Des Halles à Beaubourg Le centre du centre Après le tumulte ordinaire de ses clameurs populaires, un jour Paris s'est assoupie, vaincue par le bruissement grandissant du monde. On peut appeler cela la modernité, mais on doit constater que le Paris d'epinal, si l'on peut dire, n'est plus. Celui de Balzac, de Carco, de Boudard et même de Modiano a vu s'évaporer ses lettres dans les vapeurs du monde ; celui de Chevalier, de Piaf, de Ferré ou même de Renaud s'est évanoui dans les rythmes des banlieues. La faute (ou la grâce) en est au progrès, si l'on veut. Aujourd'hui, Paris n'est plus une blonde, comme disait la chanson, elle est métissée. Elle a toujours du chien, mais peut-être plus autant de mordant. Elle a l'avantage, contrairement à d'autres grandes villes occidentales, d'avoir su conserver en son centre un savant équilibre entre ses forces productrices et ses habitants, ce qui lui évite l'effroi d'une sinistre downtown. Elle maintient en son sein une cohorte d'artisans, de commerçants, de cols bleus et blancs qui y travaillent et vivent. L'image de Paris résiste au temps plus que la ville elle-même. Une nouvelle vitalité en modifie le métabolisme au quotidien. Les Halles ne sont plus le ventre de Paris, mais son centre nerveux, son terminal de communication. Le centre Georges-Pompidou a remplacé avantageusement l'ancien village du Beau-Bourg devenu insalubre : la culture pour tous a déclassé définitivement la gouaille des tribus. La vie continue. Claude Vittiglio Halles dessus Halles dessous Beaubourg, l'usine à culture Paris parvis Un peu de sociologie urbaine
Halles dessus Au fil des siècles, la ville vernaculaire a laissé place à un urbanisme raisonné en matière de développement et de circulation, en même temps qu'une nouvelle société des loisirs érigeait la flânerie en art de vivre. Relativement pauvre en espaces verts au regard de la population qu'elle draîne en son sein depuis les lointaines banlieues, et pour favoriser les échanges autant que la sociabilité de ses habitants, la capitale a dû affecter à certaines de ses zones ouvertes de nouvelles fonctions d'agora. Poumon un peu encrassé de Paris, le complexe des Halles reste néanmoins un lieu apprécié autant pour son potentiel économique que pour la rupture qu'il opère en surface dans la densité du tissu urbain. Claude Vittiglio
Halles dessous Il faut imaginer le choc de ceux qui fréquentaient les Halles Baltard, construites depuis le milieu du XIXe siècle, un marché de gros couvert, véritable ville dans la ville, et qui en 1973 se retrouvèrent soudain face à un immense trou de 4 hectares. Plusieurs années furent nécessaires pour organiser l'énorme volume sous-terrain, devenu à la fois noeud de communication (800 000 voyageurs du réseau métro-rer y transitent quotidiennement), centre commercial (boutiques et grandes surfaces), pôle culturel et de loisirs (médiathèque, vidéothèque, salles d'expositions, cinémas) et même centre sportif (piscine). Pénalisé par une conception qui a mal vieilli sur le plan esthétique, et surtout fonctionnel (la circulation n'y est pas aisée au regard de l'énormité du flux, l'enclave s'est coupée de la vie du quartier en surface, les différents niveaux labyrinthiques sont propices à l'insécurité), l'ensemble suscite aujourd'hui de nouveaux projets d'aménagement. Claude Vittiglio
Beaubourg, l'usine à culture Avec son grand escalator extérieur lui donnant cette silhouette longiligne de chenille, ses tuyaux de toutes les couleurs et ses grandes écoutilles émergeant de la piazza, Beaubourg suscite, depuis sa construction au milieu des années 70, les critiques les plus élogieuses comme les plus négatives. Né de la volonté du président de la République Georges Pompidou de créer un centre culturel d'art contemporain au cœur de Paris, Beaubourg est inauguré en 1977. Pensé comme un diagramme spatial évolutif par les architectes Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini, le bâtiment a été conçu dans l'esprit d'une architecture libertaire caractéristique des années 60, où toutes les structures portantes sont reléguées à l'extérieur, laissant ainsi toute la place à l'intérieur pour la circulation du public et l'exposition des œuvres. http://www.centrepompidou.fr/ Cécile Quéniart
Paris parvis La piazza, vaste esplanade voulue par les architectes pour être un trait d'union entre le musée et la ville, est un endroit vivement animé par les artistes des rues et les longues files d'attente. Il faut dire que Beaubourg accueille près de 6 millions de visiteurs par an, soit plus de 150 millions depuis sa création! Cécile Quéniart
Un peu de sociologie urbaine Sociologue des réseaux, Stéphane Hugon est chercheur au Centre d'etudes sur l'actuel et le Quotidien (Ceaq) et responsable du Groupe de Recherche sur les Technologies et le Quotidien (Gretech). A travers le Ceaq, laboratoire créé en 1982 par les professeurs Michel Maffesoli et Georges Balandier, il s'intéresse aux nouvelles formes de socialité et à l'imaginaire sous ses multiples aspects. Il travaille plus particulièrement à la relation entre réseaux humains (liens professionnels, amicaux, familiaux ) et réseaux urbains (connexions entre les rues, formes urbaines ). Fasciné par ce Beaubourg dont l'architecture même est un immense réseau constitué de tuyaux, de tubes et de pelotes de câbles, Stéphane Hugon nous reçoit au dernier étage d'un bâtiment qui offre une vue imprenable sur les rues de Paris, innombrables petites articulations qui tissent la capitale. Le site du CEAQ : http://www.ceaq-sorbonne.org Cécile Quéniart