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Compte rendu Ouvrage recensé : ÉRIC A. CAPRIOLI, Règlement des litiges internationaux et droit applicable dans le commerce électronique, Paris, Éditions du Juris-Classeur, 2002, 253 p., ISBN 2-7111-3492-X. par Sylvette Guillemard Les Cahiers de droit, vol. 44, n 3, 2003, p. 551-555. Pour citer ce compte rendu, utiliser l'adresse suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/043763ar DOI: 10.7202/043763ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 2 September 2015 11:37

Chronique bibliographique ÉRIC A. CAPRIOLI, Règlement des litiges internationaux et droit applicable dans le commerce électronique, Paris, Éditions du Juris-Classeur, 2002,253 p., ISBN 2-7111- 3492-X. Dans cet ouvrage, Éric A. Caprioli traite d un sujet qui a déjà fait l objet de nombreux écrits, soit le règlement des litiges nés des relations cyberspatiales. Les juristes qui s intéressent au commerce électronique se divisent habituellement en deux clans, reproduisant les divergences nées de la réflexion sur le commerce international classique. Les uns prônent l avènement d un droit matériel uniforme propre à ces activités, la lex electronica}, proche parente de la lex mercatoria ; les autres, contestant la juridicité de ces normes spontanées issues du milieu mar- 1. Voir notamment : P. TRUDEL et autres, Droit du cyberespace, Montréal, Thémis, 1997 ; V. GAUTRAIS, Lencadrement juridique du contrat électronique international, thèse de doctorat, Montréal, Faculté des études supérieures, Université de Montréal, 1998 ; D.G. POST, «Anarchy, State, and the Internet : An Essay on Law-Making in Cyberspace», (1995) J. Online L. art. 3, [En ligne], [http ://www.temple. edu/lawschool/dpost/anarchy.html] (18 novembre 2003) ; J.R. REIDENBERG, «Governing Networks and Cyberspace Rule-Making», (1996) 45 Emory Law Journal, [En ligne], [http :/ /ksgwww.harvard.eduiiip/giiconf/reid.htmll (18 novembre 2003); D.R. JOHNSON et D.G. POST «Law and Borders - The Rise of Law in Cyberspace» (1996) 48 Stan.L.R. 1367 [En lignel [http :/www cli org/x0025 LBFIN html] (18 novembre 2003); J-J LAVENUE «Cyberespace et droit international : pour un nouveau jus communicationis» (1996) 3 R R J 811 ; Y POULLET Quelques considérations sur le droit du cyberespace [En lisnel 1998 [http 7/ www droit fundt» ac be/textes/droit-ducyberspace PDF] (18 novembre 2003) chand, cherchent des solutions dans l application des règles de droit international privé 2. Après s être engagé dans la première voie 3, Éric A. Caprioli emprunte maintenant la seconde en se demandant si le droit international privé est «apte à appréhender un phénomène immatériel par essence, alors que sa technique repose sur la localisation des actes et des faits juridiques dans l espace et dans le temps» (p. 5). Les règles conflictualistes étant la plupart du temps de source nationale, l auteur français mène l exercice en regard de son propre ordre juridique ce qui comprend aussi bien les règles d origine purement française que certaines normes communautaires voire internationales D emblée, signalons que le titre de l ouvrage est un peu surprenant puisqu il sépare «règlement des litiges» et «droit applicable» comme si le droit applicable n intervenait pas dans le règlement des litiges. Faut-il comprendre la première expression 2. Voir notamment : O. CACHARD, La régulation internaiionale du marché électronique, Paris, L.G.D.J., 2002 ; C. KESSEDJIAN, «Aspects juridiques du e-trading : règlement des différends et droit applicable», dans L. THÉVENOZ et C. BOVET (dir.), Journée 2000 de droit bancaire et financier, t. 6, Berne, Stasmpfli, 2001, p. 65 ; B. FAUVARQUE-COSSON, Le droit international privé classique à l épreuve des réseaux, [En ligne,, 2001, [http ://droit-internet-2001.univparis1.fr/pdf/vf/fauvarque_b.pdf] (18 novembre 2003); C. KESSEDJIAN, «Internet et le règlement des différends», dans F.W. GROSHEIDE et K. BOELE-WOELKI (dir.), Molengrafica 1999-2000 Koninklijde, Vermande, 2000, p. 69. 3. EA. CAPRIOLI et R. SORIEUL, «Le commerce international électronique : vers Y émergence de règles juridiques transnationales» (1997) 2 J.D.I. 323. Les Cahiers de Droit, vol. 44, n 3, septembre 2003, p. 551-564 (2003) 44 Les Cahiers de Droit 551

552 Les Cahiers de Droit (2003)44 C. de D. 551 comme désignant la recherche de l autorité compétente à être saisie d un litige? Sur ce chapitre, le lecteur sera peut-être dérouté par la structure de l ouvrage. Le titre premier traite des «aspects de droit international privé et de droit pénal international». Ses deux premiers chapitres sont consacrés au tribunal compétent et à la détermination de la loi applicable dans le cas de certains différends auxquels peuvent donner lieu les relations cyberspatiales 4, soit les contrats de vente de biens corporels et de prestation de services ainsi que les délits civils ou commerciaux. Les aspects pénaux sont ensuite abordés dans le troisième chapitre qui reprend la distinction entre autorité compétente et loi applicable Le titre deuxième de l ouvrage est entièrement réservé à l arbitrage Il aurait peut-être été plus judicieux et plus rigoureux de traiter ensemble de toutes les questions portant sur les autorités compétentes à entendre un litige du commerce électroniaue tribunal judiciaire et tribunal arbitral pnisnne fondamentalement elles répondent à la même interrogation La démarche de V auteur est toujours pratiquement identique et fort logique. Pour chaque sujet traité, il examine les réponses que fournit le droit international privé dans le contexte de relations traditionnelles, autrement dit dans le monde physique, puis se demande dans quelle mesure elles sont transposables et donc efficaces pour les relations virtuelles, en en brossant à grands traits les particularités et les spécificités. 4. Rappelons que l expression «commerce électronique» qui est à la mode se révèle ambiguë et a déjà été dénoncée par Éric A. Caprioli luimême. Commentant le titre de la loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique, il faisait remarquer que, loin d indiquer une quelconque limitation des activités aux relations d affaires, cette expression fait référence (p. 370) «à une acception du terme «commerce», qui recouvre toutes catégories de relations et d échanges. Cette acception [...] présente surtout lerisqued entretenir la confusion [...] lorsqu elle est employée par une organisation internationale dont la spécialité est le «droit commercial» au sens «mercantile» du terme.» Prenons ici un premier exemple des difficultés évidentes que fait naître l environnement numérique lorsque vient le temps de lui appliquer des règles conçues pour des relations traditionnelles. Dans des contrats où sont impliqués des consommateurs, la Convention de Bruxelles 5 aussi bien que la Convention de Rome 6 obligent, la première pour la détermination du tribunal compétent, la seconde pour celle de la loi applicable, à prendre en considération les «circonstances dans lesquelles [sont intervenues] la négociation et la conclusion du contrat» (p. 48). La doctrine sur la base de ces textes en est venue à qualifier de «passif» le consommateur qui est en quelque sorte sollicité par un professionnel étranger et qui accomplit chez lui les actes nécessaires à la conclusion du contrat Les deux textes conventionnels instaurent en sa faveur des règles protectrices qui dérogent au principe général de la saisine du tribunal du défendeur et qui permettent de faire échec à la loi désignée dans le contrat profit de celle de sa résidence An contraire le consommateur actif ne jonit pas d une telle protection. Lnc A. Caprioli conclut que la distinction entre consommateur tf * -c * r lu actif et consommateur passif «est [malheu- 1» r- 1 1 reusej et [inopportune] pour les contrats con- 1 J 'J-» 1>T» clus au moyen du media qu est 1 Internet» (p. 49). Ln effet, lors d une relation cyberspatiale, qui se déplace vers qui.? Le profes-, /..,,,,,... _ sionnel tait-il réellement de la sollicitation.' Deux courants opposes s affrontent. Pour les unsr e est le client qui fait «une demarche pour entrer dane le processus co«tractuel» (p. 26)a lsposmerçant nv faisant «que mettre à la dispositi-n de qui roudraure offre de contrat» (p. 25-26). Pour les autres, «l'in- 5. Convention concernant la compétence judiciaire et l exécuiion des décisions en matière civile et commerciale, Bruxelles, le 27 septembre 1968 [En ligne], [http ://europa.eu.int/ispo/ ecommerce/legal/documens//468a0927/ 468a0927_FR.doc] (18 novembre 2003). 6. Conveniion sur la loi applicable aux obligations contractuelles', Doc. 80/934/CEE, Rome, le 19 juin 1980 [Enligne], [http ://europa.eu.int/ispo/ ecommerce/legal/documens//498y0126-3/ 498y0126-3_FR.doc] (18 novembre 2003).

Chronique bibliographique 553 ternaute subit le processus contractuel dès lors qu il reçoit l information, la sollicitation de contracter [...] En réalité, même s il surfe sur l Internet c est le consommateur qui serait sollicité par le professionnel» (p. 26). De toutes façons, l auteur fait remarquer en quelques mots qu il est extrêmement difficile au consommateur de «prouver que le contrat a été précédé d une sollicitation du professionnel chez lui» (p. 49). En fait, la Convention de Bruxelles a été remplacée dans presque tout l espace européen par une réglementation 7 «plus spécifique et plus apte à réguler le commerce électronique» (p. 27). Le Règlement européen prévoit dorénavant «des critères élargissant considérablement le champ d application des dispositions favorables au consommateur» (p. 28) en lui permettant de saisir le tribunal du lieu de son domicile lorsque le professionnel «dirige ses activités» vers cet État. Le lecteur regrettera peut-être un manque d analyse et de critique de cette nouvelle notion de «ciblage» à propos de laquelle Éric A. Caprioli mentionne simplement ceci (p 53) : «L un des critères utilisés à prendre en considération pourrait être la langue utilisée sur le site permettant ainsi de présumer du public auauel le message ou la page Web est destinée On objectera toutefois qu il ne sera pas toujours facile de déterminer quel est ou quels sont les pays cibles! Par exemple un site rédigé en langue anglaise est-il destiné à tonte la planète ou aux senk pays anglophoofficiellement '> L 'illustration nous semble particulièrement mal choisie, car, en J 1. J f * 1 J 1 dehors du tait que tous les internautes de la planète ne comprennent pas l anglais, tant s en faut, la seconde hypothèse illustre justement la difficulté de la détermination du 11 i l 1 i v i - ciblage en se tondant sur le seul critère lin- 7. Règlement (CE) No 44/2001 du Consell du 22 décembre 2000 concernant la compétenee judiciaire, la reconnaissanee et Vexécution des décisions en matière civile et commerciale, [En ligne], 2000, [http ://europa.eu.int/eur-x/pri/fr/oj/ dat/2001/1012/101220010116fr00010023.pdf?] (18 novembre 2003). guistique. Sauf à envisager le croate, le finnois ou le slovaque, par exemple, intimement liés à un État, comment déterminer sur ce seul critère qu un site en anglais est dirigé spécialement vers des consommateurs du Royaume-Uni et non de la Saskatchewan ou qu une page Web rédigée en français s adresse à des consommateurs français plutôt que québécois ou camerounais? La notion même de ciblage a pour objet de déterminer précisément les consommateurs d un ordre juridique, à la rigueur de quelques-uns, àl exclusion des autres même s ils partagent la même langue. Un autre domaine où les relations cyberspatiales s accommodent mal de la transposition des règles traditionnelles est celui des infractions pénales, notamment parce que l environnement virtuel les modifie considérablement, d un point de vue aussi bien qualitatif que quantitatif. D une part, on ne retrouve pas réellement en dehors des réseaux numériques d équivalents aux groupes de nouvelles aux courriels au Web ; d autre part, l étendue possible des délits constitue une réelle nouveauté. Éric A. Caprioli parle à juste titre de l «universalité virtuelle du cyberdélit» (p. 34). En droit français «le régime de responsabilité applicable aux communications sur l Internet restera donc sensiblement différent suivant la qualification juridique du message de données» (p 77) En effet «une communication effectuée par l intermédiaire d un serveur Internet [ ] peut [ ] relever du droit des télécommunications» ("p 72") «le contenu des services Web forum de discussions ouvert relève de la communication audiovisuelle» (r> 73"! alors mie Mertains sites d'tnternet neuvent aussi correspondre à la definition de la «pu- II.. 1, -TON X 1 ' t bhcation de presse»» (p. 73). A cela s ajoute 1 j - f r i A't * j ui j la difficile determination des responsables de i - -c r 1 1 i j - 1 intraction puisque «[njombreux et dispara-» ^ 1 C» i l» tes quant a leur fonction sont les intervenants i i i i ~ i susceptibles d entrer dans une chaîne de responsabihté» (p. 74). U ne convention interna- 1 1 1 1, 1 i v tionale dans le domaine était donc particulie- T ^ 1 rement bienvenue. La Convention sur la cybercnminahts, œuvre du Conseil de 1 Europe, a ete signée le 23 novembre 2001

554 Les Cahiers de Droit (2003) 44 C. de D. 551 «par trente pays dont douze de l Union européenne et quatre non membres du Conseil de l Europe» (p. 78). Mentionnons que le Canada est l un de ces derniers. Le texte international porte, d une part, sur l adoption d une législation appropriée, c est-à-dire qu il réalise l harmonisation du droit pénal matériel, et établit, d autre part, une coopération internationale en matière d investigations, de recherche des preuves et d actes de procédure d extradition. Selon Éric A. Caprioli, si le texte réussit à atteindre son second objectif celui de la coopération internationale il n en va pas de même de l harmonisation des règles. Cette carence devrait être réparée par une proposition du Conseil de l Union européenne 9 Quoi qu il en soit seul l avenir nous dira l efficacité de ces textes puisque la Convention elle-même n est pas encore entrée en vigueur Elle ne le sera que lorsqu elle aura été ratifiée par cinq États dont au moins trois membres du Conseil de l Europe 10 Au terme du titre premier de l ouvrage, Éric A. Caprioli livre une conclusion mitigée et, il faut bien le dire, très répandue : «il apparaît que les règles du droit international privé, qu elles soient tirées du droit commun français ou des conventions internationales, permettent d apporter des réponses aux problèmes classiques de la détermination du tribunal compétent et de la loi applicable dans le cadre du commerce électronique [...] Pour autant, on ne peut pas affirmer que toutes les solutions auxquelles conduisent leur application soient satisfaisantes» (p. 83). Ajoutons que le constat est valable quel que soit l ordre juridique qui sert d étalon Les développements sur l arbitrage en ligne, objets du titre second, commencent par 8. Conveniion sur la cybercriminalité, [En ligne], 2001, [http ://conventions.coe.int/treaty/fr/ Treaties/Html/185.htm] (18 novembre 2003). 9. Proposition de décision-cadee du Consell relative aux attaques visant les systèmes d'information, 19 avril 2002, COM (2002) 173 final, 2002/0086 (CNS). 10. Au moment d écrire ces lignes, en novembre 2003, cette convention n a été ratifiée que par trois États, soit l Albanie, la Croatie et l Estonie. présenter deux centres virtuels de résolution des litiges, celui de l Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) 11, dont le champ d activité est très circonscrit puisqu il se consacre aux arbitrages en matière de noms de domaine, et celui de la Chambre de commerce et d industrie de Paris, le Centre de médiation et d arbitrage de Paris (CMAP), dédié aux litiges commerciaux. Pour le moment, le CMAP ne permet que de la médiation en ligne, le volet arbitrage, «quant à lui, [restant] encore en dehors de la sphère électronique» (p. 97). Reprenant la même méthode que dans la première partie de l ouvrage, l auteur présente «les règles applicables à l arbitrage classique [...] et [...] les [confronte] aux procédures d arbitrage en ligne afin d en mesurer les distorsions et de dégager les aspects typiques de ces dernières» (p. 103). Au-delà de cet exercice de comparaison et d adaptation, au terme duquel le lecteur comprendra que les règles traditionnelles sont soit interprétées, soit complétées par des règles tenant compte de l environnement numérique le point le plus intéressant concerne une différence essentielle entre arbitrage classique et arbitrage en ligne : «L arbitre [du monde traditionnel] investi par les parties dispose de la jurisdictio et les parties peuvent recourir au juge étatique pour l exécution de la sentence Tandis qu avec le «cyberarbitrage» si l arbitre peut valablement trancher le litige l exécution de sa décision sera toujours soumise à l acceptation des parties» (p 161) Somme toute en raison du rôle de la volonté des parties au stade iinai du processus, l arbitrage en lione est nlus nroche de la média tion que de 1 arbitrage hors ligne. En conclusion, l ouvrage d Éric A. Caprioli permet au lecteur de prendre rapidement connaissance des grandes lignes des règles de droit international privé applicables en droit français. Il y trouvera également l exposé des principaux problèmes que soulèvent 11. Organisaiion mondiale de la propriété intellectuelle, [En ligne], [http ://www.arbiter.wipo.int] (18 novembre 2003).

Chronique bibliographique 555 les relations cyberspatiales en matière d autorité compétente et de droit applicable ainsi que la façon dont ils sont généralement résolus. Toutefois, comme l écrit l auteur, cet ouvrage n a «pour objet que de confronter la théorie générale de la démarche conflictualiste au commerce électronique. Par là même, bien des aspects n ont pu être qu effleurés» (p. 84). Plusieurs le regretteront certainement. Sylvette GUILLEMARD Universtté Laval YSOLDE GENDREAU (dir.), Le lisible et l illisible - The Legible and the Illegible, Montréal, Éditions Thémis, 2003, 180 p., ISBN 2-89400-156-8. Sous ce titre qui laisse planer la menace d un écrit au sens impénétrable, le lecteur trouvera le texte d une série de conférences données à la Faculté de droit de l Université de Montréal en 2000-2001. Les auteurs de ces textes avaient été invités à proposer une réflexion sur les rapports entre droit et lisibilité. Il en est résulté un ensemble de communications très éclaté, mais riche en considérations inattendues et en perspectives stimulantes pour la recherche. La plupart des conférenciers se sont intéressés à la lisibilité du droit et notamment à l incidence de la forme des textes juridiques sur la compréhension de leur sens. Ainsi, l exposé du juge Jean-Louis Baudouin (Cour d appel du Québec) est consacré à deux types de textes : la législation et les jugements. Il fait dépendre leur lisibilité de deux autres caractères : l accessibilité et l intelligibilité. Relativement à la loi, les propos du conférencier-propos par ailleurs vigoureux et non dénués d humour-sont assez convenus ; ils débouchent sur le constat que la législation contemporaine est segmentée : Y accès à la loi se conçoit et se pratique de manière «sectorielle» «partielle» «réduite» et l intelligibilité des règles est modulée selon les «clientèles» qu elles visent Relativement au discours juridictionnel le juge Baudouin désigne à la curiosité des chercheurs de fascinants objets d analyse Sur le plan de l accessibilité aux jugements, par exemple, il exprime à l endroit des plaideurs à la fois sa sympathie de les voir engloutis sous le flot des décisions accessibles (mais pas forcément utiles ou dignes de faire jurisprudence) et son agacement devant leur «amour immodéré» de la citation de jurisprudence. Cette «pollution jurisprudentielle» suscite notamment deux observations de sa part. La première est que, à trop lire les arrêts, le juriste en oublie de lire la loi. La seconde est que le goût de la jurisprudence étrangère sévit partout sauf précisément là où il serait recommandable : en matière de droits fondamentaux. La question de la lisibilité du droit est abordée sous un angle moins prévisible et plus circonscrit par deux communications d un grand intérêt. Le texte de John McCamus (Université York, à Toronto) s intéresse au lecteur de common law. Ce lecteur, prenant connaissance d un arrêt ou d un ouvrage qui prétend formuler l état de la common law sur un point donné, peut-il se fier à ce qu il lit? Comment peut-il savoir si cet état du droit n est pas à la merci d un revirement de jurisprudence imminent? Si un tel revirement devait se produire quel en serait l effet dans le temps (tout comme l on peut s interroger sur la portée temporelle d une loi nouvelle)? Les analyses et les conclusions de John McCamus sont nuancées Ainsi on peut approuver sous l angle de la légitimité démocratique l attitude de retenue qui interdit à la Cour suprême de modifier brusquement l état de la common law sur une question majeure de droit privé: en même temps on peut craindre que cette attitude ne retarde l évolution du droit vu le peu d inté rêt que nnrte habituellement le Parlement à ce genre oe questions, On peut aussi approuver l abandon par les tribunaux de la fiction 1 1 11 1 f A' 1 selon laquelle ils ne taisaient que «declarer» 't * J i i ' un etat de la common law qui préexisterait au jugement d espèce, de sorte qu un revirement de unsprudence pouvait être présenté 1 1 1 -v, v, comme la simple mise en lumière d une regle îusque-la «inaperçue». Mais cet abandon V- * i v torce la îunsprudence a reconnaître, sans états i,/. i, r /,.,. d ame, 1 ettet rétrospectif d un revirement ;