Le livre des États généraux. L exclusion n est pas une fatalité!



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Le livre des États généraux L exclusion n est pas une fatalité!

SOMMAIRE L exclusion n est pas une fatalité 4 La crise du logement et de l hébergement 9 L accueil d urgence en question 31 Les exclus de l emploi et les travailleurs pauvres 50 Les jeunes adultes en quête d insertion sociale 68 Garantir un accueil digne aux étrangers demandeurs d asile, réfugiés, régularisés, déboutés 83 Les familles fragilisées 94 Les femmes victimes de violences, la double peine 103 La prostitution, une problématique d abord sociale 109 Justice : favoriser les peines alternatives à la détention, accompagner la sortie de prison 116 Les inégalités sociales de santé 126 Les associations, acteurs de la cohésion sociale 135 L Europe des solidarités 149 Ils ont contribué au livre des États généraux 156

L EXCLUSION N EST PAS UNE FATALITÉ! Ce qui a changé en 50 ans La Fnars existe depuis 50 ans. Elle regroupe 750 associations qui accueillent, hébergent et aident à se réinsérer les personnes les plus fragiles. En 1956, la vision de l évolution de la société était optimiste. La croissance économique allait inéluctablement produire du progrès social, qui lui-même permettrait d inclure ceux qui étaient exclus des bénéfices de la croissance en raison de leurs difficultés d adaptation. Aujourd hui, ce bel optimisme n est plus de mise. Les associations de solidarité ont constaté de profondes mutations : les visages de la précarité ont changé, la décentralisation a profondément modifié le paysage politico-administratif, les contraintes budgétaires croissantes ont conduit à exiger des résultats immédiats peu compatibles avec le temps nécessaire à l insertion. Cette nouvelle donne s est imposée à bas bruit sans que les acteurs prennent toujours conscience des changements de méthode qu elle impliquait. Elle oblige à repenser radicalement les modes d élaboration des politiques sociales et les relations des pouvoirs publics avec les associations. Qui sont aujourd hui les exclus? Pour l opinion publique en général, l exclusion reste synonyme de «SDF», et donc de grande pauvreté, une situation «plus voulue que subie» pour laquelle les réponses humanitaires d urgence sont souvent les seules à paraître légitimes. Pour ceux qui travaillent au jour le jour auprès des exclus, cette vision plutôt caricaturale ne correspond plus, et depuis longtemps, à la réalité des personnes qu ils accueillent. L exclu n est plus aujourd hui cet homme SDF d une quarantaine d année, sans travail, sans ressources et sans famille : il s agit de jeunes adultes en rupture familiale, de femmes victimes de violence, de familles avec des enfants, d hommes et de femmes qui travaillent mais n ont pas pour autant des ressources suffisantes pour se loger, d étrangers demandeurs d asile, d ancien détenus, de personnes qui souffrent de pathologies graves Ces personnes sont exclues de tous les droits, ou seulement de certains droits, sans être nécessairement de «grands exclus».

Chaque année, ce sont quelques 600000 personnes qui passent ou s installent durablement dans les centres d hébergement. Chaque jour, en moyenne 14000 enfants sont également hébergés. Sans oublier les milliers de personnes très éloignées de l emploi qui travaillent dans les chantiers d insertion. Les associations ont cherché à s adapter progressivement aux besoins de ces nouveaux exclus tandis que les dispositifs administratifs s empilaient et se superposaient sans grande visibilité. Mais la complexité des situations humaines résiste aux catégories administratives et un grand nombre de personnes ne rentrent plus dans les cases conçues parfois un peu abstraitement pour elles. Dans un contexte où la disparition de la pauvreté et de l exclusion n apparaît plus comme un objectif atteignable, les associations de solidarité se trouvent prises dans un double mouvement : le déplacement des politiques nationales au niveau local et, dans le même temps, la double référence à l État libéral et à l État social garant des solidarités. Elles sont soumises à des injonctions contradictoires pour lesquelles manquent grilles d analyse et référentiels d action. Pourquoi des États généraux? En janvier 2006, la Fnars lançait ses États généraux. Elle voulait, en donnant la parole aux acteurs de terrain (travailleurs sociaux, administrateurs, directeurs, bénévoles, usagers ), dresser un état des lieux de l exclusion et informer un plus large public sur le travail quotidien des associations de solidarité. Depuis le mois de janvier, de nombreux débats se sont tenus dans les régions et départements sur les thèmes qui concernent la fédération : les jeunes, l urgence, le logement, l hébergement, les familles fragiles, les femmes victimes de violence, l accueil des étrangers, la prostitution, la réinsertion des personnes sous main de justice, les enjeux européens pour les associations de solidarité, l insertion par l activité économique, l emploi des plus démunis, l avenir des associations Cette première démarche a donné lieu à un «livre blanc» soumis à l expertise et à la discussion d interlocuteurs extérieurs à notre réseau : élus, associations, chercheurs, services de l État C est sur la base de ce constat qui croise l expertise et l expérience que nous avons élaboré ce Livre des États généraux avec l ambition de contribuer à l élaboration d un diagnostic partagé et de donner des pistes pour les dix ans qui viennent.

Il s agit de donner à voir ce qui est souvent invisible aux yeux du grand public : le long travail d accompagnement et d insertion nécessaire pour permettre aux personnes les plus démunies de retrouver des conditions de vie acceptables, les obstacles rencontrés qui ne résultent pas tous du manque de moyens, l effroyable complexité des dispositifs d insertion sociale qui restent parfaitement illisibles pour les personnes auxquelles elles s adressent, l augmentation du nombre de jeunes et de familles en situation très précaire Pendant longtemps, les acteurs du social ont cru qu il suffisait d être convaincu pour être convaincant. Aujourd hui nous savons que nous devons expliquer et démontrer à partir de notre expérience que si on s occupe des personnes dans la durée, si on va au devant de ceux qui n ont même pas la force de demander de l aide, ils vont mieux, ils vivent mieux, ils peuvent faire des projets. Et, au-delà d eux-mêmes, toute la société en bénéficie. Cette démonstration est exigeante. Elle oblige à un état des lieux rigoureux qui met en perspective les données nationales et locales avec l expérience et le savoirfaire des associations et services sociaux. Elle oblige à dire ce que nous faisons mais aussi ce que nous ne faisons pas ou mal. Elle oblige à un regard critique sur nos pratiques. Elle oblige enfin à anticiper, c est à dire à imaginer les besoins auxquels nous devrons répondre dans les dix ans qui viennent. C est ce travail long et difficile que nous avons commencé à faire et dont les États généraux ne sont qu une première étape. Des constats convergents À l issue de ces quelques mois de travail, un certain nombre de constats sont communs aux différents chapitres : le déficit de connaissance et d observation aussi bien quantitative que qualitative sur les profils des personnes accueillies, sur leurs histoires et leurs parcours, ainsi que la faiblesse de l évaluation des modes d aide et de prise en charge, la difficulté à organiser le pilotage des politiques sociales au niveau territorial dans le contexte de la décentralisation des compétences : incertitude sur l interlocuteur pertinent, multiplicité des commissions, enchevêtrement des responsabilités, injonctions contradictoires, la relative absence de l État dans son rôle de garant de la solidarité et des inégalités territoriales,

la difficulté à penser une politique sur un territoire en associant les différents niveaux de responsabilité et en obligeant les différents acteurs à travailler ensemble, la surenchère législative et réglementaire, qui rend l évolution des dispositifs incompréhensible aussi bien pour les usagers que les professionnels, la distance considérable entre l existence d un droit, comme le droit au logement, et son application : il ne suffit pas qu un droit existe pour que les personnes censées en bénéficier puissent y avoir accès et véritablement en tirer profit, l absence de transparence et de prévisibilité des délais dans lesquels l administration nationale ou locale statue sur une demande (logement, droits sociaux, droit des étrangers), qui donne le sentiment d un certain arbitraire, la difficulté à anticiper et à adapter constamment les modalités d accueil et de prise en charge aux nouveaux enjeux. Les plans successifs annoncés par les pouvoirs publics pour en sortir, pas toujours mis en œuvre, ont montré leurs limites. Nous voulons proposer de nouvelles méthodes d élaboration et d explicitation des choix qui permettent à chacun de savoir ce qu on fait pour les plus démunis et pourquoi on le fait. Une nouvelle méthode pour agir Or, que faut-il pour agir? D abord, un diagnostic. Bien sûr, tous les acteurs ont une idée de ce qu il faut faire pour aider les plus démunis mais bien souvent, elle ne résulte que de leur expérience, nécessairement partielle. C est insuffisant pour élaborer un constat objectif et partagé. La première chose à faire est donc sur un territoire donné d évaluer les besoins, de connaître mieux les profils des personnes, de faire l inventaire des dispositifs existants au-delà des catégories administratives, d évaluer les manques. Pour qu il soit indiscutable, l élaboration de ce constat doit s appuyer sur les compétences d experts qui permettent d objectiver les expériences de terrain. Dans un deuxième temps, ce constat quantitatif et qualitatif doit être partagé. C est une étape trop souvent négligée, et de ce fait de nombreux rapports justes et pertinents restent dans les tiroirs des administrations. Pour être utile, ce diagnostic doit faire l objet d un consensus entre les services de l État, ceux des collectivités territoriales et plus particulièrement des départements, et les associations de solidarité sur le terrain. Cette phase de dialogue doit permettre d établir ce qui est partagé par l ensemble des acteurs mais aussi ce qui les oppose. C est également cette étape qui permet d aller au fond des choses, et d éviter qu on se limite à un

saupoudrage de mesures annoncées comme nouvelles qui ne sont souvent que des effets d annonce. Troisième étape. À partir de cette analyse partagée des besoins et des objectifs à se fixer, on peut déterminer les mesures à prendre, celles à court terme et celles à long terme, les chiffrer, fixer un calendrier d action avec des rendez-vous intermédiaires, et une méthode de suivi. On peut dire aussi en toute transparence ce qu on ne fera pas et pourquoi on ne le fera pas. Cette proposition méthodologique de bon sens nous paraît être la seule garantie pour que les politiques publiques de lutte contre les exclusions s installent dans la durée et se poursuivent au-delà des alternances politiques. Nous pensons en effet que dans ce domaine, aucune politique publique ne peut être efficace et durable si elle ne s appuie pas sur un large consensus qui ne se limite pas aux spécialistes du social. C est pourquoi la lutte contre l exclusion et l insécurité sociale ne doit plus être laissée aux seules associations et aux professionnels du social mais devenir un enjeu politique au même titre que l emploi ou la sécurité. Ce livre des États généraux rassemble un certain nombre de données, d expériences et de propositions qui sont le résultat d une réflexion en mouvement. Il se veut vivant, ouvert aux débats et aux évolutions. Nous espérons que les candidats aux élections présidentielles et législatives s en saisiront et qu au-delà, le dialogue se poursuivra avec le souci de démontrer que les politiques sociales ne constituent pas des dépenses sans contrepartie : si on s occupe durablement des personnes qui vont mal, elles iront mieux et la société dans son ensemble ira mieux, ce qui est un résultat inestimable. Nicole Maestracci, Présidente de la Fnars

LA CRISE DU LOGEMENT ET DE L HÉBERGEMENT Constat général Depuis des années, l écart entre l offre et la demande de logements accessibles aux ménages pauvres se creuse. On n a jamais tant construit, mais les plus démunis rencontrent aujourd hui les plus grandes difficultés à se loger. Les classes moyennes sont également touchées. Des logements indignes qu on pensait relever d une autre époque réapparaissent. Des personnes vivent dans des caravanes, dans leur voiture, dans des logements surpeuplés ou dans des hôtels meublés sans confort. Selon l Insee, nous avons battu récemment des records historiques : jamais la part du loyer n a été aussi lourde dans le budget des ménages. Quant aux aides au logement, qui restent un outil efficace de redistribution, elles n ont pas suivi la progression des loyers et des charges (liées notamment à la hausse des dépenses d énergie). Les revenus n ont pas suivi non plus. Pourtant, l accès aux aides a été resserré : en 2004, un ménage de 2 personnes qui touchent plus de 2,1 SMIC n y a plus droit, alors qu il fallait dépasser 4 SMIC en 1987. 9

La crise du logement et de l hébergement Cette crise du logement est aussi la conséquence de l augmentation de la précarité qui se traduit, entre autres choses, par la progression inquiétante du nombre des expulsions locatives, malgré la mise en place en 1998 d une procédure de prévention des expulsions. Les pouvoirs publics n ont rien vu venir Malgré les alertes incessantes exprimées depuis quinze ans, notamment par le secteur associatif, les pouvoirs publics n ont pas anticipé les mutations profondes que connaît la société française, en particulier celles engendrées par le vieillissement de la population et les transformations familiales (familles monoparentales, familles recomposées, etc.). Ces mutations ont eu pour conséquence de multiplier les besoins en logements. Le Plan de cohésion sociale a reconnu la nécessité d un rattrapage, en programmant la construction de 500 000 logements HLM (Habitation à loyer modéré) dans les cinq ans à venir. Mais des interrogations subsistent sur la part de construction de logements très sociaux (accessibles aux personnes à très faibles moyens financiers), sur le prix des logements, ou encore sur l ambition de mixité sociale, qu il s agisse des quartiers où se concentrent les plus démunis ou au contraire de ceux réservés aux plus riches. L expérience de la Fnars Les personnes que nous hébergeons sont les premières victimes de la crise du logement En période de pénurie sévère, les candidats au logement sont mis en concurrence et, bien sûr, ceux qui sont passés par nos centres sont rarement perçus par les bailleurs comme des «candidats idéals». Qu il s agisse d allocataires de minima sociaux, de «travailleurs pauvres», de mères seules se retrouvant brutalement à la rue avec leurs enfants, de personnes exposées à la prostitution, d étrangers en attente d un titre de séjour, de jeunes sans famille ou de familles aux parcours chaotiques, de personnes rencontrant des problèmes psychiatriques ou d addiction, d anciens prisonniers, pour tous ceux-ci, trouver un logement est en soi aujourd hui un «parcours du combattant». 10

La crise du logement et de l hébergement UNE CONCURRENCE ENTRE TOUS LES CANDIDATS «PRIORITAIRES» «Ce n est pas parce que les publics des Centres d hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), d autres dispositifs d hébergement ou de logement temporaire sont classés, par les articles du Code de la construction et de l habitation, en publics prioritaires que leur relogement en HLM est forcément plus facile. En effet, en pleine crise du logement social, la concurrence entre tous les candidats, plus prioritaires les uns que les autres, est aujourd hui exacerbée.» États généraux Fnars Nord-Pas-de-Calais Aujourd hui, l explosion du coût des loyers et des charges contraint certaines familles à s installer à la périphérie des villes, parfois très loin de leur lieu de travail, dans des quartiers ne disposant pas de services de proximité. Cela constitue un frein à l insertion sociale et professionnelle pour certains ménages. Ainsi en est-il de certaines femmes seules avec enfants qui ne peuvent accepter un emploi éloigné de leur domicile car cela implique des temps de transport trop longs et un coût trop élevé. De plus, elles ne trouvent pas de modes de garde pour leurs enfants. LES PLUS PAUVRES RENVOYÉS À LA PÉRIPHÉRIE DES VILLES «Les personnes se voient proposer un logement dont le loyer est compatible avec leurs ressources. Le prix du loyer est un facteur d orientation vers certains quartiers et entraîne un risque de ghettoïsation.» États généraux Fnars Bretagne «Les publics les plus défavorisés se trouvent souvent renvoyés en périphérie car l engorgement actuel des métropoles est trop fort. La région Rhône- Alpes n échappe pas à la règle : difficultés de relogement en centre ville, peu ou pas de logements disponibles et adaptés aux nouvelles structures familiales, coût élevé faisant exploser le budget des ménages. Ces familles sont contraintes de s éloigner des centres urbains et se voient proposer des appartements situés en zone péri urbaine, souvent mal desservie.» États généraux Fnars Rhône-Alpes 11

La crise du logement et de l hébergement De la crise du logement à la crise de l hébergement, une réaction en chaîne La vocation des lieux d accueil que nous gérons est d offrir un hébergement de plus ou moins longue durée aux personnes en situation précaire, avec l objectif ultime d accéder à un logement. Certains lieux répondent au drame de l urgence. D autres offrent un accueil plus long, qui peut s étendre au-delà d un an, permettant un accompagnement social dans la durée adapté aux besoins des personnes et des familles. On constate que le temps passé dans les centres d hébergement connaît une croissance constante dans de nombreuses régions. Cette tendance s explique par le fait que les personnes accueillies cumulent des difficultés multiples (logement, santé, emploi, maladies ) demandant une prise en charge plus longue. Mais elle est aussi la conséquence du manque de sortie possible vers le logement de droit commun. TROP PEU DE LOGEMENTS «TRÈS SOCIAUX» EN CONSTRUCTION «La ville d Annecy a construit en 2005 beaucoup de logements sociaux, 14482 demandeurs étaient en attente. Les chiffres indiquent que sur 1175 logements construits, la quasi-totalité l a été par des prêts locatifs sociaux : 574 l ont été par des financements PLUS (Programme locatif à utilité sociale) et 435 par des PLS (Prêt locatif social), qui se veulent être le «suprême» du social contre seulement 31 PLAI (Prêts locatifs aidés d intégration), qui restent aujourd hui les seuls véritables logements sociaux accessibles aux publics très défavorisés.» États généraux Fnars Rhône-Alpes Cette crise du logement paralyse l ensemble de la chaîne qui va de l hébergement d urgence au logement. Elle provoque un maintien dans les centres d hébergement de personnes qui devraient accéder au logement social ou au logement de droit commun et empêche l accès aux hébergements d insertion de ceux qui sont dans les centres d urgence. 12

La crise du logement et de l hébergement L ALLONGEMENT DES DURÉES DE SÉJOUR Aujourd hui, on constate un allongement des durées de séjour et de prise en charge (on passe de 12 mois en 2003 à 18 mois en moyenne en 2005 dans la région Rhône-Alpes). Le nombre de relogements baisse et la durée de séjour s allonge. On trouve ainsi une corrélation entre la pénurie de logements et la baisse de rotation sur le dispositif d hébergement. En amont, l attente pour entrer dans un centre d hébergement est difficile à vivre pour certaines familles et peut parfois contribuer à une accentuation de leurs difficultés. En témoignent l augmentation du recours aux listes d attente et l engorgement des dispositifs d hébergement. États généraux Fnars Rhône-Alpes L hébergement devient le logement des pauvres Longtemps, les CHRS ont accueilli essentiellement des personnes en situation d urgence sociale. Or, nous constatons depuis plusieurs années qu un nombre croissant de personnes sont hébergées dans nos centres alors qu elles ne devraient plus s y trouver. Elles y sont faute de mieux, faute d un vrai logement. Ces publics correspondent à 30 % des hébergements en CHRS 1. Il s agit de personnes qui ont rencontré des difficultés temporaires et qui ont eu besoin de soutien. Une fois leur autonomie retrouvée, elles sont prêtes à mener une vie en dehors du centre et n attendent qu un logement classique. Mais il y a aussi les autres, ceux qui sont là pour l unique raison qu ils ne trouvent pas de logement, à cause de leurs faibles ressources et de leur condition de «travailleur pauvre», ou encore après une rupture relationnelle, une séparation ou un divorce. Nombre de femmes avec enfants, bien insérées socialement, se retrouvent dans l incapacité de se loger dans le parc privé parce que leurs revenus sont trop faibles et qu elles sont en liste d attente pour accéder au parc HLM. Pour les personnes accueillies, l hébergement est en passe de devenir la seule perspective de logement. Il n est plus conçu comme une solution provisoire, mais comme la réponse à une pénurie, comme si le fait d avoir un toit devenait suffisant pour les plus démunis. 1. Chiffres tirés de l exposé des motifs du projet de loi de Cohésion sociale. 13

La crise du logement et de l hébergement Mais il y a plus grave. Depuis plusieurs années, une dérive s est opérée dans les discours des décideurs publics. L hébergement, auparavant lié à une situation d urgence sociale, est considéré comme le logement des plus pauvres. À titre d exemple, la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) comptabilise dans les logements locatifs sociaux les places en CHRS. Dans la même logique, le Plan de cohésion sociale intègre dans ses actions, pour résoudre la crise du logement, «le renforcement de l accueil et de l hébergement d urgence». Or, l hébergement n est pas un logement. Lorsqu on on est hébergé, on n est pas chez soi, même si l on dispose d un espace privatif. On n a pas de visibilité sur l avenir, on vit dans le provisoire. Le logement, c est beaucoup d autres choses. Pour les familles, c est le lieu de la durée, de l épanouissement et de la vie ensemble. C est aussi avoir un statut «comme les autres», payer un loyer «comme les autres», ne pas être identifiée comme «famille à problèmes». Tout le monde a besoin d un «chez-soi» pour vivre et faire des projets et, pour les publics fragilisés, l accès au logement est une condition de réussite de l insertion. Le logement est le lieu où la personne se sent bien, où elle reçoit sa famille, ses amis, un lieu de vie à partir duquel elle s intègre dans son quartier, elle tisse des liens. Cette crise discrédite le travail social Un temps d attente trop long joue contre l insertion. Lorsqu une assistante sociale a travaillé de longs mois avec une personne hébergée pour l aider à retrouver son autonomie et sa capacité de vie sociale, en abordant des problèmes très concrets (la nécessité de payer le loyer et les charges, de respecter des parties communes, d entretenir le logement), la personne vit comme un échec personnel le refus d un bailleur de lui attribuer un logement et le report du moment où elle pourra enfin s installer chez elle. Elle peut aussi se dire que les efforts consentis ont été vains. Cela peut générer une régression des publics accueillis alors qu ils sont prêts à intégrer un logement qui leur serait adapté. 14

La crise du logement et de l hébergement L ACCOMPAGNEMENT DANS L ATTENTE «L absence de logement remet en cause le travail social effectué et induit une nouvelle pratique du travailleur social : l accompagnement dans l attente, avec, comme effet pervers, le découragement des demandeurs. Ces derniers sont focalisés sur l absence de logement, ce qui rend difficile la prise en compte des autres chantiers sur lesquels il faudrait aussi travailler. Les contraintes de la vie en lieux d hébergement collectif, acceptables pendant six mois ou un an, deviennent insupportables sur le plus long terme. Certains se sentent considérés comme des citoyens de second rang. D autres, restés trop longtemps, finissent par être déstabilisés à l idée de quitter le centre. Une dépendance se crée.» États généraux Fnars Rhône-Alpes Les bailleurs pensent souvent que les familles hébergées sont forcément des familles «à problèmes» Quand l ensemble de la société jette un regard négatif sur les plus pauvres, les bailleurs le font aussi Qu ils soient publics ou privés, ils perçoivent souvent les personnes sortant des CHRS comme des «personnes à problèmes». Et peut-être davantage que les impayés de loyer, ce sont les problèmes de «comportement» qui sont pointés par les bailleurs HLM : le bruit, les actes de vandalisme dans les parties communes, les mauvaises relations de voisinage... En dehors du fait que ces publics sont minoritaires dans les CHRS, le travail d accompagnement social qui y est effectué est largement sous-estimé. Les familles ne sortent pas dans l état qui était le leur lorsqu elles sont arrivées. Elles ont fait l apprentissage des règles locatives, ont appris la façon de s approprier un logement et son environnement, de s intégrer dans un immeuble ou un quartier. Elles ont acquis une autonomie réelle. Et si les travailleurs sociaux soutiennent la demande de logement des personnes, c est parce qu ils estiment qu elles ont effectué un trajet individuel qui leur permet de s installer dans un logement classique. Trop souvent, les bailleurs n acceptent de reloger des personnes sortant de structures d hébergement qu en recourant au mécanisme de la souslocation. Alors que la sous-location a été conçue par les associations pour être un outil pédagogique et éducatif, une telle systématisation conduit les bailleurs à faire porter le risque locatif sur les associations. Il existe peu 15

La crise du logement et de l hébergement de garanties pour couvrir ce risque, à travers les FSL (Fonds de solidarité logement) ou, en Île-de-France, un fonds de sécurisation financé par le Conseil régional. DES BAILLEURS DE PLUS EN PLUS EXIGEANTS «D une manière générale, les bailleurs demandent de plus en plus de garanties. Cela peut aller jusqu à exiger un garant par personne occupant le logement... Et le contrat à durée indéterminée devient un sésame incontournable, alors qu on sait que de plus en plus de salariés enchaînent des contrats précaires. Des bailleurs privés évoquent actuellement la mise en place d une période d essai pour les locataires.» États généraux Fnars Centre «Les personnes en difficulté n accèdent que très difficilement au parc public faute d une offre suffisante et les loyers dans le parc privé sont devenus prohibitifs. Par ailleurs, le taux d effort des ménages augmente chaque année. La sélection des clients est de ce fait de plus en plus dure (conditions de revenus, caution, etc.) et pour eux l accès au logement se fait le plus souvent dans des appartements à la qualité dégradée, indignes voire insalubres.» États généraux Fnars Aquitaine «L impression générale est que, au-delà de la crise du logement, face à une loi qui a cherché certainement à juste titre une plus grande protection du locataire, tout se passe comme si les bailleurs cherchaient à se couvrir le plus possible par rapport à des candidats locataires sans passé locatif ou au passé locatif compliqué. Cela entraîne une augmentation des garanties demandées. Les associations accompagnent les personnes par de nouvelles pratiques pédagogiques (sous-location, bail glissant, etc.) ou le développement de nouveaux dispositifs dans le cadre des politiques sociales qui, du coup, permettent aux bailleurs potentiels de leur faire porter le risque. ( ) Une question peut finalement être posée : les associations auraient-elles vocation à devenir les gestionnaires d un tiers secteur du logement? Elles >>> 16

La crise du logement et de l hébergement <<< hébergent ou logent finalement les publics que par ailleurs personne ne veut réellement loger. Elles portent le risque, assurent l accompagnement, là où plus personne n intervient.» États généraux Fnars Poitou-Charentes «On assiste à une diversification des publics éloignés de l emploi : publics avec pathologies mentales, problèmes d alcool, jeunes diplômés en précarité ou en errance, familles monoparentales confrontées à des problèmes de garde d enfant, étrangers avec des diplômes non reconnus en France. Une partie des personnes en difficulté sont diplômées, mais ne trouvent pas d offre d insertion, ni de parcours vers l emploi qui correspondent à leurs attentes et à leurs besoins. Les travailleurs sociaux doivent faire face à des demandes pour lesquelles les réponses sont souvent insuffisantes ou n existent pas (financer le permis de conduire, trouver une formation linguistique, trouver des accueils pour les personnes alcooliques, etc.).» États généraux Fnars Île-de-France À AMIENS, UN PARTENARIAT BAILLEUR - ASSOCIATION REVITALISE UN QUARTIER «Il y a sept ans, l Office public d aménagement et de construction (Opac) d Amiens rencontrait de nombreux problèmes dans un quartier du nord de la ville : de nombreux logements étaient vacants, mais le quartier souffrait d une image très négative et peu de familles acceptaient d y être logées. Une action de médiation sociale a été mise en œuvre avec une association d insertion, l ADMI, qui a permis à des familles d accéder à un logement tout en bénéficiant d un accompagnement social. De son côté, l Opac a pu réhabiliter et louer ses appartements dans une zone sensible. Cette action a pu se faire grâce à un partenariat étroit entre tous les acteurs impliqués dans la politique de logement (ADMI, Opac, Conseil général, préfecture, CCAS [Centre communal d action sociale], assistants sociaux). >>> 17

La crise du logement et de l hébergement <<< Un comité de pilotage se réunit 3 ou 4 fois par an. Un comité technique valide les entrées ou non des familles dans ce dispositif de suivi et réalise une évaluation des sorties (qui? pourquoi? vers où?). La commission d attribution des logements tient généralement compte des avis du comité technique. Des rencontres systématiques avec les ménages à loger ont lieu. La famille s engage à suivre des objectifs d insertion en signant un contrat social avec l association. Il est prévu des échanges quotidiens entre les travailleurs sociaux, les conseillères sociales, les conseillères clientèles de l Opac, les agents techniques et les gardiens qui contribuent à la sérénité du quartier. Le médiateur social se rend souvent au domicile des familles suivies et peut repérer d éventuels problèmes à prendre en compte préventivement. Les ménages peuvent solliciter directement le médiateur qui est présent 4 jours par semaine dans le quartier. Le médiateur social constate un réel investissement de l Opac dans la réhabilitation du quartier, ce qui a contribué au changement de son image. Aujourd hui, de plus en plus de familles sollicitent un logement dans ce quartier. Ce ne sont plus seulement les services sociaux qui envoient les ménages. La coordination des efforts de l Opac et du travail social a permis de repeupler ce quartier, d y apporter tranquillité et sécurité.» États généraux Fnars Picardie Si l on prend l ensemble des coûts consécutifs à une expulsion, on s aperçoit qu un accompagnement social lourd reviendrait souvent moins cher. Dans la région du Nord-Pas-de-Calais, une famille expulsée de son logement a été hébergée et ses enfants placés. Le coût en a été de 90 000 pour 12 mois. Un maintien dans le logement avec un accompagnement social intensif n aurait pas dépassé les 10 000. Des observatoires pour construire une politique du logement Les politiques du logement et de l hébergement sont territorialisées. La responsabilité de leur élaboration et de leur mise en œuvre revient désormais 18

La crise du logement et de l hébergement à la fois aux collectivités locales et à l Etat. Au plus près des décideurs, elles doivent avoir le souci de répondre aux besoins en logement de l ensemble des ménages, y compris ceux hébergés dans des structures. Pour cela, elles doivent reposer sur une observation fine de ces besoins. DE L UTILITÉ D UN OBSERVATOIRE LOGEMENT «La Fnars Nord-Pas-de-Calais entretient depuis longtemps de bonnes relations avec les partenaires locaux qui suivent la question du logement des plus démunis. Mais, pendant des années, cette écoute déboucha sur peu de choses. Il était rarement donné suites à nos projets de travail en commun. Nos propositions sur le développement de l offre de logement à l attention des hébergés en structures d accueil restaient lettre morte. En effet, quand arrivait la question de la quantification des besoins, nous devenions évasifs Bien sûr le besoin existait, mais combien? Impossible de répondre. En 2003, nous avons décidé de mesurer en créant un observatoire. Il s agissait, à un moment T (deux fois dans l année : au 30 juin et au 31 décembre), de faire une photographie des besoins en logement des personnes hébergées ou accueillies par les associations. Nous avons présenté nos premiers résultats à la CUDL (Communauté urbaine de Lille) dans le cadre de la préparation du PLH (Plan local de l habitat). Nous sommes parvenus ainsi à faire reconnaître les besoins et à faire spécifier une offre correspondante avec les moyens nécessaires. Nous avons également présenté cet outil à l association régionale HLM et l avons comparé à son propre observatoire. Cela nous a permis de travailler sur des projets en lien avec le développement de l offre de logements mais aussi sur des thématiques plus spécifiques comme les publics en difficultés psychiatriques. Nos données ont été confirmées par un travail avec la Direction départementale de l action sanitaire et sociale (Ddass) et la Direction départementale de l équipement (DDE) du Nord sur le besoin de familles hébergées en capacité d accéder au logement autonome. Cet observatoire a notamment permis de mieux mettre en évidence la difficulté de reloger les grandes familles (4 enfants et plus), les durées d hébergement étant pour certaines d entre elles supérieures à 4 ans. Il a également permis de >>> 19

La crise du logement et de l hébergement <<< quantifier la présence de travailleurs pauvres dans les structures d hébergement et de logement temporaire : ils représentent plus de 20 % des hébergés au 30 juin 2005!» États généraux Fnars Nord-Pas-de-Calais Une surenchère législative créant des outils qui sont peu mis en œuvre Depuis près de 20 ans, nombreuses sont les lois qui ont créé de multiples dispositifs visant à maintenir ou ramener les personnes défavorisées dans le logement, au plus près du droit commun. Mais la plupart de ces outils ne sont pas mis en œuvre ou fonctionnent mal pour des raisons politiques. Ainsi, peu de commissions de médiation pourtant prévues par la loi de lutte contre les exclusions de 1998 ont été mises en place. De même, le dispositif de prévention des expulsions, qui visait à passer d une logique d ordre public à une logique de traitement social et préventif de l expulsion, n a pas empêché l accroissement des expulsions locatives. Cela est dû en particulier à un manque de coordination des acteurs et à l insuffisance des moyens de l accompagnement social. Pour être innovant aujourd hui, il suffirait peut-être tout simplement de mettre en œuvre les dispositions légales prévues dans certains textes Orientations Un objectif à se fixer : un logement pour tous Les adhérents de la Fnars observent chaque jour dans leurs centres combien la question du logement est centrale dans la mise en œuvre des processus d exclusion. Pour contrer ce mouvement qui la disloque, la société française doit fournir un formidable effort en matière de logement. Si les acteurs politiques ont enfin pris la mesure de la crise du logement, en accroissant l effort financier national, ils situent toujours leur action dans une logique de moyens (quels engagements financiers? quel nombre de logements livrés?). Mais la crise du logement ne sera pas résorbée durablement par un effort supplémentaire, aussi important soit-il. Le 20