Deux seules questions : quand et ou? Pierre-Alain Cotnoir 5304J avenue du Parc Montréal (Québec) H2V 4G7 Mémoire présenté le 8 octobre 2015 dans le cadre de la consultation publique de la commission de l environnement de la Communauté métropolitaine de Montréal sur le projet d oléoduc Énergie Est de TransCanada.
Il n y a que deux questions qui doivent être posées en regard du projet d Oléoduc Énergie Est de TransCanada sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal. Quand et où se produira le premier déversement d hydrocarbure? Pourquoi de telles questions? D une part, comme le rappelle avec justesse Jean-Jacques Salomon : Avec le machinisme et l'industrialisation, l'échelle des catastrophes technologiques n'a pas cessé de s'élever. Ces accidents ont fait partie du paysage industriel dès ses débuts : coups de grisou; déraillements de trains, ruptures de barrages, explosions d'usines, incendies de grands magasins, etc. Comme le XX e siècle, a concentré, multiplié, agrandi les entreprises de mégatechnologie, l'étendue des dégâts possibles s'est accrue. 1 D autre part, plus précisément, c est que le risque dans le domaine de l exploitation et du transport pétrolier reste omniprésent. Aussi, la probabilité d incidents lors du transport par pipeline entraînant des déversements de pétrole demeure élevée comme l a estimé la journaliste scientifique Valérie Borde dans la revue L Actualité : Le transport de 1,1 million de barils de brut par jour que prévoit Transcanada pour son oléoduc Énergie-Est correspond à 30 % de la quantité transportée par pipeline en 2013, au Canada. La longueur prévue de l oléoduc, soit 4 600 km, correspond à 24 % de celle des pipelines de compétence fédérale ayant servi au transport de produits pétroliers en 2013, au Canada. On devrait donc s attendre, en proportion, à ce que le projet d Énergie Est engendre, en gros, entre un quart et un tiers des déversements qui se sont produits en 2013 sur tout le réseau de pipelines canadiens transportant des produits pétroliers. Ce qui donne, au minimum, huit déversements par an. 2 Un reportage de la Société Radio-Canada nous apprenait également que «Le taux d'incidents liés à la sûreté des oléoducs et gazoducs a plus que doublé au cours de la dernière décennie au pays [ ] En ce qui concerne uniquement les fuites et les déversements (par km), ce taux a plus que triplé durant cette période.». 3 1 Salomon, Jean-Jacques (2006) Une civilisation à hauts risques, Éditions Charles Léopold Mayer, Paris, page 128 2 http://www.lactualite.com/blogues/le-blogue-sante-et-science/oleoduc-energie-est-combiendaccidents-en-vue/ 3 http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2013/10/28/002-pipelines-oleoducs-incidentsaugmentation-donnees.shtml
Figure 1 Bureau de la sécurité des transports du Canada : Sommaire statistique des événements de pipeline 2013 Figure 2 Société Radio-Canada : Pipelines canadiens : les incidents ont plus que doublé en 10 ans Alors, il vaut donc la peine de se projeter à quoi pourrait bien ressembler un tel déversement dans l une des trois situations suivantes : Dans un cours d eau En milieu agricole En milieu résidentiel
C est ce que nous allons faire afin d illustrer les dangers que recèle le transport par oléoduc d une quantité imposante du pétrole synthétique produit à partir de l exploitation des sables bitumineux. En trois articles fictifs de presse, nous allons mettre en scène les impacts sur la société et l environnement de telles catastrophes. Nous n aborderons pas la nécessité, soulevée par la communauté scientifique à l orée de la conférence de Paris sur les changements climatiques, de laisser 85% du pétrole non conventionnel dans le sous-sol si nous ne voulons pas léguer à nos enfants et petits-enfants un enfer climatique. Mais nous le gardons en mémoire et, soyez assurés que nous en sommes profondément préoccupés. La rivière des Mille-Îles contaminée Le Devoir Mercredi 31 janvier 2021 Dans la nuit de lundi à mardi, un important déversement de pétrole provenant de l oléoduc d Énergie Est entré en fonction à la fin de novembre dernier s est produit à la hauteur de Terrebonne dans la rivière des Mille-Îles. Ce sont l équivalent de 20 000 barils, soit 3 millions de litres d hydrocarbures qui se sont répandus dans le cours d eau. Les opérations de nettoyage seront très difficiles à réaliser à cause du couvert de glace qui nuit fortement aux opérations de récupération. Figure 3 Savaria: Propagation estimée du panache de déversement dans la rivière des Mille Îles Les citoyens des municipalités de Repentigny, Varennes, Verchères, Saint-Sulpice et de Contrecoeur sont avisés de s astreindre à ne pas utiliser l eau en provenance des aqueducs
municipaux. Un service d urgence doit être mis en place par les municipalités afin de permettre aux résidents de ces localités de s approvisionner en eau potable. Le Ministre de l Environnement du Québec s est déclaré catastrophé par l impact de ce déversement. Non seulement les travaux de nettoyage prendront des mois, mais parallèlement les citoyens situés en aval seront privés d eau potable pendant toute la période de restauration des zones contaminées. Le porte-parole de la compagnie Trans-Canada a tenté de minimiser ces impacts en déclarant que des diluants pourraient être utilisés afin de disperser le pétrole déversé. Réagissant à cette déclaration, le porte-parole de Greenpeace a souligné que ces dispersants contenant plusieurs produits toxiques ne vont qu aggraver la perturbation des écosystèmes marins tant dans la rivière des Mille-Îles que dans le fleuve et le lac Saint-Pierre. Signalons enfin que la circulation des navires commerciaux sur le fleuve Saint-Laurent sera temporairement interrompue probablement jusqu en avril prochain. D autres nouvelles suivront. Les terres de Mirabel toujours imbibées de pétrole La Presse Lundi 17 mai 2021 Le pétrole déversé, il y a deux semaines, suite à un bris dans le pipeline de la compagnie Trans- Canada à la hauteur de Mirabel a contaminé, selon les évaluations des experts du ministère de l Environnement dépêchés sur les lieux, les plantes, les sédiments et les sols des terrains sousjacents. Les habitats de plusieurs espèces fauniques en cette saison de reproduction pour plusieurs espèces ont été durablement altérés par la connexion du site contaminé avec les ruisseaux et rivières affluents à la rivière des Mille-Îles.
La nappe phréatique ayant déjà été atteinte par les hydrocarbures, la production agricole environnante risque d être fortement touchée. À titre d exemple la prise d eau souterraine des serres maraichères de Mirabel a déjà été contaminée, affectant toute la production. La réhabilitation du site pourrait prendre jusqu à six mois, les coûts étant estimés à plusieurs dizaines de millions de dollars. Incendie monstre à Rivière-des-Prairies Le Journal de Montréal, samedi 8 octobre 2022 Vendredi, vers 23 heures, la conduite du pipeline de TransCanada, à la sortie de sa traversée de la Rivière-des-Prairies sur l île de Montréal, s est brisée entraînant un incendie dans un quartier résidentiel. Au moment de mettre sous presse, on ignorait encore s il y avait des victimes. En guise de conclusion Est-ce vraiment le futur que nous voulons risquer de voir se produire dans un avenir pas si lointain en donnant le feu vert à un tel projet? Car, je le rappelle, la seule question n est pas de savoir s il y a un risque probable d un déversement, non. Il s agit plutôt de se demander quand et où le produira. Les histoires fictives que je viens d esquisser restent plausibles, inspirées de faits s étant produits et du «Premier rapport technique» concernant la mise en service de l oléoduc Énergie Est de TransCanada rédigé par la Savaria Experts-Conseils inc. et publié le 6 mai dernier.