Trois cas d allergie! R. Wakim*, J. Birnbaum**



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Observation 24/01/02 15:56 Page 43 Trois cas d allergie! R. Wakim*, J. Birnbaum** * Médecin généraliste, Paris. ** Département des maladies respiratoires, hôpital Sainte-Marguerite, Marseille. UNE RHINITE SAISONNIÈRE Mme I. consulte le Dr Roméo en février 2001 pour un rhume et une sinusite traînante. Mme I. ne présente pas d antécédents particulier, en dehors d épisodes infectieux ORL répétés. Elle a déjà consulté à trois reprises, et pris par deux fois des antibiotiques pour des sinusites. L amélioration a été transitoire, avec rechute. Sa voix est nasillarde et elle se plaint d une gêne auditive comme s il y avait de l eau dans ses oreilles. À l interrogatoire, le Dr Roméo constate l existence d épisodes récidivants chaque année, débutant en novembre et se terminant début mars. Dans l enfance de Mme I., on découvre la notion d une atopie cutanée, d un asthme, une adénoïdectomie, et une amygdalectomie. La patiente travaille dans une tour, ne fume pas, se plaint de la climatisation des bureaux. Elle possède un chat depuis 2 ans. Elle décrit des quintes d éternuements matinales, et se plaint depuis quelques semaines de brûlures épigastriques qu elle met sur le compte des antibiotiques, des traitements AINS et des efforts de toux. Peut-on évoquer une origine allergique à la symptomatologie clinique? Quels sont les autres éléments à rechercher? Y-a-t-il une relation entre amygdalectomie et allergie? Dans cette, le reflux gastro-œsophagien peut-il être responsable de la symptomatologie? Joëlle Birnbaum Mme I. consulte pour des épisodes infectieux récidivants, pathologie pour laquelle elle a déjà consulté à plusieurs reprises. Il est à noter un effet favorable de l antibiothérapie avec une régression rapide des symptômes mais une récidive dès l arrêt. Ce caractère est déjà fortement évocateur d une sinusite. On peut néanmoins évoquer, associé à cette infection, un terrain allergique du fait des antécédents de la patiente. En effet, elle signale un asthme dans l enfance et une atopie cutanée qui doit être vraisemblablement un eczéma atopique. Le plus souvent, l eczéma atopique apparaît chez le nourrisson, régresse vers 2-3 ans, et c est alors que peut se développer un asthme. L apparition des maladies allergiques de Mme I. n est pas liée à l adénoïdectomie, ni à l amygdalectomie, interventions chirurgicales qui n ont eu lieu vraisemblablement qu après l apparition de la maladie allergique. À l interrogatoire, il aurait été intéressant de préciser : 1. si la patiente dans son enfance a eu des tests cutanés aux pneumallergènes? Si oui, quel a été le résultat? 2. si un bilan d asthme avec en particulier des explorations fonctionnelles respiratoires, voire un test de provocation non spécifique à la métacholine, a été effectué pour confirmer ce diagnostic? 3. si l existence ou non de manifestations associées aux manifestations ORL à type de conjonctivite par exemple ; 4. si les caractères de la toux : s agit-il d une toux diurne, nocturne, aggravée par l effort, le rire ou secondaire à un mouchage postérieur, à un prurit de la gorge? Néanmoins, sur les antécédents atopiques semble-t-il de la patiente, le caractère de la rhinite, existence de salves d éternuements, le caractère répétitif et saisonnier des manifestations ORL, il est licite d évoquer l existence d une allergie associée à l infection ORL. Dans l hypothèse d une rhinite allergique, sur les données cliniques, on peut éliminer déjà les pneumallergènes perannuels, en particulier le chat, qui est présent au domicile de la patiente depuis 2 ans. En effet, si la patiente était vraiment allergique au chat elle aurait une symptomatologie plus ou moins toute l année et surtout caractérisée par une absence de périodicité. En ce qui concerne les acariens, il s agit également d allergènes perannuels, ce qui explique que les patients allergiques aux acariens puissent être gênés plus ou moins toute l année avec souvent une accalmie durant Correspondances en médecine - n 2, vol. II - avril/mai/juin 2001 43

Observation 24/01/02 15:56 Page 44 l été. Le caractère saisonnier automno-hivernal peut être en faveur d une allergie aux acariens mais également d une allergie pollinique aux pollens de cyprès et de genévrier, à condition bien sûr que la patiente habite dans le Sud de la France. L allergie aux pollens de cyprès/ genévrier est une allergie importante dans cette région, avec une période de pollinisation qui va de décembre à début avril et peut même débuter en novembre certaines années. Sur cette première partie de l, le diagnostic que l on peut déjà évoquer est l existence d une sinusite pouvant être associée à une rhinite allergique. L existence de manifestations gastriques à type de brûlures épigastriques peut être le symptôme d un reflux gastro-œsophagien. À l interrogatoire, il aurait été intéressant de préciser si la patiente avait noté une aggravation de cette toux lors de la position allongée, avec une recrudescence des quintes en particulier le soir au coucher et la nuit. Néanmoins, si reflux il y a, il n explique pas la sinusite infectieuse. Il pourrait en revanche expliquer les épisodes de toux, une gêne à type de brûlures, d irritation au niveau de l arrièregorge. L examen clinique est sensiblement normal en dehors d un jetage postérieur muqueux, et d une sensibilité à la pression des sinus sans douleur. La palpation abdominale retrouve une sensibilité épigastrique, et provoque une sensation nauséeuse. Le Dr Roméo évoque un catarrhe tubaire en rapport avec une sinusite a priori allergique et lui prescrit : une radiographie des sinus de la face, une NFS, CRP, et un test phadiatop. Il lui propose un traitement par AINS pour l otite séreuse avec contrôle otoscopique dans une semaine, un IPP à faible dose pour protéger l estomac, un vasoconstricteur nasal (naphazolineprednisolone), et un antihistaminique anticholinergique (méquitazine) à débuter en sortant du laboratoire après la prise de sang. Les prescriptions du Dr Roméo sont-elles pertinentes? Intérêt de la CRP dans cette prescription? Test Phadiatop? ou IgE totales, ou RAST? Classification des antihistaminiques ; lequel préférer en première intention? J.B. L examen clinique est fortement évocateur d une sinusite : mouchage postérieur, sensibilité des sinus à la pression, et s il y a allergie, elle est associée tout au moins au moment de la consultation à une infection. Le moyen de confirmer le diagnostic de sinusite et surtout d évaluer son importance repose non pas sur une radio des sinus de la face, mais sur un scanner des sinus. Celui-ci permettra d avoir une vision globale de l ensemble des sinus, en particulier des ethmoïdes et des sphénoïdes et de ne pas se contenter uniquement d une vision des sinus maxillaires et frontaux. En effet, cette vision restrictive, donnée par la radio des sinus, peut conduire à un sous-diagnostic et à un traitement insuffisant. L autre examen à demander chez cette patiente serait d emblée une consultation d allergologie pour lui faire des tests cutanés standards vis-àvis des pneumallergènes. Cette patiente n étant pas sous antihistaminiques, il n y a aucune indication à lui demander d emblée des IgE spécifiques sériques. En effet, comme la nomenclature l indique, il faut toujours favoriser la réalisation des tests cutanés dont la sensibilité et la spécificité sont supérieures aux tests sanguins, moins coûteux et permettent un bilan plus étendu. Ce n est qu en cas d impossibilité que l on sautera l étape des tests cutanés pour faire une recherche sérique vis-à-vis de différents allergènes. Or, cette patiente, lorsqu elle consulte, n a aucun traitement empêchant la réalisation des tests cutanés. Pour cette raison, il n y a absolument pas d indication à demander des RAST vis-à-vis des pneumallergènes. Quant aux autres examens réalisés par le médecin, type NFS et SRP, ils n ont aucun intérêt diagnostique pour cette patiente. Le dosage des IgE totales n apportera rien au diagnostic, car elles peuvent être tout à fait normales chez un patient allergique et élevées chez un patient non allergique. Le test phadiatop est un examen d orientation qui, par sa réponse oui/non, indiquera uniquement s il y a (s il n y a pas) un terrain atopique et devra bien évidemment être suivi, si la réponse est positive, par le test cutané aux pneumallergènes. Il faut savoir que le test phadiatop ne permet pas une recherche de tous les pneumallergènes, mais uniquement des principaux. Aussi, dans certains cas, un test négatif n exclut pas une allergie particulière. L intérêt de demander des tests cutanés aux pneumallergènes le plus rapidement possible, pour choisir un traitement adapté et efficace, 44 Correspondances en médecine - n 2, vol. II - avril/mai/juin 2001

Observation 24/01/02 15:56 Page 45 implique pour le médecin de ne pas prescrire d anti-histaminiques à Mme I. Il est donc logique que Mme I. quitte le cabinet du médecin avec une ordonnance pour un scanner des sinus, et une autre par une consultation d allergologie pour des tests cutanés aux pneumallergènes. Quant à la prescription d AINS, je n en vois pas l indication dans le tableau clinique décrit ici, l examen clinique n évoque pas l existence d une otite séreuse et, de plus, la patiente ayant une symptomatologie digestive, ce traitement ne semble pas indiqué le jour de la consultation. Même la prescription d un vasoconstricteur nasal est à éviter et il faut préférer un corticoïde nasal. La patiente revient une semaine plus tard. Cliniquement elle reconnaît une nette amélioration. La radiographie évoque une sinusite chronique (épaississement muqueux des sinus maxillaires). La NFS est normale (pas d hyperéosinophilie), la CRP est légèrement augmentée et le test phadiatop revient positif. Le Dr Roméo l adresse à l ORL pour une rhinoscopie et prescrit un traitement antihistaminique, ainsi qu une corticothérapie nasale au long cours et demande au laboratoire de faire un complément d examen sur le précédent prélèvement : un CLA test aux pneumallergènes. Le CLA test est très positif aux acariens, pollens et graminées, et, à un moindre degré, positif aux poils de chat. Faut-il effectuer des tests cutanés? Indication de la désensibilisation? Doit-on insister sur la séparation du chat? J.B. Ce n est qu après le bilan demandé que la patiente sera revue et qu un traitement spécifique pourra être fait. A priori, il devrait comprendre un traitement pour sa sinusite, avec antibiotiques et corticothérapie per os si le diagnostic se confirme, associé à un traitement par antihistaminiques s il y a une allergie. En ce qui concerne la prescription des anti-histaminiques, il est préférable de prescrire ceux de nouvelle génération qui ont beaucoup moins d effets secondaires, comme la somnolence en particulier. En ce qui concerne le traitement spécifique de l allergie, c est-à-dire la désensibilisation, la décision ne se prendra jamais sur les résultats d un CLA. Le bilan cutané est indispensable. Pour cette patiente, il n existe aucune correspondance clinique avec la sensibilisation aux pollens de graminées dont la période de pollinisation est mai-juin. Il ne faut donc pas en tenir compte. Il n y a pas lieu de lui demander de se séparer de son chat auquel elle n est pas cliniquement allergique. Les acariens peuvent être impliqués en raison du caractère automno-hivernal de la symptomatologie. Néanmoins, une désensibilisation ne doit pas être effectuée en première intention. Il convient donc de : 1. traiter la sinusite ; 2. voir la réponse à un traitement simple par anti-histaminique et corticothérapie nasale ; 3. préciser cliniquement le rôle déclenchant des acariens ; 4. proposer une lutte antiacariens. UNE ALLERGIE ALIMENTAIRE Monsieur B., 42 ans, consulte car il a présenté récemment au décours d un repas un œdème de la face avec rougeur et prurit généralisé. On note dans ses antécédents un asthme dans l enfance, une notion d œdème de Quincke au décours d un repas ayant justifié un transport aux urgences d un hôpital et la mise sous corticothérapie. Ce jour-là, il avait eu un déjeuner d affaire copieux et bien arrosé, avec au menu : coquilles Saint-Jacques, pièce de bœuf, fromage, pain aux noix, sorbet au kiwi, vin blanc et vin rouge. Comment mener l interrogatoire dans le cadre d une allergie alimentaire? Y-a-t il des allergies croisées? J.B. Monsieur B. est amené à consulter pour un deuxième épisode de réaction allergique survenant au cours d un repas, se traduisant essentiellement par un œdème du visage avec érythème et prurit généralisé. Un premier épisode, survenu également lors d un repas, s était traduit par un œdème de Quincke. On n a pas la notion de l intervalle temps entre ces deux épisodes. Ces deux manifestations plus ou moins du même type avec une gravité plus importante pour le premier se sont produites au décours Correspondances en médecine - n 2, vol. II - avril/mai/juin 2001 45

Observation 24/01/02 15:56 Page 46 d un repas. On peut donc évoquer une allergie alimentaire. Bien sûr, il ne faudra pas manquer d interroger M. B. sur la prise ou non de médicaments, une étiologie importante et parfois ignorée, en particulier lorsqu il s agit de médicaments banaux tels que l aspirine, le paracétamol. Suspectant une allergie alimentaire, il est essentiel de connaître tous les aliments ingérés par le patient et le moment exact où est apparu le premier symptôme. Souvent, les manifestions d allergie alimentaire débutent par un prurit. Dans ce cas particulier, on ne sait pas si l œdème est apparu au début, au milieu ou à la fin du repas et, si c est à la fin du repas, combien de temps après. Un autre élément manquant à l interrogatoire mené par le docteur Roméo est la notion d aliments ingérés lors du premier œdème de Quincke. Cette question était importante car peut-être aurait-on trouvé des aliments identiques ou de la même famille entre les deux repas orientant vers un aliment précis. En allergie alimentaire, il ne faut pas avoir d a priori. Le patient doit rapporter précisément tout ce qu il a mangé et bu. Dans le menu décrit, coquilles Saint-Jacques, bœuf, fromage, noix, kiwis sont des aliments qui ont tous été impliqués à des degrés variables dans des réactions allergiques. Pour le vin blanc et le vin rouge, le plus souvent lorsqu il y a des manifestations, il s agit d intolérance liée aux sulfites. Si ce patient avait une intolérance aux sulfites, qui sont des conservateurs alimentaires communs, il aurait des manifestations chroniques se traduisant le plus souvent par des urticaires, des rashs cutanés, voire des œdèmes localisés. Dans tous les cas, la symptomatologie serait chronique car les sulfites sont présents non seulement dans les vins mais également dans de très nombreuses conserves, plats préparés, etc. Le Dr Roméo prescrit une NFS, dosage IgE totales, Fx2 et Fx3 La NFS est normale, IgE totales sont à 584. FX2 : produits de la mer positif, classe : 6. FX3: farines, positif, classe : 6. Valeur et fiabilité du Fx? Comment interpréter ces résultats? Que proposer au malade? J.B. Pour ce patient, le premier réflexe du docteur Roméo aurait dû être, non pas de lui demander des FX2, FX3, mais des tests cutanés aux aliments, puisqu il n y a aucune contreindication à leur réalisation. Il est important de rappeler que les tests cutanés doivent toujours être faits en première intention et les bilans recherchant des IgE spécifiques sériques ne se font qu en cas d impossibilité de tests cutanés, le cas le plus fréquent étant des patients sous anti-histaminiques ou sous certains traitements antianxiolytiques, antidépresseurs, etc. La NFS n a aucun intérêt, l existence ou non d une éosinophilie est éventuellement un élément d orientation mais pas un élément de certitude de l existence d une allergie quelle qu elle soit. Le commentaire est identique visà-vis des IgE totales, qui sont pour ce patients augmentées, mais il suffit que ce dernier soit un fumeur pour que les IgE totales soient de cet ordre. Le docteur Roméo n ayant pas suivi les conseils donnés, qui sont de ne pas demander des IgE spécifiques, s est trouvé devant un résultat classe 6 pour les produits de la mer et la farine. Il semble important de mentionner que le Fx2 comprend : morue, crevette, moule, thon, saumon et le Fx3: blé, avoine, maïs, sésame et sarrasin. La coquille Saint-Jacques n est pas présente. Il faut noter que le dosage des IgE spécifiques à cet aliment n est pas commercialisé. D emblée, devant ces résultats, il est important de poser les questions suivantes au patient : Est-ce que depuis cet accident vous avez remangé des aliments contenant de la farine de blé : pâtes, pain, gâteaux...? Le jour de la réaction allergique aviez-vous mangé des aliments pouvant contenir les autres farines? Il est vraisemblable que le patient a répondu : Oui pour la farine de blé. Qu en est-il pour les autres farines? De toutes les manières, il faudrait rechercher des IgE spécifiques vis-à-vis des farines séparées. S il n y a pas de corrélation avec la clinique, on se retrouve devant une sensibilisation et non une allergie. Dans ce caslà, il n y a pas d indication à supprimer l aliment que le patient mange régulièrement. Si l une des farines est fortement positive au niveau biologique et non ingérée par le patient, avant d autoriser sa réintroduction il faut compléter le bilan. C est l indication d un test labial qui, s il est négatif, sera suivi d un test de provocation réaliste. Si cette réintroduction est bien tolérée, et en l absence d histoire clinique, le patient sera autorisé à prendre cette farine. 46 Correspondances en médecine - n 2, vol. II - avril/mai/juin 2001

Observation 24/01/02 15:56 Page 47 Le seul résultat qui pourrait éventuellement correspondre à la clinique est la positivité classe 6 pour les produits de la mer. Mais là encore il faudrait faire la différence entre les aliments. Dans ce mélange, on se trouve en face de trois familles : poissons, crustacés et coquillages, or il n y a pas de réactions croisées entre elles. D où l intérêt de demander les détails. Il faut savoir que la présence d IgE spécifiques sériques, comme la positivité des tests cutanés, n est l expression que de l existence d une sensibilisation et non d une allergie. Il est toujours essentiel en allergologie de voir s il y a une correspondance entre un résultat positif donné par les tests cutanés ou un RAST et des manifestations cliniques. Dans cette, le médecin a d emblée éliminé la responsabilité du bœuf, du fromage, des noix, du kiwi et des sulfites. Or, en allergie alimentaire, il faut penser à tout et tout aliment peut être responsable d une réaction allergique. Il faut donc maintenant procéder à ce qui aurait dû être fait initialement : adresser le patient en consultation spécialisée d allergologie. Lors de cette consultation, il est bien évident que seront pratiqués des tests cutanés alimentaires vis-à-vis de l ensemble des aliments mais également plus particulièrement vis-à-vis des aliments ingérés par le patient. Dans la mesure où les aliments n existent pas comme allergènes commercialisés pour les tests cutanés ou quand on sait qu ils sont peu sensibles, il faut poursuivre par des tests labiaux voire des tests de provocation orale. C est ce qui devra être fait pour tester la coquille Saint-Jacques. Si le diagnostic allergologique confirme l existence d une allergie vis-à-vis des coquille Saint- Jacques, on proposera donc au patient la seule conduite possible, qui est l éviction des coquilles saint Jacques et des aliments de la même famille, les coquillages. En ce qui concerne l allergie alimentaire, il faut savoir qu il y a des réactions croisées avec les aliments d une même famille : par exemple l allergie au poisson touche l ensemble des poissons mais ne croise pas, par exemple, avec les autres aliments tirés de la mer tels que les coquillages ou les crustacés. De même, il n y a pas d allergie croisée entre coquillages et poisson/crustacés. ce qui revient à dire que pour ce patient, si l allergie aux coquille Saint-Jacques est confirmée, il n est pas nécessaire de lui demander d éviter les poissons et les crustacés. Comme pour toute allergie alimentaire, même si l aliment est identifié, il faut par sécurité prescrire une trousse d urgence avec : corticoïde, antihistaminique et adrénaline, du fait du risque d ingestion de l aliment sous forme cachée. UNE ALLERGIE SOLAIRE Madame D., 45 ans, doit organiser son voyage pour l Égypte. Elle consulte son médecin pour les vaccinations et les conseils d usage. Elle rappelle à son docteur qu elle est allergique au soleil. Dans ses antécédents, on note une dermite séborrhéique du cuir chevelu, des douleurs articulaires fugaces d allure rhumatismale, jamais réellement explorées. Madame D. décrit des rougeurs, des brûlures et un prurit des zones découvertes survenant dès l exposition au soleil. Peut-on évoquer un syndrome lupique devant ce tableau clinique? Doit-on effectuer des explorations complémentaires? J.B. Madame D. voudrait savoir si une préparation de la peau par UVA pourrait la protéger, mais hésite car elle est inquiète d une éventuelle toxicité des UV. Son médecin lui prescrit de l hydroxychloroquine deux comprimés par jour à débuter une semaine avant l exposition solaire et à continuer durant les 15 premiers jours de l exposition. Madame D. consulte son médecin avant son départ en vacances en Égypte, non seulement pour des vaccinations mais surtout pour un tableau clinique à type de rougeurs, brûlures et prurit des zones découvertes lors d exposition au soleil. Ce tableau clinique est fortement évocateur d une lucite estivale bénigne, mais il est également possible de discuter le diagnostic de lucite polymorphe. Pour établir un diagnostic précis, quelques notions dans l interrogatoire sont manquantes, en particulier la topographie des lésions puisque l on sait que la lucite estivale bénigne touche essentiellement le décolleté alors que dans la lucite polymorphe, il y a une atteinte du visage. Les autres éléments permettant de distinguer ces deux atteintes sont d une part pour la lucite estivale bénigne, son Correspondances en médecine - n 2, vol. II - avril/mai/juin 2001 47

Observation 24/01/02 15:56 Page 48 atteinte préférentielle chez la femme, sa survenue l été, son délai d apparition par rapport à l exposition de 12 heures et la notion de nonaggravation d une année sur l autre. En ce qui concerne le diagnostic en faveur d une lucite polymorphe, il faut savoir que les deux sexes peuvent être atteints, que les manifestations apparaissent dès le printemps, que leur délai d apparition est entre 24 et 48 heures et que la topographie significative est le visage avec une notion d aggravation d une année sur l autre. Faute de ces renseignements cliniques, je pense qu il est licite d envisager pour cette patiente l existence d une lucite estivale. Que penser de cette prescription? Que proposer d autre: Rétinol, préparation par UVA (nombre, durées, fréquences et périodicité des séances)? J.B. Le traitement proposé à Madame D. sera fonction de sa date de départ en Égypte. Si ce départ est prévu suffisamment longtemps à l avance, un traitement par puvathérapie peut débuter 3 à 4 semaines avant son départ. Pratiquement, il est classique de proposer 12 séances de puvathérapie en traitement d attaque et éventuellement une séance par semaine en traitement d entretien. Ces séances peuvent être répétées toutes les années et, si les résultats sont bons, pendant 3 à 4 cures. L efficacité de ce traitement est tout à fait satisfaisant avec des bons résultats obtenus pour 87 % des sujets ayant un suivi de 10 à 20 séances. Si la patiente n est vue que quelques jours avant son départ, il est trop tard pour alors envisager une puvathérapie. La préférence va donc aller au traitement médicamenteux. La prescription d anti-paludéen de synthèse (chloroquine, hydroxychloroquine) à la dose de deux ou trois comprimés par jour, 7 jours avant le début de l exposition, poursuivie les 15 premiers jours d exposition sera faite. Les résultats sont moins bons que la puvathérapie. Le traitement étant prescrit pour une courte durée, il ne nécessite aucune surveillance particulière. En cas d échec des traitements précédents, il est possible de proposer des solutions alternatives : les anti-oxydants en particulier les caroténoïdes, peuvent être proposés un mois avant le départ, puis pendant tout ce dernier. Une étude effectuée avec le bêta-carotène et la canthaxanthine a montré l absence d éruption chez 37 % des sujets, une amélioration chez 29 %. L acide para-aminobenzoïque à la dose de 2g/jour, 15 jours avant le départ et pendant la durée du séjour, a entraîné une absence d éruption chez 27 % des sujets, une amélioration chez 21 %. La vitamine PP à la dose de 3 g/jour pendant 15 jours avec un traitement instauré 2 jours avant l exposition a entraîné une absence totale d irruption chez 60 % des sujets. Les résultats avec ces thérapeutiques alternatives sont intéressants, en particulier en cas d échec des antipaludéens. Malheureusement, ils n ont pas fait l objet d études contrôlées. " # 24 revues indexées avec moteur de recherche # un e-mail offert # l actualité des grands congrès http://www.edimark.fr 48 Correspondances en médecine - n 2, vol. II - avril/mai/juin 2001