AV1 AT G024/E01 Lucien Glanis M. Lucien Glanis est en 1923. ENREGISTREMENT REALISE LE 28/03/2012 PAR MADAME MYRIAM FELLOUS-SIGRIST STATUT DU TEMOIN FONCTION A LA SNCF Cheminot pendant la Seconde Guerre mondiale Sous-chef de bureau 1 re classe en gare de Cannes-la-Bocca DATE D ENTREE ET DE DEPART DE LA SNCF 1942-1978 AXE DE L ETUDE SUJET PRINCIPAL THEMES ABORDES OUTIL DE CONSULTATION MATERIEL D ENREGISTREMENT DUREE DE L ENREGISTREMENT DUREE APRES TRAITEMENT DU SON Vie et travail au quotidien pendant la Deuxième Guerre mondiale : mémoire et récits de cheminots Vie d un cheminot à Cannes pendant la Seconde Guerre mondiale Début de carrière à la SNCF et travail aux Chantiers de la Jeunesse Française Parcours personnel et professionnel Travail et résistance en gare de Cannes-la-Bocca pendant la guerre Carrière à la SNCF et vie personnelle pendant la guerre Vie professionnelle et personnelle dans l après-guerre Motivations pour répondre à l Appel à témoins CD audio TASCAM DR-40 2 heures 10 minutes 49 secondes 2 heures 01 minute 07 secondes Communication Le témoin autorise, à partir du 22 mars 2012, la copie, la consultation, l exploitation pour des travaux à caractère historique ou scientifique, la diffusion sonore et la publication de la transcription et de l enregistrement avec mention de son nom, par contrat passé avec l AHICF à laquelle toute demande d utilisation à d autres fins de l enregistrement et de la présente analyse doit être adressée. Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou 1
Compte rendu analytique I - Début de carrière à la SNCF et travail aux Chantiers de la Jeunesse Française (Plage 02) M. Glanis passa un examen d entrée à la SNCF en 1939 sur le conseil de son beau-frère. Il travailla ensuite pendant deux ans chez un artisan, en tant que motoriste. La SNCF le contacta le 28 avril 1942 [à l âge de 19 ans] pour lui proposer le poste d auxiliaire bureau à la gare de Cannes-la-Bocca (3mn:02s). (Plage 03) Au mois de juillet 1943, M. Glanis a été appelé aux Chantiers de la Jeunesse Française, «le service national de l époque». «Instaurés par le Maréchal Pétain et dirigés par le général de La Porte du Theil, les Chantiers de la Jeunesse Française rassemblaient tous les jeunes Français pour une durée de huit mois.» Le 8 juillet 1943, il est envoyé à Pertuis [Vaucluse] dans le groupement numéro 17. Il a fait de la musique car il était musicien, puis les vendanges en Camargue. Dès le mois de novembre, les jeunes hommes réquisitionnés aux Chantiers de la Jeunesse Française furent séparés. Emmené dans un camp de travail à Casteljaloux [Lot-et-Garonne], il y accomplit des travaux forestiers (2mn:28s). (Plage 04) Le 26 mars 1944, la future femme de M. Glanis parvint à lui envoyer un télégramme dans lequel elle lui annonce le décès de son grand-père. Il demanda à l un de ses camarades de lui faire un faux document de permission. En pleine nuit, il prit la décision de s échapper et alla jusqu à Agen [Lot-et-Garonne] où il prit le train jusqu à Cannes. Après son évasion des Chantiers de la Jeunesse Française, il arriva en gare de Cannes-la-Bocca avec une fausse permission de trois jours. En situation irrégulière, il fut aidé par ses collègues cheminots qui faisaient partie d un réseau de résistance en gare de Cannes-la-Bocca. Il parvint ensuite à se procurer un faux certificat de libération. Il fut réembauché par la SNCF le 2 mai 1944. Les cheminots étaient régulièrement contrôlés par les Allemands et la milice. La gare de Cannes-la-Bocca était la gare de triage de Cannes. Il s est engagé dans la résistance SNCF de Cannes et a régulièrement contribué à la transmission du courrier (6mn:15s). (Plage 05) En mars 1945, M. Glanis est rappelé par l armée. Il partit au 5 e régiment du Génie, à Saint-Cloud [Hauts-de-Seine], pour y accomplir une mission d un an. Il est démobilisé le 19 mars 1946 (3mn:44s). II - Parcours personnel et professionnel (Plage 06) En 1939, avant la déclaration de la guerre, M. Glanis réussit un examen passé à Marseille préparant au métier d auxiliaire bureau. C est son beau-frère, cheminot à la gare d Antibes, qui le poussa à passer cet examen pour faire carrière à la SNCF. Auparavant, il a fait des études et souhaitait entrer dans une école professionnelle. Entre 1935 et 1936, après son certificat d étude, il fit une année de cours complémentaire, puis une école professionnelle dans le but d entrer dans «une école de technologie» à Aixen-Provence. Avant d entrer à la SNCF, il souhaitait faire carrière dans la musique. En 1939, il passa son permis de conduire à 16 ans et fut chauffeur dans une entreprise d alimentation. C est pour faire carrière dans la musique qu il s est engagé. À l époque, son objectif était d être musicien professionnel (trompette d harmonie) (5mn:44s). (Plage 07) À la SNCF, M. Glanis a exercé diverses fonctions : auxiliaire bureau, facteur, facteur mixte, facteur enregistrant, facteur chef, sous-chef de gare de 3 e et de 2 e classe. Il a passé deux fois le concours pour être cadre à la SNCF [examen de chef de groupe]. Après avoir passé le concours de sous-chef de gare de 1 re classe, il a terminé sa carrière comme chef de service au Mouvement à la gare de Nice. Lorsqu il était souschef de gare de 1 re classe, les cheminots ont été réquisitionnés pour faire «la couverture et le renouvellement de la voie ferrée et l électrification de la ligne». En outre, il a bien connu la période du festival du film de Cannes et il y a rencontré plusieurs personnalités qui empruntaient le Train Bleu ou le Mistral. À partir de 1976-1977, il a été envoyé à Nice pour finir sa carrière à la SNCF. Son père était transporteur routier pour la distribution du tabac et sa mère travaillait dans un commerce. Ses parents ont toujours vécu à Cannes (5mn:26s). Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou 2
III - Travail et résistance en gare de Cannes-la-Bocca pendant la guerre (Plage 8) À la déclaration de la guerre, en septembre 1939, M. Glanis jouait dans un orchestre à Gréolières [Alpes-Maritimes]. À la gare de Cannes-la-Bocca, il a participé à la résistance locale sans le savoir. Il obéissait aux ordres de ses supérieurs qui ne laissaient filtrer aucune information. Il sut très tard que les cheminots de la gare de Cannes-la-Bocca étaient fortement engagés dans la Résistance-Fer (5mn:37s). (Plage 9) En gare de Cannes-la-Bocca, les cheminots bénéficiaient d un ausweis pour circuler. Du 15 août 1944 à la Libération, la situation à Cannes s est aggravée et les cheminots résistants ont recommandé à leurs collègues et à leur famille de s enfuir. C est au cours de cette période que M. Glanis et sa famille ont été obligés de se cacher et ont passé plusieurs nuits loin de leur domicile. Plusieurs cheminots ont fait des actes de résistance et s organisaient pour travailler ensemble (6mn:02s). (Plage 10) La Libération prit effet le 24 août 1945 et M. Glanis reçut sa carte d affiliation à la CGT le 1 er septembre. En juillet 1944, des wagons de paille prient feu dans la gare de Cannes-la-Bocca, où travaillaient quotidiennement des Allemands et des Italiens. Ils ont voulu punir ce sabotage mais le chef de la gare, alsacien, leur a sauvé la vie (3mn:19s). (Plage 11) Des cheminots et militaires allemands et italiens contrôlaient quotidiennement le travail des cheminots français en gare de Cannes-la-Bocca. «Ils vérifiaient la comptabilité des wagons.» Certains documents étaient volontairement falsifiés par les cheminots français. Ils envoyaient parfois certaines marchandises à la Société des Bains de Mer (SBM) située à Monaco. Les cheminots allemands et italiens de cette gare travaillaient eux aussi sous pression et ils étaient menacés d être envoyés sur le front russe par leurs supérieurs (3mn:18s). (Plage 12) Les cheminots de la gare de Cannes-la-Bocca ont assisté au pillage de plusieurs maisons de familles françaises par les Allemands : meubles et tableaux étaient chargés dans des camions en direction de l Allemagne. Les visiteurs de gare français vérifiaient l état des organes de roulement des trains au départ. Les relations entre les cheminots allemands et français étaient tendues. Un des officiers allemands travaillant à la gare connaissait le patois niçois. À la gare de Cannes-la-Bocca, il y avait un dépôt de machines et les cheminots de la gare travaillaient avec Nice, les Arcs, Carnoules, la Seyne-sur-Mer et Miramas (5mn:14s). (Plage 13) M. Glanis possède une attestation de durée des services rendus dans la résistance de l Office national des anciens combattants, datée de 1992 et remplie par Monsieur Ackermann, grand cheminot résistant. Cette attestation prouve et détaille son engagement et l importance de ses actes en tant que cheminot au sein de la résistance pendant la guerre en gare de Cannes-la-Bocca. Il ne s est jamais douté que d autres cheminots travaillant dans la même gare l observaient et connaissaient son engagement dans la résistance (6mn:36s). (Plage 14) Pour partir des Chantiers de la Jeunesse Française en 1944, M. Glanis a réclamé une fausse permission auprès d un collègue. Après son évasion, il se rendit à pied jusqu à Nérac [Lot-et-Garonne], puis il fit un long voyage en train d Agen jusqu à Cannes. Au cours de son voyage, il fut couvert par le contrôleur du train qui assura aux Allemands qu il était un collègue cheminot (2mn:10s). (Plage 15) En 1944, M. Glanis a été envoyé en mission à la gare de Saint-Raphaël par ses collègues résistants pour y récupérer des papiers contenus dans un cartable. Il n était pas le seul cheminot de la gare de Cannes-la-Bocca à effectuer des actes de résistance (2mn:41s). (Plage 16) On a demandé au père de M. Glanis, blessé au cours de la Bataille de Verdun, d être garde-voies et il en profitait pour saboter les voies dans le secteur de Golfe-Juan (3mn:58s). Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou 3
IV - Carrière à la SNCF et vie personnelle pendant la guerre (Plage 17) Le 28 avril 1942, M. Glanis fut appelé par la SNCF pour travailler à la gare de Cannes-la-Bocca. Il n a pas reçu de formation pour son travail. Il a commencé à travailler au standard, puis il a été statisticien et il effectuait le relevé des wagons. En 1946, alors qu il était facteur, il a suivi les cours de l école du Mouvement à Marseille pour passer l examen de facteur mixte. Il a toujours profité des formations proposées par la SNCF, qui lui ont permis de progresser en grade. Le dernier examen qu il passa fut celui de cadre. Il a échoué une première fois à cet examen dans les années 1960 et l a tenté à nouveau dans les années 1970 en suivant une préparation. Il a été représentant local de la Fédération Maîtrise et Cadres (FMC) et il siégea au conseil du comité mixte (7mn:55s). (Plage 18) Après les Chantiers de la Jeunesse Française en 1944, la SNCF a repris M. Glanis en tant qu auxiliaire équipe. Il a commencé les Chantiers de la Jeunesse Française le 8 juillet 1943 et s en est évadé le 27 mars 1944. On lui a également demandé d effectuer le travail de facteur aux écritures. La SNCF a embauché des attachés, des élèves qui recevaient une formation. En 1968, les cheminots de la gare de Cannes-la-Bocca ont contribué à la réalisation de «la couverture de la voie ferrée, du renouvellement de la voie et de l électrification» (4mn:24s). (Plage 19) M. Glanis s est marié le 14 octobre 1944 avec une jeune fille habitant le même village que lui. Il a ensuite été rappelé pour continuer son service militaire à la caserne de Saint-Cloud, au 5 e régiment du Génie, où il a pu continuer à faire de la musique. Avec sa femme, ils auraient pu faire carrière à Paris. Couturière à Cannes, elle reçut une proposition de travail de la maison de couture parisienne «Henry à la Pensée» (4mn:03s). (Plage 20) Trompettiste dans un orchestre, M. Glanis était en train de jouer à la fête patronale de Gréolières [Alpes-Maritimes] lorsque la guerre fut déclarée. Avec plus d une centaine de musiciens, il a joué à l occasion de nombreuses libérations durant son retour à l armée (3mn:48s). VI - Vie professionnelle et personnelle dans l après-guerre (Plage 21) M. Glanis a terminé son engagement militaire à Metz le 19 mars 1946 et il est revenu à la gare de Cannes-la-Bocca où il a fait plusieurs remplacements. Il a travaillé dans les gares de : Cannes-la-Bocca, L Escarène, Golfe-Juan, Marseille Prado et Marseille Joliette, Saint Raphaël, Rognac et Nice. Il a effectué un stage pour devenir régulateur. Mobilisable jusqu en 1964, il a été définitivement libéré du service militaire le 1 er janvier 1964 (3mn:13s). (Plage 22) En 1945, la SNCF a envoyé M. Glanis à Paris pour terminer son service militaire. Après la guerre, les cheminots ont beaucoup travaillé pour reconstruire le pays. Il a participé à la construction du premier palais du Festival du film de Cannes. Beaucoup de marchandises arrivaient en gare de Cannes-la-Bocca et tous les cheminots étaient réquisitionnés pour travailler à la reconstruction de la ville (5mn:02s). (Plage 23) Après la guerre, la SNCF s est réorganisée, tant au niveau de la réglementation qu au niveau du matériel. M. Glanis a commencé sa carrière avec les machines à vapeur et l a terminé avec les machines électriques qui sont apparues en 1968 à la gare de Cannes-la-Bocca. Après la guerre, la gare de Cannes-la- Bocca a également travaillé avec la gare de triage de Vintimille [Ventimiglia en Italie]. Son travail en tant que sous-chef à Cannes l a beaucoup intéressé (3mn:08s). (Plage 24) À la Libération, de nombreux soldats américains sont arrivés à Cannes et ont marqué les esprits. Arrivés à Golfe-Juan, certains soldats américains sont venus dépenser beaucoup d argent dans un bar cannois qui proposait les services de prostituées. Après la guerre, plusieurs hôtels de la région furent utilisés par les Américains (1mn:13s). (Plage 25) M. Glanis fut un membre actif des cheminots européens et délégué mutualiste de la mutuelle des chemins de fer. Après la guerre, il y eut plusieurs grèves, comme l importante grève de 1968. Avant d être membre de la Fédération Maîtrise et Cadres, il avait adhéré à la CGT. En 1944, il n aurait pas dû retravailler à la SNCF car il avait travaillé pour les Allemands (7mn:22s). Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou 4
(Plage 26) La SNCF s est restructurée après la guerre et elle a beaucoup évolué, notamment du point de vue de la sécurité. Le travail manuel du cheminot de son époque a lui aussi connu beaucoup d avancées technologiques. L électrification prit effet en 1970 en gare de Cannes-la-Bocca et révolutionna le travail du cheminot (6mn:16s). (Plage 27) Après leur mariage, M. Glanis et sa femme se sont débrouillés pour s installer dans leur premier appartement. Aidés par leur famille, ils ont dû faire face à la pénurie et au rationnement, notamment pour les fournitures, les meubles et la nourriture. En tant que cheminot, il disposait de voyages gratuits qui lui ont permis de jouer de la musique et de participer à plusieurs manifestations locales, telles que la fête patronale ou encore la Saint-Sylvestre. Après la guerre, il a fait partie de l Espérance de Cannes [fanfare officielle de la ville de Cannes], avec laquelle il a contribué à plusieurs commémorations (6mn:37s). VII - Motivations pour répondre à l Appel à témoins (Plage 28) Évoquant le devoir de mémoire, M. Glanis a souhaité témoigner afin que l histoire ne soit pas oubliée. Il insiste sur le rôle qu ont joué les Chantiers de la Jeunesse Française au moment de la Libération (2mn:07s). Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou 5