compétentes sous la surveillance de l Etat. B- L article 37 Cet article est divisé en 5 paragraphes et traite des points suivants :
- Alinéa 1 : la Directive prévoit que les Etats membres, dans le cadre de leur obligation de surveillance, exigent des autorités compétentes un suivi effectif du respect des mesures par les personnes assujetties et la prise des mesures nécessaire pour assurer ce suivi. - Alinéa 2 : pour qu elles puissent assurer leur mission de suivi, les autorités compétentes doivent avoir les pouvoirs appropriés ainsi que les ressources nécessaires et il appartient aux Etats membres de veiller à cela. - Alinéa 3 : S agissant des établissements de crédits, des autres établissements financiers et des casinos, les autorités compétentes disposent de pouvoirs renforcés en matière de surveillance et notamment de la possibilité d effectuer des inspections sur place. - Alinéa 4 : S agissant des personnes physiques et morales visées à l article 2, paragraphe 1, points 3) a) à e), les Etats membres peuvent permettre que les fonctions visées au paragraphe 1 soient exercées sur la base de l appréciation des risques. - Alinéa 5 : S agissant des personnes visées à l article 2, paragraphe 1, points 3) a) et b), les Etats membres peuvent permettre que les fonctions visées au paragraphe 1 soient exercées par des organismes d autorégulation pourvu qu ils remplissent les conditions visées au paragraphe 2. Après avoir vu les dispositions de la 3 ème directive, étudions à présent celles de la proposition de 4 ème directive. II- L obligation de surveillance dans la proposition de 4 ème Directive Tout comme dans la 3 ème Directive, deux articles concernent la surveillance dans la proposition de 4 ème Directive. A- L article 44 Il est composé de trois alinéas : - Alinéa 1 : il pose l obligation pour les Etats membres de prévoir dans leur règlementation interne d une part l obligation d obtention d agrément ou d immatriculation des bureaux de change, prestataires de service et fiducies d autre part l obligation d obtention d agrément des services de jeux d argent et de hasard. - Alinéa 2 : l obligation pour les Etats membres d exiger des autorités compétentes de veiller à la compétence et à l honorabilité des dirigeants des entités assujetties ou de leurs dirigeants - Alinéa 3 : les Etats membres doivent veiller à ce que les entités compétentes prennent les mesures nécessaires pour empêcher que des criminels ou leurs complices détiennent ou soient les bénéficiaires effectifs dans les entités assujetties. B- L article 45 Il est composé de dix alinéas :
- Alinéa 1 : Les Etats membres exigent des autorités compétentes qu elles assurent un suivi effectif du respect des obligations prévues par la présente directive et qu elles prennent les mesures nécessaires à cet effet. - Alinéa 2 : Les Etats membres veillent à ce que les autorités compétentes disposent des pouvoirs appropriés, dont le pouvoir d exiger la production de toute information pertinente pour assurer le suivi de respect des obligations et d effectuer des vérifications, ainsi que des ressources financières, humaines et techniques nécessaires à l accomplissement de leurs fonctions. Les Etats membres s assurent que le personnel de ces autorités respecte les exigences professionnelles élevées, notamment en matière de confidentialité et de protection des données, et qu il soit de la plus haute intégrité et possède les compétences nécessaires. - Alinéa 3 : S agissant des établissements de crédit, des autres établissements financiers et des prestataires de services de jeux d argent et de hasard, les autorités compétentes disposent de pouvoirs renforcés en matière de surveillance te notamment de la possibilité d effectuer des inspections sur site. - Alinéa 4 : Les Etats membres veillent à ce que les entités soumises à obligations qui exploitent des succursales ou des filiales dans d autres Etats membres respectent les dispositions nationales prises par ces derniers en application de la présente directive. - Alinéa 5 : Les Etats membres veillent à ce que les autorités compétentes de l Etat membre dans lequel la succursale ou la filiale est établie coopèrent avec les autorités compétentes de l Etat dans lequel se trouve le siège de l entité soumise à obligation, afin d assurer une surveillance efficace du respect des exigences de la présente directive. - Alinéa 6 : Les Etas membres font en sorte que les autorités compétentes qui adoptent une approche de la surveillance se fondant sur l appréciation des risques : a) aient une bonne compréhension des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme b) aient accès sur site et hors site à toute information relative aux risques nationaux et internationaux spécifiquement liés aux clients, produits et services des entités soumises à obligation ; et c) fassent dépendre la fréquence et l intensité de la surveillance sur site et hors site du profil de risque de l entité soumise à obligations et des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme existant dans le pays. - Alinéa 7 : L évolution du profil d une entité soumise à obligations en termes de risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ce qui inclut les risques de non respect des règles en vigueur, est réexaminée tant de façon périodique que lorsqu interviennent des évènements ou changements majeurs dans la gestion et les activités de entité concernée. - Alinéa 8 : Les Etas membres veillent à ce que les autorités compétentes prennent en compte la marge d appréciation laissée à l entité soumise à obligations, et examinent de manière appropriée les évolutions de risques sous-tendant ce pouvoir d appréciation, ainsi que l adéquation et la mise en œuvre de ses politiques, contrôles internes et procédures.
- Alinéa 9 : S agissant des entités soumises à obligations visées à l article 2, paragraphe 1, points 3) a), b) et d), les Etats membres peuvent permettre que les foncions visées au paragraphe 1 soient exercées par des organismes d autorégulation, pourvu que ces derniers remplissent les conditions visées au paragraphe 2 du présent article. - Alinéa 10 : Conformément à l article 16 du règlement (UE) n 1093/2010, du règlement (UE) n 1094/2010 et du règlement (UE) n 1095/2010, l ABE, l AEAPP, et l AEMF émettent des orientations à l intention des autorités compétentes concernant les facteurs à appliquer lors d une surveillance fondée sur l appréciation des risques. La nature et la taille des activités doivent expressément êtres prises en compte, et lorsque cela est approprié et proportionné, des mesures spécifiques doivent être prévues. Ces orientations sont émises dans un délai de deux ans à compter de la date d entrée en vigueur de la présente directive. Les dispositions ainsi rappelées, intéressons-nous à la comparaissions des deux règlementations. III- Etude comparative 3 ème Directive et proposition 4 ème Directive Il convient de procéder par article. A- Article 36/ article 44 Alors que l article 36 de la 3 ème Directive comprend deux alinéas, l article 44 de la proposition de février 2013 comprend quant à lui trois alinéas pour intégrer une expression nouvelle (des criminels ou leurs complices) «les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour empêcher que des criminels ou leur complices..» art.44.3. La notion de criminels ou complices ne figurait pas dans l article 36 de la 3 ème Directive. Une autre nouveauté figure à l article 44 de la proposition de 4 ème Directive : la notion de service de jeux d argent et de hasard. En effet, la proposition de 2013 a élargi son champ d application aux services de jeux d argent et de hasard et du même coup l inclus à l article 44 dans le cadre de la mission de surveillance imposé aux Etats membres. B- Article 37/article 45 Des nouveautés apparaissent à l article 45 - D une part au point 2 de l article 45, la confidentialité et la protection des données sont exigées et ces exigences s adressent au personnel des autorisées de contrôle. - D autre part au point 4, la 4 ème directive rappelle que les entités ayant des succursales ou filiales dans d autres Etats de l Union doivent respecter les dispositions nationales de ces Etats membres. L article 45 de la nouvelle directive montre la nécessité de mettre en place des mesures sur le plan européen afin de protéger l intégrité, la stabilité de l ensemble des systèmes financiers. La Commission européenne veut éviter que le blanchiment et le financement du terrorisme porte atteinte à la stabilité, à la réputation des entreprises financières et ne menace du même
coup le marché intérieur. Et pour y parvenir, chaque Etat doit veiller à ce que les entreprises assujetties et les autorités de contrôle respectent effectivement les dispositions de la 4 ème Directive. Nous l avons vu, la proposition de février 2013 introduit quelques changements dans le souci de combler les failles du dispositif existant. Ces changements impacteront-ils le droit national si elle était adoptée? IV- De l impact de la «4 ème directive» sur le droit national Les prestataires des services de jeux d argent et de hasard sont intégrés dans le nouveau dispositif (article 44) mais cela n impactera pas le droit national car l article L561-2 9 et 9 bis du Code monétaire et financier faisait déjà état des représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux ou de paris (qui sont tous des jeux portant sur le hasard et l argent). L intégration de la notion de confidentialité des données et protection des données ( ) (article 45 2 ) dans le nouveau dispositif n impactera pas non plus le droit français car à l instar du Code Monétaire et Financier, la loi Informatique et Libertés de 1978 imposait déjà une confidentialité des données collectées. S agissant de l intégration de la notion de criminels et complices à l article 44 de la nouvelle directive, aucun impact non plus car les dispositions françaises sanctionnent déjà les auteurs et complices d infractions.