Qu est-ce que le travail décent



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Transcription:

Qu est-ce que le travail décent Le concept de «travail décent» apparaît pour la première fois en 1999, dans le rapport présenté par le Directeur général de l OIT à la 87 e session de la Conférence internationale du Travail. Ce terme embrasse dans leur totalité les aspects les plus divers de ce qu est le travail aujourd hui et les synthétise dans une expression que tout le monde peut appréhender. Dans ce rapport du DG de l OIT, il est précisé que cette notion repose sur quatre piliers: l emploi, la protection sociale, les droits des travailleurs et le dialogue social. Le terme «emploi» désigne ici le travail sous toutes ses formes et dans ses aspects quantitatifs et qualitatifs. De ce fait, la notion de travail décent ne s applique pas seulement aux travailleurs de l économie formelle, mais aussi aux salariés en situation informelle et aux personnes travaillant à leur compte ou à domicile. Le travail décent, c est également la possibilité d accéder à un emploi, une rémunération (en espèces ou en nature) appropriée, la sécurité au travail et des conditions de travail salubres. La sécurité sociale et la sécurité du revenu en sont deux autres éléments essentiels, dont la définition varie en fonction des capacités et du niveau de développement de chaque société. Les deux autres composantes ont principalement trait aux relations sociales des travailleurs: d une part, leurs droits fondamentaux (liberté syndicale, nondiscrimination au travail, absence de travail forcé et de travail des enfants); d autre part, le dialogue social, grâce auquel ils peuvent exercer leur droit de faire valoir leur point de vue, de défendre leurs intérêts et de négocier avec les employeurs et les autorités sur les questions relatives au travail. La situation du travail décent des jeunes en Afrique Les emplois de qualité doivent servir à transformer la croissance économique en bien-être matériel. Mais, en Afrique, pour la plupart des jeunes qui travaillent, ce lien est rompu. La préoccupation suscitée par l emploi provient essentiellement d inquiétudes pour le bien-être matériel des jeunes. Lorsque l on souhaite que les jeunes Africains aient un emploi, on part du principe qu il s agit d un emploi de qualité qui leur permettra de vivre, de subvenir aux besoins de leur famille et de bâtir un socle stable pour leur développement professionnel. Cependant, lorsque l on analyse de plus près la plupart des types d emploi des jeunes, et le chômage en Afrique en général, on s aperçoit que très rares sont les emplois qui correspondent à cette définition. La pauvreté des travailleurs, l emploi précaire et le sous-emploi sont monnaie courante pour les jeunes Africains et dans toutes les branches d activité. Selon les estimations

de l OIT, sur un échantillon de 24 pays africains, 49 % des jeunes qui travaillent vivent avec moins de 1.25 USD par jour et 73 % avec moins de 2 USD par jour. Si l on se fonde sur l insécurité alimentaire pour mesurer le bien-être matériel, on obtient des résultats analogues. Dans 22 pays étudiés, 41 % des jeunes qui travaillent souffrent de pauvreté alimentaire. Dans les Pays à Faible Revenus (PFR), le taux passe à 50 % pour les jeunes qui occupent un emploi précaire, et il est même de 15 % pour la pauvreté alimentaire sévère (individus qui n ont, à plusieurs reprises, rien eu à manger au cours des douze derniers mois). La qualité de l emploi est étroitement liée à la situation vis-à-vis de l emploi. Elle est élevée pour l emploi salarié à temps complet et faible pour l emploi précaire et le sous-emploi. Un emploi salarié à temps plein est ce qu il y a de mieux en termes de bien-être matériel, de conditions de travail et de sécurité. Les jeunes qui occupent ce type d emploi affichent le taux d insécurité alimentaire le plus faible et le taux de satisfaction de vie le plus élevé. Le travail indépendant et le travail familial, par exemple, sont beaucoup plus précaires et assortis de taux de pauvreté plus élevés et de conditions de travail plus défavorables. C est pourquoi ils entrent dans la catégorie «emploi précaire». Les jeunes qui ont un emploi précaire ne bénéficient pas de la protection sociale et des filets de sécurité qui les protègeraient en période de faible demande économique. Ils sont, en outre, souvent incapables d épargner suffisamment pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille en cas de difficultés. Le sous-emploi constitue la troisième situation vis-à-vis de l emploi. Les individus en sous-emploi sont exclus du marché du travail et ne peuvent pas utiliser pleinement leur capacité de travail. Ils occupent un emploi à temps partiel, alors qu ils voudraient travailler à temps plein, mais ne trouvent pas d emploi à temps plein. Il est possible que les jeunes mieux lotis passent un certain temps au chômage, et consacrent cette période à chercher un emploi de meilleure qualité à temps plein. La plupart des jeunes en sous-emploi gagnent moins que ceux qui travaillent à temps plein. Dans la plupart des pays d Afrique, emploi décent et travail informel sont étroitement liés. Le travail informel revêt deux formes : l emploi informel dans le secteur informel (dans des microentreprises et autres entreprises non immatriculées ) et le travail informel dans une entreprise du secteur formel (sans contrat de travail ni protection sociale dans des entreprises employant au moins cinq personnes). Le travail dans le secteur informel est prédominant dans la plupart des pays d Afrique subsaharienne. Heintz et Valodia (2008) observent que c est le travail indépendant, sous diverses formes, qui prédomine : il représente les quatre cinquièmes

de l emploi informel au Kenya, au Ghana, au Mali et à Madagascar. Le travail décent et l emploi informel sont donc étroitement liés. Malgré le lien étroit entre travail décent et travail informel, l informalité doit être considérée indépendamment de la situation vis-à-vis de l emploi. En effet, certains travailleurs informels indépendants peuvent être assez bien lotis et absolument pas vulnérables. Une petite proportion d entreprises informelles parvient à prospérer, affichant une productivité et des taux de croissance élevés. Ces entrepreneurs choisissent délibérément le secteur informel pour éviter de devoir payer des impôts et des taxes, respecter la réglementation, acquitter des cotisations sociales et payer pour des services publics qu ils jugent de mauvaise qualité (Jütting et Huitfeldt, 2009 ; Perry et al., 2007 ; Maloney, 2004 ; Jütting et al., 2008). Même si l appartenance au secteur formel et la contribution à la protection sociale doivent généralement être encouragés, les entrepreneurs informels qui réussissent, en particulier parmi les jeunes, peuvent nous enseigner de nombreuses choses sur la création d emploi pour les jeunes. En revanche, lorsque l emploi informel dans le secteur formel est une pratique courante, les travailleurs salariés peuvent courir un risque économique élevé et l emploi salarié ne correspond plus à un emploi de qualité. De Vreyer et Roubaud (2012) ont abouti à des constats analogues pour les zones urbaines d Afrique de l Ouest au début des années 2000, où l emploi informel représentait 40 % de l emploi salarié. Dans les pays à revenu intermédiaire (PRI) et certaines zones urbaines, la rareté du travail décent reste donc un bon indicateur de l emploi de mauvaise qualité, mais il a tendance à sous-estimer l ampleur des emplois de mauvaise qualité au sein de l économie. L emploi précaire est la forme d emploi prédominante pour les jeunes dans la plupart des pays africains. Seuls les pays à revenu intermédiaire tranche supérieure affichent un taux d emploi salarié plus élevé. Selon les données du Sondage mondial de Gallup, en 2010, 75 % des jeunes qui travaillaient avaient un emploi précaire dans les pays à faible revenu, 57 % dans les PRITI (pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure) et 26 % dans les PRITS (pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure). Parmi les pays couverts par le sondage de Gallup, le Mali est celui qui présente la part la plus élevée d emplois précaires pour les jeunes (95 %), tandis que l Afrique du Sud affiche la plus faible, à 12 % Le fait de vivre en zone rurale et la faiblesse du niveau d instruction constituent de bonnes variables explicatives de l emploi précaire. En moyenne, le jeune travailleur africain vit en zone rurale et travaille dans la ferme familiale. Quelque 79 % des jeunes ruraux occupent un emploi

précaire, contre 61 % des jeunes urbains, et 72 % ne sont jamais allés à l école primaire ou très peu. Quelque 90 % des jeunes travailleurs qui n ont aucune instruction occupent un emploi précaire. La proportion est de 70 % pour ceux qui ont fait des études secondaires et de 55 % pour ceux qui ont fait au moins un an d études supérieures. 1 Les travailleurs adultes ont davantage de probabilités de faire partie des professions spécialisées ou d être chefs d entreprise, ce qui témoigne de conditions d accès plus difficiles à ces deux catégories professionnelles, ainsi que de la rareté des opportunités pour les jeunes. Les professions spécialisées sont la catégorie qui affiche les meilleurs revenus, le meilleur statut et le meilleur niveau d études est celle des professions spécialisées. Elle englobe toutes les professions intellectuelles (médecins, avocats, enseignants, comptables, etc.), ainsi que les salariés qui exercent des fonctions de direction dans le secteur privé ou public. En Afrique, 12 % des adultes qui travaillent font partie de cette catégorie, contre seulement 6 % des jeunes. Cet écart reflète en partie les conditions d accès plus difficiles à cette catégorie : souvent, en effet, il faut avoir fait des études supérieures ou disposer de plusieurs années d expérience professionnelle. Mais il montre aussi que ces «bons» emplois sont plus rares pour les jeunes que pour les adultes, en raison des compressions d effectifs dans un secteur public qui recrute de moins en moins. En général, on trouve aussi davantage de chefs d entreprise parmi les adultes que parmi les jeunes (17 %, contre 13 %). Même si ces entrepreneurs sont en majorité des travailleurs indépendants qui ont une activité informelle et sont peu productifs, la proportion plus grande d adultes est le signe d obstacles au niveau de l accès à cette catégorie. Ces obstacles sont notamment le capital requis et la nécessité de bien connaître le monde des affaires et d avoir certaines compétences ainsi qu un réseau de contacts qui ne s acquièrent généralement que grâce à l expérience professionnelle. 1 Source : Calculs sur la base du Gallup World Poll (2010). Sondage fait par l entreprise Gallup

Solutions pour une promotion de l emploi décent pour les jeunes en Afrique S ils sont actuellement maltraités au regard de l emploi, les jeunes représentent cependant un potentiel d énergie, d inventivité et de productivité. La mise à profit du marché de l emploi des jeunes dépend de la vitalité de l économie et, donc, de la vigueur et du dynamisme de la demande de travail en général, ainsi que de la mesure dans laquelle les jeunes peuvent intégrer les marchés de l emploi. Une façon d assurer un travail décent aux jeunes d Afrique consiste donc à créer des conditions propices à une croissance riche en emplois tout en engageant des politiques et des programmes opérationnels pour aider les jeunes à surmonter les handicaps particuliers qui les empêchent d entrer sur le marché du travail ou d y rester. Toutefois, à moins d une croissance de l emploi due à la bonne santé de l économie, il sera difficile d élaborer des programmes pour intégrer les jeunes aux marchés de l emploi d une manière durable. Les gouvernements, les entreprises et d autres acteurs clés doivent réaliser ce potentiel en formant des partenariats destinés, par conséquent, à réduire le taux de chômage et de sous-emploi général, tout en accordant plus d attention à l aide dont les jeunes ont besoin pour acquérir les qualifications nécessaires à l obtention d un emploi convenablement rémunéré. Compte tenu de l ampleur et de la complexité du chômage des jeunes Africains, on ne peut stimuler l emploi des jeunes qu en associant les différents acteurs et en établissant des liens avec des politiques de développement et d emploi plus larges. Les plans d action nationaux encouragés par le Réseau pour l emploi des jeunes (YEN) 2 fournissent un cadre utile pour articuler les politiques et les programmes et faire travailler ensemble les acteurs concernés. Pour être efficaces, les mesures de stimulation de l emploi des jeunes devront donc être centrées sur certains secteurs. Le développement rural offre d énormes possibilités à cet égard. Les stratégies adoptées pourront avoir pour objet de développer le secteur rural non agricole et 2 Le YEN a été créé à l initiative du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, dans le sillage de la Déclaration du Millénaire, par laquelle il a été résolu «de formuler et d appliquer des stratégies qui donnent aux jeunes partout dans le monde une chance réelle de trouver un emploi décent et utile». Il a invité Juan Somavia, Directeur général du BIT, et James Wolfensohn, alors Président de la Banque mondiale, à le rejoindre dans le cadre de ce nouveau partenariat interinstitutions. Voir: http://www.ilo.org/public/french/employment/strat/yen/index.htm. 61 Guarcello et coll., op. cit.

les systèmes de crédit aux jeunes agriculteurs, d améliorer des infrastructures telles que les systèmes d irrigation et les réseaux routiers des campagnes, ainsi que les équipements sociaux susceptibles d attirer les jeunes dans les zones rurales et, du côté de l offre, d adapter les programmes d études pour qu ils répondent aux besoins des jeunes ruraux et qu ils leur permettent de se perfectionner, et de sensibiliser les jeunes en général aux possibilités d emploi, dans ce secteur. Parmi d autres secteurs, on pourra citer ceux du tourisme, de la construction, et des technologies de l information et des communications. Quand ils sont bien conçus et que leur cible est bien définie, les services de travaux publics et communautaires créent des emplois qui peuvent profiter à certains groupes de jeunes, et beaucoup de pays africains sont en train d en mettre en place. De manière générale, ils n assurent pas un emploi de longue durée, mais ils peuvent aider les jeunes à mettre un pied dans le marché du travail. Ils peuvent accroître la productivité des travailleurs peu qualifiés lorsqu ils se conjuguent à d autres interventions et services visant à améliorer l employabilité des participants (formation, aide à la recherche d un emploi et conseil). Bien qu important, le développement de l esprit d entreprise chez les jeunes n est pas la panacée. Ce qu il faut, c est un entrepreneuriat axé sur l amélioration des débouchés, orienté vers la production d emplois ainsi que vers la création et l exploitation de nouveaux marchés. Les programmes d entrepreneuriat spécifiques ont plus de chances de porter fruit quand ils s insèrent dans un cadre directeur et réglementaire favorable à l entrepreneuriat des jeunes. Des ressources importantes devront aussi être affectées aux programmes permettant aux jeunes d accéder aux services de crédit, de formation et de développement des entreprises, y compris d obtenir un encadrement de longue durée. Les coopératives et les entreprises communautaires sont également un bon moyen de développer les emplois décents pour les jeunes, outre qu elles peuvent leur permettre d apprendre comment devenir entrepreneurs et accumuler collectivement les ressources financières, sociales et humaines nécessaires à la création d emplois. Il est primordial de réformer les systèmes de formation professionnelle pour donner aux jeunes les qualifications exigées sur le marché du travail tâche qui n est pas mince. Il faut aussi tenir compte du fait que l apprentissage classique demeure le principal moyen de se former pour entrer sur le marché du travail, surtout informel. S il donne, en règle générale, une formation d un bon rapport qualité/prix, il se limite souvent à inculquer quelques connaissances pratiques de base et peut occulter des situations d exploitation ou de travail des enfants.

Les politiques et programmes de promotion de l emploi des jeunes doivent embrasser un large éventail de domaines. Etant donné que l éducation constitue le fondement de l employabilité des jeunes et doit leur apporter les qualifications que l on demande sur le marché du travail, il est nécessaire de relever le niveau d enseignement et de formation. La fréquentation dans les établissements secondaires de l Afrique augmente mais reste faible par rapport à d autres régions. L illettrisme demeure très répandu, touchant quelque 18 pour cent des jeunes hommes et 27 pour cent des jeunes femmes. Les moyens d intervention employés devront faciliter l accès de tous à l éducation. La mise en place de services d information sur le marché du travail, de conseil et d orientation peut aussi beaucoup contribuer à lutter contre des préjugés courants qui existent chez les jeunes concernant la réalité du monde du travail (comme l idée selon laquelle un emploi dans l administration est synonyme de réussite). Les partenariats avec le secteur privé sont indispensables pour pallier les pénuries de ressources financières dans le secteur de l éducation et de la formation et pour obtenir des informations sur les besoins du marché du travail. Il est capital d adopter des politiques sanitaires à l intention des jeunes, notamment des jeunes femmes. Les liens de cause à effet entre la santé des jeunes et le chômage sont à deux sens, les jeunes sans emploi étant plus exposés aux risques sanitaires associés à la pauvreté et à la marginalisation (tels que le VIH). Une mauvaise santé empêche aussi d obtenir de bons résultats à l école, en cours de formation et au travail et limite les chances des jeunes de trouver et de garder un emploi.