L'ARCHIVAGE ELECTRONIQUE : PRINCIPES, PROMESSES ET PIEGES



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Transcription:

L'ARCHIVAGE ELECTRONIQUE : PRINCIPES, PROMESSES ET PIEGES 1) PRINCIPES 1.1 Deux questions Une des questions que se pose l'archiviste confronté à des documents électroniques est de savoir si ce nouveau type de document doit l'amener à réviser plus ou moins complètement les principes de l'archivistique. On peut formuler une question voisine mais plus concrète en se demandant si les particularités propres au document électronique nécessitent de recourir à une méthode spéciale pour le conserver. Ce sont ces deux questions que je vais brièvement évoquer dans cette première partie de mon propos. 1.2 Conserver un objet numérique Archiver un document numérique signifie conserver un objet numérique. Un objet numérique présente des caractéristiques particulières qui ont des conséquences sur la façon de le conserver. Traditionnellement, les archivistes conservent des documents qui se présentent sous la forme d'informations indissociables d'un support physique (papier, parchemin etc.). La conservation matérielle de ces documents se ramène donc à la conservation des supports physiques. Il n'en va pas ainsi avec les documents électroniques qui permettent au contraire la dissociation de l'information et de son support. En fait, un objet numérique est un composé de trois notions, habituellement intimement liées, et que l'informatique dissocie : l'information, sa structure et son support 1.3 La triade information, structure, support 1

En d'autres termes, il faut distinguer : - le concept; - la représentation de ce concept; - l'inscription du concept sur un support physique; Par exemple, une lettre contient des idées ou des informations (des concepts), celles-ci sont exprimées (représentées) dans une langue donnée (français, anglais, chinois, etc.) en utilisant une écriture particulière (latine, arabe, cyrillique, etc.) et le tout est inscrit sur un support (papier, parchemin, etc.). Dans un environnement traditionnel ces trois aspects sont indissociables. La technique informatique permet de les séparer en autant d'objets différents. Un objet numérique comprend donc en fait trois objets : - objet conceptuel - objet logique - objet physique Pour reprendre l'exemple de la lettre déjà évoqué, mais cette fois sous forme électronique, un courrier électronique est d'abord un message (objet conceptuel). C'est aussi un flux binaire inscrit sur des supports informatiques (objet physique) et c'est enfin un fichier informatique structuré selon des règles précises, celles du logiciel utilisé pour créer et exploiter ce courrier (objet logique). Or ces trois objets sont non seulement séparés mais aussi substantiellement différents et relativement autonomes les uns par rapport aux autres. Ainsi, un seul fichier logique peut parfaitement être stocké dans plusieurs fichiers physiques; de même ce que nous (opérateurs humains) appréhendons comme une seule entité conceptuelle peut être divisé, pour les besoins du traitement par l'ordinateur, en plusieurs fichiers logiques. 1.4 Conséquences pour la conservation En conservant un objet numérique, on souhaite, en fait, conserver le concept (ou l'information) qu'il contient. Cela signifie-t-il qu'il faille, pour atteindre ce but, conserver les objets logiques et physiques correspondants? 2

La réponse qui vient naturellement à l'esprit est "oui, bien sûr". Elle n'est pourtant pas adaptée à l'environnement numérique. En fait, cette réponse est le fruit d'une habitude, liée à l'environnement traditionnel dans lequel les trois aspects sont indissolublement combinés en un objet unique, le document. Mais, dès lors que, dans le monde numérique, un même concept peut avoir plusieurs représentations distinctes mais équivalentes, il n'y a aucune raison de s'astreindre à les conserver toutes. Je n'entrerai pas ici dans le détail des méthodes de conservation qui découlent de cette constatation, puisque ce sera l'essentiel de nos débats d'aujourd'hui. 1.5 Evolution ou révolution archivistique? La spécificité des objets numériques entraîne-t-elle une rupture avec les principes cardinaux de l'archivistique? Je dirai d'emblée que s'il y a bien évolution de ces principes, il n'y a pas de rupture radicale. Ainsi le respect des fonds s'applique aussi aux documents électroniques. C'est une notion fondamentalement indépendante du support et de la forme matérielle des documents. On peut même soutenir que, loin de causer une rupture, l'archivage des documents électroniques nous amène à une application plus rigoureuse de nos principes : par exemple en mettant l'accent sur l'importance de l'action en amont de l'archiviste (auprès des producteurs de données numériques), ou en développant la notion de métadonnées (qu'est-ce qu'un instrument de recherche archivistique sinon un ensemble structuré de métadonnées relatives à un fonds d'archives?). Pour autant, il y a bien des évolutions dans la théorie archivistique. D'abord l'affaiblissement (je ne dis pas disparition) de la notion de document. Dans le monde numérique, dont on a vu qu'il dissociait les trois composantes du document, l'unité de base est plutôt l'information que le document. Parallèlement, on constate que la théorie des trois âges s'applique moins aisément aux documents électroniques, par essence très évolutifs. On parle plutôt de cycle de vie du document en insistant plus sur la continuité du processus que sur ses étapes ; mais cette évolution n'est pas spécifique au document électronique. 2) PROMESSES 3

L'archivage électronique est parfois présenté comme une solution (quasi miraculeuse) à des problèmes traditionnels de l'archiviste : manque d'espace, explosion de la masse documentaire, difficultés de l'évaluation et des tris, etc. Qu'en est-il exactement et peut-on vraiment dire que l'archivage électronique est la " terre promise " de l'archiviste moderne? 2.1 La fin du problème de l'espace? L'évolution des supports informatiques va clairement dans le sens d'une densité toujours plus grande. Cela s'applique d'ailleurs aussi aux supports d'informations qui ont précédé l'informatique : de la pierre taillée au manuscrit, du manuscrit à l'imprimé, de l'imprimé à la microforme, la quantité d'informations inscrites dans un même volume est croissante. L'électronique apporte un effet multiplicateur considérable qui permet de penser que la question de l'espace de stockage, parfois si aiguë pour l'archiviste, est définitivement réglée. Mais ce succès comporte un revers : la densité croit, mais aussi, la fragilité : les inscriptions lapidaires de l'antiquité sont toujours lisibles deux mille ans plus tard ; les " cuvettes " d'un CD durent tout au plus une dizaine d'années. En outre, plus un support contient d'informations, plus sa perte sera sensible. 2.2 La fin du tri? Si l'espace de stockage est virtuellement illimité, pourquoi ne pas tout conserver? Cette question volontairement provocante recouvre en réalité deux problèmes distincts. Une politique d'évaluation de ce qui mérite d'être conservé a-t-elle un sens appliquée aux archives électroniques? Ma réponse est oui, car si l'archiviste choisit de conserver ceci et pas cela, ce n'est pas seulement parce que ses capacités de stockage physique sont limitées (limitations qui disparaîtrait avec l'électronique) mais c'est aussi, et peut-être surtout, parce que les capacités humaines d'exploitation des archives sont, par nature, limitées. Seconde question : si un tri est toujours nécessaire, ne peut-on cependant envisager qu'il soit moins sévère, bref, que l'on conserve plus? Là aussi ma réponse est positive, et c'est un des apports de l'archivage électronique. Un bon exemple de cela est donné par les bulletins 4

individuels de recensement. Sous leur forme papier, on n'en conserve qu'un échantillon ; la version électronique, elle, est conservée intégralement. Bref, l'archivage électronique modifie nos pratiques de tri, les assouplit, mais ne les supprime pas. 2.3 L'archivage automatisé? La puissance de traitement de l'informatique a conduit certains à penser, qu'appliquée à l'archivage, elle permettrait d'automatiser ce processus comme cela s'est vu pour d'autres tâches du même ordre. Et puisqu'il s'agit d'archiver des documents électroniques cette possibilité d'automatisation pourrait même aller plus loin encore, l'objet traité étant lui-même le produit d'un traitement automatisé. On peut envisager, par exemple, le transfert automatique de documents du service producteur vers le service d'archives, ce transfert étant accompagné de la génération, elle aussi automatique, des métadonnées nécessaires et donc, de l'instrument de recherche habituel. Le vieux rêve de l'archiviste - des archives qui se créent, s'organisent et " se versent " toutes seules, dûment décrites - serait-il sur le point de se réaliser? Bien sûr, je caricature. Personne ne promet que l'archivage électronique puisse aboutir à ce résultat. Mais on estime généralement qu'une grande part d'automatisation sera introduite dans le processus d'archivage, ce qui le facilitera grandement. Je pense qu'il faut être nuancé sur ce point. L'archivage électronique comporte naturellement une grande part de processus automatiques ; c'est même une des conditions de son succès, dans la mesure où il doit être capable de traiter une masse importante de données (en d'autres termes il doit être " industriel "). Mais ces processus automatiques seront toujours encadrés par des points de contrôle ou d'intervention humains. 5

Pour conclure cette partie de mon propos, je dirai que si l'archivage électronique apporte de nouvelles solutions à d'anciens problèmes, il ne les supprime pas. 3) PIEGES : IDEES RECUES ET DIFFICULTES Pour finir, voyons quelques idées fausses qui traînent encore sur l'archivage électronique et essayons d'identifier quelques unes de ses difficultés réelles. 3.1 Les deux sœurs ennemies : "c'est impossible" et "c'est facile" Le discours ambiant sur l'archivage électronique oscille souvent entre deux positions contradictoires. Pour la première, il s'agit d'une entreprise impossible, vouée à l'échec. Et il est certain que lorsque l'on a été confronté à l'impossibilité de relire un texte vieux de quatre ou cinq ans, pieusement conservé sur une disquette, on peut avoir des raisons d'être sceptique. Il ne faut pas se dissimuler que l'archivage électronique repose en partie sur un pari sur l'avenir. Mais je suis convaincu que ce pari n'est pas plus risqué que celui qu'on fait nos prédécesseurs confrontés au passage du parchemin au papier, ou, plus tard, du papier au papier industriel. Les archives des sociétés anciennes ont subi l'épreuve des incendies ; celles de la société de l'information connaîtront les pertes dues aux " bugs ", mais il n'y a aucune raison d'imaginer que les secondes seront plus irrémédiables que les premières, sauf à penser que la société tout entière y succombera, mais dans ce cas il n'y a rien à faire...au demeurant, l'archiviste n'a pas le choix : si la société produit des documents électroniques il doit les archiver. Personne n'imagine que l'archiviste dicte à ses contemporains le choix de leurs moyens de communication, et il n'a jamais rempli ce rôle dans le passé. A l'opposé, on présente parfois l'archivage électronique comme une tâche facile à accomplir, en tout cas plus facile et moins coûteuse que l'archivage traditionnel. Cette idée est souvent répandue chez les décideurs qui voient là l'occasion tant attendue de faire plus pour moins cher (et, en prime, c'est moderne). C'est évidemment une illusion et il faut rappeler que l'archivage électronique suppose des moyens spécifiques qui sont à la fois techniques 6

(logiciels, matériels, support de stockage), et humains (archivistes et informaticiens) ; à quoi il faut ajouter un effort de recherche permanent (veille technologique). 3.2 Une affaire de spécialistes? Autre idée reçue, l'archivage électronique serait l'affaire de spécialistes. Par spécialistes on entend à la fois des techniciens de l'informatique et des archivistes spécialisés dans le domaine, les premiers, pouvant, dans certaines variantes de ce discours, se substituer entièrement aux seconds. Que l'archivage électronique réclame des compétences spécialisés, c'est certain. Mais il ne s'ensuit pas pour autant qu'il doive être réservé à des spécialistes. En ce qui concerne les archivistes, ceux-ci doivent bien se convaincre qu'il s'agit d'une question qui concerne toute la profession. Les archives contemporaines seront de plus en souvent des archives électroniques. L'archiviste contemporain doit donc être capable de les traiter. Ceci ne signifie pas qu'ils doivent se transformer en informaticien. Ils doivent en revanche acquérir une culture technique suffisante pour dialoguer avec les informaticiens et conduire le processus d'archivage dont ils sont, et eux seuls, les responsables ultimes. Pour prendre une image, il n'est pas nécessaire, pour conduire une voiture, d'être mécanicien automobile, mais quelques notions de mécaniques sont utiles pour parler avec son garagiste ou choisir son futur véhicule... 3.3 Les défis actuels. Pour finir ce propos liminaire, je voudrai indiquer quelques uns des chantiers actuels de l'archivage électronique. Mon énumération sera nécessairement subjective et incomplète, mais je la crois représentative. - La signature électronique (sécurisée ou non) qui fait, en ce moment, couler beaucoup d'encre. On peut généraliser le problème en s'interrogeant sur la notion d'authenticité électronique. 7

- La conservation d'objets numériques particulièrement "évanescents ", tels que les sites internet ou les plans créés par ordinateur. - Le développement de l'administration électronique et ses conséquences pour les responsables d'archives publiques ; je citerai, à titre d'exemple, l'apparition de fichiers centralisés au niveau national (minutier électronique, état civil, etc ;), dont l'équivalent papier n'existe qu'au niveau local ce qui pose la question de l'organisation territoriale de l'archivage électronique. - Et, plus généralement, la question centrale, à mes yeux, du financement de l'archivage électronique, ou pour le dire autrement, de l'effort financier que la société moderne, qui a fait le choix de l'informatisation, est prête à consentir pour assumer les conséquences archivistiques de ce choix. Joël Poivre, conservateur en chef, Minutier central des notaires de Paris Centre historique des Archives nationales décembre 2004 8