ACCORD GENERAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE RESTRICTED ADP/W/255 i5 December 1989 Distribution spéciale Comité des pratiques antidumping Original: anglais OBSERVATIONS ET QUESTIONS ADDITIONNELLES DE SINGAPOUR AU SUJET DES REPONSES DE LA CEE (DOCUMENT ADP/W/248) A SES QUESTIONS CONCERNANT LA LEGISLATION ANTIDUMPING DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (REGLEMENT N 2423/88) On trouvera ci-après les observations de la délégation de Singapour au sujet des points I-IV de la. réponse de la CEE reproduite dans le document ADP/W/248. Nous nous réservons le droit de présenter de nouvelles observations sur d'autres points de cette réponse. I. Article 2.3 a) - Traitement des rabais et remises dans la détermination de la valeur normale 1. En réponse à la question de Singapour concernant le sens, à l'article 2.3 a), de l'expression "ayant un rapport direct", la CEE a simplement mentionné sa réponse à une question des Etats-Unis relative à ces dispositions. Cette réponse était que l'expression "directly linked" ("rapport direct") a la même connotation que l'expression "directly related" figurant dans la législation des Etats-Unis. Or, nous ne savons pas quelle est cette connotation. Nous voudrions que la Communauté nous dise quelle est la connotation qu'elle donne à l'expression "ayant un rapport direct". En outre, la CEE a répondu aux Etats-Unis qu'"il s'agit de faire en sorte que seuls les rabais ayant un rapport avec les ventes effectuées pendant la durée de l'enquête soient pris en compte dans la détermination de la valeur normale, et que les rabais accordés au titre de ventes effectuées en dehors de cette période ne soient pas artificiellement rattachés aux ventes effectuées pendant ladite période". 2. Cette pratique de la CEE semble ne pas tenir compte du fait qu'au cours d'opérations commerciales normales les négociants bénéficient de remises en fonction du volume de leurs achats au cours d'une période donnée, qui leur sont accordées sous forme d'une réduction proportionnelle du prix pour chaque vente. 3. Dans bien des cas, la période en question ne coïncide pas avec la durée de l'enquête et les systèmes de remises restent rarement longtemps inchangés. Il est en outre courant qu'un producteur indique périodiquement aux négociants ce qui leur sera accordé s'ils réalisent certains objectifs de vente. Etant donné que la CEE prévoit que les rabais et remises doivent avoir un "rapport direct" avec les ventes effectuées pendant la durée de l'enquête, il serait plus difficile pour les exportateurs d'obtenir des ajustements pour les remises. 89-1911
ADP/W/255 Page 2 L'interprétation que la CEE fait de la disposition relative au rapport direct permettrait-elle une déduction des rabais et remises pour plusieurs produits à la fois? 4. Ce qui nous préoccupe, c'est que la législation communautaire fait supporter aux exportateurs une charge de la preuve particulièrement lourde et que les conditions qui doivent être remplies pour faire admettre des rabais sont excessivement restrictives. C'est pourquoi nous avions fait observer, dans notre précédente communication, qu'étant donné la façon dont la législation est libellée, les autorités chargées des enquêtes ont la possibilité de rejeter arbitrairement les preuves fournies par l'exportateur aux fins de l'acceptation de rabais et remises. II. Article 2.3 b) ii) - Montant des frais de vente, des frais généraux et des dépenses administratives, et bénéfices à prendre en considération dans le calcul de la valeur construite Point A 5. La référence de la CEE au rapport de 1961 du Groupe d'experts du GATT ne présente aucun intérêt pour l'observation faite par Singapour dans sa précédente communication (ADP/W/215) concernant la valeur construite du produit similaire hypothétiquement vendu sur le marché intérieur. Nous parlons de deux situations différentes. Le rapport du Groupe d'experts traitait de la question du calcul d'un prix f.a.b. théorique pour le prix à l'exportation. Par ailleurs, il semble que la Communauté ait mal cité le rapport en disant que l'objet de la construction de la valeur normale est d'établir un équivalent du prix intérieur dans le pays d'exportation. Selon nous, le rapport indique, sur la question du prix à l'exportation f.a.b. théorique, que le but visé consiste "à déterminer un prix réellement comparable avec le prix sur le marché intérieur du pays exportateur". Le terme "comparable" n'a pas le même sens que le terme "équivalent". 6. Pour en revenir à ce que nous avons dit dans notre précédente communication, il nous semble qu'en calculant la "valeur construite", la CEE cherche à déterminer un prix intérieur hypothétique auquel les ventes "normales" sur le marché intérieur auraient été effectuées s'il y en avait eu. La CEE déterminera donc le coût de production du produit exporté comme s'il avait été vendu sur le marché intérieur. Le coût de production à retenir (comprenant le coût des matières premières, le coût direct de main-d'oeuvre et les frais généraux liés à la fabrication) est celui du produit exporté, tandis que les frais généraux et les bénéfices à retenir sont ceux en rapport avec les ventes sur le marché intérieur. Si le producteur ne supporte pas de frais généraux (ou ne réalise pas de bénéfices) sur le marché intérieur (étant donné qu'il n'y a pas de ventes sur le marché intérieur), la CEE déterminerait un bénéfice fictif, que le producteur aurait réalisé s'il avait vendu son produit sur le marché intérieur. En construisant ce "prix intérieur fictif", la CEE pourrait ajouter les frais généraux et frais de vente successifs, ce qui aboutirait à une surestimation du prix intérieur réel (s'il y en avait eu un).
V ADP/W/225 Page 3 7. Nous nous demandons si, en l'absence d'une valeur normale déterminée sur la base d'une transaction réelle sur le marché, il ne serait pas plus équitable et plus conforme à l'esprit du Code antidumping que les autorités chargées des enquêtes établissent que les prix réels à l'exportation couvrent les coûts réels des ventes à l'exportation majorés d'un bénéfice raisonnable pour que le produit exporté puisse être considéré comme ne faisant pas l'objet d'un dumping s'il était vendu à ce prix. De fait, c'était la pratique que la CEE semblait avoir été disposée à accepter dans le passé, comme en témoignait l'affaire des fils de coton en provenance de Turquie. Nous ne voyons pas pourquoi la CEE devrait abandonner sa pratique antérieure, qui était beaucoup plus équitable, pour en adopter une qui est intrinsèquement préjudiciable aux exportateurs. Point B 8. Nous ne sommes toujours pas convaincus par l'argument de la CEE selon lequel il est acceptable de déterminer le montant des frais de vente, des frais généraux et des dépenses administratives, ainsi que les bénéfices, suivant un ordre d'importance. Nous craignons qu'une telle méthode engendre une forte marge de dumping, en particulier par l'utilisation de marges bénéficiaires importantes et non représentatives, compte tenu surtout du fait que la CEE calcule les bénéfices sur la base de ceux réalisés sur les "ventes bénéficiaires". 9. La méthode semble s'écarter de l'article 2.4 du Code antidumping, qui dispose clairement qu'"en règle générale, la majoration pour bénéfice n'excédera pas le bénéfice normalement réalisé lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d'origine". Le fait de déterminer un niveau de bénéfice sur la base des résultats d'autres exportateurs a un effet important, celui d'empêcher la société accusée de dumping d'avoir accès aux données sur lesquelles se fonde la décision. L'exportateur lésé ne pourra jamais savoir si la Commission a calculé correctement la valeur normale construite étant donné que les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux et les bénéfices qu'elle a pris comme référence sont ceux d'autres producteurs et que les données seront traitées comme confidentielles. Nous ne voyons toujours pas ce que signifie l'expression "toute autre base raisonnable". Quelle méthode la CEE envisage-t-elle d'appliquer, et sur la base de quels critères objectifs? Nous voudrions que la CEE nous donne des précisions à ce sujet. 10. Nous notons qu'en vertu de la législation communautaire, les autorités ont toute latitude d'utiliser soit le prix comparable du produit similaire lorsque celui-ci est exporté à destination d'un pays tiers, soit la valeur construite. Nous notons également que, dans la pratique, la CEE choisit presque toujours d'utiliser la valeur construite.
ADP/W/255 Page 4 La CEE pourrait-elle expliquer dans quelles circonstances elle utiliserait le prix à l'exportation vers un pays tiers de préférence à la valeur construite? 11. Nous reconnaissons que, sous sa forme actuelle, le Code ne donne pas explicitement la préférence soit au prix à l'exportation vers un pays tiers soit à la valeur construite, mais l'esprit du Code est que les pays devraient appliquer des méthodes équitables. A notre avis, il serait plus équitable d'opter pour le prix à l'exportation vers un pays tiers (qui est une donnée concrète) plutôt que la valeur construite parce qu'il est intrinsèquement arbitraire de construire un prix. IV. Article 2.4 - Critères permettant de déterminer si des ventes réalisées à un prix inférieur au coût de production n'ont pas été effectuées au cours d'opérations commerciales normales 12. Nous ne pouvons être d'accord avec la CEE lorsqu'elle affirme que, parce que des dispositions analogues concernant les ventes à perte ont été incorporées dans les législations d'autres parties et qu'il ne s'agit pas d'un aspect nouveau de sa propre législation, cette disposition serait conforme à ses obligations au titre du Code. 13. Certains signataires ont interprété l'article 2.4 du Code comme constituant une base juridique permettant dans certaines circonstances de ne pas tenir compte des prix de vente sur le marché intérieur qui sont inférieurs au coût de production (dûment ventilé) dans la détermination de la valeur normale. 14. Nous, ne sommes pas d'accord avec cette interprétation. L'article 2.4 dispose que la valeur normale peut être déterminée par différentes méthodes "lorsqu'aucune vente du produit similaire n'a lieu au cours d'opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays exportateur...". La question des "ventes réalisées à un prix inférieur au coût de production" a été examinée par le Comité des pratiques antidumping, mais les signataires ne se sont pas accordés à reconnaître que ces ventes devraient être considérées comme "n'ayant pas été effectuées au cours d'opérations commerciales normales". 15. Du point de vue économique, rien ne justifie la prise en compte automatique des ventes réalisées à un prix inférieur au coût de production (dûment ventilé). Il pourrait y avoir des circonstances dans lesquelles les "ventes à un prix inférieur au coût (dûment ventilé)" seraient conformes à la pratique commerciale normale. 16. Ecarter les "ventes réalisées à un prix inférieur au coût de production" est un problème qui se trouve exacerbé par la façon dont les coûts de production sont calculés. Les règles relatives à la ventilation des coûts utilisées par les autorités chargées des enquêtes pourraient les amener à déterminer un prix de vente qui serait inférieur au coût de production même si le calcul de l'exportateur montre que le prix de vente est supérieur au coût de production.
ADP/W/225 Page 5 17. La CEE n'a pas indiqué si elle tient compte de l'amortissement des frais de premier établissement et d'expansion. Si les frais de premier établissement, qui sont généralement élevés, sont inclus dans le calcul du coût de production, le prix de vente serait inévitablement déterminé comme étant inférieur au prix coûtant. 18. En conséquence, nous n'acceptons pas que l'on prétende d'une manière générale que les "ventes réalisées à un prix inférieur au coût de production" n'ont pas été effectuées au cours d'opérations commerciales normales et qu'elles devraient donc être écartées au profit de la valeur construite.