Référence Référence : : Version : Date : Travail de nuit et travail posté DOSSIER Sommaire : I. Introduction II. Qu entend-on par travail de nuit et travail posté? III. IV. Rythmes biologiques Effets sur la santé A. Dette de sommeil B. Troubles gastro-intestinaux C. Excès de poids et syndrome métabolique D. Maladies cardiovasculaires E. Troubles neuropsychiques F. Cancers G. Troubles chez la femme V. Effets sur la vie familiale et sociale VI. VII. VIII. Conseils A. Au niveau de l organisation du travail B. Au niveau individuel Réglementation A. Analyse des risques B. Mesures de prévention C. Surveillance de la santé Sources Dr Dominique COPPE, Conseiller en prévention Médecin du travail Cellule scientifique Commission scientifique Page 1 sur 8
I. Introduction 28 % de la population active en Europe travaille à horaires irréguliers. 20 % de ces travailleurs abandonnent ce type de travail après un temps relativement court, 10 % s y adaptent sans problème et 70 % l assument avec certaines difficultés. II. Qu entend-on par travail de nuit et travail posté? Selon l arrêté royal du 16 juillet 2004, relatif à certains aspects du travail de nuit et du travail posté liés au bien-être des travailleurs lors de l exécution de leur travail, est considéré comme un travail de nuit tout travail presté habituellement entre 20H et 6H, sauf si les prestations se situent exclusivement entre 6H et minuit les prestations débutent habituellement à partir de 5H Le travail posté est un mode d organisation du travail en équipe, entraînant pour les travailleurs la nécessité d accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines, selon un certain rythme (rotatif, continu, discontinu). III. Rythmes biologiques La physiologie de l homme, comme celle de tout être vivant, est organisée sous forme de cycles et de rythmes (rythme cardiaque, respiratoire, cycle veille-sommeil, ). Elle alterne des phases d activité et des phases de repos, selon un rythme régulier. Il existe des rythmes ultradiens, de cycle inférieur à 24H (ex : cycle du sommeil), infradiens, de cycle supérieur à 24H (ex : cycle menstruel) ou circadiens, de 24H. Le corps humain est soumis à de nombreux rythmes circadiens : courbe de température corporelle, pulsations cardiaques, pression artérielle, activité électrique cérébrale, sécrétion de cortisol, de mélatonine, Les rythmes biologiques sont des rythmes génétiques, mais ils sont synchronisés avec l environnement naturel (succession jour-nuit, lumière, ) et social (travail, repas, vie familiale et sociale, ). Ils permettent de réaliser les meilleures performances le jour et la récupération la nuit. L homme est donc fait pour être actif le jour et au repos la nuit. Le travail de nuit ou posté provoque une importante perturbation de ces rythmes biologiques qui ne pourront jamais être totalement inversés. Le travailleur de nuit est donc confronté à une double contrainte : travailler en phase de désactivation nocturne, ce qui impose de plus grands efforts, et se reposer en phase d activation diurne. Cette situation est la source d effets négatifs sur la santé du travailleur. Page 2 sur 8
IV. Effets sur la santé A. Dette de sommeil La durée du sommeil diurne est toujours moindre que celle du sommeil nocturne. Dans le sommeil diurne, le sommeil lent qui répare la fatigue physique est conservé et le sommeil paradoxal (le rêve) qui répare la fatigue intellectuelle est raccourci. Le sommeil diurne est aussi morcelé par le rythme de la faim et des sécrétions gastriques. Source : www.solutions-sante.net/images/cycle-sommeil.gif L endormissement plus long, les réveils plus fréquents, la durée totale du sommeil plus courte et la qualité du sommeil altérée font que le travailleur de nuit et le travailleur posté (surtout au poste du matin) sont constamment en dette de sommeil. Les troubles du sommeil liés au travail de nuit ou posté, appelés Shift Work Sleep Disorder (SWSD) se caractérisent par : une fatigue chronique, une somnolence excessive ; une diminution de la vigilance ; une diminution des performances. Ces effets augmentent le risque, en gravité et en fréquence, d accidents de travail et d accidents sur le chemin du travail. B. Troubles gastro-intestinaux 2 à 5 fois plus fréquents chez les travailleurs de nuit ou postés, les troubles gastrointestinaux sont liés au fait que les repas pendant la nuit sont absorbés en période de désactivation des sécrétions gastriques. De plus, le travailleur de nuit ou posté boit souvent beaucoup de boissons excitantes (café, thé, boisson énergisante, ), absorbe plus d épices pour «réveiller» l appétit et/ou fume beaucoup, ce qui agresse la muqueuse gastrique. Les plaintes les plus fréquentes sont : constipation, diarrhée, gastrite, colite, ulcère gastroduodénal. Page 3 sur 8
C. Excès de poids et syndrome métabolique Plusieurs études ont montré une relation entre la croissance de l index de masse corporelle (BMI) et le nombre d années de travail posté. L obésité est liée aux troubles du comportement alimentaire : grignotage, horaires de repas irréguliers, repas rapides déséquilibrés, abus de boissons sucrées, L excès de poids et la dette de sommeil favoriseraient l apparition du syndrome métabolique, à savoir l association entre obésité, hypertension artérielle (HTA), diabète de type II, excès de triglycérides et excès de cholestérol LDL (mauvais cholestérol). La prévalence du diabète de type II est 2 fois plus élevée chez les travailleurs postés et augmente également avec le nombre d années de travail posté. D. Maladies cardiovasculaires Selon des études scandinaves, le travail posté augmenterait de 40 % le risque de présenter un problème cardiovasculaire, de type HTA ou infarctus du myocarde. Cette augmentation du risque cardiovasculaire s explique par la plus grande fréquence d autres facteurs de risques chez les travailleurs de nuit ou postés : HTA, tabagisme, obésité, stress, cholestérol, E. Troubles neuropsychiques Les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont une absence d énergie (asthénie), de l irritabilité, de l anxiété, du stress, de la dépression, des troubles de la mémoire et de la concentration. Une conduite addictive plus fréquente chez les travailleurs postés, telle que l abus de médicaments ou de substances stimulantes pour travailler la nuit, de somnifères ou de tranquillisants pour dormir le jour, d alcool ou de drogue, ne fera qu aggraver ces symptômes. F. Cancers Depuis 2007, le travail posté est repris dans la liste des agents «probablement cancérigènes» (groupe 2A dans la classification IARC OMS). Le travail posté augmente le risque de cancers hormono-dépendants (sein, endomètre, prostate) et colorectaux, après 15 à 30 années d ancienneté dans ce régime de travail. La mélatonine, dont la sécrétion est réduite dans le travail de nuit, présente des propriétés anticancéreuses et exerce un contrôle sur la production d hormones sexuelles. Le manque de mélatonine, associé à des facteurs génétiques, expliquerait cette cancérogénicité. G. Troubles chez la femme En plus des risques de cancer du sein et de l endomètre, le travail posté peut provoquer des troubles du cycle menstruel, une diminution de la fécondité et des troubles du déroulement de la grossesse : fausse couche, accouchement prématuré, faible poids du bébé à la naissance. Page 4 sur 8
V. Effets sur la vie familiale et sociale Chez le travailleur de nuit, les horaires de travail et les horaires socio-familiaux sont désynchronisés, ce qui entraîne un sentiment de malaise et d isolement. En famille, le travailleur de nuit doit interrompre son sommeil diurne s il veut participer aux repas, aux tâches ou aux responsabilités familiales. Les contraintes plus importantes dans l organisation de la vie familiale peuvent être mal supportées et conduire à l éclatement du couple et/ou de la famille. En société, le travailleur de nuit a tendance à restreindre ses contacts sociaux. Les activités collectives sont difficiles à réaliser et il se replie souvent sur des loisirs individuels. VI. Conseils A. Au niveau de l organisation du travail Sens horaire de rotation des postes, c.à.d. matin, après-midi, nuit. Rotation rapide des postes (pas plus de 3 ou 4 jours consécutifs). Gestion des pauses (régularité du roulement, éviter les changements d horaires, les changements d équipe). Éclairage adapté du poste de travail (bien éclairer le poste de nuit pour diminuer l endormissement). Varier les tâches (travail physique, travail intellectuel). B. Au niveau individuel S accorder au moins 7H de repos au lit (même si on ne dort pas), quelque soient les pauses. Maintenir des horaires de lever et de coucher les plus réguliers possibles. Favoriser l exposition à la lumière en début de prestation de nuit. Éviter l exposition à la lumière en fin de prestation de nuit. Dormir dans une chambre sombre et calme (tentures, débrancher téléphone et sonnette, boules Quiès, ). Faire des siestes pour combattre la somnolence et la dette de sommeil : 20 minutes l après-midi, quelques minutes pendant le temps de repos prévu lors du travail de nuit si possible (entre 2H et 6H du matin). Maintenir une alimentation équilibrée et des horaires de repas réguliers. Éviter l abus d excitants, de somnifères, d alcool. Page 5 sur 8
Pratiquer un exercice physique le plus régulièrement possible. VII. Réglementation L Arrêté Royal du 16 juillet 2004, relatif à certains aspects du travail de nuit et du travail posté liés au bien-être des travailleurs lors de l exécution de leur travail (MB 09/08/2004), aborde la protection des travailleurs de nuit et postés en matière de sécurité et de santé. A. Analyse des risques L employeur doit effectuer une analyse des risques de tout travail de nuit et travail posté, en tenant compte : des risques inhérents au travail de nuit ou posté ; des activités de nuit qui comportent des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales pour le travailleur. Il doit donc reconnaître ces activités et pour cela, il doit évaluer : les causes et le degré de la diminution de vigilance du travailleur (ex : utilisation de substances neurotoxiques, gaz, solvants, tâches monotones, répétitives ou tâches qui exigent une attention soutenue, ) ; les causes et le degré de l augmentation de l activation biologique (ex : travaux lourds exigeant des efforts physiques importants, manutention manuelle de charges lourdes, travail dans la chaleur ou le froid excessif, travail qui exige une attention soutenue ou des efforts visuels rapides, ). B. Mesures de prévention Si l analyse des risques révèle que des activités de nuit comportent des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales, l employeur doit prendre les mesures suivantes : assurer la surveillance de santé adaptée aux risques constatés ; aménager les postes de travail en fonction des critères ergonomiques ; réduire ces risques au niveau le plus bas possible. Les mesures à prendre sont soumises à l avis préalable du CPPT et font partie du plan global de prévention. C. Surveillance de la santé Tous les travailleurs de nuit et postés sont soumis à la surveillance de santé du fait qu ils exercent une activité à risque défini. Page 6 sur 8
Cette surveillance de santé comprend : une évaluation de santé préalable à toute affectation à un travail de nuit ou posté ; une évaluation de santé périodique, tous les 3 ans, ou tous les ans si le CPPT le demande, si l analyse des risques n a pas révélé d autres risques que ceux inhérents au travail de nuit ou posté. Les travailleurs de 50 ans et plus peuvent demander à bénéficier de l évaluation de santé périodique tous les ans. une évaluation de santé périodique tous les ans si l analyse des risques a révélé des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales. VIII. Sources Arrêté Royal du 16 juillet 2004 relatif à certains aspects du travail de nuit et du travail posté liés au bien-être des travailleurs lors de l exécution de leur travail. Moniteur belge [en ligne], 09.08.2004, p. 59425-59427. Disponible sur le Web : < http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/summary.pl> Clés pour La réglementation du travail de nuit et la réduction de ses inconvénients [en ligne]. Bruxelles : SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, 2008. Disponible sur le Web : <http://www.emploi.belgique.be> Travail de nuit Travail posté. Preventactua, 2004, n 16, p. 1-3. Vous travaillez à horaires irréguliers Voici des conseils pour mieux vivre. Comité interprovincial de médecine préventive. BARTHE, B. Aménager le travail de nuit et en horaires atypiques à partir de l analyse du travail. In : Actes du Colloque SSST, Namur, 2009. HANSEZ, I. La flexibilité du temps de travail : focus sur le bien-être au travail. Le travail de nuit. In : Comment développer une politique de bien-être au travail? Namur : Congrès interprovincial francophone des comités à la promotion du travail, vendredi 8 octobre 2004. LEOPOLD. Travail de nuit Travail posté. La semaine santé, sécurité au travail [en ligne]. SMIT. Disponible sur le Web : < http://www.dtenc.gouv.nc> LEVI, F. Cancérogénicité du travail posté. In : Impacts du travail de nuit et des horaires atypiques. Namur : Grande journée 2009, 7 mai 2009. NOEL, S. La morbidité du travail à horaires irréguliers. Santé conjuguée [en ligne], janvier 2010, n 51, p. 67-74. Disponible sur le W eb : < http://www.maisonmedicale.org> NOEL, S., KERKHOFS, M. Travail posté, vigilance et santé [en ligne]. Charleroi : CHU André Vésale. Laboratoire du sommeil, 2010. Disponible sur le Web : < http://www.bbvag.be> Page 7 sur 8
REITLER, I. Du dépistage des troubles du sommeil en médecine du travail aux conseils aux travailleurs exposés au travail posté. In : Impacts du travail de nuit et des horaires atypiques. Namur : Grande journée 2009, 7 mai 2009. Page 8 sur 8 SPMT Siège social Quai Orban, 32-34 à 4020 Liège T 04 344 62 64 F 04 344 62 61 cellule-scientifique@spmt.be www.spmt.be